Chapitre 70 : Crises

Ken m'avait ramené dans la chambre et tentait de mettre fin à mes sanglots, mais j'étais en pleine crise d'angoisse.

— Chérie, respire s'il te plaît, concentre toi sur ma voix.

J'essayais de l'écouter mais il me paraissait si loin, comme si le son de sa voix était étouffé par une épaisse paroi de verre.

— Respire. Écoute moi Bébé, respire. Il faut que tu te calmes.

Ça ne marchait qu'à moitié, j'essayais de me concentrer mais ma panique était plus forte que la voix grave du Fenek.

J'étais en perdition totale quand il changea de stratégie.

J'y mets toute mon âme, mon âme, mon âme,
J'y mets toute mon â-âme...

Il chantait.

Comme à un enfant sa berceuse, il chantait le refrain de Mon Âme, tout doucement, se souvenant que je lui avais dit que sa voix m'apaisait sur ce titre.

La paroi de verre vola en éclat, il m'avait rejointe.

Tellement surprise de l'entendre chanter tout bas, contre mon oreille, je me laissai porter par ces simples mots répétés à l'infini.

Il n'y avait plus rien au monde que sa voix.

Je me mis à frissonner violemment, non pas parce que j'avais froid, mais parce qu'il avait trouvé la solution. Parce que c'était ce timbre rauque, ces mots, ce son, cette mélodie.

Je pensais parfois avoir atteint les limites de l'amour que je pouvais ressentir pour lui, pourtant cette nuit je l'aimais davantage que toutes les précédentes.

Quand il vit que ma respiration et mes sanglots étaient calmés,  Ken se tut un moment, attendant de voir si la crise était bel et bien terminée.

— Beauté ?

— Oui, murmurai-je faiblement.

— On va dormir maintenant et demain tu me parleras de tout ça. Ok ?

Je hochai la tête contre lui, sentant déjà le sommeil me gagner. Le jeune grec me lâcha un instant pour se lever et m'allonger correctement sous la couette. Puis il me rejoignit, attendant que je vienne me lover contre lui, ce que je fis sans hésiter.

— J'te lâcherai pas Clémentine, fourre toi ça dans le crâne.

Comment avait-il deviné que j'avais besoin plus que jamais d'entendre ces mots là ?

Ken n'était plus dans mon lit lorsque je m'éveillais, je ne pus m'empêcher de ressentir un élan de panique.

Calme toi Clem, m'intimai-je, Il doit juste être levé.

Je jetai un œil à mon portable, il était plus de 10h. La voix de Ken me parvînt à travers la porte. Il était au téléphone.

— Je sais pas frère, elle a fait une grosse crise de panique après, on a pas pu parler.

Il parlait de moi, mais avec qui ?

— Burb je sais qu'il faut la surveiller, mais je peux pas non plus la mater h24. Elle m'a dit qu'elle allait aux chiottes.

Oh non.

Je sortis brusquement du lit pour rejoindre le salon. Ken sursauta en me voyant.

— Elle est réveillée mec, faut que j'te laisse.

— ...

— Mais oui putain j'fais belek !

Il raccrocha et me lança un regard gêné. J'étais furieuse qu'il en parle à Deen, surtout avant que je n'aie moi même eu le temps de lui expliquer. Il remarqua ma colère et tenta de s'excuser.

— Beauté je suis désolé, j'avais le seum et je savais pas quoi faire. J'me suis dit que peut-être le Bigo t'avait déjà vu comme ça... Mais apparement non. Il est grave mal.

Évidemment qu'il était mal.

— Putain Ken tu pouvais pas attendre de m'en avoir parlé ? La dernière chose que je voulais c'est que Deen sache ça.

Il me lança un regard interrogateur, je comprenais sa surprise, d'habitude c'était Deen qui savait tout et lui le dernier au courant.

— Depuis quand tu caches des quetru à Burb toi ?

J'étais gênée, ne sachant pas si je devais lui confier ce que Deen m'avait dit au festival.

— Il s'inquiète trop pour moi, c'est pas bon, j'ai envie de le laisser respirer.

Ken scruta mon visage, il ne me croyait pas et je le savais.

— Dis moi la vérité Clem, je supporte pas quand tu mens.

Je soupirai et fermai les yeux, cette discussion allait mettre le bordel.

— Assieds toi et promets moi que tu diras rien à personne.

Ken fronça les sourcils, il ne comprenait pas comment la discussion avait soudainement prit cette tournure dramatique.

— Tu me fais flipper là.

Je soufflai un coup, j'avais tellement peur qu'il réagisse mal.

— Deen... il m'a dit qu'il savait pas trop ce qu'il ressentait pour moi...

Un petit sourire en coin naquit sur les lèvres de Ken. J'en fus plus que surprise, je m'attendais à tout sauf à ça.

— Pourquoi tu souris ?

— Tu crois que je le sais pas ? Clem, depuis le début tu lui plais. Je te l'ai dit t'as pas voulu me croire. Tu peux t'en prendre qu'à toi même.

Alors il m'avait laissé me rapprocher de Deen, devenir l'une de ses plus proches amies en sachant cela. Vu son tempérament plutôt possessif, j'étais vraiment étonnée.

— Pourquoi ça n'a pas l'air de te déranger ? Au début tu me faisais des crises de nerfs pas possibles.

Le sourire de Ken s'élargit, je ne comprenais rien.

— Parce qu'au début on était pas ensemble, il avait le champ libre. J'ai une confiance aveugle en mon kho. Il allait jamais tenter quoi que ce soit, et même si toi t'avais commencé à le chauffer ou quoi je suis sûr qu'il en aurait pas profité. Il a trop d'honneur pour ça.

Je soupirai, de toute évidence Ken ne comprenait pas le fond du problème.

— Attends mais ça te fait rien qu'il souffre à cause de moi ?

Le rappeur haussa les épaules, comme si cela n'avait pas d'importance.

— Je t'avais dit de faire belek, t'as pas voulu m'écouter. Si j't'aimais pas autant j'aurais des scrupules, peut-être même que je te tejerais pour que mon frère ait plus à te voir avec moi, mais ça changerait rien parce qu'il pourrait pas te ken non plus.

Je fronçai les sourcils, la façon dont il parlait de tout ça était si détachée et impersonnelle.

— Fais pas ta choquée Beauté, je te l'ai dit, je suis un putain d'égoïste avec toi, il te veut, il t'aura pas, c'est tout. À moins que toi t'aies envie de te barrer avec lui, dans ce cas c'est pas la peine, ni pour l'un ni pour l'autre de chercher à me revoir. Vous êtes morts pour moi.

Il était extrêmement froid soudainement. Je ne savais pas trop comment prendre cette phrase mais dans un sens je comprenais tout à fait son point de vue.

— Je veux être avec toi moi... soupirai-je, Deen est comme mon grand frère.

Ken haussa les épaules.

— Bah parfait alors, mais tu sais que si un jour il se passe n'importe quel bail entre vous, tu me récupéreras jamais. Que tu me trompes est une chose que je pourrais déjà pas supporter, mais avec mon frère... tu signes ton arrêt de mort pour...

— Ken arrête, le coupai-je d'une voix blanche, arrête je t'en supplie.

J'avais envie de pleurer, il me menaçait comme si j'avais déjà commis quelque chose, je le voyais serrer les poings, on avait l'impression qu'il m'imaginait déjà en train de commettre l'irréparable avec Deen. C'était comme s'il réalisait subitement ce qu'impliquaient les sentiments de l'ancêtre.

— Il se passera jamais rien, ok ? Ni lui ni moi ne voulons te faire du mal. Et, je ne veux pas de lui, d'accord ?

Son attitude avait changé du tout au tout entre le moment où il souriait de ma crédulité et son air énervé de maintenant.

— Ken, même quand j'étais plus capable de rien, que Deen était plus proche de moi que jamais, même quand il a dû m'aider à me laver parce que j'étais trop faible, il a rien tenté !

Je regrettai aussitôt ma dernière phrase. Le visage de Ken s'était métamorphosé.

— Il a vu ton corps ?

J'avais mal au cœur, je n'aurais jamais dû raconter cet épisode.

— Réponds moi.

Son ton était glacial, net, impitoyable.

— Il n'avait pas le choix... il n'a même pas regardé et puis... j'étais un squelette Ken...

Il se leva brusquement, saisit sa veste se dirigea vers l'entrée. Mais je me précipitai vers lui et m'agrippai à sa taille.

— Ken je t'en supplie ne pars pas... J'ai rien fait de mal, t'as pas le droit de me laisser comme ça.

— J'ai besoin d'air Clem.

Mais je refusai de le lâcher.

— S'il te plaît...

— Rien que d'imaginer qu'il te désire, ça me donne envie tout péter.

Mâchoire serrée, muscles tendus, il résistait à mon étreinte.

— Lâche moi Clem, j'ai pas envie de te faire mal.

Je ne le reconnaissais pas. Comme mes bras refusaient de le laisser partir, il finit par se détacher un peu fortement de leur étau.

Je restai pantoise, les bras ballants, en voyant la porte claquer violemment devant moi.

Au moins, il n'avait rien cassé.

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