Chapitre 14 : Trahison

Paul me faisait plus ou moins la tronche depuis une semaine, je m'étais sentie obligée de lui avouer que j'avais croisé Ken. Ce n'était pas explicite, mais de petites remarques me laissaient penser qu'il n'avait pas digéré notre entrevue. Pourtant je n'avais strictement rien a me reprocher, ce n'est pas comme si j'avais fait exprès de me retrouver dans le métro avec lui, ni comme si c'était moi qui avait insisté pour qu'il me raccompagne.

Depuis quelques temps, Paul agissait bizarrement, il me lançait des petites phrases assassines, des petites piques sur tout et n'importe quoi, il était souvent absent. Puis, du jour au lendemain, il redevenait doux comme un agneau, me couvrant de compliments et de gentillesses. Pourtant je n'avais jamais été autant aux petit soins pour lui. Je n'osais pas lui faire de reproche, de peur qu'il me ressorte ma tromperie et que je sois à nouveau obligée de lui demander pardon.  "Il te tient par un chantage affectif." avait dit Ken.

Ce soir là, je me décidais à arranger les choses avec mon fiancé, je demandais donc à ma patronne de pouvoir sortir plus tôt, passais chez le traiteur et à la pâtisserie, achetais une bouteille de champagne et m'empressais de retourner à l'appartement. J'avais réellement hâte de le retrouver, que nous passions une bonne soirée tous les deux, comme au bon vieux temps.

La porte n'était pas fermée à clé, Paul devait déjà être rentré, d'un coup de hanche je la poussai tout en ramassant mes sacs.

— Mon amour je suis ren...

Le spectacle qui s'offrait à moi me cloua sur place. Quelque chose se brisa sur le sol, je crois bien que c'était mon coeur.

—... trée.

— Clem.

J'étais totalement abasourdie. Anna était allongée sur la table de la cuisine, Paul sur elle, tous deux étaient nus. Aucun doute n'était possible sur la nature de leur discussion. Je sentis la colère monter en moi, tous mes nerfs s'enflammaient tandis que chacun d'eux se rhabillait en vitesse. Impossible de savoir au quel des deux j'en voulais le plus.

— Il n'y aura pas de mariage.

J'avais lâché ça comme une bombe. Curieusement, je sentis un poids énorme se déverser de mes épaules en même temps que je prononçais ces mots. C'était donc ça qui me comprimait le corps depuis tant de mois.

— Clémentine je...

Je levais la main pour empêcher Paul d'ajouter quoi que ce soit.

— Assez. Je ne veux rien savoir, c'est trop tard. Quand je pense que je te trouvais incroyable de m'avoir pardonné mon écart avec Ken ! Quelle idiote, pendant ce temps là tu te tapais ma meilleure amie. Je ne veux plus jamais te voir. Quant à toi Anna... j'ai pas de mots pour dire à quel point tu me dégoutes...

Sur ce, je reprenais mes sacs, et claquais la porte derrière moi. Où aller ? Prendre un train, rentrer chez mes parents ? Non c'était au dessus de mes forces de leur raconter ça dès ce soir. Je n'avais pour ainsi dire, aucun vrai ami, pas de frères et soeurs. Je me sentis alors affreusement seule et décidais d'écrire à la seule personne en qui j'avais encore à peu près confiance.

Moi : J'ai besoin d'aide, je n'ai nulle part où aller.

Quelques minutes passèrent pendant lesquelles je me dis que j'étais complètement folle de m'adresser à lui, il y avait de grandes chances pour qu'il ne soit même pas à Paris. Et quand bien même il y serait... pourquoi m'aiderait-il. J'envisageais alors de prendre une chambre dans un hôtel pour la nuit, histoire d'y voir plus clair. Je me dirigeais donc vers celui dans lequel dormaient mes parents lorsque ceux-ci venaient à Paris. C'était le seul que je connaissais bien. Alors que j'allais passer le seuil, mon téléphone vibra. C'était Ken, il n'y avait rien d'autre qu'une adresse dans son message.

Après tout.

J'avais besoin de parler à quelqu'un, j'avais besoin de lui. Je regardais rapidement quel métro je devais prendre pour rejoindre la rue du 15ème arrondissement qu'il m'avait indiquée. Pendant le trajet, je me demandais ce qui pouvait me pousser à faire confiance à Ken, je le connaissais si peu finalement. Mais tout mon être semblait réclamer sa présence, il avait été ma seule source d'apaisement ces derniers moi. J'avais définitivement besoin de lui. Un deuxième message fit vibrer mon téléphone.

Ken : 8576B. 4ème étage.

Je déduis qu'il s'agissait du code de l'immeuble, j'avais l'impression d'être un livreur de pizza. J'arrivais enfin dans la rue, cherchais le numéro, composais le code et entrait dans l'ascenseur. Tandis que celui-ci m'acheminait à l'étage, je continuais de me demander quelle mouche m'avait piquée. Sur le palier, je cherchais quelle porte était la bonne, je ne tardais pas à voir "K.Samaras" sur l'une des plaques. Inspirant un grand coup, je laissais presque malgré moi mon doigt appuyer sur la sonnette.

— Kho ça a sonné j'vais ouvrir, entendis-je de l'autre coté de la porte.

Ce n'était pas la voix de Ken, je me sentis soudain assez mal à l'aise, il n'était pas seul, je devais le déranger. La porte s'ouvrit sur un jeune homme brun, habillé dans un style très urbain. Je le reconnu aussitôt comme étant Sneazzy. Il me détailla des pieds à la tête.

— Nek t'avais prévu une soirée Netflix ? Parce qu'y a une go plutôt fraîche avec du champ' et de la bouffe de luxe sur le palier.

C'était extrêmement gênant.

— Euh... balbutiais-je, je ne veux pas vous déranger. Ken m'a envoyé cette adresse. Je ne pensais pas que...

— Clémentine !

Ken apparut dans l'encadrement et mon coeur s'allégea. Mais ce fut de courte durée car Sneazzy éclata de rire.

— Clémentine ? Sérieux frère, tu pécho au Franprix maintenant ?

Je piquais un fard, pourquoi fallait-il que Ken m'appelle sans cesse par mon prénom alors que je lui avais dit mille fois que je ne l'assumais pas du tout.

— Ta gueule Sneazz, c'est une pote, parle lui mieux. Entre Clem, ne fais pas attention au bordel.

Je hochai la tête, franchement peu à mon aise, les deux garçons me laissèrent entrer et Ken referma la porte derrière moi. Son pote rejoint aussitôt le canapé qu'il venait vraisemblablement de quitter et attrapa un joint qui se consumait dans le cendrier qui trônait sur la table basse. Je restai immobile, mes sacs toujours sur les bras.

Qu'est-ce que je foutais là ?

De nouveau, un sentiment de solitude des plus intense secoua mon coeur et cette fois-ci je pris réellement conscience de ce qui m'arrivait. J'avais quitté mon fiancé, je n'avais plus de meilleure amie, les deux personnes qui comptaient le plus au monde m'avaient trahie. Je me retrouvais dans un appartement moyennement propre avec deux rappeurs, l'un que je connaissais à peine, l'autre qui m'avait déjà à moitié insultée. J'étais complètement folle d'être venue ici.

D'un coup, tout s'abattit sur moi comme un tsunami et je m'effondrai sur le parquet de l'appartement secouée par une violente crise d'angoisse et de sanglots.

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