Chapitre 9 : Souvenirs
— Je suis sortie prendre l'air sur les quais de Seine. J'ai rencontré quelqu'un avec qui j'ai discuté et j'ai pas vu le temps passer.
Paul parut surpris, il fallait dire que pour une timide dans mon genre, c'était plutôt inattendu.
— Tu discutes avec des inconnus sur les quais au beau milieu de la nuit toi ? C'est super dangereux Clem, ça ne te ressemble pas !
Effectivement, mais maintenant je n'étais plus certaine que quoi que ce soit me ressemble, j'étais un peu perdue.
— En fait ce n'était pas vraiment un inconnu. J'ai rencontré Nekfeu, tu sais le rappeur que j'aime bien.
Je marchais sur des œufs, mon fiancé écarquilla les yeux, de plus en plus étonné.
— Tu l'as rencontré sur les quais de Seine et il t'a parlé ? C'est dingue comme histoire.
— Oui c'est fou.
Je mentais à moitié, mais y avait-il de petits mensonges ?
— Vous avez parlé de quoi ? Il est sympa ?
Paul avait l'air plus curieux que fâché, pour lui ça ne devait pas représenter grand chose, pour moi en revanche c'était un autre problème.
— Il est sympa oui, on a parlé de tout et de rien, de son album. Voilà.
— D'accord, me répondît-il d'une voix absente.
Il était déjà concentré sur son portable et ses rendez-vous de la journée. Ouf, me dis-je à moi-même, ça ne s'était pas si mal passé que ça.
Les jours suivirent ensuite leur cours sans que j'ai de nouvelles de Ken, je m'y attendais ce n'était pas son genre. J'étais assez mal dans ma peau, chaque fois que Paul me parlait du mariage, j'esquivais le sujet, lui disait d'en parler avec Anna, prétextant avoir trop de travail.
Un soir où Paul n'était pas là, je corrigeais un manuscrit en buvant un verre de vin, profitant d'un moment de solitude. Je reçu un message d'un numéro inconnu.
06******** : Alors, t'as retrouvé la mémoire ?
Je savais très bien de qui il s'agissait, mais je ne me souvenais plus exactement de la phrase qu'il m'avait dit en partant. Avec le questionnement de Paul en arrivant à l'appartement, ses mots m'étaient sortis de la tête et mes recherches n'avaient rien donné.
Moi : Redonne moi ta phrase, je l'ai oubliée.
Une heure plus tard je n'avais toujours pas de réponse, il savait vraiment se faire désirer, ou peut-être qu'il était simplement très occupé. Mais j'avais envie de savoir et ça me rendait folle.
Mon portable vibra et je me précipitai dessus.
06******** : Plongés dans l'anonymat, on divague, on va et vient...
Un deuxième message suivi presque instantanément.
06******** : Écris moi quand tu te souviens. À bientôt Clémentine.
Je ne pris pas la peine de répondre et tapait aussitôt la phrase dans le moteur de recherche.
Je tombais alors sur une chanson, Lettre Ouverte, du collectif 5 Majeur, elle datait de 2013. Je la lançai et reconnu la première phrase et la voix de Ken en même temps.
Plongés dans l'anonymat, on divague, on va et vient
En face d'une diva en hiver le long du wagon aérien
Plongé dans mes pensées contemplant son visage meurtri
Un sillon noir suivant ses larmes, en silence et moi j'me retiens
De me mêler de sa vie pour savoir
Pourquoi son cœur cri ainsi
Envie de lui dire : vient vite on va s'griller un spliff
T'es pas commode toi ça s'voit on va s'comprendre
Des jeux de drague dans les reflets opaques quand
J'croise ton regard froid
Maintes et maintes fois, le coup d'oeil en douce nous troublant
Beaucoup de gens courant autour dans l'tourbillon des fins d'mois
En s'en allant, l'ancien amant, n'a pas fait l'grand garçon
Toi qui voulait parler d'futur tu sens le manque, l'esseulement
T'es dégoûté t'as fait l'plus dur délaissant l'élan de passion
Te retrouver au pied du mur mais sans lamentations
Et tes yeux m'parlent ils m'disent :
« regarde mes semblables en action »
J'aimerais te dire que les hommes sont perfides face aux tentations
Seulement t'es solennelle, mature, j'aimerai que tu sois la mienne
Mais v'la que le wagon sonne à peine
Et déjà tu sors à belle allure
Avant d'retrouver l'azur, tu trouvais peut-être rassurant
De te retourner pour t'assurer que j'te loupais pas d'vue...
Je refermai brutalement mon ordinateur.
Moi : Je me souviens.
Cette histoire était de plus en plus incroyable. J'avais croisé Ken un peu plus de trois ans auparavant, nous avions vécu presque le même scénario que le mois dernier et je n'avais pas fait le rapprochement. Il faut dire qu'il avait beaucoup changé ces dernières années, mais aussi que cet événement était plutôt anodin pour moi et j'étais loin de penser qu'il lui avait inspiré un couplet. Je trouvais d'ailleurs complètement improbable qu'il m'ait reconnue. Je décidais d'appeler Anna pour lui raconter.
— Oui ma belle, me dit-elle en décrochant.
— Tu ne devineras jamais...
Alors que j'entamais mon récit je l'entendis parler avec quelqu'un et reconnu la voix de Paul.
— T'es avec Paul ?
— Oui il est passé à l'appart pour faire un point mariage.
Je me sentis soudain un peu exclue, mais en un sens, ça m'arrangeait.
— Ok bon ben on boit un verre dans la semaine pour parler un peu de tout ça.
Après avoir raccroché, la solitude qui m'avait fait du bien quelques heures plutôt me pesait désormais. À qui pouvais-je confier mes doutes et toutes ces remises en question qui occupaient mon esprit si tout le monde était tellement occupé ?
J'allais me coucher, un peu déprimée, un peu aigrie et complètement brassée par ma découverte de la soirée. Plus tard, je tentais de me remémorer ce jeune brun aux cheveux en bataille et à l'air insolent avec qui j'avais échangé des regards insistants le temps d'un trajet de RER. Comment quelqu'un que je connaissais à peine pouvait-il à ce point occuper mon esprit ?
Je finis par m'endormir, avant que Paul ne rentre et sans entendre mon portable m'annoncer l'arrivée d'un nouveau message.
Le lendemain, lorsque mon réveil sonna, Paul se retourna à côté de moi dans le lit et grogna.
— Je bosse pas ce matin, bonne journée mon cœur.
— D'accord, repose-toi bien, répondis-je en déposant un baiser sur son front.
Mon cœur se réchauffa en le voyant allongé dans ce lit, malgré ces moments compliqués, je l'aimais toujours, quoi qu'il arrive c'était lui que je choisirai envers et contre tout.
Sur le chemin du travail, je consultais mon téléphone et fut surprise d'y voir un message de Ken dont j'avais enregistré le numéro la veille.
Ken : C'est une très bonne nouvelle. Va falloir qu'on en discute.
Je souris naïvement devant mon écran, on allait se revoir.
Moi : Avec plaisir, c'est une histoire de fou.
Cette fois, sa réponse ne se fit pas attendre.
Ken : Je te dis quand je suis à Paris. Tu fais quoi aujourd'hui ?
Moi : Énorme journée de travail.
Il ne m'écrivit plus de la journée et je me mettais à fond dans mon boulot. C'était vraiment une échappatoire pour moi, ma carrière commençais doucement mais j'espérais pouvoir un jour me faire un nom dans ce métier. Être payée pour lire des livres, c'était mon plus grand rêve.
Vers 22h, je reçus un nouveau message.
Ken : Encore au charbon ?
Décidément, ma vie l'intéressait beaucoup aujourd'hui.
Moi : Oui, mais je vais partir.
Ken : Ok, belek aux gars bresson sur le chemin du retour.
Encore une fois je souris devant son message. Après avoir rassemblé mes affaires, je fourrai le manuscrit dans mon sac et quittai l'immeuble, le cœur un peu plus léger.
Mon cœur bondit dans ma poitrine quand je le vis. Adossé à un mur, casquette baissée, mains dans les poches, il m'attendait à côté du café.
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