Chapitre 16 : Moqueries

— Désolé pour Mo, je sais qu'il est un peu lourd parfois.

Nous étions assis sur un banc, à peine éclairés par les réverbères. Le parc dans lequel nous étions était fermé la nuit et Ken avait insisté pour qu'on escalade la grille. Tout en mangeant je pouvais enfin me confier à lui et retrouver notre complicité.

— Ken t'as été quasiment aussi lourd que lui. J'étais pas super à l'aise.

Il me sourit.

— Tu sais, faut pas trop que tu m'idéalises ou je ne sais quoi. Quand j'suis avec mes srabs je parle mal, je suis moi même, comme dans mes sons. Je suis pas uniquement le « rappeur gentil » pour lequel je passe sans arrêt.

— T'inquiète, c'est plus la façon dont vous parlez des femmes... C'est un peu dégradant.

— C'est spécial le milieu du peura pour les femmes. Tu sais les filles bien on les respecte, regarde Sneazz une fois qu'il a compris que t'étais pas une tassepé qui voulait juste cocher la case « s'est fait Nekfeu » il a été cool avec toi.

— C'est un peu ce qui me perturbe dans tes sons parfois, tu vas parler bien d'une femme dans l'un et dans la piste suivante tu fais plus le gros macho. C'est contradictoire parfois.

— Je sais, je me contredis souvent, j'suis un homme, ça dépend par quel prisme je regarde le monde faut croire.

Il me sourit tout en me passant le champagne que nous buvions à la bouteille.

— Tu sais enfin lesquels de mes titres tu préfères sur Feu ?

Choix difficile, mais je commençais à pouvoir en sélectionner quelques unes.

— En fait ça dépend des moments, selon mon humeur, mes besoins. Mais ces derniers temps j'ai peu écouté, je me concentrais sur le mariage.

Il serra ma main dans la sienne en voyant qu'évoquer cet événement me replongeait dans la tristesse.

— Quelles pistes tu aimes le moins ?

Je compris qu'il essayait de me changer les idées. Je réfléchis un instant.

— En fait c'est pas que je les aime moins, c'est simplement qu'elles sont plus légères donc je les écoute davantage pour me détendre. Genre On verra, les paroles sont pas transcendantes mais elle s'écoute bien.

Un sourire un coin naquit sur les lèvres de Ken, ses yeux pétillaient.

— Comment ça les punchlines d'On verra sont pas transcendantes ?

Je n'avais absolument pas peur de lui dire ce que je pensais, étant passionnée par la lecture et les mots, mes exigences étaient sans doute un peu trop importantes.

— Être un homme ça prend du temps, comme commander un verre un boîte, t'as fait mieux comme figure de style. Après c'est sympa ça parle aux jeunes qui font des bêtises, c'est mignon.

J'éclatai de rire face à son air faussement insulté, c'était bien trop amusant, pour une fois que c'était moi qui me moquais de lui.

— C'est mignon ? tu trouves que mon peura est mignon ?

Pour toute réponse je hochai la tête et continuais de rire. Ça faisait des semaines que je n'avais pas réellement rit, j'avais presque oublié la sensation que ça faisait. Le champagne ne devait pas être étranger à mon état mais ça m'importait peu, j'avais besoin de ça. Comme il continuait ses mimiques offusquées, en rajoutant des tonnes, quelque chose me dit qu'il cultivait mon fou rire.

— Faire rimer hein hein avec hein hein, c'est un peu le choix de la facilité non ?

Il roula les yeux, prenant un air excédé.

— Non mais j'y crois pas tu fais trop la ouf ! J'vais te calmer moi tu vas voir.

— Ah bon tu vas me menotter de manière détachée ? articulai-je entre deux hoquets.

— Tu continues de te foutre de mes lyrics en plus ma parole !

D'un coup il envoya par terre les restes de nourriture et m'attrapa les bras avant de m'attirer à lui, me fixant intensément.

— Tu te calmes oui ?

Ken avait envie de rire je le voyais, son air vexé n'était qu'une façade. Je me sentais obligé d'en rajouter.

— Mon pauvre Kenny, vas-y viens on y pense pas.

Il fronça les sourcils tandis que je riais de plus belle.

— Tu vas te taire oui ?

— Sinon quoi ?

Je reconnus le regard qu'il me lança à cet instant, je ne l'avais vu qu'une seule fois. Le feu dans ses prunelles, une tempête allait déferler sur moi. Mon fou rire se calma sous la brûlure de ses yeux. Il approcha ses lèvres de mon oreille et murmura, tout en retirant sa casquette :

— Tu m'rends ouf quand tu fais ça Clémentine.

Je fermais les yeux, sachant très bien ce qui allait suivre. Ses lèvres se posèrent sur ma mâchoire et suivirent lentement la ligne qui menait au coin des miennes. Là, elle s'arrêtèrent un instant, reprirent le chemin inverse et revinrent vers mon oreille.

— Ton rire est une drogue dont je ferais volontiers une overdose.

Mon estomac se contracta, il était très doué. Les paroles de Sneazzy revinrent à mon esprit "elles deviennent toutes des chiennes à son contact". Pendant ce temps les lèvres de Ken sillonnaient mon cou et des frissons secouèrent mon corps.

— Ken...

— Oui ? chuchota-t-il contre ma peau.

— Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée.

— Mmmh, ça me paraît pas si mal pourtant.

Son visage remonta brusquement vers le mien et il scella nos bouches, comme s'il avait peur que j'en dise plus. Il m'attira sur ses genoux tout en continuant de m'embrasser. Impossible de résister, j'en avais tout autant envie que lui.
Nos langues jouaient l'une avec l'autre, j'étais transportée. Tandis que ses mains parcouraient mon dos, les miennes se perdaient dans ses cheveux, tout semblait fait pour que ce moment existe, comme si le monde entier n'avait vécu jusqu'alors que pour nous permettre d'échanger ce baiser.

Je séparai mes lèvres des siennes pour le regarder, dans tous les cas nous ne pouvions pas continuer ainsi ou nous allions coucher ensemble au beau milieu d'un jardin public. Il avait envie de moi, je pouvais le lire dans ses yeux, ça aurait été un mensonge si je disais que ce n'était pas mon cas.

— Ken qu'est-ce que tu attends de moi ?

— Qu'on vive le moment présent non ?

Ça m'inquiétait, j'avais peur de le perdre en me donnant trop vite à lui. J'avais besoin de son amitié avant tout. Il était hors de question que je m'engage dans quelque chose de nouveau après ce que je venais de vivre avec Paul, même si Ken m'attirait je savais déjà que j'étais incapable de lui faire confiance pour quelque chose de sérieux.

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