Avenir Incertain
De cette démarche droite et lente qui lui était habituelle, l'homme blond vêtu de son costume de travail sortit de cette boulangerie dont il était un fidèle client depuis des années, toujours avec cet habituel sandwich à la main. Mais avec un nouveau changement, cette fois-ci : ce fut la dernière fois qu'il rentra à nouveau dans cette boulangerie en tant que trader.
Il entendit bien la voix de la boulangère le remercier maintes et maintes fois, cherchant à attirer son attention en vain. Mais il fit mine de ne pas avoir entendu, il n'avait rien à dire là-dessus.
Il était épuisé. Mais étrangement satisfait. Saisissant son portable, il rechercha dans ses contacts le numéro d'un homme dont il avait rompu le contact depuis un bon bout de temps, un certain Satoru Gojo, puis l'appela. Le signal sonore résonna deux fois dans son oreille, avant de finalement lâcher un bruit semblable à la voix amusée d'un enfant de taille adulte.
L'appel dura à peine cinq minutes, mais pour l'homme, ce fut une éternité tellement cet ancien confrère était une pipelette sans fin. Enfin, il était bien normal de vouloir converser avec un collègue dont on avait perdu le contact depuis un moment.
Arrivé au pied de l'immense building dans lequel il travaillait, pris d'un élan qui lui était alors inconnu jusqu'à présent, l'homme se hâta de monter à l'étage correspondant à son secteur de travail.
Une fois devant son bureau, il s'assit et rédigea une lettre tapuscrit, qui fut finie à peine dix minutes plus tard. Il s'empressa de l'imprimer et de fermer la page, avant de récupérer la copie papier, en veillant bien à ce que personne n'en lise le contenu. Puis il alla vers le bureau de son supérieur direct, frappa, et entra sous son autorisation.
C'était un afro-américain, aux cheveux lisses teints en blond doré, à l'allure cool et décontractée, et avec ce sourire malicieux qui pendait à ses lèvres. Derrière ses lunettes de soleil ridicules, ses yeux pétillèrent d'impatience et de curiosité, sachant très bien que, si son employé pénétrait dans son bureau, ce n'était pas pour quelque chose de futile.
Cependant, il n'eut à peine le temps d'ouvrir la bouche que le blond posa face à lui sa lettre, calmement, mais fermement. Et les seuls mots qui sortirent de la bouche de ce dernier furent :
_ Je démissionne.
Un silence envahit la pièce. Son supérieur était certain de voir ses lunettes glisser de son nez tellement il fut pris au dépourvu. Son regard ébène, fixant incessamment les petits yeux grisâtres et impassibles de son vis-à-vis, trahissait son incompréhension.
Avec un effort qui semblait surhumain, il se mit enfin à parler, en bégayant :
_ N-Nanami... Que veux-tu dire ?
_ Ce que ça veut dire, répondit patiemment le dénommé Nanami. Je demande ma démission. Sans préavis.
Nouveau silence. Béat, l'américain ne cessait d'ouvrir et de fermer sa bouche tel un poisson.
_ Tu... démissionnes ? Répéta-t-il lentement, sans comprendre.
_ Oui.
_ Sans préavis ?
_ Oui.
_ Quand ça ?
_ D'ici ce soir.
« D'ici ce soir ?! », pensa-t-il, réalisant enfin ce que son employé venait de lui dire.
Il se mit alors à lui lâcher toutes les questions les plus idiotes, car tout ce qu'il voulait comprendre en ce moment même, c'était la raison de sa démission. Auxquelles Nanami y répondit très vaguement, avec une patience exemplaire dont jamais il ne faisait preuve habituellement.
Puis, à peine cinq minutes plus tard, le blond sortit du bureau, et derrière lui, les interrogations à trop hautes voix fusèrent en boucle. Tous les employés de l'étage présents se tournèrent vers la source du bruit. Ce bruit même qui hurla soudain :
_ Wait, Nanami ! C'était pas une blague ?! Tu vas vraiment démissionner ? Et sans préavis en plus ?!
Ce dernier se dirigea en direction de son bureau, ignorant tous les soudains regards qui étaient désormais braqués sur lui, soit une petite dizaine ; heureusement que la plupart posait leurs congés durant les vacances scolaires.
L'homme s'assit, et commença à ranger dans un bac tout bien qui lui appartenait. Correct et honnête par nature, il finit quand même les dossiers sur lesquels il travaillait, avant de les confier à différents collègues - ou anciens collègues à présent - pour les compléter et les transmettre à leur supérieur.
Il devait être 15h environ. Son sandwich quasiment fini reposait sur son bureau, toujours emballé dans le papier film.
L'étage était presque vide. Seuls deux ou trois employés étaient attablés à leur bureau, tapotant machinalement sur leur ordinateur, ou écrivant des notes sur leur cahier.
Mais plus le blond rangeait ses affaires, plus il commençait à regretter son choix. Que lui a-t-il pris, tout à coup ? Ce n'était pas parce qu'il venait d'exorciser un Fléau après tant d'années qu'il devait tout claquer pour redevenir exorciste.
Il avait déjà rompu son contrat. Il avait déjà déposé sa lettre de démission. Et avait assuré qu'il avait déjà trouvé un travail pour le lendemain même.
Il ne pouvait plus revenir en arrière.
Posant doucement sa tête dans ses mains, il se mit à réfléchir. La sueur coula lentement sur son front. Sa respiration et son pouls s'accélérèrent légèrement.
Dans quelle merde venait-il de se fourrer ?
Une jeune fille de petite taille apparut subitement dans l'étage. Portant un carton visiblement rempli, elle semblait chercher quelque chose, ou quelqu'un.
Nanami n'y prêta aucunement attention, restant plongé dans ses pensées. Du moins, jusqu'à ce qu'elle se dirige dans sa direction. Elle s'assit sur le siège adjacent, et posa lourdement le carton qui semblait la gênait sur le bureau, le tout en lâchant un soupir accablé. Puis elle se tourna vers l'employé qui venait de démissionner.
_ Vous êtes bien Kento Nanami, c'est ça ? Demanda-t-elle après avoir dégluti nerveusement.
Ce dernier releva nonchalamment la tête, et se tourna dans sa direction, la toisant d'un regard dur et indéchiffrable.
Étrangement, il n'arrivait pas à percevoir correctement son visage, bien qu'elle fût de face. Il put cependant noter qu'elle avait des cheveux noirs mi-longs, dont deux mèches rebelles semblaient s'échapper de la masse au niveau de ses oreilles, qu'elle portait des lunettes gris-bleu, et qu'elle était vêtue d'une chemise rose clair, d'un pantalon noir, d'une veste noire habillée et de chaussures noires à talons, dont elle n'avait pas l'habitude de porter habituellement, à première vue.
_ Et vous, la stagiaire, je suppose ? Répondit-il sans se laisser ébranler par l'impossibilité de voir son visage convenablement.
_ Oui, c'est bien ça. Et puis, vous pouvez me tutoyer... je ne suis pas aussi vieille... je crois...
_ Que me veux-tu ?
La jeune stagiaire sursauta face au ton autoritaire que Kento avait employé, surtout avec le tutoiement imprévisible. Perdant son assurance, elle balbutia en fixant ses genoux :
_ O-on m'a dit d-de, euh... vous transmettre, euh... c-ce carton...
_ Qui t'a envoyé ?
_ Euh... m-monsieur, euh... euh...
Le blond vit qu'elle commença soudainement à paniquer, agitant ses pieds frénétiquement et serrant ses mains sur ses cuisses. Un soupir s'échappa des lèvres de l'homme, et il reprit sur un ton plus adouci :
_ Du calme, je ne vais rien te faire. Décris-le, si tu ne te souviens plus de son nom. Je ne lui dirais rien, ajouta-t-il en sentant l'incompréhension de la jeune stagiaire.
_ Ah ! Euh... merci... fit-elle en rougissant. Il est, euh... très grand, et euh... il porte des lunettes de soleil...
_ Très bien, je vois. Pourquoi il t'envoie me donner tout ça ?
_ Apparemment, vous allez démissionner ce soir, alors... il m'a dit de vous donner juste ça...
Kento s'empara du carton et l'inspecta de fond en comble. Des feuilles de partout. Que des feuilles.
Mais tout au fond, dissimulé sous le tas de paperasses, il vit ce qui semblait être un ordinateur portable. Il ferma les yeux un instant, réfléchissant à toute vitesse. Mais avant même qu'il n'ouvre la bouche pour dire quoi que ce soit, la stagiaire lui dit :
_ Et il m'a dit que vous n'avez pas le droit de refuser le cadeau.
_ Je le reconnais bien, pour le coup. Dis-lui merci de ma part.
Il posa le carton à côté du bac, prêt à reprendre son rangement. Mais il remarqua que la jeune fille ne semblait pas vouloir partir, le fixant - ou semblant le fixer - sans relâche.
_ Tu veux encore quelque chose ? Demanda-t-il, reprenant son ton habituel pour bien lui faire comprendre qu'il était un peu occupé.
_ Pourquoi vous démissionnez ?
Nanami l'observa, cherchant en vain à voir son visage nettement. Il n'était pas d'humeur à parler à qui que ce soit. Cependant, il devait avouer qu'il se sentait un peu seul, ainsi.
D'un soupir las, il passa une main dans sa chevelure blonde pour la remettre en place, et déclara :
_ Je ne sais plus moi-même. Je pense avoir fait une énorme erreur en le faisant. Je ne sais pas ce qui m'a pris.
_ Vous avez démissionné sur un coup de tête ?
_ On peut dire ça, oui. Enfin, affirmer le contraire serait un véritable mensonge, en tout cas.
_ Et vous regrettez ?
_ Ne me fais pas répéter ce que j'ai déjà dit plusieurs fois en une journée.
_ Donc, vous pensez qu'il aurait mieux valu ne pas avoir exorciser cette Tête de mouche et laisser cette pauvre boulangère souffrir, c'est ça ?
Lentement, ses yeux s'écarquillèrent, sa tête se tourna vers la noiraude, totalement hébété. Cette dernière ne semblait plus être la jeune fille timide et craintive d'il y a quelques secondes, ayant perdu ce sourire embarrassé qu'elle arborait.
Revenu sur Terre, Kento releva la tête et observa autour de lui, s'assurant que le peu de personnes présentes était à bonne distance d'eux, et que personne ne les écoutait. Puis il se baissa à la hauteur de sa voisine de quelques minutes, et gronda d'une voix menaçante, bien que chuchotée :
_ Qui es-tu ?
_ Moi ? Je ne suis qu'une simple stagiaire, rien de plus normal ! Annonça-t-elle avec un sourire goguenard, semblant amusée par la situation.
_ Comment peux-tu savoir cela, alors ? Je ne t'ai pas senti me suivre une seule seconde.
_ En effet, j'ai déjeuné avec mon maître de stage, à la cantine. J'étais assise à une table de quatre, avec deux autres personnes dont le nom m'échappe...
_ Je ne veux pas le savoir ! Qui es-tu ? Et que me veux-tu ?
_ Je vous l'ai dit : une simple stagiaire. Enfin, si vous voulez un nom, ce sera RM.
Tous deux se turent. Le blond, sans comprendre, fronça les sourcils. Elle se jouait clairement de lui.
_ Pardon ?
_ Vous vouliez savoir qui je suis. On me surnomme RM, répondit naturellement la jeune fille. Quant à ce que je vous veux, rien personnellement. Je veux juste piger mes agissements par le biais des vôtres.
_ Je ne saisis pas. Que veux-tu dire ?
_ Pas la peine que vous cherchiez à comprendre. Revenons à vous. Regrettez-vous vraiment d'avoir démissionné ?
Kento s'apprêtait à rouspéter, mais sa question le prit de court. Il est vrai qu'il y avait plus urgent, là, en ce moment même.
Baissant la tête, fixant ce bureau qu'il avait côtoyé depuis quatre ans, il se mit à réfléchir à ses actes. Cette stagiaire avait raison, il devait se poser des questions quant à son avenir vraiment proche plutôt que de s'intéresser à des choses étranges qui le dépassaient.
_ Je reformule ma question, fit-elle en se positionnant plus convenablement, comme si elle était dotée de prépotence. Pour quelles raisons aviez-vous cherché à faire ce travail, et pas un autre ?
Pourquoi ?
_ Pour l'argent... Répondit-il avec une pointe d'hésitation.
_ Que pour l'argent ? Rien d'autre ?
_ C'est comme si je te demandais la raison de ton stage ici.
_ N'essayez pas d'esquiver la question, Nanami-san.
_ Je n'esquive en rien ta question, gamine. Je ne fais que te répondre. Et puis, tu n'es pas la mieux placée pour parler, je te signale.
_ Je ne suis pas une gamine ! Je n'ai plus l'âge de l'être, en tout cas...
Nouveau silence.
_ Tu as quel âge ? Demanda l'homme, sans penser une seule seconde qu'elle allait lui répondre honnêtement.
_ Dix-huit ans. Bientôt dix-neuf.
_ ... Tu restes une gamine, tu es bien plus jeune que moi.
_ Eh !
Du haut de ses vingt-cinq ans, Kento Nanami, trader depuis presque cinq ans dans une entreprise de renommée nationale, voire internationale, n'avait jamais vu un énergumène pareil. Une femme - si c'en était bien une, sans se soucier de son physique - anonyme, qui ne se donnait même pas la peine de dévoiler un faux nom, qui s'intéressait à la vie d'un inconnu, et qui, en plus, connaissait des détails sur ce même inconnu que personne à part le concerné ne savait, était bien le genre de phénomène que Nanami aurait pu croiser beaucoup plus souvent s'il avait choisi la voie des exorcistes.
Sauf que ce n'était pas le cas.
_ En quoi un vieux type comme moi peut t'intéresser ? Demanda-t-il, méfiant.
_ Ça m'intéresse, c'est tout, répondit-elle, ayant repris son sérieux, visiblement.
_ Si tu réponds à ma question, je répondrais à la tienne.
La jeune femme soupira, se battant contre son soi intérieur, a priori. Puis elle leva la tête vers le plafond blanc cassé, et commença d'une voix lasse :
_ Je ne sais pas pourquoi j'ai décidé de faire ce stage, honnêtement. D'ailleurs, je ne sais même pas pourquoi j'étudie.
_ Tu fais tes études sans but précis ? Tu risques de te vautrer, si tu continues comme ça.
_ Je le sais bien. Mais je n'ai aucune idée de ce que je veux faire de mon avenir. Je ne sais pas ce que je veux faire plus tard, et je n'ai pas vraiment envie d'y penser...
_ Si je comprends bien, tu as peur de grandir ?
_ Ce n'est pas que j'ai peur... quoique, ça peut s'apparenter à de la peur. Mais c'est surtout que je ne veux pas grandir. J'ai déjà eu du mal à accepter de quitter le lycée. Alors devenir adulte...
_ Je vois... Je n'ai pas de conseil miracle à te donner, mais si...
Il se tut soudainement, s'étant tourné dans sa direction. Et il vit nettement son visage. Pendant cinq secondes exactement.
Une bouille d'enfant, comme il s'y attendait : une peau hâlée à l'allure douce, des joues légèrement joufflues, des lèvres ni larges ni fines, et des yeux un poil plissés aux iris noirs-marrons. Mais il perçut dans son regard sombre une déréliction étrange, qui rendait ce visage enfantin instantanément bien adulte et mélancolique.
Puis, cinq secondes plus tard, elle sembla se rendre compte de la situation, et son visage redevint imprécis.
_ E-excusez-moi ! Je ne sais pas ce qui m'a pris ! Fit-elle en pivotant son siège, dos au blond.
Kento fronça les sourcils, cherchant à comprendre ce qu'il venait de se passer. Et comme pour répondre à sa question intérieure, la jeune femme lui déclara en tâtant sa face :
_ Je... ne suis pas censée me montrer à vous, en réalité. J'ai perdu mes moyens, et j'en suis désolée.
_ Je ne cherche pas d'excuse. Mais quel intérêt à me demander de l'aide si toi-même tu refuses de me dire la raison de ta demande ? Et surtout, en te montrant de manière anonyme ? Tu parais plus suspecte que sérieuse, ainsi. Y a de quoi se méfier.
_ Je sais... j'ai juste pris le risque en pensant que vous laisseriez couler... J'ai eu tort, visiblement...
L'homme fixait encore le dossier du siège adjacent, plongé dans ses pensées. Peut-être que cette gamine lui serait utile pour quelque chose, finalement. Il lui suffisait juste de l'aider en retour...
_ Si tu n'as aucun but dans ta vie, ça risque d'être compliqué, lâcha-t-il en reprenant passivement son rangement. Surtout si tu étudies sans objectif, précis ou flou, peu importe. Tu pourrais toujours envisager une réorientation, ou même un redoublement, s'il le faut.
_ Non, dit-elle froidement. Je refuse de redoubler ou de me réorienter.
_ Pourquoi ? C'est pourtant la meilleure option que je vois pour toi...
Un ange passa, on n'entendait que les bruissements des feuilles que triait Nanami. Puis la noiraude finit par répondre :
_ Je sais que c'est pas bien, mais... j'ai une fierté à tenir... et si je redouble ou que je me réoriente, ça blessera mon égo... et je ne le supporterai pas. Je ne sais pas si vous comprenez... c'est assez... bizarre, dit comme ça... Et puis, il y a aussi mes parents, que je ne veux pas décevoir ! Et ma famille également !
_ N'essaye pas de trouver des excuses pour cacher ton égo surdimensionné, coupa-t-il sans précédent. Si tu fais tes études, c'est pour toi, et pas pour quelqu'un d'autre. Je sais que tu vas encore me contredire, mais encore une fois, si tu juges que le redoublement ou la réorientation est le seul moyen pour que tu t'épanouisses dans tes études, alors fais-le.
_ Mmh... Peut-être en cas de dernier recours, alors... En même temps, je suis acratopège.
_ Acrato-quoi ? Qu'est-ce que tu me racontes, encore ?
_ Ça veut dire banal, en gros. J'ai aucune caractéristique particulière, je suis moyenne partout, peu importe les domaines, même dans ceux que je maîtrise le mieux. Bref, je suis qualifiée de quelqu'un d'ordinaire, de non unique.
Un sourire amer se refléta sur son visage, bien qu'on ne puisse le voir. Son aîné sentait qu'elle semblait être vulnérante, alors, choisissant bien ses mots, il finit par lui dire :
_ Tout ce que tu me baragouines est faux. Rien que ton physique est inhabituel, surtout pour une pseudo-adulte de dix-huit ans - ce n'est ni positif, ni négatif. Je ne te connais pas personnellement, mais si tu me dis être moyenne dans tous les domaines, c'est que tu sais au moins faire des choses que la plupart ne savent pas. Et il doit bien y avoir un domaine dans lequel tu es la seule à exceller, j'en suis certain. En plus de cela, je vois bien que tu es une personne qui fera tout pour obtenir ou réussir quelque chose quand et si tu le veux vraiment. Tu as une détermination sans faille, je le sens. Et ne me contredis pas, tu sais bien que j'ai raison.
La noiraude pivota légèrement son siège, revenant face au bureau. Ses mains se serraient sur ses cuisses, et il semblait qu'elle était en désapprobation avec ses propos. Pourtant, elle ne dit rien. Elle ouvrit la bouche pour parler, cependant, aucun son n'en sortit.
_ Tu dois prendre plus confiance en toi, déclara le blond. Et reste optimiste, peu importe la situation.
_ Comment je peux rester optimiste si ma vision de l'avenir est aussi incertaine ?
_ Je ne te demande pas d'être idéaliste, mais bien d'essayer de montrer plus de positivité quant à ce que tu vis. Et surtout, n'aie pas peur d'échouer, c'est un passage obligé pour pouvoir atteindre la réussite. Regarde, moi, je suis exactement dans ce cas en ce moment même.
_ ... je vois... fit-elle, un micro sourire au visage. Je vais essayer... merci...
Un sourire imperceptible vint adoucir le visage dur de Kento. Peut-être avait-il pu aider cette personne en proie à tant de questionnements et de doutes...
_ À votre tour, maintenant ! Déclara subitement la jeune femme, se retournant dans sa direction, ayant repris du poil de la bête. Oh, vous avez souri ?
_ Non.
_ Si, vous avez souri ! Même si je l'ai à peine vu...
_ Tu as sans doute rêvé.
_ Si vous dites « sans doute », c'est que c'est vrai !
_ Arrête de crier, tu me casses les tympans.
_ Oui, oui. Donc, votre réponse à ma question ? Vous disiez vous intéresser uniquement à votre boulot actuel pour l'argent.
_ C'est le cas.
_ Mais c'est seulement pour l'argent ? Il n'y a pas autre chose, derrière ?
Il se tut, plongé dans ses réflexions. C'était bien là son but premier, non ? Gagner un maximum d'argent pour ensuite vivre peinard et ne pas avoir à faire d'efforts...
Et il y arrivait pourtant assez bien, alors pourquoi avoir démissionné ?
_ À mon avis, il y a bien une raison valable pour laquelle vous avez choisi ce travail, déclara celle qui lui tenait compagnie depuis maintenant une bonne heure. Cependant, vous refusez de vous l'avouer.
_ Comme toi et ton égo pharamineux ? Répliqua le blond du tac-au-tac sans réfléchir.
_ Qu-... C'est même pas vrai ! Et c'est de vous dont on parle actuellement, je vous signale !
_ Ne nie pas le fait que tu possèdes un égo démentiel, bien que tu le caches derrière ton tempérament à première vue calme et humble, ce qui est une façade, à mon avis.
_ ... Oh c'est bon ! C'est pas vos oignons, ça ! Râla la jeune femme.
Il avait l'air aussi immature qu'elle à répondre ainsi, mais il n'était pas question pour lui de lui laisser le dernier mot.
_ Je t'ai demandé de baisser d'un ton. Je n'ai pas envie qu'on nous entende. Enfin, surtout qu'on m'associe à une gamine aussi chiante telle que toi...
_ C'est vous qui êtes chi-... soûlant !
Encore un blanc. Cessant de se disputer momentanément, ils se fixèrent dans le blanc des yeux - enfin, l'un dans la direction où semblaient être les yeux de l'autre.
_ Et tu vas me dire que c'est de ma faute si tu ne dis pas le mot « chiant » ? Renchérit Nanami sur un ton sarcastique.
_ C'est faux ! C'est juste moi qui ne veux pas dire de gros mots, parce que je n'aime pas ça !
_ Tu te crois en primaire, en fait ? Je me disais bien que ta taille en disait long sur toi...
_ Taisez-vous ! Vous êtes encore plus chiant que je ne le pensais !
_ Tu dis que tu n'aimes pas dire des gros mots, mais tu te contredis en cinq secondes à peine...
_ Hey, moins fort, vous deux ! Cria une voix inconnue située à l'autre bout de la pièce.
Les deux protagonistes levèrent leur tête au-dessus des ordinateurs fixes, et virent au fond les trois seuls employés restant à part eux deux, arborant visiblement un air agacé.
_ Excusez-nous, fit le blond avant de retourner à son rangement.
Quelques remarques à voix basses parvinrent à ses oreilles, mais il n'en tint pas rigueur ; il avait autre chose à faire que de se quereller inutilement avec des - anciens - collègues.
... Mais ce n'était pas ce qu'il faisait déjà avec cette stagiaire complètement bornée et plus têtue qu'une mule ?
D'ailleurs, cette dernière semblait le bouder comme une enfant, croisant les bras et gonflant les joues.
« Une vraie gamine », pensa-t-il.
Il se demandait bien qui était pire entre Gojo et elle, d'autant plus que la fatigue et l'exaspération le rendait plus irritant que d'habitude - d'où sa répartie infinie. Quoique, elle, au moins, savait garder son sérieux quand il le fallait, contrairement à Satoru Gojo qui ne se gênait pas pour rester aussi frivole et négligent, peu importe la situation. Et c'était cet homme, le plus puissant exorciste du Japon, hein...
_ Bon, quand tu arrêteras de bouder, tu me feras signe, déclara-t-il nonchalamment. J'ai du rangement à finir, et tu me gênes dans ma tâche.
_ Et votre problème alors ? Répondit-elle sur un ton qui se voulait grognon.
_ Je ne t'avais rien demandé. C'est toi qui es venue et qui m'as bombardé de questions, avant de me raconter ta vie.
_ Vous y avez pris part, je vous signale.
_ ... parce que tu me l'as demandé...
_ Sauf que vous auriez pu refuser.
_ Tu ne comptes quand même pas revenir sur ce sujet ?
_ J'ai compris ! J'ai compris ! Donc... je disais... c'est quoi la raison inconnue pour laquelle vous avez choisi de faire ce métier ?
_ Si cette raison est inconnue, c'est que je n'en sais pas plus que toi.
_ Vous pourriez coopérer un peu plus, nan ?
_ Je coopère, comme tu le dis si bien. Je t'ai dit la vérité : je ne sais pas quelle est cette raison inconnue qui m'a poussé à faire ce travail...
_ Vous le savez. Très bien, même. Tant que vous ne l'aurez pas avoué de vive voix, vous n'avancerez en rien.
Le blond la fixa, confus.
_ Jusqu'où me connais-tu ? Demanda-t-il soudainement.
Si, comme elle l'avait laissé entendre, elle le connaissait aussi bien, alors elle savait probablement cette raison inconnue...
_ C'est bien votre genre de changer de sujet quand ça vous arrange, hein, soupira-t-elle. Mais sinon, je vous connais bien plus que vous vous connaissez vous-même.
_ Donc, tu sais la raison qui m'a poussé à faire ce travail ?
_ Vraisemblablement, oui. Mais vous le faire dire à haute vous permettra au moins de faire un grand pas en avant.
Un long soupir s'échappa de la bouche de Nanami. Il n'arrivait pas à comprendre pourquoi il avait choisi de devenir trader. L'argent, c'était le premier mot qui lui venait à l'esprit. Une vie paisible, c'était le premier groupe de mot qui lui venait en tête.
_ Rappelez-vous, comment vous êtes-vous senti en exorcisant ce Fléau de l'épaule de la boulangère ? Annonça la jeune femme.
C'est vrai, ça, qu'avait-il ressenti ? Il l'avait exorcisé malgré lui, instinctivement. Ou bien était-ce son inconscient qui lui avait soufflé de faire ce geste.
Ce qui était sûr, c'est qu'il ne regrettait pas son acte, bien au contraire. Mais son choix ne s'était jamais tourné vers le métier d'exorciste...
Non. Il avait fui cet univers. Il l'avait quitté du jour au lendemain. Lâchement. Par peur de mourir sans doute, mais surtout par peur de voir des êtres chers le quitter devant ses yeux. Et ce, au quotidien.
_ Alors, Nanami~n ?
Nanamin ? Cela faisait combien de temps qu'on ne l'avait plus appelé comme ça ? Trop longtemps, sans doute.
_ Ne m'appelle plus comme ça, déclara-t-il platement, son carton enfin fini. Il me rappelle un ancien collègue bien chiant.
_ Sauf qu'il redeviendra votre collègue, non ?
_ ... laisse-moi encore profiter du peu de vie normale qu'il me reste, veux-tu.
_ Vous voulez plutôt dire votre « vie plate, terne et ennuyeuse », non ?
_ Tu as sans doute raison.
Un léger sourire se dessina sur ses lèvres. Que la jeune femme put enfin apprécier.
_ J'ai voulu m'enfuir du monde des exorcistes, finit-il par lâcher. Par peur, par lâcheté, ou tout ce que tu veux. C'est vraiment le métier le plus con qui existe sur terre : donner sa vie pour sauver d'autres gens. J'ai coupé les ponts avec les exorcistes il y a quelques années, pensant pouvoir vivre une vie calme pour vieillir et mourir de vieillesse. Mais je ne me suis pas rendu compte que ma vie actuelle ne m'apportait rien, à part des revenus matériels. Et si je vieillissais sans jamais avoir fait quelque chose que j'aurais pu accomplir, je mourrais très certainement dans le regret et les remords d'avoir agi comme un poltron.
Il se leva lentement, rassembla toutes ses affaires et se tourna vers la femme.
_ Merci de m'avoir ouvert les yeux, lui dit-il en s'inclinant légèrement.
_ Ce n'est rien ! Bafouilla-t-elle, les joues rosées. Et puis, merci à vous aussi... pour vos conseils...
_ Il n'y a pas de quoi. On n'a fait que s'entraider sur nos problèmes respectifs.
_ Pas faux... Sur ce...
Elle se leva à son tour, le saluant avant de tourner les talons en direction du couloir. Kento tilta sur un détail, et l'interpella alors à nouveau :
_ Un instant.
Cette dernière s'arrêta dans sa marche, attendant la suite.
_ Qui es-tu, en réalité ?
_ Nanami-san, c'est la troisième fois que vous me posez la question, vous savez. Et ce sera la troisième fois que je vous répondrais la même chose...
Elle se retourna alors. Son visage nettement visible affichait un sourire reconnaissant, et avec une pointe d'amusement dans la voix, elle répondit :
_ Je ne suis qu'une simple stagiaire répondant au pseudonyme de RM. Et sachez-le : vous aurez oublié mon identité dès demain. Vous vous souviendrez seulement de notre conversation.
_ Attends, que veux-tu dire par-là ?
_ Bon, à bientôt, Nanami-san !
Et elle s'en alla en lui faisant un signe de la main. Laissant le blond là, dans un sentiment vague d'incompréhension. Que venait-il de lui arriver ?
Par précaution, une fois rentré chez lui avec toutes ses affaires, il se hâta de noter tout ce qu'il venait de vivre dans un petit cahier, qui fût ensuite rangé précieusement dans une boîte au fond d'un placard.
Ce qu'il ne savait pas, c'était que cette jeune femme n'était pas un élément de ce monde. Bien au contraire.
C'était cette personne-même qui faisait la narration d'une conversation fictive, dans un monde fictif imaginé par ses soins, mais relié à un autre monde dont elle n'avait que très peu accès ; et son objectif était très simple : comprendre la raison de ses choix d'avenir par le biais des choix d'un personnage qu'elle admirait énormément.
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[4 733 mots]
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Ohayo, mina-san !
Déjà, j'espère que cet OS vous a plu. Surtout que, vous vous en doutez bien, l'OC qui était présent n'était pas n'importe qui, mais bien la narratrice elle-même~
Elle apparaitra - enfin, j'apparaîtrais - probablement quelques fois dans mes fics, sous forme d'Easter Egg, comme on le dit dans le langage des jeux vidéo~
Ça a été d'ailleurs le cas une fois, sauf que c'était plus évident pour moi que pour vous X)
Cet OS est une des nombreuses réflexions que j'ai, en ce moment, dans ma vie personnelle. Et j'espère avoir pu aider ceux qui sont dans le même cas que moi niveau avenir, en posant tous ces arguments et questions qui tournent en boucle dans notre cerveau.
N'écoutez surtout pas ceux qui vous disent que vous avez encore le temps de penser à votre avenir, parce que Parcoursup, c'est en terminale, parce que vos études se termineront dans trois ans, et j'en passe.
Pensez-y, pas tout le temps non plus pour ne pas stresser, mais prenez le temps d'y penser de temps en temps, d'explorer les horizons qui s'offrent à vous, les différentes perspectives, surtout ceux qui ne savent pas quoi faire plus tard.
Ensuite, cela fait très longtemps que je n'avais pas écrit, laissant même une fic en plan. Et j'en suis désolée pour ça X)
Faut dire que l'inspiration et l'envie n'étaient pas vraiment présentes, d'autant plus que je suis assez débordée avec mon travail, surtout les travaux de groupe, en plus d'être un peu accro à Genshin Impact.
Je vais reprendre petit à petit l'écriture, mais certainement à des fréquences variées et pas aussi souvent qu'avant. Et je commence un peu à me diversifier dans d'autres fanfic et OS d'animés que j'aime énormément. Parce que j'aime toujours autant le EraserMic, n'en doutez point. Mais il y a aussi d'autres animés, auxquels l'inspiration m'a poussé à en écrire un brin de réflexions.
Bien ! Je vous laisse et vous dis à une prochaine fois dans ma prochaine fanfic ou OS !
Reality_Master ❤
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