Chapitre 39 : Réconciliation
Il ne me donna aucune nouvelle, pendant trois jours. Je devenais folle, me retenant de ne pas sauter dans le premier train pour Paris. Les heures passaient et j'oscillais entre colère et désabusement.
Je tentais de m'occuper l'esprit comme je pouvais, entre jardinage avec mon père, lecture et marche à pieds avec ma mère. Il ne sortait pas de ma tête.
Un soir, mes parents m'emmenèrent au restaurant, il fallait qu'ils me parlent de quelque chose. J'appris alors avec effroi que mon père était gravement malade, un cancer qui lui avait été diagnostiqué quelques semaines plus tôt. Douche froide pour moi qui depuis le début de la semaine ne m'était préoccupée que de mon petit confort. Il devait commencer un protocole de chimiothérapie assez intense qui n'avait que peu de chances de le sauver complètement. Nous pleurâmes tous beaucoup et je promis à mes parents de revenir plus souvent les voir. Profondément bouleversée par la nouvelle, j'eus besoin d'en parler à mon seul vrai confident. Il décrocha au troisième appel.
— Tiens donc, tu vois j'étais sûr que t'étais accro.
C'était donc ça. Tout ce cinéma devant la maison, le fait de faire le mort, il n'avait pas digéré que je le remballe et avait mis au point une stratégie pour prouver qu'il avait raison. Sur le moment, je vis rouge.
— Vas te faire foutre, mon père a un cancer.
Je raccrochai aussitôt, éteignis mon portable et partis me coucher. Ça lui apprendrait.
Ce n'est que 24h plus tard que j'acceptai de prendre son appel.
— Beauté pardonne moi, je suis trop con.
— C'est quoi que tu comprends pas dans JE NE VEUX PLUS JOUER ?
Il soupira.
— Je suis désolé, je sais pas pourquoi je me sens toujours obligé de vérifier que c'est moi qui tient le quetru. En mode t'es à moi, mais toi tu m'as pas complètement. Y a pas que toi qui flippe de souffrir.
Je levai les yeux au ciel, pourquoi fallait-il toujours que les hommes compliquent tout avec des histoires d'égo ?
— Ken faut que t'arrêtes. Je vais pas tenir longtemps sinon. Je t'ai jamais demandé d'être un canard, ni de m'envoyer des messages toute la journée avec des petits cœurs. Je te demande même pas de mots doux. J'ai juste besoin de savoir que t'es là et que tu vas pas me la faire à l'envers.
— Je sais bébé, j'ai juste peur qu'on s'attache trop vite, enfin moi. Quand j'vois comment depuis le début tu m'rends ouf... Et puis l'autre soir ton message, j'ai bien senti que t'étais jalouse, ou pas sereine en tout cas. Alors j'ai réalisé que t'allais rester méfiante longtemps et j'te cache pas que ça me les brise.
Je savais que je n'aurais jamais dû envoyer ce message, mais que dire... chat échaudé craint l'eau froide.
— Je sais... murmurai-je, on fait la paix ?
— J'préférerais faire l'amour, mais à distance c'est plus simple de faire la paix.
Je rougis et gloussai comme une adolescente.
— Ton rire me manque.
— Ah ouais ? demandais-je.
— Fort.
Je parti alors d'un faux rire épouvantablement laid et grossier.
— En fait pas tant que ça, sale peste ! s'exclama-t-il en riant.
On se chamailla un petit moment avant qu'il ne ramène au centre de la discussion la maladie de mon père.
— Bon alors Beauté, parle moi de ton père, c'est grave ?
Je lui expliquai en quelques mots la situation.
— Je suis désolé Clem... Putain je suis vraiment con.
— Arrête de pleurnicher, c'est pas ça dont j'ai besoin. Je préfère quand tu me fais rire.
Il rit doucement.
— Tu me respectes vraiment jamais...
Nous parlâmes encore un moment puis je raccrochai le cœur plus léger. Je commençais à flipper pour les vacances en Grèce, si on restait dans cette spirale infernale de prises de têtes et de moments parfaits. Mais d'un autre côté, j'aimais ça, les embrouilles rendaient mon quotidien vivant et dans un sens j'adorais me battre avec lui.
Les derniers jours chez mes parents se passèrent sans problème particulier, je profitais de mon père au maximum.
La séparation fut difficile sur le quai de la gare, je ne pouvais m'empêcher de penser qu'il s'agissait peut-être de la dernière fois que je le voyais vivant.
Dans le train, je réfléchis longuement à la situation, il allait falloir que je trouve une solution pour concilier mon travail, les visites à mes parents et la place grandissante que prenait Ken dans ma vie.
Quand j'arrivai à l'appartement, il n'y avait que Moh qui squattait, comme d'habitude.
— Mandarine ! dit-il en me voyant entrer, ton mec est pas là, y a une go qu'est venue l'zehef il l'a remballée et il est parti « marcher pour réfléchir ».
Beaucoup d'informations en une phrase. Tout ce que je trouvais à répondre fut :
— Techniquement c'est pas mon...
— À d'autres. Il a dit que je pouvais continuer de squatter ta piaule ce soir. J'imagine que c'est pas parce que tu dors dans la baignoire.
Ken et moi n'avions apparement pas la même définition du mot « secret ».
— Y'a pas de baignoire.
— C'est bien ce que je disais. Faites pas trop de bruit j'ai le sommeil léger.
Je lui balançai une casquette de Ken qui traînait en pleine figure.
— Viens mater Prison Break avec moi au lieu de faire la go !
Je laissai tomber mon sac par terre et m'affalai dans le canapé aux côtés de Moha.
— J't'aime bien Mandarine, t'es marrante comme meuf.
Je levai les yeux au ciel, ce type était vraiment insupportable mais pour une raison qui m'échappait je me sentais bien avec lui. C'était le genre de personne pour qui aucun problème n'était jamais suffisamment grave pour avoir à s'inquiéter. C'était exactement ce qu'il me fallait.
— Par contre te fais pas de films, t'es pas mon genre.
J'explosai de rire, il ne doutait de rien celui-là.
— C'est quoi ton genre ?
— Un mix entre Emrata et Rihanna. Toi t'es belle mais tes seins et ton uc sont trop petits.
Chère poésie, j'te baise, signé Sneazzy West.
— Ah au temps pour moi, je croyais que j'avais mes chances.
Il m'adressa un regard désolé.
— C'est dommage, tu vas devoir te contenter du Fenek, il est moins soin et moins sclé-mu, c'est sûr.
— Jamais tu fermes ta grande gueule Sneazz hein ?
Je ne connaissais que trop bien cette voix. La porte d'entrée claqua et je dus faire un effort surhumain pour ne pas me jeter dans ses bras.
— Ken !!!
Il s'approcha de nous et se baissa vers moi tandis que je me pendais à son cou. Après avoir déposé un baiser sur ma tempe, il s'adressa à mon voisin.
— J'crois que t'as besoin d'aller prendre l'air Sneazz, t'es pas sorti de la journée. J'ai vu une belle maghrébine qui promenait son clebs vers Grenelle, tu devrais aller lui proposer de l'aide.
— C'est ça prenez moi pour un con. J'vais chez Alpha.
— Tu devrais y rester cette nuit.
— J'peux pas, sa femme en a marre de ma gueule.
Il râla pendant dix minutes avant de prendre sa veste et de quitter l'appart en traînant des pieds.
— On en était où nous ? me demanda le Fenek avant d'unir nos lèvres.
Si les retrouvailles étaient toujours aussi torrides, je voulais bien partir plus souvent.
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