Chapitre 3 : Seigneur et bonnes manières
« Je suis désolé de vous déranger Prêtresse. Mais j'aimerais discuter avec vous de ma sœur, Alana. » Aveline s'était débarrassée de sa robe grise. Elle lui avait préféré une robe pourpre et un corset noir qu'elle portait le plus souvent les jours de marché.
« Cela est évident, asseyez-vous Aveline. » La jeune fille s'exécuta. Elle se sentait impressionnée par cette femme pourtant plus petite qu'elle. « Alana est une jeune fille très intelligente, et dotée d'une grande intuition. Je ne vais pas vous mentir, il se pourrait qu'elle ait un don de Voyance. » Aveline arqua un sourcil. « Ceux qui voient » étaient un ordre composés de personnes que l'on évitait le plus possible. Ils pouvaient lire vote avenir, et cela faisait froid dans le dos.
« Je croyais que seuls les enfants de « ceux qui... » Pardon, des Voyants, étaient dotés de ce don. » La femme lui fit un sourire.
« Je comprends que vous soyez sceptique. Cependant, il existe plus de personne avec ce don que l'on ne le croit. Simplement, en général leur don s'étiole à la puberté si l'enfant n'est pas pris en main. » Aveline hocha la tête. Elle n'était plus très sûre de son choix.
« Qu'est-ce que cela va lui apporter ? J'ai peur que cela la desserve, vous savez les Voyants ne sont pas bien vus. » La femme resta calme, compréhensive à ses réticences.
« Cela lui apportera beaucoup, dont l'ouverture d'esprit. Elle sera bien traitée, nous l'enverrons dans l'un de nos temples avec d'autres novices. Nous prendrons soin d'elle, et vous pourrez la voir. Je suis certaine que vous avez l'esprit assez ouvert pour comprendre, c'est une chance pour elle. » Nerveusement la jeune fille se mit à jouer avec l'une de ses mèches de cheveux. Certes elle comprenait mais comment le dire à sa Grand-Mère, déjà que lui dire que sa petite fille voulait rejoindre les Prêtresse serait une épreuve.
« Je suis certaine de votre bonne foi. Et je vous fais confiance. Cependant un point reste à éclaircir, si jamais ma sœur souhaite quitter votre Ordre, pourrait-elle le faire ? » Aveline ne voulait pas que sa petite sœur se retrouve coincée dans quelque chose qui ne lui convenait pas. Elle voulait lui laisser le choix, même si celui-ci semblait déjà fait.
« Bien entendu. Sachez tout d'abord qu'elle rejoindra un de nos temple l'an prochain, pour le moment elle va suivre des cours particuliers, une formation de base si vous préférez. Qu'elle puisse s'habituer. Puis elle aura cinq ans d'apprentissage, durant ces années elle pourra décider à tout moment d'arrêter. Si elle termine, alors elle deviendra une Prêtresse, surement Voyante. » La bibliothécaire encaissa toutes ces informations.
« Bien. Je vous remercie de m'avoir reçue. » Elle lui fit un sourire.
« Heureuse de vous avoir rencontrée, Aveline. »
Elles se levèrent et la bibliothécaire serra la main de la Prêtresse avant de sortir. Elle n'avait plus qu'à aller travailler, cela l'aiderait à réfléchir à toute cette histoire.
*
* *
D'un geste Aveline dépoussiéra la dernière étagère du bas de la bibliothèque. Il lui restait encore quelques étages à faire, mais elle verrait en temps voulu. Pour le moment il fallait qu'elle travaille sur la restauration de vieux ouvrages. La jeune fille s'étira. Son regard accrocha un papier calé entre deux livres. Encore quelqu'un qui avait oublié ses affaires. Cela arrivait souvent, et en général elle entreposait ce qu'elle trouvait dans un des tiroirs de son bureau, le vidant deux fois l'an. Elle déplia le papier avant de froncer les sourcils.
« Rendez-vous. Minuit. Second étage. Porte des serviteurs. »
Elle se souvint alors de la conversation qu'elle avait entendue par mégarde. Non, ce papier pouvait signifier pleins de choses, comme un flirt par exemple. Il ne fallait pas qu'elle repense à cette histoire de conspiration. A la hâte elle remit le papier en place. Sa main semblait être brulante tout d'un coup.
« Vous allez bien ? » Aveline se tourna pour se trouver nez à nez avec le Seigneur Mahe.
« Oui. Je réfléchissais. » Elle tira légèrement sur son corset, à croire que cela allait la rendre plus jolie. « Avez-vous besoin de quelque chose Monseigneur ? » Il lui servit un magnifique sourire.
« Votre prénom ? » Et voilà qu'il recommençait. Pourtant cela la fit sourire elle aussi.
« Bien essayé, mais je parlais de livres. » Aveline s'avança entre les rayons, Seigneur ou pas il ne l'empêcherait pas de travailler.
« Bon d'accord. Alors il me faudrait un livre pas trop gros, mais pas trop court, sur l'histoire des royaumes avant les royaumes, de préférence romancé, mais sans oublier les détails historiques tels les dates. » La bibliothécaire leva les yeux au ciel.
« Je pourrais vous l'avoir dans la semaine. » Elle fit mine de choisir des livres sur les différentes étagères, la meilleure de ses parades.
« J'en aurais besoin maintenant. Vous savez, j'ai beaucoup de choses à faire. » Aveline leva les yeux au ciel. Il avait donc décidé de jouer avec elle.
« Bien, mais cela peut prendre un peu de temps, votre recherche est plutôt vaste. » Il hocha la tête avec un air grave.
« Ce n'est pas un problème. »
Après un soupir Aveline commença à recenser les différents ouvrages qui pouvaient plaire à Mahe. Une perte de temps, s'il voulait la faire craquer c'était loupé. L'avantage d'avoir une famille qui vous harcèle de questions, et de demandes, cela conditionne les nerfs.
« Aveline ? » La jeune fille se tourna, sa grand-mère se tenait là.
« Oui, tu as besoin de quelque chose ? » Aveline savait que son aïeule avait souvent besoin d'ouvrage pour éduquer les demoiselles de la cour. Peu importe ce que les gens pensaient, chaque jeune fille devait se cultiver, cela comptait autant que le physique à la cour.
« Oh, je peux attendre que tu ais terminé avec Mon Seigneur. » Elle s'inclina, la bibliothécaire sentit que ce seul geste faisait souffrir les os de sa grand-mère.
« Ne vous inquiétez pas Madame. J'accapare le temps d'Aveline avec une recherche complexe, qu'elle s'occupe de vous d'abord. » La manière dont il avait prononcé son prénom soulignait tout le plaisir qu'il prenait à avoir gagné.
« Dis-moi ce qu'il te faut. » C'est donc le plus normalement du monde qu'elle décida d'ignorer tout l'enthousiasme qu'avait le jeune homme.
« Merci, Monseigneur, je suis tout à fait désolé de vous faire perdre du temps. » Sa Grand-Mère lui fit les gros yeux, mais Aveline l'ignora elle aussi. « L'ouvrage de Dame Adélaïde, Manières et langage d'une vraie Dame. » La bibliothécaire hocha la tête.
« Je dois monter, mais je reviens tout de suite. » Elle fit une révérence. Autant ne pas se mettre sa Grand-Mère trop à dos. Elle s'éclipsa donc. Le livre fut simple à trouver, bien qu'il soit assez en hauteur pour qu'elle manque de tomber dans les escaliers. Revenant elle remarqua que Mahe et sa grand-mère discutait posément. « Et voici. » Aveline tendit le livre à sa Grand-Mère.
« Merci. Et ce soir fais en sorte de rentrer tôt, j'ai invité Adrian pour prendre un thé. » La jeune fille fronça les sourcils mais ne releva pas. Sa Grand-Mère s'éclipsa alors comme elle était venue. Un instant Aveline resta planté là. Adrian étant le marchand qu'elle ne comptait pas épouser.
« Vous allez bien ? » La jeune fille se retourna.
« Oui, bien sûr. Si nous reprenions votre recherche. » Dire que sa Grand-Mère osait inviter un homme chez elles. Une espèce de vendeur de patates qui ne connaissait rien à la courtoisie.
« Je n'en ai plus besoin maintenant, Aveline. » Le sourire mutin qu'il afficha la fit soupirer, c'est vrai qu'il avait son prénom maintenant. « Cependant vous avez l'air contrarié ? Cette femme a-t-elle dit quelque chose qui vous as froissé ? » La bibliothécaire leva les yeux ciel, le monde s'acharnait contre elle.
« C'est ma Grand-Mère et son existence entière vise à m'irriter. » Il la regarda gentiment. Comment ce faisait-il qu'elle se sente si confiante avec lui ? « Elle veut juste me marier. Rien d'insurmontable. » Puisque de toute évidence elle ne cèderait pas.
« Je vois. Cela veut dire que vous ne travaillerez plus ici ? » Elle rangea un livre sur l'étagère, irritée par ces questions, qui en fin de compte n'était que le juste retour de ses paroles.
« Non, cela veut dire qu'un pauvre homme va être désillusionné. » Même si elle n'aurait pas qualifié Adrian de « pauvre » il avait déjà eu deux femmes, toutes deux mortes en couches lui laissant six enfants sur les bras. Et il n'était pas question pour elle de pouponner.
« Je le plains. Mais cela laisse donc de l'espoir à d'autres. » Il semblait s'amuser de la situation. Elle s'arrêta lui fourrant un livre dans les mains.
« Je pense que ceci vous conviendra Monseigneur. » Elle lui mit un livre entre les mains. Aveline n'avait plus aucune envie de jouer.
« Etes-vous certaine d'aller bien ? » Il se fit plus soucieux cette fois.
« Oui. Je ne suis juste pas d'humeur à badiner. Maintenant si vous voulez bien m'excuser. »
Elle tourna les talons, s'enfonçant dans les rayonnages. La solitude était le remède à tous les maux. Le silence avait cette vertu apaisante. Ou au moins il lui permettait de réfléchir.
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