Chapitre 24
Hey tout le monde, avant de lire mon chapitre, pourriez-vous me donner votre avis sur ce poème que j'ai écrit ci-dessous ? Il n'est pas en rapport avec la fiction mais avec les événements traumatisants qui ont envahis Paris vendredi. Dites-moi ce que vous en pensez, merci ! Et bonne lecture !
« Les cris les blessés et les morts,
Ce pays qui doit être fort,
Hier, dans les rues de Paris,
Plein de gens ont perdu la vie.
Cris des victimes, des familles,
Cris de la peur, cris de douleur,
Certains ne trouvent plus leur fille,
Leur père et leur frère et leur soeur.
Les larmes forment un long flot,
Où se déverse le malheur,
Et la tristesse et la terreur,
Effaçant presque tous les mots.
La capitale ensanglantée,
Lève son poing déterminé,
" Nous ne baisserons pas les bras "
La France est libre et se relève,
L'égalité brandit son glaive,
Et sa fraternité vaincra ! »
Voilà ! Bon, maintenant je ne vous embête plus, bon chapitre ! ;)
- Je vais donc vous dire quels vont être vos projets. Commençons par l'écrit : comme nous avons parlé de la tragédie de Andromaque, je voudrais qu'à votre tour vous écriviez un texte en vous mettant dans la tête d'Hermione : je développe. Dans l'acte V, scène 1, Hermione nous fait part de son malheur, dû au dilemme terrible dont elle est victime. Je voudrais que vous réécriviez ce passage, mais à la manière d'un roman, c'est à dire que le texte ne devra pas être une longue tirade, comme l'original, cela devra-t-être une pensée. Elle devra donc être formulée en prose et non plus en vers. Il faudra ainsi faire transparaître dans votre texte des sentiments forts et noirs : du désespoir, du chagrin, de la colère... Vous devrez aussi mettre un paysage à votre passage : n'étant plus une réplique théâtrale, il faut décrire la scène où se trouve le personnage. Vous pourriez par exemple utiliser vos connaissances de l'an passé avec le paysage état d'âme. Je précise que c'est un conseil et que vous n'êtes pas du tout obligés d'utiliser cette technique. Donc voilà tout pour votre premier devoir. Avez-vous des questions ?
Plusieurs mains se levèrent. Moi, je restais silencieuse. J'étais heureuse, très heureuse. J'adorais les exercices de rédaction et de plus, parler de sentiments forts me plaisait beaucoup.
J'avais hâte de mettre ce travail en œuvre. Je savais que mettre en page un texte que plus tard, j'accepterais avoir réussi, ne serait pas tâche facile : je n'étais jamais satisfaite de mon travail, aussi bon soit-il... Mais j'aimais écrire et je restais optimiste quant à l'idée de décrocher une bonne note tout en m'amusant.
Les questions fusèrent dans la pièce et je ne pouvais m'empêcher de grimacer : je voulais maintenant lever le voile sur le mystère que formait la tâche orale. Cependant, avec toutes ces interrogations le temps passait et aucune révélation ne nous était donnée. Je n'étais vraiment pas du genre patiente et cette attente me contrariait au plus haut point.
Sans trop savoir pourquoi, mon attention fut de nouveau centrée sur le latino qui se trouvait à l'autre bout de la salle. Il semblait perdu dans ses pensées et c'était la première fois que je le voyais dans cet état : il paraissait être réellement intéressé par le cours ! C'était tellement inhabituel ! Je ne l'avais jamais vu si concentré... Aimait-il écrire ? Partagions nous une même passion ? Cela me semblait si étrange ! Au final, si j'y réfléchissais, Jeff et moi ne nous connaissions pas. Je ne comprenais pas la raison qui nous poussait à nous embrasser...
Après tout, je n'avais aucune idée de qui il était et inversement. La seule chose qui me procurait cette envie de le toucher venait de mon attirance. Je ne ressentais pas d'amour envers lui, seulement une attraction extrêmement puissante. C'était tellement inconcevable cette idée d'apprécier une personne au premier regard ! Je n'avais jamais embrassé de garçon au bout d'une semaine, je n'avais jamais embrassé d'inconnu ! Peut être que pour lui c'était normal de mettre une étrangère dans son lit, mais avec moi c'était tout simplement inimaginable.
Pour plusieurs raisons d'ailleurs : premièrement, j'étais vierge, deuxièmement, j'étais réservée et troisièmement, j'avais peur.
Les relations amoureuses elles-mêmes m'effrayaient déjà pas mal alors un coup d'un soir, très peu pour moi. C'était donc pour cela que cette situation était aussi illogique et étrange, en temps normal jamais je n'aurais agis de cette façon ! Je ne me reconnaissais pas.
Ce fut à cette réflexion perturbante que je décidai d'arrêter toute cette liaison ambigüe que je partageais avec Jeff : je ne pouvais pas continuer ainsi. J'allais souffrir énormément. Je savais déjà le fin mot de l'histoire : la pauvre Avri repartait en pleurant dans son pays natal, laissant derrière elle sa fierté, son intégrité, sa dignité et surtout, sa virginité. Il était hors de question que ce dénouement macabre se produise. Pour cela, je devais oublier ce p*tain de Don Juan.
En reportant mon attention vers le cours, je sentis un énorme poids quitter et libérer mes épaules : je m'étais enfin réveillée, j'avais pris pleinement conscience de ma faiblesse et j'avais agis en conséquence. Je devais juste l'oublier, ce qui allait être simple vu que je ne le connaissais pas. Oui, ça allait être facile.
Enfin, j'espérais que je ne me voilais pas une nouvelle fois la face...
- Pour le sujet oral, nous allons mettre en place une pièce de théâtre !
Un vomis mentale inonda mon cerveau. Une pièce de théâtre ? Je détestais parler en public, j'avais horreur d'être le centre de l'attention et le pire, c'était mon incapacité à ne pas rigoler.
– Yes ! S'écria une voix que je ne connaissais que trop bien au fin fond de la classe.
Je pivotais vers le garçon que je m'étais promis d'oublier et découvrais sa figure réjouit. Apparemment nous possédions de grosses différences. Néanmoins cela ne m'étonnais pas que ce Bad boy aime tellement la comédie : il avait ce charisme qui rendait son hobby prévisible. Je me tournais de nouveau vers la prof, attendant avec une angoisse redoublée le nom de cette fameuse pièce.
– Et comme nous avons parlé de la tragédie toute la séquence, nous allons nous en tenir à ce thème. Les auditions se feront toute la semaine prochaine, en salle 203. Il y aura sûrement plusieurs passages et je vais vous donner à tous le même texte de façon à voir quel est votre jeu d'acteur. Je vous attribuerais ensuite à chacun des rôles et vous auditionnerez pour ceux-ci. À présent, je vais vous donner le nom de l'histoire. Vous allez devoir interpréter...
Avant même qu'elle ne prononce le titre, je me persuadais que de toute façon je ne jouerais pas cette pièce : j'allais interpréter un rôle minime si ce n'est pas carrément une figuration. J'étais trop peu talentueuse pour espérer décrocher un personnage principal, et j'étais trop timide pour ne serait-ce qu'essayer.
– Antigone d'Anouilh.
Un flot d'émotions contradictoires se déversa instantanément dans ma poitrine : j'adorais cette histoire. Le personnage d'Antigone me parlait beaucoup, c'était une jeune femme courageuse et intelligente. Une rebelle intrépide, une battante hardie.
Elle représentait tout ce que je rêvais d'être : une insoumise amoureuse pleine de vaillance. C'était l'histoire d'une femme qui, après avoir vu ses deux frères se faire aveugler par la cupidité et s'entretuer pour un trône qu'ils ne purent finalement jamais posséder, décida d'enterrer son frère ( Polynice ) toute seule puisque son oncle ( Créon ) qui se retrouvait roi par la force des évènements, avait ordonné à tout le royaume de n'offrir une sépulture qu'à son premier frère ( Étéocle ) , l'autre étant considéré comme un renégat. Cette interdiction n'était qu'une excuse pour effrayer le peuple tout entier et de cette façon refréner l'ardeur de ceux qui voulaient s'emparer du trône. Cette manœuvre était d'une sauvagerie sans nom : le corps de Polynice moisissait devant le palais et personne ne pouvait l'enterrer ce qui à cette époque, voulait dire qu'il ne trouverait jamais le repos éternel. Pourtant, malgré la terreur qu'inspirait son oncle à tout le monde, Antigone s'était rendue plusieurs fois auprès du corps pour essayer de le recouvrir de terre. Malheureusement, un garde l'avait surprise et après maintes et maintes tentatives de fourvoiements de la part du monarque cruel, la jeune fille n'ayant pas cédé avait finit exécutée. On avait retrouvé le corps de son bien-aimé Hémon à ses côtés.
Il fallait avouer que cette histoire était macabre, mais n'était-ce pas le cas de toutes les tragédies ? Ne représentaient-elles pas des situations qui provoquaient l'apitoiement ? N'était-ce pas écrit dans cet objectif précis ? Après tout, si on en revenait à l'antiquité, ne trouvions-nous pas le principe même de la Catharsis ? Ce terme qui signifiait la purification : Aristote disait qu'il n'y avait rien de mieux que de purger ses mauvais sentiments grâce à la dramaturgie. L'idée était que dans une pièce de théâtre, l'on nous faisait ressentir toutes les pulsions honteuses et que de cette façon, à la fin des représentations, nos esprits étaient purifiés. Ce concept était – du moins, je trouvais – une image plutôt amusante et très intéressante...
– Je vais donc vous donner le monologue de la scène que vous devrez interpréter, continua notre professeur – perçant ainsi la bulle qui s'était formée autour de mon entourage.
Elle passa dans les rangs, déposant sur la table de chaque élèves le fameux extrait.
Elle parcourait son trajet tandis que je l'observais, distraite par toutes mes questions existentielles. Finalement, elle arriva devant moi et me donna le papier. Je l'attrapais délicatement, comme s'il était sacré. Je sentais la douceur de la feuille sous la pulpe de mes doigts. Je sentais que sous mes phalanges se cachait un texte que j'allais être obligée au moins une fois de réciter devant des professeurs. Je sentais le relief discret de l'encre qui illustrait les milles mots parsemant la page. Dans une ardeur momentanée, je tournais violemment la feuille avec un bruit sec et découvrais le passage, abasourdie par la petitesse du texte.
C'était en fait une toute petite tirade qu'Antigone récitait. Je me plongeais alors rapidement dans la lecture de cette œuvre :
« ANTIGONE
Oui, je suis laide ! C'est ignoble, n'est-ce pas, ces cris, ces sursauts, cette lutte de chiffonniers. Papa n'est devenu beau qu'après, quand il a été bien sûr, enfin, qu'il avait tué son père, que c'était bien avec sa mère qu'il avait couché, et que rien , plus rien ne pouvait le sauver. Alors, il s'est calmé tout d'un coup, il a eu comme un sourire, et il est devenu beau. C'était fini. Il n'a plus eu qu'à fermer les yeux pour ne plus vous voir. Ah ! vos têtes, vos pauvres têtes de candidats au bonheur ! C'est vous qui êtes laids, même les plus beaux. Vous avez tous quelque chose de laid au coin de l'oeil ou de la bouche. Tu l'as bien dit tout à l'heure, Créon, la cuisine. Vous avez des têtes de cuisiniers ! »
C'était magnifique, que dire de plus ? On y trouvait une leçon de vie particulièrement pertinente. J'avais déjà envie de la lire à voix haute, juste pour pouvoir goûter au raffinement qu'avaient ces phrases, juste pour me délecter de la saveur du sens que possédaient ces mots.
Pourtant, je savais que la semaine prochaine, lorsque je me retrouverais devant le jury, je raterais entièrement la scène. Je n'étais pas faite pour être comédienne voilà tout. À l'école, en France, j'avais participé à des spectacles dans le genre. Au début, lors des premiers projets, je me présentais toujours pour le rôle principale. Mais les castings avaient passé et je m'étais peu à peu rendue compte que l'on me reléguait toujours à l'arrière plan. J'en avais donc conclus que je n'avais pas de talent...
La seule grande différence entre les représentations du passé et celle de maintenant, était mon intérêt redoublé pour le texte. Auparavant, les pièces qu'on devait jouer ne me passionnaient pas du tout, alors que Antigone, j'adorais.
Jamais je n'aurais cru un jour pouvoir tenter ma chance pour incarner un rôle si resplendissant ! À présent, j'éprouvais la curieuse envie de vraiment me prêter au jeu. Je n'espérais évidemment pas interpréter Antigone elle-même, mais pourquoi pas sa sœur Ismène ? Pourquoi pas me mettre dans la peau d'un personnage qui récitait plus d'une phrase ? Au lieu de jouer de la figuration je pourrais viser plus haut, décrocher un vrai rôle ! Alors que je commençais à m'enflammer quant à cette idée de pour une fois m'imposer, Mme Chalenais nous rappela :
– Comme vous interpréterez tous le même texte, ce seront les jurys – dont moi – qui détermineront pour quels personnages vous devez réellement auditionner. Vous ne serez donc pas maîtres de vos choix et je sais que cela peut déplaire à certains. Mais s'il vous plaît, même si nous vous attribuons un rôle qui ne vous plaît pas, faites l'effort d'essayer. Nous mobilisons beaucoup de notre temps pour la mise en œuvre de ce spectacle et vous vous devez d'accepter nos suggestions, ne serait-ce que par politesse.
La classe hocha la tête dans un mouvement synchronisé, tel une petite chorégraphie artistique de visages témoignant leur respect. Cependant je n'étais pas satisfaite du tout. Il était vrai que cette enseignante était adorable et que son dévouement pour la réalisation de cette pièce théâtrale était magnifique, néanmoins si je les laissais faire leur choix, les jurys ne me laisseraient aucune chance et je me retrouverais de suite en servante qui ne faisait qu'apporter un message, restant sur scène pas plus d'une seconde et demie. Il fallait que j'aille parler à la prof à la fin de l'heure.
Je lui expliquerais de cette façon ma convoitise acharnée pour interpréter le rôle de la sœur. Peut être accepterait-elle de cette façon de me faire un traitement de faveur, qui sait ? J'acquiesçais, me répondant à moi-même.
Le cours passa pendant que la professeur continuait de nous expliquer tout ce que nous avions à savoir sur nos contrôles. Puis la cloche sonna et je me levais lentement, ressentant une angoisse sourde au fond de mon ventre à l'idée de ce que je devais demander à la prof. Comment réagirait-elle ? Après tout j'étais une bonne élève, pourquoi refuserait-elle ma proposition ?
Je rangeais minutieusement mes affaires dans mon sac, attendant que tous les étudiants de la classe soient finalement partis. Une fois seule, j'enfilais la bretelle de mon Eastpack et allais à la rencontre de Mme Chalenais. Celle-ci semblait avoir comprit depuis un bon bout de temps que je comptais lui parler en privé.
Elle était assise à son bureau, concentrée sur son ordinateur. Alors que je m'approchais elle finit par couper le silence :
– Que voulez-vous Mlle Taylor ?
Sans pouvoir m'en empêcher, je rougissais et baissais la tête au vu de la demande que j'allais lui réclamer.
– Je... J'aimerais jouer le rôle de Ismène... Cela me plairait énormément s'il vous plaît...
La professeur leva les yeux de son Macbook et me fixa intensément, d'un regard de glace qui refroidit tout mon corps en moins d'un quart de seconde.
– Pourquoi me dites-vous cela ? Reprit-elle ;
– Eh bien... je m'arrêtais, recherchant avec méticulosité les mots que j'allais employer par la suite. Je voulais vous demander s'il était possible de me placer directement à l'audition de Ismène, sans passer par la première étape...
L'institutrice soupira bruyamment puis me lança de nouveau ce regard froid, ankylosant une grande partie de mes muscles déjà affaiblis par la faim qui les tiraillait – après tout il était 13:30 maintenant...
– Avez-vous écouté ce que j'ai dit tout à l'heure ? Vous êtes obligée d'aller passer la première audition et ce seront les jurys qui détermineront votre rôle, il n'y pas de favoritisme dans ma classe.
Je manquais de m'étouffer sur ses dernières paroles : « du favoritisme » ? Mais je ne lui avais jamais demandé de faire preuve de favoritisme ! J'avais juste réclamé me retrouver subito presto au casting de Ismène, je voulais tout de même passer l'audition ! Ce n'était pas comme si j'avais ordonné qu'elle m'attribue le rôle de Ismène sans avoir travaillé !
Une légère colère monta dans ma gorge mais je la ravalais.
– Je comprends. Merci de m'avoir écouté tout de même, récitai-je, plaquant mon sourire le plus hargneux sur ma bouche.
Elle n'y fit pas attention et retourna à ses occupations, oubliant apparemment tout ce que je lui avais dit. Je quittais la pièce, vaguement énervée, puis me dirigeais vers la cantine, sentant la faim me retourner l'estomac.
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