Chapitre 24 : Rapprochements


Un cauchemar, encore. Aveline pressa sa main glacée contre sa poitrine brulante. Elle se colla un peu plus contre le mur. Elle avait si froid. Si chaud. Son corps entier était un paradoxe. D'un revers de manche elle essuya les larmes qui mouillaient son visage. Se redressant la jeune femme ramena ses jambes contre sa poitrine tout en frottant ses yeux humides. Un grognement près d'elle la fit sursauter, elle ne voulait surtout pas réveiller Garrett, il n'apprécierait pas.

« Tu es censé dormir... » Cela ressemblait plus à un grognement. Aveline se tendit. « Tu parlais dans ton sommeil, fort. » Elle soupira, évidemment, cela aurait été trop simple sinon.

« Désolé... » Si elle se levait pour aller prendre l'air, il serait obligé de la suivre et elle ne comptait lui imposer sa présence plus que nécessaire. Aveline leva les yeux vers lui lorsque Garrett se glissa hors de son lit et le déplaça pour le coller au sien. Elle haussa un sourcil.

« Ne te fais pas d'idées. Je n'ai juste aucune envie d'entendre tes gémissements toute la nuit. » Ses yeux s'agrandirent, à quoi jouait-il ? Il se remit sous ses couvertures et lâcha un immense soupir lorsqu'il la regarda. « Viens près de moi. Quand j'étais plus jeune, cela me faisait me sentir en sécurité. » Prudemment Aveline se glissa entre les bras écartés de Garrett qui les referma sur elle. « Tu es glacée. » Ce ne fut qu'un vague murmure. La jeune femme se raidit.

« Pardon. » Le garçon resserra un peu sa prise. Elle n'avait jamais dormie dans les bras d'un homme, car cet époux qui l'avait si lâchement trahi, c'était détourné d'elle dès qu'ils avaient eu terminé. Sur le coup elle n'avait pas compris, et elle s'était dit que c'était ainsi qu'allait les choses tout simplement.

« Ce n'est rien. » Aveline ferma les yeux. Il avait raison, elle se sentait en sécurité au chaud entre ses bras. Pourtant elle avait honte de la position dans laquelle elle se trouvait. « Tu es plus forte que tu ne le pense, beaucoup aurait cessé de se battre depuis longtemps. » Forte ? Alors pourquoi se sentait-elle si faible ? Si vulnérable ?

« Pourtant tu me serres contre toi comme une enfant terrifiée. » Elle put presque le sentir sourire dans son dos.

« Ta famille est morte sous tes yeux, quelqu'un cherches à te nuire et on veut te tuer. Si tu n'avais pas peur, tu serais folle. » C'était bien peu et pourtant cela suffit à la réconforter. « Ne t'habitue pas trop... » Un léger sourire étira ses lèvres à cette dernière remarque avant qu'elle ne plonge dans un sommeil sans rêves.

*

* *

« Plus haute ta garde si tu ne veux pas que je te transperce les poumons. » Aveline obéit. Garrett s'était adouci avec elle et ne se contentait plus de lui donner des coups, il lui prodiguait de bons conseils.

« Bientôt vous n'aurez plus besoin de moi ! » Gaëtan avait retrouvé toute sa joie de vivre. Pourtant il semblait toujours à l'affut du moindre mouvement, paré à l'éventualité qu'ils puissent être attaqués.

« Ne crois pas que tu te déroberas toujours à ton rôle d'instructeur. » La jeune femme profita la diversion pour frapper Garrett au bras, le déstabilisant et parvenant à le désarmé. Il fixa un instant la lame en bois posée sur sa gorge.

« Tu as raison, il est peut-être temps que je reprenne les choses en mains... » Le sourire de leur maitre s'était élargi.

« Tu m'as déconcentré ! » Aveline avait baissé sa lame factice. Garrett et Gaëtan semblaient partis pour se disputer.

« Un bon guerrier ne se laisse pas distraire lors d'un combat. » Apparemment cette remarque ne fut pas du gout de l'élève. Il reprit son épée pour faire face à Aveline. « Pas cette fois. Nous allons passez à autre chose. » Leur maitre désigna le présentoir sur lequel reposait de vrai lames. Il s'avança et en prit une après quelques instants de réflexion. Il la tendit à la jeune femme qui serrait encore le pommeau de bois entre ses mains. « Elle devrait être assez équilibrée pour toi. »

Il lui reprit son arme de fortune alors qu'elle saisissait l'autre. Plus lourde que le bois et très certainement moins maniable. Elle se tourna vers Garrett qui avait déjà fait son choix. Il semblait satisfait, évidemment, il allait gagner. Ils se mirent en position, cette fois Aveline ne pourrait pas compter sur la chance pour s'en sortir. Sa lame arrêta celle de son compagnon de justesse, il avait perdu toute la douceur dont il avait fait preuve une nuit auparavant, sur le terrain il était impitoyable, plus encore alors que Gaëtan venait de le railler. Il fallait bien l'avouer il en fallait peu à Garrett pour s'emporter. Les coups s'enchainèrent sans que la jeune femme puisse répondre, elle se contentait de parer, son poignet était douloureux et elle commençait à vaciller lorsqu'elle trébucha. Ses yeux se fermèrent lorsqu'elle vit la lame près de sa tête.

« Ça suffit ! » Elle eut un frisson à l'entente de la voix de leur maitre. La lame siffla près de son oreille avant de se planter dans le sol terreux. Son regard croisa celui de Garrett qui recula d'un pas, visiblement perturbé.

« Désolé, je me suis emporté. » Donc depuis tout ce temps il maitrisait sa force quand il sa battait avec elle. Maintenant elle le savait. Massant son poignet Aveline se releva.

« Ça va je n'ai rien. Si j'avais su que tu étais aussi mauvais joueur j'aurais fait exprès de perdre tout à l'heure. » Elle lui tira gentiment la langue, cela ne suffit pas à le dérider. Elle jeta un œil à Gaëtan qui ne semblait pas rire non plus, la tension était même palpable. Elle n'avait pas souhaité qu'ils se disputent pour cela. « Et si nous allions plutôt manger quelque chose ? » Aveline agrippa le bras de Garrett qui la regarda pour la première fois depuis quelques longues minutes. Il se contenta d'opiner. Ils reposèrent les épées sur les présentoirs. La matinée était bien avancée de toute manière et il était réellement temps d'aller manger.

*

* *

Appuyée contre la balustrade de l'un des nombreux balcons du palais des Capes Rouges, Aveline observait le ciel, il était dégagé et les étoiles brillaient comme des milliers de petits diamants sur un fond de soie bleu.

« Garrett n'est pas avec toi ? » Elle haussa les épaules tout en lançant un regard à Gaëtan, il paraissait contrarié.

« Il avait besoin d'être un peu seul. » Leur maitre fronça les sourcils. Aveline lui servit un doux sourire. « Il ne peut pas tout le temps être sur mon dos, il ne m'arrivera rien. » Il ne semblait pas aussi convaincu qu'elle, mais il se contenta de soupirer.

« Tu as raison. » Bien au moins il le reconnaissait. Gaëtan vint se mettre près d'elle, regardant le ciel.

« Que se passe-t-il ? Tu as l'air préoccupé ces derniers temps. Et je sais que ce n'est pas à cause de moi. » Il était comme cela depuis le retour de Cressida.

« Je doute que cela t'intéresse. » Elle se rapprocha légèrement, la curiosité était un vilain défaut, certes, mais il existait et elle l'assumait.

« Ca m'intéresse. » Il se tourna vers elle, il semblait surpris.

« Ce ne sont pas des choses dont je parle. » Nouveau haussement d'épaules. Elle commençait à se lasser que toutes les conversations se tournent vers elle.

« Pourtant cela à l'air de t'affecter, alors peut-être que tu devrais. » Il se mit dos à la balustrade, la tête penchée en arrière. C'était un bel homme, elle devait le reconnaitre, pourtant elle voyait en lui un grand frère qu'elle n'avait jamais eu.

« Tu es trop jeune pour comprendre. » C'était certainement la pire excuse qu'on pouvait lui sortir.

« Donc tu ne veux pas en parler ? » Il leva les yeux vers elle, il avait envie de parler, cela se sentait.

« J'aime Cress. » Ce n'était pas la nouvelle du siècle, tout le monde était au courant. « Depuis des années, il n'y a eu qu'elle et il n'y aura toujours qu'elle. » Aveline le regarda, en cet instant il semblait si malheureux qu'elle voulait le serrer contre elle.

« Mais elle ne t'aime pas. » Un léger sourire flotta sur les lèvres de Gaëtan.

« Si cela pouvait être aussi simple. » Il secoua la tête. « Elle m'aime au moins autant que je l'aime. » Il avait sûrement raison, elle ne comprenait pas. « Nous étions prêts à nous marier. » Elle eut un léger sursaut, ça elle ne s'y était pas attendue. « Cress était enceinte, nous allions être parents. Et c'est peut-être présomptueux de dire ça, mais j'étais le plus heureux des hommes. » Qu'était-il arrivé à l'enfant ? Cressida avait fait une fausse couche ? Un mort-né comme sa petite Rose ? « Nous avons été envoyés en mission, je ne voulais pas qu'elle y aille. J'ai toujours été un peu surprotecteur, et elle a toujours été vraiment têtue. J'ai cédé. » Aveline le regarda, la tristesse voilait son regard et elle vit l'effort qu'il faisait pour ne pas pleurer. « Nous sommes tombés dans une embuscade. Tout est arrivé très vite. J'ai tué plusieurs hommes. Quand ils étaient tous morts j'ai vu Cressida me regarder, j'ai souris. Elle s'est écroulée devant moi, il y avait du sang partout, une épée lui avait transpercé le ventre. » Doucement la jeune fille saisit la main de son maitre. Voilà d'où venait la cicatrice de la femme. « Le bébé l'a sauvé, cela à permit que ses organes vitaux ne soit pas touchés. Quelque chose s'est brisé en nous ce jour-là. A son réveil elle n'était plus la même, elle a refusé de me voir pendant plus d'un an. J'ai voulu oublié, je me suis longtemps noyé dans les jupons des femmes, et je continu d'ailleurs. Mais c'est elle que je veux, et je ne l'aurais plus jamais. » Dans un élan de compassion Aveline serra Gaëtan contre elle. Il la pressa doucement. Apparemment il en avait besoin. « Merci Aveline. »

*

* *

Après sa discussion avec Gaëtan la jeune fille avait décidé d'aller se coucher, elle craignait maintenant l'état dans lequel elle allait retrouver Garrett. Il ne lui avait pas adressé la parole depuis leur entrainement, et il semblait encore plus taciturne qu'à son habitude, ce qui était plutôt inquiétant. Elle se glissa dans la chambre sur la pointe des pieds. Il était roulé en boule dans son lit.

« Je ne dors pas. » Autrement dit, pas la peine de prendre tant de précaution. Il lui tournait le dos, Aveline en profita pour commencer à se changer.

« Tu n'as pas eu l'air très bavard aujourd'hui. » Elle retirait sa tunique, se tenant face au mur. Elle espérait le faire parler.

« J'étais prêt à te faire du mal. » Elle enfila sa chemise de nuit avant d'enlever son pantalon.

« Je ne t'en veux pas, c'était dans le feu de l'action. » Aveline se glissa sous la couverture. Garrett tressaillit quand elle passa ses bras autour de sa taille et enroula ses jambes autour des siennes. « On dit qu'on oublie tout. » Il hocha la tête, il semblait plus surpris que d'accord. « Ne t'habitue pas trop... » Souffla-t-elle avec un sourire.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top