Chapitre 12
- Avri réveille toi, on doit sortir de la salle, chuchota une voix douce dans mon oreille.
Je répondais par une phrase incompréhensible.
- Avri, je sais que tu es fatiguée mais si tu ne veux pas que tout le monde te voies dans cet état il va falloir partir avant que ça sonne, c'est à dire dans 10 minutes.
J'ouvris instantanément les yeux.
- On... On s'en va... murmurai-je ;
Jeff se trouvait à moins de trois centimètres de mon visage mais j'étais tellement fatiguée que je ne pouvais pas réagir. Il hocha la tête et me mit son blouson noir sur les cheveux - de façon à dissimuler les blessures de mon visage. Il passa ensuite un bras sous mes aisselles pour me soutenir et ouvrit la porte devant nous.
Avant qu'il ne la referme, j'eus le temps de voir que personne ne nous avait prêté attention. Je n'en revenais pas, comment les gens présents dans cette salle n'avaient-ils pas vue que j'étais entrée, que Jeff avait bloqué la porte et que nous étions ressortis ? C'était pourtant violent et bruyant dans ma tête ! Mais il est vrai que les élèves faisaient un vacarme plus qu'assourdissant. Et puis je n'avais pas à me plaindre, heureusement qu'ils n'avaient pas vu mon état ! Ils auraient tous paniqué et seraient allés le dire aux enseignants, ce qu'il ne fallait surtout pas faire : la seule chose dont j'avais la certitude, c'était que l'homme qui voulait ma peau était un professeur et l'on ne pouvait donc pas leur faire confiance... Je ne comprenais d'ailleurs pas pourquoi Jeff n'était pas inquiet : toute personne normalement constituée aurait dû réagir en voyant une fille zombie entrer dans sa classe... non ?
Cette révélation commença à m'angoisser, pourquoi ne me posait-il pas de questions ? Pourquoi n'était-il pas aussi terrorisé que moi ? Et s'il était des leurs ? Je m'arrêtais d'un coup, ce qui le fit trébucher :
- Ça va pas ? Mais qu'est-ce qui te prend ? S'écria-t-il ;
- Jeff, pourquoi tu ne me pose pas de questions ? Pourquoi tu n'es pas étonné ?
Le jeune homme plaça ses bras sur mes épaules et me mit en face de lui, pour me regarder droit dans les yeux :
- Il y a beaucoup de choses que tu ignores Avri, et je vais tout t'expliquer mais nous n'avons pas le temps d'en parler ici, à la vue de tous.
Je voulais vraiment le croire, je le jure ! Mais après tout ce que je venais de vivre je n'y arrivais tout simplement pas.
Comprenant que je ne lui faisais pas confiance, le beau latino soupira puis, sans que j'ai le temps de réagir, passa un de ses bras sous mes genoux et l'autre sous ma nuque, je décollai alors du sol et me retrouvai lovée contre son torse tandis qu'il se remettait à avancer - beaucoup plus rapidement que lorsque je marchais avec lui.
Je n'avais pas la force de protester et j'étais tellement épuisée que je me dis que finalement, si je devais me faire tuer, je préférais que ce soit par un beau gosse plutôt que par un vieillard - ce qui je vous l'accorde était une pensée proche de la folie.
Je parcourus donc tout le couloir dans les bras du garçon le plus beau que je connaissais, portée comme une princesse ce qui en soit était plutôt plaisant - si on oubliait le fait que je le soupçonnais de faire partie d'une secte (où quelque chose du genre) qui impliquait qu'il allait bientôt me trucider - mais ce n'était qu'un détail bien sûr. On arriva aux escaliers et je prenais un malin plaisir à peser de tout mon poids pendant qu'il montait les marches, après tout, s'il voulait m'assassiner, autant lui donner une raison ! Je l'entendis grogner, puis :
- Tu pourrais au moins passer tes bras autours de mon cou pour que je puisse te soutenir plus facilement, souffla-t-il haletant;
- Nan mais tu rêves ? Si tu dois me tuer je préfères me dire que j'ai tout fait pour t'en empêcher ! Lui répliquai-je le plus sérieux du monde.
Il me regarda d'un air constipé, semblant hésiter entre mourir de rire ou pleurer de désespoir...
- Et puis... Je dois avouer que te regarder galérer est la plus belle chose qu'il m'ait été donné de voir dans ma courte existence, complétai-je.
Cette fois, il se laissa emporter par le rire et je sentis son corps hoqueter pendant qu'il essayait de toutes ses forces de contrôler son hilarité.
- Tu es vraiment pas possible toi, me dit-il d'un ton si doux que j'en rougis immédiatement.
Pour éviter qu'il ne s'en rende compte, je fis la première chose qui me passait par la tête - c'est à dire la chose la plus débile au monde - et j'enfouissais mon visage contre son torse. Le plus étrange après mon acte de stupidité inconditionnelle, fut sa réaction : il me serra plus fort contre lui.
Avec un soupir de résignation - et aussi parce que j'en avais très envie - je passai bras autour de son cou.
- Tu vois quand tu veux ! Chuchota-t-il gentiment.
Sans savoir pourquoi, j'étais maintenant certaine qu'il n'allait pas m'enfoncer de hache dans le ventre, il n'avait rien fait et pourtant notre trajet m'avait certifié une chose : je lui faisais finalement confiance.
On arriva dans le couloir des dortoirs mais comme nous étions seulement au second étage, j'en conclus que c'était celui des garçons. On avança encore un peu puis Jeff s'arrêta devant la chambre 47.
- Je vais devoir te poser pour ouvrir la porte, tu penses que tu pourras tenir debout ? Me demanda-t-il toujours avec la même douceur.
- Ça devrait aller... Lui répondis-je même si je n'y croyais pas du tout.
Il me déposa alors délicatement sur le sol puis se tourna vers sa porte, sortant de sa poche sa clé de chambre.
Sans en être vraiment consciente je commençai à vaciller dangereusement et tandis qu'il était entièrement tourné vers sa serrure, je me disais que le parterre avait l'air tout doux, remarque dont je ne savais pas du tout d'où je l'avais sortie mais qui sur le moment ne me paraissait pas tordue : elle avait l'air plus que brillante. Je décidai donc que lui faire un câlin était une bonne idée et au lieu de lutter contre les vacillements dont j'étais victime je me laissais porter par eux et je me penchais vers le sol, très lentement mais aussi de manière ridicule : imaginez une fille qui tombe au ralentit la tête la première et qui sourit en même temps, c'est bon, vous savez à quoi je ressemble. Au moment où j'étais presque à l'horizontale et que j'allai entrer en collision avec la moquette, les mains de Jeff se placèrent autour de ma taille :
- On, va plutôt se diriger vers une chaise, dit-il avec amusement.
Je me laissai faire, hypnotisée par le contact de ses doigts sur mes hanches.
Il me fit entrer dans sa chambre et sans que j'en ai vraiment conscience, je me retrouvais assise sur quelque chose de moelleux.
- Je vais te chercher de l'eau et de quoi soigner tout ça, marmonna M. Ange-gardien en désignant mes griffures de la main.
J'étais trop sonnée pour penser de manière entièrement cohérente cependant je me souvenais des sujets les plus importants :
- Je... Je veux savoir... Ce que j'ignore, soufflai-je ;
- Tout de suite, il faut juste que tu te repose et que tu te soignes sinon tu ne vas rien comprendre, m'expliqua-t-il avec un regard sincèrement ennuyé par mon état.
Je posai une main sur mes joues puis grimaçais et la plaçai devant moi - de manière à pouvoir observer mes doigts. Ils étaient couverts du sang que je venais de toucher sur mes pommettes, ce qui m'inquiéta énormément, j'étais vraiment amochée. Je devinais maintenant la raison de sa volonté de me soigner : je devais faire peur.
Il me dévisagea encore quelques secondes puis sortit de mon champ de vision. J'entendis une porte claquer puis de l'eau couler ainsi que des tiroirs s'ouvrir et se fermer. Peu à peu, je reprenais des forces et de la lucidité.
Plus attentive qu'en rentrant, je me mettais à examiner la salle. J'étais assise sur un lit dépouillé qui ne devait servir à personne : il n'avait ni couverture, ni oreiller. Devant moi, s'étendait une petite pièce très froide : des murs blancs, une fenêtre à ma droite, un autre lit en face, sa longueur collée au mur - qui devait être celui de Jeff puisque c'était le seul autre dans la pièce et qu'il possédait une couverture - une armoire à ma gauche, une porte à côté et une autre porte sur le pan de mur que le lit du latino n'occupait pas. Une de ces deux portes devait être l'entrée et l'autre celle pour nous amener à la salle de bain. Il n'y avait pas de bureau ici. Cette pièce était dénuée d'âme et elle me faisait frissonner rien qu'à l'idée que quelqu'un soit dans l'obligation d'y résider.
Après encore quelques minutes, le beau gosse sortit de la porte près de l'armoire, tenant dans une main un sac avec le logo de la croix rouge en gros dessus et dans l'autre un verre d'eau.
- Tu as déjà l'air un peu mieux, tu as repris des couleurs, me dit-il avec un ton rassuré qui enflamma immédiatement mon visage - à mon plus grand désespoir.
À son regard, je vis qu'il avait remarqué ma rougeur, pourtant il ne me charria pas, ce qui me soulagea car je n'avais vraiment pas le courage de me chamailler avec ce garçon maintenant...
Il attrapa une chaise derrière le lit où j'étais étendue et la mis devant moi, s'asseyant dessus à califourchon et ma faisant face. Il prit ensuite le trousse de premier soin tandis que je saisissais le verre qu'il m'avait apporté. Je me mis à boire à petites gorgées à cause de ma gorge qui me faisait souffrir - à mon humble avis, cette maudite forêt m'avait refilée une maladie. Lorsqu'il s'approcha avec un coton qu'il venait d'asperger de désinfectant, j'arrêtai son geste de la main. Il leva alors sa tête - qui était jusqu'alors dirigée droit sur ma joue gauche, sans doute car celle-ci semblait en état de décomposition - et me lança un regard interrogatif.
- Avant que tu ne me soignes, je veux savoir, fis-je.
Il m'observa quelques instants, ouvrit même la bouche comme s'il allait me contredire puis se ravisa. Je commençai à m'impatienter quand il fini par acquiescer. Il sembla ensuite rassembler ses esprits et la lenteur dont il faisait preuve à présent allait bientôt me rendre folle. Il était vrai que je n'avais jamais été de nature patiente...
- J'ai... J'avais un cousin qui était dans cette école il y a quelques années. Il m'en parlait beaucoup tout simplement parce que nous nous parlions régulièrement : nous étions très proches et je le considérais vraiment comme mon frère. Et puis il y a eu cet examen de terminal. Depuis, je n'ai plus de nouvelles de lui.
Il fit une pause d'environ trente secondes avant de compléter :
- C'était il y a trois ans.
Je ne pus m'empêcher de produire une sorte de couinement dû à la nervosité.
Cette histoire de test m'avait toujours parue étrange mais plus j'en apprenais, et plus je comprenais qu'il y avait un réel secret autour de cet événement.
- Je connais assez mon cousin pour savoir qu'en temps normal, il me contacterait, je sais qu'il a des ennuis, je le sens, reprit le beau latino. Au bout de trois mois sans nouvelles, j'étais au bord de l'épuisement après avoir remué ciel et terre pour comprendre ce qui lui était arrivé. Et puis un jour, mes parents - avec qui je n'ai jamais été proche - m'ont proposé d'intégrer cette école. C'était parfait pour moi : j'allais pouvoir mener ma propre enquête.
Il s'interrompit de nouveau, cherchant certainement la façon la plus facile à expliquer ce qui s'en suivait. Il se racla la gorge et continua :
- Les premiers mois, je ne trouvais rien, et je désespérais. Sauf qu'un jour, mon coloc, Peter, m'a proposé son aide. Il avait vu que je posais des questions à tout le monde et il s'était alors interrogé lui-même sur ce mystérieux examen. Il avait réunis plusieurs informations : les jeunes partaient toujours de l'établissement pour faire le grand contrôle et ils n'avaient pas le droit d'emporter leurs effets personnels, ceux-ci étaient retirés par les femmes de chambre et jamais on ne les retrouvait. Le plus étrange dans tout ça, c'est qu'il n'y a pas de femmes de chambre en temps normal à Schooltime. Elles viennent seulement après l'examen et toujours pour récupérer les affaires des anciens élèves.
En prononçant ces derniers mots, il me regardait droit dans les yeux, comme si je devais comprendre quelque chose qui m'échappait complètement.
- Notre enquête avançait, me raconta-t-il, et je commençais enfin à retrouver espoir. Cependant quelque chose d'autre avançait : l'année, et Peter était en terminal. Vers les derniers mois, nous avons comprit que les élèves qui s'en allaient disparaissaient de la surface de la Terre. Nous avons même émit l'hypothèse qu'ils mouraient - sans en être réellement sûrs. Peter ne voulait pas faire son teste, il commençait vraiment à avoir peur, il se mettait à péter des câbles devant moi ! S'exclama mon ami, il était de plus en plus paniqué et il du coup il était de moins en moins discret, ce qui m'inquiétais. Et puis un jour, il a fait une crise en plein milieu du réfectoire : il s'est mis à me parler du fait que cet exam était en fait un chemin qui dirigeait droit vers la mort. Je le laissais parler parce qu'il ne s'exprimait pas fort.
Le beau garçon ferma les yeux et pressa ses doigts contre ses paupières.
- Je... Putain j'aurais jamais cru que les profs l'entendraient! Il me parlait pas fort ! Mais ils nous ont repérés et on nous a convoqué. On s'est retrouvé dans une salle d'attente près du bureau de la directrice. En trois ans ici, Peter n'avait jamais vu cette salle de merde. On avait l'impression d'attendre pour passer un interrogatoire !
Plus il se remémorait de cette histoire et plus son accent était fort, je pouvais d'ailleurs très nettement distinguer qu'il avait bien des origines latines - sûrement mexicaines.
- Ils lui ont demandé de rentrer dans le bureau sans moi. J'ai attendu deux putains d'heures devant cette putain de porte. Et quand il est sorti, il m'a complètement ignoré. Je ne sais pas ce qu'il leur a dit mais il a réussi à les convaincre que c'était lui le fautif et que moi j'étais innocent. Et le lendemain, on l'a changé de chambre, je sais pas où il est allé. No mames ! No sabia ! Jura-t-il.
Il fit une nouvelle pause pour se concentrer et canaliser sa colère.
- Il a disparut pendant trois jours bordel ! Je savais plus quoi faire ! Et puis il est réapparut en cours et il parlait plus à personne, il était couvert de bleus et il marchait lentement, comme si on l'avait torturé. Estaba...
La haine était tellement intense que je voyais bien que ne pas pouvoir parler dans sa langue natale lui était difficile.
- Et puis deux semaines plus tard, il est parti pour l'exam et lui non plus je l'ai jamais revu. Et ce mec qui t'as poursuivi tout à l'heure c'était un des leurs, j'en suis certain. Tu as dû entendre un truc que tu devais pas et maintenant tu es en danger...
Enfin, son histoire avait prit fin. Mais les derniers mots ne m'avaient pas du tout laissée indifférente : « tu es en danger ». Je commençai à me masser les tempes pour essayer d'assimiler ce trop plein d'informations sauf que je devais avoir une plaie au côté droit parce qu'une douleur aiguë explosa sous mes doigts. Je ne pus m'empêcher de gémir.
Dans un réflexe impressionnant, Jeff attrapa mon poignet et se rapprocha :
- Maintenant tu veux bien me laisser te soigner ? Dit-il de sa douloureuse voix de velours.
Sentant que j'allais bégayer - étant toujours dans un contacte dangereux avec son poing - je me contentai de hocher la tête et baissai celle-ci sur mes pieds, créant un rideau de cheveux protecteurs à mes joues qui depuis quelque temps s'étaient transformées en plaques de gaz.
- Hum. Pour ça, il faut que tu lèves la tête ma belle, continua-t-il.
Ô destin, était-ce possible que vous arrêtiez votre torture incessante ? Depuis quelques temps, j'avais l'impression que le chance m'avait complètement oubliée...
- Occupe toi d'abord de mes mains... grognai-je ;
- Non, ton visage est plus endommagé, laisse moi faire ! Je te promets que je ferai attention, renchéri-t-il.
Je soupirai bruyamment pour lui faire comprendre que cela m'agaçait au plus haut point puis me redressais, tombant sur un regard caramel envoutant. Mais quels yeux ! Comment des perles aussi magnifiques pouvaient se retrouver sur un homme ? Il aurait été plus normal qu'elles soient surnaturelles ! De telles iris ambrées hypnotisaient forcément toute la gente féminine, et faisaient même peut être changer de bord certains garçons ! Alors que j'étais en train de fantasmer sur ce regard de braise, un sourire arrogant vint se dessiner sur ce visage miraculeux.
- Je t'éblouis hein ? Me glissa-t-il.
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