2. Préparation

Les deux premiers jours suivant ma victoire, je les passai allongé sur le lit de ma chambre d'hôtel. J'étais complètement HS. Quand je réussis enfin à émerger de mes longues siestes, je me rendis à la salle de sport d'Abdel. Lui, il était un peu le père que j'aurais aimé avoir. C'était un mec bien, posé. Il avait la vie de mes rêves. Une femme qu'il aimait profondément, quatre gamins dont il était absolument gaga, une maison sympa, un travail qui lui plaisait. Je voulais être ce genre de mec.

— T'es mal en point, remarqua-t-il quand je m'accoudai au compteur de l'accueil. Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?

— Rien, t'inquiète... mentis-je.

Il ne savait pas ce que mon père me faisait subir, il ne savait pas comment je gagnais ma vie. J'avais trop honte. J'admirai tellement cet homme, il était hors de question que je fasse aveu de faiblesse devant lui.

— T'es dispo pour donner quelques cours cette semaine ?

J'acquiesçai. J'avais un accès gratuit à sa salle de sport en échange de quelques heures de cours de boxe données à des nanas qui voulaient apprendre à se défendre. C'était un bon deal parce que je n'aurais jamais eu les moyens de me payer les services de ses coachs sans ça. Je lui donnai mes disponibilités pour les prochains jours et m'installai sur le ring de boxe en attendant Hakim, le neveu d'Abdel et aussi mon entraineur.

J'eus un peu de mal à suivre le rythme effréné que m'imposait Hakim. Lui était en pleine forme. Je frappai sur un mannequin en suivant les indications qu'il me donnait, mais je me fatiguais. Je décidai alors d'arrêter. Il fallait que je me ménage un peu si je voulais être en capacité de me battre lors de mon prochain combat. Il fallait que je gagne les prochains pour avoir assez d'argent de côté pour commencer mes études sereinement.

— Alors ? Tu commences quand la fac ? me demanda Hakim qui rangeait son matériel.

— Dans dix jours.

— Je t'imagine pas là-bas, se marra-t-il. La Sorbonne en plus, mon gars ! Tu vas te retrouver entouré de bobos, ça va te faire un choc.

J'y avais pensé. J'allais faire tache à l'université. Mes bleus tournaient progressivement au vert. Je passais du Grand Schtroumpf au bonhomme Cételem. Je n'aurais pas le temps de guérir complètement avant la rentrée. Je me demandais quelle serait la réaction des autres étudiants en me voyant dans l'amphithéâtre avec eux. C'est sûr que des gars comme moi, il ne devait pas y en avoir des masses dans les couloirs de la Sorbonne. Mais je n'avais pas le temps de penser à ça. J'avais un combat dans deux jours. La fac, c'était le dernier de mes soucis.

Ce soir-là, quand j'entrais dans l'usine qui nous servait d'arène, j'étais chaud. Le premier gus qui tenta de me battre repartit avec deux dents en moins. J'avais la rage de vaincre. Le deuxième eut le nez cassé. Je venais de me faire huit-cents balles. Durant la semaine, j'enchainai le même rythme : combat la nuit, entrainement le jour.

Quand je m'effondrai sur mon lit, après mon dernier combat, je grimaçai. J'avais encore gagné, mais le mec m'avait bien amoché. Je m'attendais à voir mon dos se parsemer de bleu, de violet et de rouge d'ici au lendemain. Mon œil droit n'était pas mal non plus, il m'avait presque éborgné. Ah vraiment... J'allais faire le plus bel effet à la fac ! Moi qui voulais être discret, c'était raté. J'espérais que personne ne découvrirait que je me battais illégalement, que personne ne se rendrait compte que mon père me mettait la misère. Bref, il ne fallait surtout pas qu'on voie à quel point je n'avais pas ma place dans une université, à quel point je ne valais rien. Ça partait mal.

Il me restait deux jours avant la rentrée. J'en profitai pour me reposer un peu dans ma chambre d'hôtel miteuse où j'étais sûr d'avoir vu passer un cafard et peut-être même une souris. Mais bon, c'était l'hôtel le moins cher que j'avais trouvé et avec les trois-mille euros que je m'étais fait, ça me permettait d'y rester plus longtemps. J'allai aussi m'acheter quelques fringues et un nouvel ordi, histoire de ne pas avoir l'air du cassos de base. Malgré ces achats, il me restait de quoi tenir un bon mois et demi à l'hôtel. Un mois et demi sans voir mon daron, ça me laissait le temps pour guérir de mes blessures. Enfin mes blessures... Tant que je ne pissais pas le sang et que je tenais debout, c'était que je n'étais pas blessé. Un hématome, ce n'était rien.

Enfin rien... 

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