Chapitre 40 : Déception

La semaine en Grèce passa à une vitesse folle. Entre baignades, visites, repos, barbecues et soirées, l'emploi du temps ne nous laissa pas le temps de nous ennuyer.

Je fis la connaissance d'Irène avec qui je m'entendis relativement bien, même si je la sentais sur la réserve. Je la comprenais, Ken avait du mal avec le concept de rester discret. Notamment lorsqu'il débarquait au milieu de la nuit dans ma chambre pour se lever tard le lendemain en sortant aux yeux de tous, ou quand il me pinçait les fesses devant tout le monde quand je bronzais tranquillement sur la plage, ou encore quand il faillit coller une baffe à un pauvre grec qui m'avait accosté dans un bar.

— T'as pas trop compris quand j'ai dit que je voulais que personne sache hein ? lui dis-je la veille de notre départ.

Il haussa les épaules et contempla la vue magnifique qui s'étendait devant nous.

— Je sais pas pourquoi Beauté. J'ai tout le temps envie de montrer que t'es à moi. D'habitude j'suis vraiment du genre à planquer mes kiffes et à faire les choses en scred. Mais là y a que mes reufs et ma reus... On est loin de Paname. On s'en fout non ?

Je soupirai, après tout, ça faisait sept jours que nous ne nous étions pas disputés, ce qui représentait quelque chose d'assez énorme pour nous. Autant continuer dans la lancée.

— Je suis vraiment bien avec toi, fit-il.

Je lui souris et me réfugiai dans ses bras. Parfois, j'avais du mal à réaliser le chemin parcouru depuis ce premier regard dans le métro.

— Bon c'est fini la pause guimauve ! On sort ce soir ? lança Fram en arrivant derrière nous.

— Ouais !

Quelques heures plus tard nous étions posés dans un bar dansant de Santorini. Je ne pouvais détacher mes yeux de Ken avec son teint hâlé par le soleil, sa marinière et sa casquette, il était magnifique.

— Tu baves sur tes pompes, me dit Mekra en me donnant un coup de coude dans les côtes.

Je rougis violemment et Ken m'adressa un clin d'œil charmeur faisant danser ses sourcils.

— Arrête d'en rajouter toi ! lui dis-je en levant les yeux au ciel, t'es grave cheum.

— Belek Clémentine commence à parler comme un voyou ! s'exclama Idriss.

Je ris devant leurs mines faussement choquées.

— Ah la la... J'ai pas envie de rentrer, râlai-je, avec ce déménagement à faire et le boulot qui m'attend à Paris...

— Tu déménages ? me demanda Irène.

J'acquiesçai.

— Oui, en fait ton frère m'a hébergé pendant deux mois le temps que je trouve un appart.

Elle eu un petit sourire.

— Je comprends mieux. Mais Ken, pourquoi tu lui as pas proposé de lui sous-louer ton appart le temps que vous êtes au Japon !? Tu ne vas pratiquement pas y être cette année !

Sans que je comprenne réellement ce qu'il se passait, je sentis mon estomac se tordre violemment en voyant Ken changer de couleur et la panique naître dans ses yeux.

— Au Japon ?

Ma voix était presque inaudible, les autres membres du $-Crew se tournèrent vers le grec, interdits.

— Tu lui as pas dit ? s'étonna 2zer.

Irène avait l'air horrifiée et moi je ne comprenais toujours rien, mais quelque chose me disait que cette soirée allait mal finir.

— Vous devriez sortir discuter, dit Hakim.

Le ton qu'il employa sonnait comme un ordre. Je me levai et Ken m'imita, il semblait agir comme un automate.

Dans la rue, la nuit apportait un peu de fraîcheur et les maisons blanches se détachaient comme des fantômes sur le noir du ciel. J'avais mal au cœur.

— Tu m'expliques ?

— Je ne savais pas comment t'en parler, j'hésitais encore sur plein de choses.

Je le regardai, éberluée pendant qu'il semblait essayer de mettre de l'ordre dans sa tête.

— On part au Japon avec plusieurs gars. Au moins huit ou dix mois, peut être un an. Je serai très peu à Paris.

C'était comme se prendre un coup de batte de baseball dans le ventre.

— Tu as décidé ça quand ? demandais-je d'une voix blanche.

Il parut encore plus gêné.

— Y'a longtemps qu'on voulait le faire et là c'est le moment ou jamais. On s'est décidés fin avril un truc comme ça et on part fin septembre.

Je restais interdite.

— Tu veux dire que tu m'as laissé m'attacher à toi, que tu m'as fait espérer un truc sérieux entre nous alors que tu savais très bien que tu te barrais à l'autre bout du monde même pas deux mois plus tard ?

Ken se passa la main sur le visage.

— Je sais, j'ai été trop con ! Au début je me disais « On s'en fout on voit ce que ça donne, on verra plus tard si je lui en parle, on est pas tellement engagés. » Et puis j'ai commencé à m'attacher pour de vrai et à flipper de ta réaction quand tu l'apprendrais. Je tournais le problème dans tous les sens et je me disais « elle va me quitter dès qu'elle saura» et crois moi, c'est pas ce que je veux. Et j'ai eu une idée, je voulais t'en parler après cette soirée quand on serait que tout les deux, mais puisque ma reus a mis les pieds dans le plat...

Les larmes commençaient à couler sur mes joues, j'ignorais ce qui me rendait le plus triste entre le fait qu'il m'ait caché quelque chose d'aussi énorme et le fait qu'il parte.

— Pourquoi tu viendrais pas avec nous ? Fram ramène sa go, 2zer aussi, Alpha aussi. Tu pourrais venir...

C'était du délire absolu.

— Ken je crois que dans ton plan t'as oublié quelques détails: un, je viens de signer un bail d'un an minimum pour mon appart, deux, j'ai un boulot à Paris, qu'est ce qui se passe si ça foire entre nous au Japon ? On est ensemble depuis quoi ? Deux semaines ! Je devrais quitter tout ce que j'ai construit pour te suivre alors que tu viens déjà de me cacher un truc énorme ? Trois, détail de taille, mon père a un putain de cancer ! Tu crois vraiment que je vais me tailler à l'autre bout de la planète alors qu'il peut mourir d'un instant à l'autre ?

J'étais hors de moi, le rêve virait au cauchemar. Ken se laissa tomber sur un banc, la tête dans les mains.

— J'aurais dû t'en parler dès le début.

— Effectivement, mais maintenant c'est un peu tard pour s'en rendre compte. Tu pars dans un mois.

Il me lança un regard désabusé et je ne savais plus quoi dire.

— On fait quoi maintenant ?

J'étais totalement perdue, si seulement je n'avais pas autant de sentiments pour lui, les choses auraient été simples : je le quittais, prenais mon appart et reconstruisais ma vie loin de lui.

— Y'a autre chose que t'avais pas prévu dans tes plans foireux Ken.

Il me jeta un regard interrogatif.

— C'est que j'allais aussi vite tomber amoureuse de toi.

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