Chapitre 11
- Besoin d'aide, princesse ?
Manquait plus que ça.
- Non ça ira.
J'étais là, dans cette petite cour maudite et je n'osais même pas me retourner, broyant du noir. Soit j'avouais à cet abruti fini que j'avais besoin de son aide et dans ce cas là je remballais toute ma fierté et me prenait une petite humiliation en direct, soit j'essayais de tout régler moi-même sans avoir aucune idée d'où étaient partis mes amis et demeurant la cible mouvante de tous les professeurs et EMM* de cette école...
La solution la plus logique aurait été la première, mais je n'étais pas du genre logique. Aussi, je fis mine de ne pas le voir et sortis mon téléphone, composant le numéro d'Ellie. Je portai mon portable à l'oreille et attendis. Je tombai directement sur la messagerie.
Putain !
À tous les coups Ellie avait oublié de rallumer son iPhone après l'avion ! Enfin, c'était ce que j'espérais car dans le cas contraire, elle pourrait aussi être morte. Bon sang, j'avais perdu l'habitude de cette si bonne ambiance à Schooltime !
Je me mis à faire les cent pas, me rongeant les ongles et ignorant royalement Jeff, dont je sentais la présence juste à côté.
HORS DE QUESTION de lui demander de l'aide. Plutôt crever ! Tout en marchant d'un bout à l'autre, je ressassai tout ce qu'on s'était dit avant et pendant le trajet, tous les endroits où ils auraient pu aller.
- L'étage ? Non... me dis-je à moi-même ;
- De quoi tu parles ? Demanda Jeff.
Je l'ignorai et continuai ma petite liste :
- Le CDI ? Mais pourquoi ? De toute façon il n'a pas pu être reconstruit depuis le temps...
- Oh tu sais...
- Les toilettes ? Mais je les aurais croisé ! Le coupai-je avant qu'il puisse sortir une autre ineptie.
Eh merde, comment allais-je les retrouver ? J'essayai de me rassurer en me répétant que Diego était vu comme un membre à part entière de la mission et qu'il couvrirait Ellie sans problème, mais je ne pouvais pas m'empêcher de stresser. Et si Ellie s'était séparée de lui à cause de la foule dans les couloirs ? Et si elle était tombée sur Dean ? Et si Dean avait été pris d'une envie soudaine de combler ses pulsions sadiques et l'avait découpée en morceaux ?
AVRIL ! Stop !
Je soufflai un bon coup et serrai les poings. Cela ne servait à rien de paniquer, je serais beaucoup moins utile hystérique. Et puis, comme le disait ma prof d'histoire au collège : « avec des ''et si'' je deviendrais présidente de la République », mes suppositions ne servaient qu'à me faire peur et il y avait peut de chance pour qu'Ellie soit à la fois séparée de Diego, trouvée par Dean et que celui-ci soit pris d'un désir soudain de tuer quelqu'un, là, comme ça, dans des couloirs à la vue de tous.
- Tu sais, si tu ne peux pas te débrouiller toute seule je suis là. Après tout, j'ai l'habitude de réparer tes conneries, déclara Jeff à côté.
Ah non, là, c'était la goutte de trop. Je me retournai d'un bloc et avançai vers lui d'un pas décidé :
- Réparer MES conneries ? Lançai-je d'un ton agressif, QUI a travaillé pour Schooltime ? QUI a espionné l'autre pour le compte de terroristes ? QUI l'a droguée ? QUI ? Moi peut-être ? Non j'crois pas.
J'étais rouge de fureur et mes mains tremblaient tant j'étais énervée. Il osait m'embrasser, me jeter, me virer puis me dire qu'il rattrapait mes conneries ?
- Ah oui, et QUI est le malin qui a crié mon nom dans le couloir tout à l'heure pour bien annoncer mon retour à toute la bande de tarés qui veut ma peau ?
J'avais un doigt sous son menton et je le défiai du regard, prête à détruire point par point chacune de ses réponses. Mais contrairement à mes attentes, il resta muet, à me dévisager, impassible. Encore mieux ! Après quelques secondes de silence, j'abandonnai et m'éloignai de lui. Il n'en valait pas la peine.
Sans plus lui accorder un seul regard – j'avais eu ma dose – je marchai vers la porte pour rentrer dans l'établissement et partir à la recherche de mes amis portés disparus. Mais alors que je posai la main sur la poignée, un étau se serra contre mon bras :
- Je ne te laisserais pas y aller seule, murmura Jeff tout contre ma nuque.
Des frissons remontèrent le long de ma colonne vertébrale mais je fis mine de rien et répondis d'un ton blasé :
- Et pourquoi ?
- Parce que sinon tu vas encore te faire remarquer.
Mes doigts se serrèrent d'un coup autour de la poignée et je luttai pour ne pas lui mettre une gifle. Au lieu de ça, je répliquai :
- À qui la faute ?
Puis j'ouvris la porte. Jeff me suivit, gardant sa main sur mon bras, ce qui – je devais bien le reconnaître, même si je détestai ça – était particulièrement stimulant. Alors qu'on progressait dans le couloir, il reprit :
- On va où ?
Ne voyant pas l'intérêt de l'ignorer et puisqu'il m'avait si gentiment proposé son aide, je décidai d'être honnête :
- Au pays des bisounours.
Sa main se serra de nouveau autour de ma peau et il émit une pression qui me contraint à m'arrêter.
- Quoi encore ? Demandai-je, agacée, tournant la tête vers lui.
Malheureusement, je n'avais pas pris conscience que nous étions si proches et je me retrouvai à quelques centimètres de ses lèvres, son souffle se mêlant au mien.
Vous n'en avez pas marre de jouer au jeu des amoureux transis vous deux ? Soit vous vous embrassez à en perdre l'haleine, soit vous vous énervez à en perdre la voix, trouvez un équilibre ! C'est lassant à la fin !
Ta gueule.
Jeff eut un petit sourire en coin, fixant mes lèvres avec attention et je me fis violence pour ne pas recommencer la mascarade qui venait de se produire ici quelques minutes plus tôt :
- Quoi ? Répétai-je, mais cette fois, ma voix tremblait.
Ma question réussit à lui faire reprendre ses esprits et il expira d'un coup, comme s'il s'était retenu de respirer tout ce temps.
- Je suis en charge de toi, c'est moi qui te surveille, donc si tu veux que nous réglions vite ton problème – parce que t'as la tête de quelqu'un qui a des problèmes – vaudrait mieux que tu dises la vérité.
Le pire, c'était que je savais très bien qu'il avait raison, j'étais juste trop têtue pour le reconnaître.
- Et depuis quand tu me surveilles ?
- Depuis maintenant.
- Seulement maintenant ? T'es sûr, sale pervers ?
Ouais, c'était peut-être un coup bas, mais j'essayai plus que tout de faire remonter toute ma rancune pour ne pas lui sauter dessus, là, tout de suite, avec ses lèvres juste en face des miennes.
- Et puis qui t'a demandé de me surveiller ? Renchéris-je, ne pouvant pas détacher les yeux de sa bouche.
AVRIL ! UN PEU DE SÉRIEUX !
- Moi-même. Pas question de te laisser te déplacer seule ici, tu serais capable de rameuter tous les profs et de les narguer alors qu'ils ont des mitraillettes à la main.
- Faut pas pousser, oui !
Après, je voulais bien avouer qu'à quelques reprises, j'avais nargué des adversaires dans des moments où il aurait mieux valu me taire...
Monsieur le prof d'arts plastiques, si tu es là sous mes pieds, saches que c'est à toi que je pense.
- Bon, dis moi tout, de toute façon tu sais très bien que je ne te quitterais pas.
Et comme c'était dur de se faire suivre par l'ex que j'aimais encore et qui côtoyait ma pire ennemie...
- OK. Je ne suis pas venue ici seule, c'est Diego qui m'a ramenée, moi et... ma meilleure amie de Paris. Elle s'appelle Ellie. Ils devaient m'attendre dans la cour jusqu'à ce que je vienne les chercher mais après que j'aie vu la directrice et qu'elle ait accepté qu'on intègre l'école, je suis allée les chercher et... ils ne sont pas là.
- Parce que c'est Diego qui t'a ramenée en plus ? S'énerva soudain Jeff.
- Ouais.
Il me lâcha l'épaule et tapa le mur à côté de lui.
- Depuis quand tu tapes dans les murs comme un gamin de cinq ans qui fait un caprice ?
- Depuis ton retour faut croire.
- Je te fais tant d'effet que ça ?
Ma réplique était censée être railleuse mais il se retourna d'un coup et plongea son regard ambré dans le mien tout en soufflant :
- Tu n'imagines pas à quel point.
Mayday, mayday, une femme envoûtée, demande mission de repli illico presto !
- J'imagine surtout que tu devrais aller retrouver Chloé, répondis-je après un temps.
Il cligna des yeux puis recula, comme si je l'avais frappé. C'était la meilleure ! JE m'étais démerdée pour le retrouver, J'avais remué ciel et terre pour ça, IL n'était pas foutu de m'attendre et IL osait être choqué que je le lui reproche. C'était le monde à l'envers. Et je n'avais pas que ça à faire.
- Si tu veux bien, on devrait se mettre à la recherche de ton cousin et de ma copine.
Il hocha la tête et m'emboîta le pas :
- Vous aviez convenu d'un lieu de repli au cas où ils se feraient prendre ?
Ç'aurait été si malin...
- Non.
- Tu leur as dit où tu te rendais ?
J'y réfléchis quelques secondes puis réalisai que oui... Mais pourquoi est-ce que je n'y avais pas pensé toute seule ?
- Oui ! Au bureau de madame C !
Sans attendre, on s'y dirigea.
- Quelle idiote tu fais, ne pas penser à ça toi-même... marmonna Jeff derrière moi.
- Ta gueule. J'ai déjà une conscience intérieure, j'en ai pas besoin d'une extérieure, tu sais.
- Désolé d'énoncer des faits.
- J'ai dit ta gueule.
J'accélérai le pas, tentant d'instaurer une distance entre nous mais il me rattrapa en quelques enjambées.
- Je rêve ou t'as grandi pendant que j'étais pas là ? Demandai-je soudain, effarée par la longueur de ses pas.
- On va vérifier ça tout de suite.
Il s'arrêta d'un coup, m'attrapa par la taille et me plaqua contre lui. Je me retrouvai la tête contre son torse, mal à l'aise. D'un mouvement sec je m'écartai de lui. Il ne résista pas.
- T'as sûrement raison, je crois qu'avant tu pouvais m'embrasser dans le cou sans te mettre sur la pointe des pieds.
J'ouvris la bouche pour répondre puis changeai d'avis, soupirai et repris la marche.
- Eh, qu'est-ce que t'as ? S'exclama Jeff en me suivant.
- À ton avis Jeffrey ? Qu'est-ce que j'ai ? Tu sors avec Chloé puis tu m'embrasses, puis tu me gueules dessus parce que je suis revenue, puis tu me dragues. Je te suis pas du tout et j'ai pas envie d'être ton petit jouet. Donc arrêtes. Arrêtes de faire comme si on s'entendait bien. C'est pas le cas, je ne sais même pas qui tu es. Je croyais, je croyais vraiment te connaître. Mais faut croire que je me suis complètement trompée. Je croyais qu'on partageait un truc, mais là aussi, faut croire que j'avais tout faux. Alors stop. Arrêtes de jouer avec mes sentiments, arrêtes de me tripoter et de me dire des mots doux. Juste, tais toi.
Et j'ouvris la porte du bureau devant lequel nous étions arrivés. À l'intérieur se trouvaient ma mère, Diego et Ellie qui semblaient en plein milieu d'une grande conversation amicale. Si c'était pas beau ! La chef d'une organisation terroriste, l'agent de la CIA sadique et ma meilleure amie étaient en train de copiner. Rien en pouvait me faire plus plaisir.
- Avri ! T'es enfin là ! S'exclama Ellie en venant à ma rencontre.
Elle s'arrêta net en voyant le garçon qui s'était placé – ô comble du désespoir – juste assez près de moi pour que son torse touche mon omoplate.
- Euh, comme tu revenais pas on s'est dit qu'on allait te rejoindre. Mais t'étais pas là alors on a décidé de t'attendre, déclara-t-elle d'une traite, ne pouvant pas détacher ses yeux de Jeff.
Quelle horreur ! Pitié ! Pas ça ! Ma meilleure amie était tombée sous le charme de ce connard ! Je devais à tout prix lui expliquer qui c'était !
- Ah, cool, répondis-je, bon du coup, on va s'installer dans notre dortoir ?
- Vous serez dans ton ancienne chambre, annonça soudain ma mère ;
- Mais il manque un lit...
- Tu pourras toujours venir dans le mien, glissa Jeff à mon oreille.
Je lui mis un coup de coude en plein dans les côtes ce qui n'eut pour effet que de provoquer son rire. Connard !
- Ellie aura un matelas, nos chambres sont complètes, son arrivée n'était pas prévue.
- D'accord.
Sans plus discuter, je pris les sacs qui étaient posés dans un coin du bureau, aidée de Diego, d'Ellie et... de Jeff, puis sortis sans remercier la directrice. J'avais trop hâte de retrouver ma chambre et surtout, trop hâte de retrouver mes amies. Enfin ! J'espérais qu'elles au moins, elles ne m'avaient pas oubliée...
*Rappel : EMM, élève membre de la mission
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