Chapitre 26 : Ennui mortel et jalousie
Ils ne s'étaient pas adressé la parole. C'est ce qu'Aveline constata lorsque Gaëtan était revenu, il était partit plus de deux heures et elle n'avait pas échangé un mot avec Garrett. Leur maitre étala ses trouvailles sur le lit, des tenues neuves et visiblement assez luxueuses. La jeune femme n'eut pas trop de mal à deviner laquelle était pour elle. Sans plus attendre elle prit les différents jupons et amas de tissus.
« Je prends la salle de bain. »
Ce n'était qu'une petite pièce adjacente dans laquelle avait été mise une baignoire, mais cela lui permettait une certaine intimité. Elle se déshabilla, son bain était déjà pris, Garrett l'ayant laissé y aller la première. Au moins, il était galant. Bien, le tout était maintenant de s'habiller seule, cela faisait plusieurs mois qu'elle n'avait pas mis de robe, elle doutait que son corps supporte l'armature du corset. Tant pis, elle ne pouvait pas s'y soustraire. Mal assurée elle commença à se changer. Après quelques minutes de luttes et un jupon enfilé elle se glissa dans la chambre où les deux hommes s'habillaient. D'une main elle retenait son corset qu'elle ne parvenait pas à attacher.
« L'un de vous pourrait m'aider ? Je ne peux pas le faire seule. » Ils tournèrent tous deux la tête au même moment, Garrett se détourna, visiblement gêné alors que Gaëtan lui servit un magnifique sourire tout en se glissant derrière elle. Il noua le corset avec bien plus de dextérité qu'elle ne l'aurait cru. Les doigts de son maitre glissèrent sur sa nuque, il se pencha sur son oreille.
« Ta peau est aussi douce que ce à quoi je m'attendais. »
Les joues d'Aveline passèrent à l'écarlate. Elle s'écarta vivement. Un regard pour Gaëtan, une lueur amusée dansait dans ses yeux. A quoi jouait-il ? Sans répondre elle alla s'enfermer de nouveau dans la petite pièce. Essayant de balayer la pensée de son maitre susurrant à son oreille elle enfila le reste de la robe. Du velours rouge, aux manches brodées de fils d'or et de pierres précieuse, mélange d'ambres et de rubis. Une fine ceinture dorée aux mêmes motifs, soulignait sa poitrine. Elle détacha ses cheveux ne sachant pas réellement quoi en faire. Après une grande inspiration elle entra de nouveau de la fosse aux lions. Les deux hommes avaient terminés de s'habiller. Si la tenue de Gaëtan était richement décorée, celle de Garrett était simple, pourtant il y avait toujours cette chose en lui qui faisait tout son charme. Elle lui adressa un sourire timide, presque gêné. Leur maitre se matérialisa devant elle.
« Parfait, laisse-moi juste arranger tes cheveux. » Elle haussa un sourcil, plus jeune sa gouvernante s'occupait de sa chevelure, ensuite cela avait été sa grand-mère, jamais un homme. « Fais-moi confiance. » Elle soupira. De toute manière elle n'avait pas le choix. Il l'invita à s'asseoir et sortit d'un sac de quoi la coiffer. Nerveuse elle le laissa tout de même faire, il était plus délicat qu'elle ne l'aurait cru. Elle le laissa donc entortiller ses cheveux. « Et voilà, ce n'est pas bien impressionnant, mais cela suffira. Ce n'est pas comme si tu avais besoin de cela... » Voilà qu'il recommençait. Préférant ne pas faire attention, elle se tourna vers un miroir. Elle manqua de hoqueter de surprise. Ses cheveux était relevés en une couronne de tresses au-dessus de sa tête, ses mèches mêlées à des rubans d'or. Il lui semblait que sa chevelure avait la couleur du miel maintenant, plus claire qu'avant, et sa peau était légèrement bronzée. Sa gorge se serra avant qu'elle ne se détourne.
« Tu es superbe. » Son regard se posa sur Garrett qui lui fit un petit sourire rassurant qu'elle lui rendit.
« Garrett, si tu pouvais faire marcher l'illusion, qu'on ne reconnaisse pas Aveline. » Elle avait complètement oublié qu'il devait modifier son apparence. Il se renfrogna dès que Gaëtan passa son bras autour de la taille de la jeune femme.
« Voilà. » Elle jeta un œil au miroir, elle ne vit aucune différence.
« Tu es rousse, et tes yeux sont d'un jolie bleu clair. » Il fit mine de la détailler un peu plus, s'attardant sur son décolleté. « Tu n'étais pas obligé de la rendre plus mince Garrett ! » Elle se sentit presque défaillir à cette remarque.
« Je n'ai pas... » Il soupira en se détournant. « Ne soyons pas en retard. » Gaëtan saisit la cape qui était sur le lit pour la passer autour des épaules d'Aveline.
« Je n'aimerais pas que mon épouse ai froid ! »
*
* *
Ils entrèrent dans une salle où on les débarrassa de leurs capes. Aveline sentit immédiatement la chaleur envahir son corps. Ils n'étaient pas les premiers, ni les derniers. Devant eux la salle n'était pas aussi vaste que celle du Palais des Dirigeants, plus sobre mais aussi plus sombre, les invités y étaient moins nombreux. La jeune femme regarda autour d'elle alors qu'un valet les annonçait, Garrett avait été invité à aller aider les serviteurs dès qu'ils avaient franchi l'entrée, il n'avait pas discuté. La main de Gaëtan se posa sur la sienne.
« Ne sois pas si nerveuse. Tout ira bien. » Elle l'espérait, pourtant la boule dans son ventre lui donnait l'impression de pouvoir exploser à tout instant. « Viens, nous allons nous présenter à notre hôte. » Celle qu'ils devaient protéger donc. Elle s'inclina arriver à la hauteur de la jeune fille. Son cœur se serra, elle avait presque le même âge qu'Alana.
« Dame Gwendoline, c'est un honneur pour moi de vous rencontrer. » Elle s'inclina timidement. « Je vous présente mon épouse, Dame Evangeline. » Elle préférait Avy, et de loin, mais cela ne devait pas faire assez noble pour lui.
« Enchantée, le Seigneur Gabriel nous avait caché son mariage, pourtant mon père le connait depuis si longtemps. D'ailleurs, je ne crois pas vous connaitre. » Pas étonnant qui leur ai eu cette mission. Aveline se fendit d'un sourire.
« C'est un grand cachotier, disons que notre union a été fort rapide. » Elle n'était pas très bonne menteuse, et trouver quelque chose à dire était assez difficile, plus encore lorsqu'il fallait improviser.
« Cette charmante créature m'est apparue lors d'une de mes visites dans la petite campagne. Et depuis je ne peux plus me passer d'elle. » Au moins l'un d'eux maitrisait à merveille cet art qu'était le mensonge.
« Vous n'avez donc aucun titre ma chère ? » Elle était peut-être jeune, mais on lui avait bien apprit les choses.
« Maintenant elle à celui de Baronne, et puis qu'importe qu'elle n'en ait pas eu avant, j'ai assez d'argent et de titre pour deux. » La jeune Gwendoline ne semblait pas enchantée. Aurait-elle eut des vues sur Gaëtan ? A son âge elle aurait mieux fait de se trouver un charmant jeune homme. Aveline sursauta lorsque la main du maitre d'arme se posa sur son ventre. « Et puis nous aurons bientôt un charmant petit héritier, n'est-ce pas ma chérie ? » Etait-il sérieux ? Elle avait l'air grosse ? Qu'avait fait Garrett ? De quoi ces deux idiots ne l'avaient-ils pas prévenue encore ?
« Oui, rien ne pourrait nous rendre plus heureux, mais j'aurais juré que nous avions dit que nous n'en parlerions pas tout de suite mon Cher.» Gwendoline leur servit un sourire dégoulinant d'hypocrisie, ce même sourire qu'avait chaque jeune fille de la cour, même elle en était capable.
« Je suis donc très heureuse pour vous. Pardonnez-moi, j'ai d'autres invités à aller saluer. »
Nouvelle révérence, plus guindée cette fois. Puis elle s'éclipsa dans un doux bruit de tissu blanc. Aveline retint un soupir alors que Gaëtan l'entrainait une nouvelle fois à sa suite. Prostré dans un coin, Garrett observait la jeune débutante qu'ils devaient protéger, son regard croisa celui d'Aveline qui lui fit un sourire, il se détourna. Parfait, apparemment il lui en voulait de quelque chose. La soirée s'annonçait épuisante.
Il la baladait de Seigneur en Seigneur, la présentant, plaisantant, l'invitant à danser quelques fois. Aveline était distraite, son regard balayant la salle à la recherche du moindre assassin. Heureusement Gwendoline était toujours le centre de l'attention, elle était d'ailleurs passé près de Garrett plusieurs fois, s'il se taisait le mépris se lisait dans ses yeux. Il n'aimait pas les nobles, c'était un fait. La jeune femme s'ennuyait lorsqu'un nom retint son attention. Le cœur battant dans sa poitrine, elle leva les yeux. Près de la jeune débutante se tenait Seth, Aveline s'agrippa au bras de Gaëtan qui la regarda visiblement inquiet.
« Tu le connais ? » Elle hocha la tête. « Ne t'inquiète pas, il ne te reconnaitra pas. » Si seulement le problème était là. Leur dernière entrevue n'avait pas été des plus sympathiques. Ses lèvres la brulèrent un instant, se remémorant leur baiser. Il fallait qu'elle se calme. Et surtout, il ne fallait pas qu'il approche. Trop tard, accrochée à son bras Gwendoline s'approchait d'eux.
« Seigneur Gabriel. Il fallait à tout prix que je vous présente de le Seigneur Seth, saviez-vous qu'il se présente pour faire partit des dirigeants aux prochaines élections ? » Aveline s'inclina la main tremblante. Maintenant elle avait peur d'être reconnue. Seth lui prit la main pour y déposer un baiser. Son regard se posa sur elle, comme s'il savait. Son cœur s'emballa. Il fallait qu'elle se souvienne comment respirer. Inspirer. Expirer. Se calmer. Surtout se calmer.
« Je suis ravis de faire connaissance avec l'un des aspirants au pouvoir. J'ai moi-même songé à me présenter, mais cela représente beaucoup de travail et de sacrifice. » Au moins elle n'avait pas besoin de parler, c'était déjà ça.
« Certes, mais il faut bien que quelqu'un dirige notre royaume. Et puis, les Dirigeants ont une vie, comme chacun d'entre nous. » Gaëtan hocha la tête, Aveline avait l'impression qu'il n'appréciait pas réellement Seth.
« Il parait que vous avez une mystérieuse fiancée ? » Gwendoline. Evidemment, les affaires personnelles étaient beaucoup plus importantes que la politique. Une minute. Fiancée ? Seth était fiancé ? Comment est-ce que ? Quand ? Pourquoi ? Elle avait mal, et elle n'aurait même pas su dire pourquoi. La jalousie, certes, mais comment cela était-il possible ? Après tout elle avait été la première à le repousser.
« Oui, mais d'importantes affaires la retiennent loin des mondanités, cela n'est qu'une question de mois avant qu'elle ne me rejoigne à la Capitale. » C'était beaucoup plus douloureux qu'elle ne l'aurait cru.
« Toutes mes félicitations. Vous verrez le mariage est quelque chose qui vous change la vie. » Comment pouvait-elle dire cela ? Gaëtan lui prit la main.
« Félicitations en effet. Nous allons vous laisser, je crois que mon épouse a besoin de prendre l'air. » Il l'entraina un peu à l'écart dans un endroit où la foule était moins dense avant de l'attirer contre lui. L'envie de pleurer était là, pourtant elle se contint.
*
* *
Gwendoline était montée se coucher. Aveline soupira d'aise. Après avoir croisé Seth Gaëtan s'était évertué à lui changer les idées, danses, champagne, rires. Assez pour que la tête lui tourne. Une fois qu'il eut vérifié quelque chose auprès du maitre des lieux il l'entraina dehors. Un valet leur rendit leurs capes. Aveline resserra le tissu autour d'elle, la nuit était noire et visiblement l'air assez frais pour la faire frissonner. Ils se stoppèrent dans la cour. Gaëtan lui prit la main, caressant sa paume avec le pouce.
« Tu as été parfaite ce soir. » La jeune femme eut un léger sourire à cette remarque.
« Il ne s'est rien passé, même pas l'ombre d'un tueur. » Il lui caressa la joue, elle se sentit s'empourprer. Il recommençait.
« Peut-être mais tu as joué le jeu. » Ses doigts descendirent le long de son cou. « Tu as été intelligente, drôle...» Il lui prit le visage. « Plus important encore, belle... » Ses lèvres se rapprochèrent des siennes. Qu'est-ce qu'il ? Il l'embrassa. Le cœur d'Aveline manqua un battement le temps qu'elle comprenne ce qui était en train d'arriver. Elle n'eut pas le temps de se rendre compte que Gaëtan était par terre le nez en sang. Le champagne brouillait les sens de la jeune femme pourtant elle n'eut aucun mal à reconnaitre les traits de leur assaillant.
« Garrett... » Le poing du maitre d'arme s'enfonça dans le ventre de son élève qui ne démordit pas, son poing partant à un rythme régulier. « Garrett ! » La voix d'Aveline se fit assez forte pour qu'il lève les yeux vers elle. Ce qui permit à Gaëtan de reprendre le dessus, il décocha un coup de poing à Garrett dont le nez se mit instantanément à saigner, il bloqua ensuite le jeune homme sous lui, il aurait réussi sans la diversion mais cela aurait pris plus de temps.
« Calme-toi ! » Garrett se débattait comme un loup pris au piège.
« Rien ne te suffit ! Il faut donc que tu les ais toutes ! » Le maitre d'arme bloqua les bras de son assaillant de manière à ce qu'il ne puisse plus lutter.
« Calme-toi... » Sa voix était beaucoup plus douce qu'avant. « Ce n'est pas ce que tu crois. » Aveline haussa un sourcil, elle n'était pas au courant alors.
« Ah oui ? Pourtant ça en avait l'air ! » Gaëtan explosa alors de rire.
« A vrai dire je pensais que tu mettrais moins de temps que ça à me sauter dessus. » L'amusement brillait dans son regard alors qu'il se relevait. Garrett avait cessé de se débattre. « Je ne pensais même pas avoir à l'embrasser. » A quoi jouait-il ? Pourquoi avait-il fait tout cela ?
« De quoi tu parles ? » Ils étaient deux à ne pas comprendre.
« Vous deux ! Vous passez votre temps à vous tourner autour, et rien ne se passe. » Elle commençait vaguement à comprendre. « Bien, retournez à l'auberge. Je vous rejoins demain dans la journée, j'ai des choses importantes à faire. » Il rajusta sa tenue, avant de les laisser là, comme si tout était réglé alors que rien ne l'était.
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