Chapitre 23
Une fois à l'extérieur, je ne pus réfréner mon sourire victorieux. J'avais réussi! Et de ce fait, j'avais enfin une pause, je pouvais souffler et me dire que pour l'instant, je n'avais plus aucune obligation primordiale.
Hélas, j'avais pertinemment conscience que la journée était loin d'être terminée et que je n'étais pas au bout de mes surprises. Je n'avais certainement pas oublié que je devais des explications à beaucoup de monde et que toutes devraient coordonner entre elles puisque mes amis se parlaient et qu'en conséquent, si une de mes tromperies ne correspondait pas, je serais immédiatement démasquée.
Je m'avançais alors vers mon prochain cours – que j'avais seulement en commun avec Kelly – et m'apprêtais d'avance à la situation gênante que j'allais endurer comme celle-ci ne me parlait plus. En passant dans les couloirs, ma joue commença à me démanger et je me souvenais alors de mon égratignure. Je décidais donc de me diriger d'abord vers les toilettes pour au moins minimiser les dégâts et ne pas risquer d'attirer d'autant plus l'attention avec le sang qui devait maculer ma plaie.
Je marchais rapidement et rentrais dans les WC qui – à mon grand soulagement – étaient vides. Je m'approchais des miroirs lentement, croisant les doigts pour que ma blessure soit facile à dissimuler. Lorsque mon reflet me fit face, je ne sus pas quoi penser : la plaie n'était pas jolie à voir cependant elle ne faisait pas peur. Je ne pourrais pas la cacher mais elle resterait discrète et elle ne susciterait donc pas trop la curiosité de mes camarades d'école. Je passais de l'eau sur mes mains et les plaquais sur le sang à moitié séché. La douleur fut de courte durée mais tout de même intense, je réfrénais la montée de larmes qui me montait aux yeux et serrais les dents, frottant dans des gestes brusques cette plaie douloureuse.
Très vite, l'égratignure fut nettoyée et je relevais la tête pour découvrir mon visage pas trop amoché. Le hic, c'était que mon opération désinfection avait totalement estompé le fond de teint et les griffures du buissons étaient à présent visibles. Je soupirais devant la vitre puis décidais que j'emprunterais le maquillage de Sky quand je la verrais et surtout, si j'y pensais. Ce n'était pas non plus la catastrophe et je pouvais largement tenir jusqu'à la fin de la journée : les griffures zébraient ma joues de façon presque invisible et la fatigue que j'éprouvais à cet instant me permis d'accepter mon état et d'avoir l'assurance de me promener ainsi.
Je sortis et cheminais en direction de la classe. Les couloirs vastes et remplis d'élèves m'aidèrent à me rassurer quant à la figure blessée que je présentais : je n'interceptais aucun regard choqué et j'en concluais donc que je n'étais pas si laide à regarder. J'arrivais pile à l'heure en classe et m'installais toute seule à une table au fond, puisque je savais que Kelly ne voulait plus me parler.
Au bout de deux minutes, la pièce commença à se remplir et un flot continu d'élève s'écoula à l'intérieur de la salle. Cette marée humaine se dispersa à diverses endroits de la classe, les étudiants rejoignant leurs sièges. Vers la fin, je vis apparaître le doux visage de mon amie, scrutant l'endroit avec attention. Elle se présentait dans l'encadrement de la porte, de sa jolie silhouette, observant les alentours d'un œil attentif. On aurait dit qu'elle cherchait quelque chose. Je compris que c'était moi quand ses yeux se posèrent sur ma figure et ne bougèrent plus. Alors elle se mît en marche, arpentant la pièce de sa démarche élégante. Au lieu de s'asseoir à notre place habituelle – que j'avais désertée – elle se dirigea vers moi et s'arrêta devant mon bureau. Je fixais ses jambes cinq minutes avant de me réveiller et de monter mon regard jusqu'à son joli visage qui m'observait avec intérêt. Je remarquai alors surprise, que ses iris ambrées ne présentaient aucune colère envers moi, je distinguais dans les nuances colorées qui teintaient ses yeux une émotion avenante et amicale, très éloignée de l'état d'âme que je pensais discerner.
- Écoutes Avri, je ne voulais pas me fâcher ce matin, tout commençait bien, c'est juste que tu m'as blessée...
- Je suis vraiment désolée, je ne voulais pas te faire de mal ! Je n'avais pas compris que ce sujet te touchait autant ! La coupai-je avec empressement.
Elle se tut et m'observa docilement, semblant vérifier si j'étais sincère ou non, puis elle hocha la tête. Je la dévisageais craintive, attendant avec angoisse le verdict qui définirait si la jolie brune demeurait enfermée dans sa colère, ou si elle acceptait finalement de s'ouvrir à la paix. Elle finit par poser son sac à la place vide près de moi et vint se placer à côté, montrant ainsi que notre dispute était terminée.
Je criais de joie silencieusement, pratiquant une danse hystérique dans ma tête, et laissai échapper un énorme sourire triomphant. Cette journée allait peut être se finir en beauté finalement, ce qui venait de se produire avait transformé ma vision des choses, la rendant plus optimiste.
Le professeur de mathématiques entra dans la classe, tenant sa mallette noire fermement. Il l'installa sur son bureau et en sortit un cahier foncé qu'il ouvrit.
- Bonjour, désolé pour le retard.
Les étudiants rirent sous cape – sachant que cet homme débarquait continuellement avec cinq minutes de décalage minimum. Je me tournais vers mon amie qui offrait à l'instituteur un sourire éclatant, prouvant qu'elle était de bonne humeur, je calquais alors le même sourire sur ma bouche, soulagée que cette histoire se soit complètement arrangée.
- Nous allons commencer le cours en corrigeant les exercices que je vous ai demandé de résoudre puis nous continuerons la leçon jusqu'à la fin de la deuxième heure.
De nombreux élèves – dont moi – gémirent à cette idée. Nous avions deux heures - comme il venait de le préciser - et ce serait à coup sûr d'un ennui mortel. De plus, cet enseignant dégageait une sorte d'aura qui endormait, quiconque l'écoutait parler plus de deux minutes se retrouvait assaillie par une fatigue foudroyante.
Tandis que le cours débutait, j'empoignais mon agenda et un stylo et me mis à gribouiller des petits dessins sur les dimanches et les jours fériés. Kelly sortit à son tour un crayon et entreprit de griffonner des fleurs et des étoiles un peu partout sur son cahier. J'inspectais distraitement la classe et remarquai que personne ne semblait réellement captivé par ce que le prof rédigeait au tableau. Je gloussais et reprenais mes travaux qui témoignaient clairement de l'embêtement que me procuraient ces heures. Je laissais mon stylo glisser de manière fluide sur la feuille, y traçant des courbes et des boucles gracieuses qui faisaient apparaître des formes abstraites. Je caressais le papier doucement, cherchant à illustrer des mots, des émotions, des impressions. Je me mettais ensuite rédiger des phrases, des vers, des rimes qui me semblaient belles et délicates. Et les lettres qui se formaient sous la bille de mon crayon dessinaient une douce mélodie à l'intérieur de mon crâne.
Au bout d'un bon moment, la sonnerie retentit, je fermais mon cahier et rangeais mes affaires en quatrième vitesse, trop contente de pourvoir enfin quitter l'endroit. De plus, j'avais maintenant français, ma matière préférée.
En sortant, Kelly et moi nous avançâmes vers nos casiers, parcourant un court chemin ensemble. Pendant ce trajet, nous ne discutâmes pas, néanmoins notre manque de conversation n'avait rien de gênant et je me laissais aller à se sentiment de gaieté, retrouvant enfin mon amie - même si nous ne nous étions pas fâchées longtemps. Nous primes chacune nos affaires puis nous dûmes nous séparer, partant chacune dans des allées opposées.
J'accédais à ma salle et y entrais toute guillerette. J'attendais ce cours depuis avant-hier puisqu'aujourd'hui nous allions enfin savoir quelles seraient nos deux tâches finales ce trimestre : notre professeur, Mme Chalenais, demandait à ses élèves de lui fournir deux travaux préparés à la maison : un oral et un écrit. J'espérais vraiment qu'elle ne réclamerait pas d'exposés ou de dissertation, cela ne m'intéressait que très peu, si ce n'est pas du tout.
J'allais m'asseoir à côté de Allie, une belle brune aux mèches violettes et aux yeux noisettes. On m'avait placé à cet endroit car la jeune fille était bonne élève et que de cette façon elle avait facilement pu m'expliquer ce que la classe avait réalisé et m'avait fourni des copies de ses cours pour que je rattrape certaines leçons. J'avais de cette façon réussi à éviter Jeff, qui habituellement parvenait à me placer près de lui. Nous avions ce cours en commun mais nous étions à des emplacements éloignés et il ne pouvait donc pas m'embêter.
Je saluais gentiment ma camarade et m'installais à côté d'elle. Mme Chalenais tapa dans ses mains pour réclamer l'attention de son auditoire puis commença :
- Bonjour tout-le-monde. Comme vous le savez, aujourd'hui je vais vous révéler la nature des projets que vous allez devoir effectuer.
Elle fit une pause et lorgna sa classe du regard. Tous les élèves étaient pendus à ses lèvres, attendant impatiemment qu'elle avoue enfin la tâche à accomplir. Chacun présentait un léger mouvement de nervosité : on entendait dans cet espace clos les stylos quatre couleurs qui faisaient résonner les clips, les pieds qui martelaient le sol, les mains qui frappaient des rythmes décousus sur les tables... Ces sons rendaient la secondes encore plus difficile à supporter, nous voulions savoir.
- Bon, je ne vais pas vous faire attendre plus longtemps, je constate que vous n'appréciez que modérément le suspense.
Quelques rires nerveux fusèrent dans la classe – dont le mien.
- Commençons par l'oral, vous allez devoir...
Avant qu'elle ne puisse terminer sa phrase – et ainsi nous déposséder des cette horrible appréhension qui nous broyait le ventre, quelqu'un toqua à la porte. Je jurais intérieurement, m'énervant déjà contre cette personne qui avait interrompu ce moment si important. La prof fronça les sourcils, un brin agacée, puis alla ouvrir la porte pour nous faire découvrir le fameux retardataire. Je ne fus pas le moins du monde étonnée de discerner Jeff, dans l'encadrement.
- M. Flores, quelle est votre excuse aujourd'hui ? Demanda l'enseignante mi amusée mi contrariée.
Je fusillais du regard ce latino qui ne respectait décidément rien du tout. Son insolence m'agaçait avec une intensité qui s'amplifiait de jours en jours.
- Oh, c'est très simple : quelqu'un est entré dans ma chambre et a mit sans dessus dessous ma salle de bain, rétorqua-t-il en me fixant intensément.
Je piquais un fard et rentrais la tête dans les épaules, plongeant mon regard dans mon classeur de cours, à la recherche d'une distraction. J'évitais soigneusement tout contact visuel avec le garçon, ne voulant pas me retrouver une nouvelle fois face à ce sourire en coin énervant.
- Et ranger votre salle de bain vous a pris, voyons voir...
Mme Chalenais retourna à son bureau où trônait son ordinateur portable. Elle l'alluma et consulta apparemment le site du lycée. Pendant ce court laps de temps, j'osais relever les yeux et tombais sur des pupilles dilatées par l'amusement. Il savait qu'agir de cette façon me mettait mal à l'aise, et il en profitait !
- Jeff, vous voulez me faire croire que vous avez passé deux heures et demi à remettre de l'ordre à vos affaires ?
Le beau gosse sembla surpris par cette réplique et quitta mon visage des yeux pour dévisager d'un air intrigué la jeune femme.
- Et oui, je peux voir la liste de cours auxquels vous n'avez pas assisté, s'expliqua notre professeur ;
- Oh, et bien voyez-vous, madame, j'ai également dû me trouver un pull chaud car une de mes amies m'a emprunté le miens.
Je m'étouffais bruyamment à ces paroles et cela attira tous les regards, créant une terrible humiliation.
Mais quel menteur !
Bon, il était vrai que sur ce point je ne pouvais hélas pas trop critiquer - au vu de mes agissements de ce matin. Il n'empêchait que son attitude me mettait hors de moi, ce qui était exactement ce qu'il cherchait, j'en étais certaine.
Les gens continuaient de me lorgner pendant que j'insultais mentalement ce Bad boy de tous les noms que je trouvais. Puis, intriguée par ce silence persistant, je me concentrais sur la scène qui se déroulait autour de moi. J'entendis alors avec horreur certaines personnes murmurer et je pus même distinguer nettement un : « c'est elle qui porte son sweat ».
Ne me laissant pas démonter et refusant de laisser gagner ce Don Juan, je relevais la tête brusquement, et me confrontais au regard narquois et taquin du latino.
Super, il a trouvé une nouvelle façon de m'importuner...
À présent, je ne devais rien laisser paraître sinon toute la classe comprendrait que je portais bel et bien son vêtement. J'affectais un regard amusé et me tournais lentement et fièrement vers la prof :
- Mme Chalenais, vous pouvez nous dire quels seront les thèmes de nos devoirs maisons ? Questionnai-je ;
- Oh oui, bien-sûr, j'avais oublié, je suis vraiment désolée.
Elle se dirigea vers le milieu de la classe, s'arrêtant tout de même en chemin :
- M. Flores, allez vous asseoir et ne faites pas de bruit.
Je me tournais vers lui, lui adressant un sourire antipathique, artificiel et surtout, TRÈS provoquant. Le Playboy fonça à sa place – non sans m'envoyer une multitude de regards signifiant que ce n'était pas terminé.
Super, j'avais réussi à réveiller la bête. À partir de maintenant, tous les moyens allaient être permis pour qu'il me prouve que je ne gagnerais pas son petit jeu de provocation.
Tandis que notre enseignante ouvrait les tiroirs – à la recherche d'une craie je présumais – je coulai un regard en direction du beau gosse. Celui-ci avait sorti son téléphone et rédigeait un message dessus. J'observais sa façon bien à lui de s'approprier la salle : quand il entrait dans une pièce, il dégageait un tel charisme que cela en devenait physique, on ressentait un magnétisme, une alchimie étrange que seul ce vil personnage arrivait à nous faire éprouver. Cela venait sûrement un peu de sa beauté, pourtant j'avais l'impression qu'il n'y avait pas que ça. Il avait une manière de se comporter, une démarche, une gestuelle qui le rendait captivant. J'en étais la preuve vivante : il était à l'opposé de la classe, ne me regardait même pas, seulement assis les chevilles croisées et j'étais obnubilée par sa silhouette, hypnotisée par sa carrure.
Alors que mes yeux parcouraient son corps ferme et bien fait, je sentis la douloureuse empreinte d'un regard se marquer sur mon visage. Je levais mes iris noisettes vers la magnifique figure de Jeff et découvrais horrifiée – mais pas du tout étonnée – qu'il venait de me surprendre en pleine contemplation de son torse musclé. Il m'adressa un sourire en coin qui fit monter le cramoisie sur mes joues trop sensibles. Je baissais alors la tête, préférant oublier cette mine séduisante qui venait de repérer mon indiscrétion. De plus, j'avais de cette façon transformé ma conversation de tout à l'heure avec lui en une masse compacte de poussière qu'il allait se faire un plaisir de faire disparaître : toute la matinée j'avais soutenu qu'il ne me faisait pas d'effet, que je m'intéressais à un autre garçon, et maintenant il avait discerné mon regard plein d'intérêt – en plus du baiser échangé tout à l'heure qui était un indice plutôt évident – comprenant ainsi que je n'avais pas dit la vérité... Je n'étais donc plus crédible...
-Voilà ! S'écria Mme Chalenais que j'avais finis par complètement oublier.
Elle éleva sa craie tel un trésors, la présentant autant à la classe qu'au plafond blanc, comme si elle venait d'accomplir un exploit. Elle se tourna ensuite vers le grand tableau noir et nota la date, suivie de quelques mots pour expliquer la nature de la révélation qu'elle n'allait pas tarder à nous faire, éclairant de cette façon nos esprits curieux. Elle nous refit face juste après et inspira profondément.
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