Chapitre 44 : Départ
Il était parti.
J'ignorai pourquoi mais lorsque j'avais vu son avion décoller ce matin là, une petite voix m'avait soufflé que ce ne serait plus jamais pareil.
Ken avait essayé de plaisanter toute la matinée mais cette fois même son irrésistible sourire en coin n'était pas parvenu à me dérider. Pourtant je savais qu'il devait revenir à Paris dans un mois, mais cela me paraissait insurmontable.
J'étais directement allée chez lui, j'avais besoin de sentir sa présence, son odeur. Il me manquait déjà. Partir un dimanche, quelle mauvaise idée, je ne pouvais même pas me réfugier dans mon travail. Alors c'est dans son lit que je m'étais blottie, l'un de ses sweat entre mes bras, je me repassais nos derniers instants ensemble comme un film continu.
— Prends soin de toi Beauté, avait-il murmuré avant d'embrasser une dernière fois mes lèvres.
Et je l'avais observé s'éloigner avec ses gars, il ne semblait même pas triste en m'adressant ce dernier clin d'oeil avant de passer la porte d'embarquement. J'ignorai si c'était parce qu'il était suffisamment fort pour masquer ses sentiments en public, ou si l'excitation de s'envoler pour de nouvelles contrées était plus forte que la tristesse de me laisser à Paris.
Deen et Moh m'avaient raccompagnée chez Ken après m'avoir invité à déjeuner. Je n'avais pas touché à ma nourriture, incapable d'avaler quoi que ce soit, et les garçons s'étaient fait une joie de finir à ma place.
— Appelle moi quand tu veux, m'avait dit Deen en partant.
Je savais qu'il fallait que je rentre chez moi, rester seule dans cet appartement n'allait pas m'aider à passer sur son départ. Mais dans ce genre de moment, une forme de masochisme un peu sournoise se développe et on a besoin de sentir la présence de la personne absolument partout autour de soi.
Je détestais le fait qu'il me rende aussi fragile, j'avais tout fait pour me constituer une carapace bien solide, mais avec ses douceurs et ses caresses, il avait brisé jusqu'à la dernière de mes résistances. Ce qui me rendait encore plus folle, c'est que je n'avais pas réussi à faire de même avec lui. Ken restait cette personne à la fois tendre et distante qui, je le sentais bien, ne me laissait pas l'atteindre réellement.
Les jours s'étiraient depuis son départ et le mois de septembre me parut durer une éternité. Ma patronne, bien qu'elle m'ait donné un poste plus intéressant, me surchargeait de travail et c'était bien car cela m'évitait de penser au fait que personne ne m'attendait lorsque que je rentrais chez moi.
Heureusement, je pouvais compter sur Deen et Moha que je voyais maintenant très régulièrement. L'un et l'autre venaient souvent le soir pour dîner ou pour squatter mon canapé. Quelque part, ils me reliaient à Ken qui me manquait chaque jours un peu plus.
On ne va pas se mentir, depuis qu'il était au Japon, je passais mes journées à regarder mon téléphone en espérant qu'il sonne ou qu'un message le fasse vibrer. Mais ces petites attentions se faisaient relativement rare, d'une part parce que Ken n'était pas quelqu'un d'extrêmement bavard par ce biais là, d'autre part parce qu'il était ultra occupé et que le décalage horaire n'aidait pas. Je me sentais un peu délaissée, voyant à travers les stories des gars qu'ils découvraient, sortaient, enregistraient. Dans ses rares appels, Ken était tellement enthousiaste par rapport à ce qu'il vivait que je me demandais si je lui manquais seulement un peu.
Je n'aimais pas les sentiments qui se bousculaient dans mon cœur, je sentais une sorte d'aigreur grandir en moi, inconsciemment je me mettais à lui en vouloir. Si bien qu'au bout de deux semaines, j'arrêtai subitement de prendre ses appels et de répondre à ses messages. D'une certaine façon, j'espérais que faire la morte finirait par le conduire à s'inquiéter et à faire un peu plus attention à moi.
Je sentais au fur et à mesure mon ressentiment grandir. Plus particulièrement lorsque le jour de mon anniversaire arriva. Cela faisait quatre jours que j'ignorai tout ce qui provenait de Ken, je savais par Deen que ça l'avait agacé et qu'il ne comprenait pas pourquoi je refusais de lui répondre.
Alors ce jour là, quand il m'appela dans la soirée, je craquai et répondis.
— Putain enfin tu décroches ? Il t'arrive quoi ? pourquoi tu fais la gueule comme ça ?
Son ton était violent et me coupa le souffle. Je n'arrivais pas à répondre.
— Clem ! Dis moi c'que t'as c'est clairement relou de gérer des embrouilles à distance !
— Est-ce que je te manque ? finis-je par lâcher, Est-ce que parfois t'as un peu envie de me revoir ?
Il souffla dans le téléphone, visiblement très agacé.
— Putain mais il te faut quoi ? Que je t'écrives des lettres de douze pages où je te déclare ma flamme ? Je dois m'excuser d'être content d'être au Japon parce que t'es obligée de rester à Paris ?
Je n'en revenais pas qu'il me parle comme ça, j'avais simplement besoin d'être rassurée et c'était tout l'inverse.
— J'ai pas besoin de lettres, j'ai pas besoin d'excuses, mais tu vois, par exemple, que tu te souviennes qu'aujourd'hui était mon anniversaire aurait pu me laisser penser que tu tenais encore un peu à moi.
— Oh ! Bébé je...
Mais trop tard, je raccrochai, refusant d'entendre ses excuses minables.
Il essaya de me rappeler deux ou trois fois et finit par lâcher l'affaire en voyant que je ne comptais pas décrocher. La sonnerie WhatsApp finit alors par retentir et je vis qu'il m'avait envoyé un message.
Ken : Beauté je sais que tu m'en veux, j'ai été trop con comme d'habitude. J'ai l'air distant mais c'est juste que j'aime pas te savoir mal à cause de moi... Ça me met en colère et je me défoule sur toi. Pardonne moi s'il te plaît. Joyeux anniversaire, je t'aime.
À cet instant, on sonna à ma porte. C'était Deen, je lui sautai au cou et fondis en larmes dans ses bras. Il ne compris pas, évidemment, mais ma peine le toucha et il me serra très fort en m'incitant à respirer pour me calmer.
Quand l'orage fut passé, il m'annonça que Moh nous rejoignait pour qu'on sorte tous les trois fêter mon anniversaire. J'avais vraiment de la chance de les avoir tous les deux, l'un me rassurait par son attitude de grand frère, l'autre me détendait avec ses conneries et sa manie de râler pour tout et n'importe quoi.
— Bon dis moi, qu'est-ce qui t'arrive gamine ?
Je soupirai, essuyant l'une de mes dernières larmes.
— Il a oublié mon anniversaire.
Deen secoua la tête de droite à gauche, l'air excédé.
— T'as vraiment pas tiré le gros lot avec un abruti pareil. Bon, il s'est excusé au moins ce con ?
Je lui montrais le message qui venait de me parvenir, je n'avais aucune gêne avec Deen. Il eu un petit rire moqueur.
— Quel canard quand même !
— C'est bien de faire le canard après coup, mais c'est mieux de pas faire le con avant, lâchai-je.
Deen acquiesça, l'air totalement en accord avec moi.
— Ouais, mais ça le Fenek il l'a pas encore compris.
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