Chapitre 57 : Reproches
— Putain Clem c'est quoi ce bordel !
La voix de Deen me tira de mon profond sommeil.
— Aïe putain, mais t'as ramené un psychopathe ou quoi ?
Je l'entendais arpenter mon appartement, à vrai dire j'ignorai dans quel état se trouvait le salon.
— CLÉMENTINE MEUNIER RAMÈNE TON CUL, LA VIE DE MA MÈRE J'VAIS VOUS TUER TOUS LES DEUX.
Impossible, comment avait-il deviné ?
— CLEM SI C'EST MOI QUI VIENS T'ES MORTE !
Je me levai tant bien que mal et, enfilant un short, je sortis de ma chambre.
Deen se tenait face à moi, un tesson de bouteille de vodka explosée dans une main, une casquette Patagonia noire « eat local » dans l'autre.
Pièces à convictions de qualité supérieure.
J'étais dans la merde.
— C'est pas ce que tu crois... tentai-je.
— Cite moi un seul rappeur suffisamment écolo, végétarien, pour porter une putain de squetteca « eat local » ? Cite moi le nom du seul de mes gars qui a décalé sec de ma réssoi ? CITE MOI LE NOM DU CRETIN QUI EST OBLIGÉ DE PÉTER LA PREMIÈRE CHOSE QUI LUI PASSE SOUS LA MAIN QUAND IL SE VÉNÈRE ?!
Sa voix était montée au fur et à mesure de sa tirade, il respira un instant et repris plus doucement.
— Enfin, si c'est pas ce que je crois, pourquoi ta robe d'hier est par terre ? Tu me prends pour le dernier des cons Clem ? Je suis sûr que si j'ouvre cette poubelle, je tombe sur une putain de capote usagée !
Je ne savais pas quoi répondre, Deen était bien trop perspicace.
— T'as rien à dire ? demanda-t-il en agitant la casquette sous mon nez.
— Euh... désolée, réussis-je à prononcer.
Deen secoua la tête de droite à gauche.
— Bordel mais on peut pas vous laisser deux secondes tout seuls dans la même pièce ! C'est pire que des gosses ! Il vous faut une nounou !
Je tentai un petit sourire gêné.
— On peut ne pas en parler ? demandai-je.
Les yeux du rappeur me lancèrent des éclairs, il était vraiment énervé contre moi.
— Bien sûr que si on va en parler. Habille toi, on va déjeuner dans un lieu public sinon je sais pas si je vais pouvoir me maîtriser.
— Hum Deen on pourrait pas juste aller marcher... j'ai pas super fa...
— Tu vas manger, me coupa-t-il, et tu vas manger ce que je t'aurai commandé jusqu'à la dernière miette. Tu me dois bien ça pour m'avoir abandonné hier soir. Encore plus parce que tu m'as abandonné pour aller faire des bails avec le Fenek. Putain mais quand Mekra va savoir ça !
À cet instant on frappa violemment à ma porte.
— Y'a une sonnette, soupirai-je.
Je pensais que c'était Sneazz, il avait cette fâcheuse manie de frapper au lieu de sonner, alors même qu'il avait le double des clés.
Mais lorsque j'ouvrai je me retrouvai face à Hakim. C'était comme si Deen avait invoqué un esprit en balançant son blaze.
— Euh Salut, murmurai-je.
Il me pointa du doigt et me fixa de ses prunelles sombres.
— Toi ! Tu t'approches encore une fois de Nek, je te jure que t'es morte.
Alors là c'était le pompon ! Comme si Ken n'était pas consentant. Je sentis l'énervement me gagner.
— C'est quoi le projet ? Tu viens me menacer comme si j'étais le connard qui a brisé le cœur de ta petite sœur ? Ken n'est pas assez grand pour gérer ses histoires tout seul ? Je l'ai pas violé que je sache.
Mékra fonça droit sur moi et je dus me planquer derrière Deen qui intercepta son ami. Je n'étais pas toujours crédible en femme forte et sûre d'elle, du moins pas face a Hakim.
— Putain ! Je sais pas ce que tu lui as dit cette nuit mais il est vénère comme jamais, il a fumé deux putains de spliffs alors que ça lui était pas arrivé depuis des années ! Tu vas le détruire, alors sors de sa vie bordel !
Deen tenta de calmer le Kabyle qui menaçait de casser le reste de mon appartement. Je tentais tout de même de me défendre.
— Ken ne peut s'en prendre qu'à une seule personne, lui-même, Hakim. J'ai jamais demandé à tomber amoureuse de lui, j'ai jamais demandé à ce qu'il parte au Japon, j'ai jamais demandé à ce qu'il me laisse seule gérer la mort de mon père. J'ai pas...
Hakim tapa violemment du poing sur mon plan de travail. Je sursautai, incapable de poursuivre. Deen restait de marbre, se contentant de faire écran entre nous.
— Quand j't'entends déblatérer ce genre de conneries je me demande comment Ken peut te trouver aussi intelligente. T'as un putain de problème Clémentine ! Tu t'rends pas compte de c'que tu représentes pour lui. Tu vois, tu m'avais fait tout un discours où tu disais que t'étais consciente de c'que ça impliquait d'être avec lui, bah putain une fois que tu l'as été t'as vite oublié !
— C'est faux ! hurlai-je, Je lui ai jamais demandé de quitter le rap !
Mékra secoua la tête, un air dégoûté sur le visage.
— Pourtant lui il a envisagé de tout arrêter pour toi. Tu comprends pas Clem, tu vois pas à quel point tu le rends ouf. J'ai envie de te coller une claque pour que tu réalises, mais je sais que je pourrais perdre mon kho si je levai la main sur toi ! C'en est à ce point, et ça t'as pas été capable de le voir parce que t'étais trop égocentrique. Tu veux parler du Japon ? Parlons-en ! Dès qu'il t'avait au téléphone il revenait bressom de ouf, complètement déprimé, on était obligé de le forcer à couper son putain de phone pour qu'il te parle pas et qu'il kiffe un peu sa vie !
Les mots d'Hakim étaient trop violents pour moi, pourquoi me disait-il tout cela maintenant ? Alors que je me remettais à peine de la rupture. Je n'arrivais plus à parler, en plein K.O technique je ne pouvais plus réagir face à tant d'informations et à ce flot de culpabilité qui m'assaillait.
— Si je puis me permettre, commença calmement Deen, votre point de vue à tous les deux est faussé.
Nous nous retournâmes vers lui comme un seul bloc.
— Clem, t'as été dure avec Ken c'est un fait et tu n'aurais jamais dû coucher avec lui cette nuit, mais ça on en reparle après. Mais Mek, comment voulais-tu qu'elle comprenne une seule seconde ce qui se passait ? Putain mais tu connais le Fenek encore mieux que lui-même, y a pas plus instable ! Elle est tombée amoureuse de lui, qu'est-ce qu'elle pouvait y faire bordel de merde !? Tu m'enlèveras pas de l'esprit qu'il a carrément fait le con, pourtant Dieu sait que c'est mon gars sûr et que je suis pas du genre à tailler sans savoir. La vérité, c'est qu'il n'y en a pas un pour rattraper l'autre, Nek et toi Clem, vous êtes deux gros fragiles, trop cons pour comprendre qu'entre vous c'est évident, trop flippés pour prendre des risques l'un par rapport à l'autre, trop aveugles pour voir à quel point l'autre vous aime. J'en peux plus de vos histoires, j'en peux plus de voir ma meilleure amie chialer à cause de mon reuf, j'en peux plus de voir mon reuf péter des plombs a cause de ma meilleure amie. Donc maintenant, soit vous vous démerdez pour garder vos distances, soit vous vous mariez et vous faites des gosses mais vous arrêtez de nous casser les couilles.
Deen semblait ne pas avoir respiré depuis le début de sa tirade. Mékra paraissait tout aussi soufflé que moi par les mots du rappeur.
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