Chapitre 20
Sur le trajet de mon crime, je rencontrais une Sky apeurée. Ou plutôt, je me faisais percuter et écraser sous la poids d'une Sky apeurée qui s'était jetée sur moi.
- Avri ! Qu'est-ce que tu t'es fait à la joue ? Pourquoi tu étais aussi bizarre tout à l'heure ? Pourquoi on t'a convoquée ? C'est vrai que tu t'es fait agresser ? Tu fais quoi ? Ça va mieux ?
Je me retrouvais assaillie sous une tonne de questions trop lourdes à porter, qui me faisaient perdre un temps précieux. Je plaçais mes mains devant mon amie, paumes faces à sont doux visage angélique - qui pour le moment était vraiment surexcité - et exécutais des gestes d'apaisement.
- Je vais bien, je te le promets. Il fallait que je me presse afin de parler à Zac, même si c'était seulement pour lui dire un truc pas important, mais je venais de me rendre compte que j'avais perdu mon téléphone et du coup j'étais énervée, ce qui t'as sûrement donné l'impression qu'il y avait un problème. Pourtant il ne s'est vraiment rien passé, ne t'inquiètes pas, il n'y avait rien de grave.
La jeune fille me jaugea longuement, paressant vérifier que ma silhouette ne trahissait pas la présence éventuelle du mensonge que j'étais en train de lui servir, puis laissa échapper un soupir de soulagement.
- Avri, tu ne te doutes pas de la f*cking peur que tu m'as faite ! On aurait dit que c'était une question de vie ou de mort, j'étais complètement paniquée ! Ne refait plus jamais ça ! Me gronda-t-elle, un sourire amusé se dessinant sur ses lèvres recouvertes de gloss.
Cette mimique étant en totale contradictions avec les ordres et les propos que venait de déclarer mon amie, j'en concluais qu'elle n'était finalement pas aussi inquiète qu'elle n'avait voulu me le faire croire.
Je me forçais à ricaner pour prouver que tout allait bien - MENSONGE - et lui faisais une petite accolade amicale en preuve irréfutable. Tandis que je la lâchais, elle commença à papoter, ce que je voulais à tout pris éviter : ce n'était toujours pas le bon moment. Je me mettais donc à chercher une excuse pour me débarrasser d'elle. Au bout de vingt secondes - ce qui était un vrai progrès - je trouvais :
- Sky, je dois aller à l'intendance pour signaler que mon portable a disparu, je suis sincèrement désolée... On se retrouve plus tard d'accord ?
- Mais...
Sans attendre de réponse je m'éloignais d'elle tout en lui lançant un regard désolé et un petit bisous, je savais pertinemment que si je restais une milliseconde de plus, j'allais lui donner l'occasion de reprendre la parole et je ne pourrais plus m'échapper. Il fallait savoir que Sky était une véritable pipelette.
- On en reparle après ! M'écriai-je tout de même, culpabilisant un tout petit peu...
C'était dingue le nombre de fois que j'avais sortie cette phrase. J'avais tellement de discussion à reprendre que je ne savais plus quel canular je devais servir et à qui... Ce qui était un réel problème puisque si je me faisais prendre, je serais sûrement envoyée je ne sais où pour répondre à des questions plus qu'étranges de personnes rasées et affublées de grandes toges blanches qui feraient parties d'une secte et qui - une fois les informations que j'avais en ma possession récoltées - m'enrôleraient et m'administreraient un lavage de cerveau pour qu'à mon tour, je fasse subir à de pauvres élèves terrorisés, des interrogatoires sinistres.
Stop Avril, tu divagues là...
Je secouais la tête pour me sortir toutes ces pensées paranoïaques et ridicules de la tête.
Quoi qu'il en soit, il fallait impérativement que je trouves des histoires réalistes et des récits non pas à dormir debout qui me dénonceraient presque automatiquement. Cependant, au lieu de m'appesantir sur le sujet, je l'effaçais de mon esprit. Oui, j'adorais remettre mes devoirs à plus tard et ce n'était certainement pas aujourd'hui que j'allais corriger ce défaut. Je partais donc en direction de l'intendance, imaginant dans ma tête un prétexte assez pertinent pour qu'on accepte de me confier la clé d'une chambre de garçon.
Arrivée à l'aile administrative de l'internat, j'inspirais un grand coup puis toquais timidement à la porte. J'attendis plusieurs minutes, sentant ma patience - déjà éreintée - s'amenuiser, et lorsque j'allais baisser les bras et m'en aller, j'entendis un :
- Entrez !
Brusquement et sans attendre, j'ouvrais et découvris une petite pièce tout en largeur avec trois bureaux collés et dissimulés sous des montagnes de paperasse ennuyeuse et qui m'aurait donnée l'envie de me tirer une balle si j'avais dû m'en occuper.
L'espace était restreint et la couleur des murs était teintée d'un vert pâle qui ne me plaisait vraiment pas rappelant une nuance éloignée de l'urine. Tous les postes étaient vides, exception faite de la dame postée devant moi, un mug à la main et un air concentré plaqué sur le visage. Je m'avançais alors discrètement, peu à l'aise et embêtée à l'idée que j'allais la déranger pour en plus lui raconter n'importe quoi. Néanmoins je ne pouvais plus faire marche arrière et il était donc de rigueur que je me reprenne. Arrivée juste devant sa table, je me raclais la gorge afin de lui rappeler ma présence. Elle ne se redressa pas et resta plongée au fin fond de ses documents.
- Qu'est-ce que je peux faire pour toi jeune fille ? M'interrogea cette petite bonne femme aux cheveux courts ébouriffés d'un blond cendré.
Voyant que je ne répondais pas, elle leva ses yeux noisettes vers moi et remonta ses lunettes écaillées qui avaient glissé le long de l'arrête de son nez.
- Alors ?
Je secouais la tête puis fermais les poings pour trouver le courage de bluffer une nouvelle fois.
- J'ai prêté mon téléphone à un ami et il l'a oublié dans sa chambre. Comme j'aimerai le récupérer je voulais savoir s'il était possible d'avoir un double des clés pour aller le chercher.
La dame me lança un regard suspicieux - qui me rappela non sans dégoût l'expression de Mme pull-tricoté-main qui m'avait questionnée ce matin - tout en me demandant :
- Et ce monsieur ne peut pas vous le rendre lui-même j'imagine ?
IMPROVISATION TOTALE
- Eh bien je ne l'ai pas vu aujourd'hui, nous ne sommes pas dans la même classe. Et dans une demie heure, il faut que je réponde à ma mamie qui est dans une maison de retraite et qui n'a que deux heures de téléphone autorisées dans la semaine...
Mon interlocutrice me toisa un peu trop longtemps à mon goût avant de reprendre, gardant un ton dégoulinant de soupçons à peine dissimulés :
- Et je peux savoir quel est le nom de ce garnement ?
Sans vraiment m'en rendre compte, je commençais à m'énerver. Il était vrai que sa réaction était totalement justifiée, seulement en m'interrogeant de la sorte, cela montrait qu'elle pensait que je comptais faire des... Choses peu orthodoxes dans cette chambre... Ce qui n'était en aucun cas mon genre, je n'étais pas Chloé !
Tandis que j'allais répondre, elle attrapa la tasse, qu'elle avait posée au cours de notre conversation - remplie de thé sans doute, vu l'odeur - puis avala quelques gorgées.
- Jeff.
Le contenu de sa bouche explosa entre ses joues après qu'elle ait manqué de s'étouffer.
- Jeff Flores ? Toussa-t-elle devant mon air effaré tout en attrapant une serviette pour essuyer ses pauvres papiers salis.
Cela devait sûrement être lui, ce nom me disait quelque chose. J'acquiesçais et me retrouvais confrontée à un regard glacé et plus que soupçonneux. La cracheuse de thé laissa ses yeux flotter dans le vague et je compris qu'elle réfléchissait à sa réponse. Pendant ce temps, je l'observais, croisant les doigts et priant pour qu'elle me laisse accomplir ma mission. Seulement je comprenais amplement sa réaction : de ce que j'avais entendu de Jeff lui-même et de tous ses amis, c'était un irréfutable coureur de jupons.
- Quel âge a votre grand mère ? Finit-elle pas demander, un brin agacée vu les traits tirés qu'elle me présentait à présent ;
- 83 ans, mentis-je ;
- Comment s'appelle-t-elle ?
- Yvonne, inventai-je ;
- Est-elle veuve ?
- Oui, la trompai-je.
Elle hocha la tête un moment et j'essayais tant bien que mal de déchiffrer ses intentions afin de comprendre la raison pour laquelle elle me posait toutes ces questions personnelles. J'attendis encore un peu puis elle récapitula :
- Donc, si j'ai bien compris, votre grand mère veuve, Yvonne, de 85 ans va vous appeler dans quarante minutes ?
PIÈGE !
Et à peine déguisé qui plus est ! Je n'étais pas complètement écervelée ! Elle avait utilisé cette technique, consistant à reformuler des informations apprises en modifiant implicitement certaines données.
- Mamie Vovonne a 83 ans et elle doit m'appeler dans une demie heure madame, l'a corrigeai-je fière de mon attention, m'ayant permis de ne pas tomber dans le panneau.
L'intendante me fit un grand sourire qui semblait plus vouloir dire « t'es douée toi » que « je te crois », puis se leva pour aller trifouiller dans un des nombreux tiroirs qui parsemaient le bureau. Après quelques recherches apparemment non fructueuses - puisqu'elle refermait le tiroir avec les mains vides, elle finit par trouver ce qu'elle cherchait et sortit une clé qu'elle me tendit. Alors que je l'attrapais, elle tira l'objet vers elle, rapprochant nettement mon visage du sien.
- Une petite condition tout de même : si dans vingt minutes elle n'est pas revenue, je vais voir la directrice.
Je posais les yeux sur l'objet qui provoquait tant de suspicion chez cette cracheuse de thé puis hochais la tête. Sérieusement, que pensait-elle que je voulais faire dans cette maudite chambre ? J'allais juste y entrer sans l'autorisation de celui qui y vivait et chercher mon téléphone tout en priant pour qu'il ne me découvre pas. D'ailleurs, s'il me prenait la main dans le sac j'allais avoir l'air vraiment maligne : je venais de lui faire la morale sur sa façon de me suivre et de me juger trop vite et ensuite je filais dans l'endroit où il dormait - violant pas mal de règles sur l'intimité - sans lui demander ni même l'informer, juste pour récupérer mon p*tain de cellulaire qui m'avait glissé de la poche. Bon, il était vrai que dit comme ça, je comprenais la réaction de cette bonne femme. La méfiance était de mise lorsqu'on savait les histoires qui s'infiltraient au sein des groupes d'étudiants.
Je levais le regard sur elle, la dévisageant avec une compassion secrète, sachant qu'elle venait de me confier ce qu'il ne fallait surtout pas que l'on me donne. Cependant il était trop tard pour elle et si tout se passait bien elle n'apprendrait jamais son rôle dans mon effraction, donc autant prendre ce que l'on me prêtait.
J'agrippais la clé et la tirais pour la déloger de son emplacement initiale - en l'occurrence la main de l'intendante - avant de la serrer dans mon poing. J'avais réussi cette première épreuve ! Je sentais ma victuaille au creux de ma paume, me procurant une joie et une fierté intense.
Après avoir pratiqué une petite danse de la joie à l'intérieur de mon crâne, je répliquais de nombreuses affirmations et promesses tout en pressant mon trésor entre mes doigt. Je m'éloignais à reculons, me confondant en remerciements et atteins enfin la porte, mon issue. Je tirais la poignée et quittais les lieux.
J'avais réussi ! J'avais réussi j'avais réussi j'avais réussi !
Je finis pas faire cette danse de la victoire que je n'avais seulement pu exprimer qu'intérieurement. Ce fut au bout de trois regards de travers interceptés que je décidais qu'il était temps d'arrêter. Je venais de mettre en œuvre la première action de mon crime sans difficultés, avec succès et brio !
Je tournais ensuite la clé entre mes doigts adroits pour voir le numéro qui y était inscrit : 47. C'était maintenant, j'allai rentrer dans cette chambre comme une cambrioleuse, et le pire dans tout cela c'est que ça m'excitait beaucoup. Je n'éprouvais pour l'instant aucuns remords, plutôt une grande hâte et un amusement redoublé.
Ce c*nnard avait voulu "me sauter" ? Et bien moi j'allais le tromper ! J'allais pénétrer cet espace qu'il se gardait pour lui, cet espace personnel. Je souris et levais la tête d'un coup. Je n'avais pas énormément de temps, je devais impérativement agir vite et efficacement. Alors je m'avançais dans le couloir, je longeais les casiers, un sourire béât et malveillant cousu sur mes petites lèvres gercées. J'étais prête à commettre quelque chose que je n'aurais jamais osé en France, prête à réaliser une action qui m'aurait parue infaisable dans mon ancien lycée, au plus profond de mon ancienne vie. Heureusement, cette fille timide et peu aventureuse n'était plus. À la place, une autre adolescente s'était réveillée, une adolescente courageuse, téméraire et audacieuse.
Je fonçais alors droit vers ma seconde mission, la plus importante et la plus grisante : l'effraction.
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Hello tout le monde !
J'espère que tout va bien ! Je vous invite, si cela vous tente, à me rejoindre sur Instagram (compte como_lea) si vous voulez plus d'informations au sujet des prochains postes d'AVRIL, plus d'échange et des p'tits quiz !
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