Chapitre 23 : tentative


Le cœur au bord des lèvres et les larmes aux yeux Aveline se réveilla. Le souffle court elle déglutit, son corps tout entier tremblait violemment. Elle avait froid. Tellement froid. Son regard tomba sur la fenêtre encore ouverte, elle n'avait pas pensé que la nuit puisse être aussi fraiche. Se levant la jeune fille claqua la vitre. Cela ne suffirait pas à la réchauffer, le froid qui glaçait ses os n'était pas dû uniquement au vent. S'asseyant sur son lit elle craignait de fermer les yeux de nouveau. Ses nuits étaient peuplées de cauchemars qu'elle ne parvenait pas à occulter.

La mort la narguait depuis son départ de la capitale. Depuis son arrivée chez les Capes Rouges. Elle ne parvenait pas à oublier ce qu'elle avait vu. Tout semblait recommencer, comme lorsqu'on avait égorgé sa mère sous ses yeux. Des images qui se superposaient, du sang, des pleurs, de la douleur. Tout à la fois. Elle avait mal. C'était là sa seule certitude. Jetant un regard dehors elle put apercevoir que l'aube serait bientôt là.

Se relevant elle saisit les vêtements qu'elle avait préparé la veille. La jeune femme avait besoin d'un bon bain, et elle irait sans doute à la bibliothèque ensuite, bien que celle-ci soit plutôt petite, elle n'en restait pas moins paisible. Serrant ses affaires contre elle Aveline s'avança dans les couloirs déserts. Elle entra dans la salle des bains sur la pointe des pieds, elle avait eu du mal à s'habituer que cela soit un lieu en commun où chacun allaient et venaient à son gré, homme et femme, partageant les mêmes eaux.

Un clapotis attira son attention. Elle serra les dents. Elle avait espéré la solitude. Profitant du bain, l'autre personne qui s'avérait être une femme, semblait se détendre agréablement.

« Tu peux venir. Je ne vais pas te manger. » Elle qui avait pensé être assez discrète. Elle reconnue néanmoins la voix de Cressida. Aveline posa son linge près du bain avant de se déshabiller, elle ignora le regard de sa compagne sur elle. Elle détestait son corps. Aussitôt déshabiller elle s'immergea dans l'eau chaude. « Cauchemars ? » Cela était donc si évident ?

« Oui. Et toi ? » Sa question lui sembla stupide tout d'un coup, mais elle n'en avait pas vraiment d'autre.

« Plutôt une insomnie. » Aveline se rendit compte que Cressida semblait plus triste que d'habitude. Comme si quelque chose la torturait de l'intérieur. Cependant elle ne se sentait pas d'aborder le sujet, cela aurait été inconvenant.

« Tu as eu des informations intéressantes lors de ta visite à la Capitale ? » La femme ramena ses cheveux blonds en arrière, c'était la première fois qu'Aveline les voyait entièrement détachés.

« Gaëtan t'en parlera en temps voulu Aveline. C'est son travail. » Devait-elle insister ? Cressida ne semblait pas au mieux de sa forme.

« Qu'y-a-t-il entre vous ? Vous semblez vous apprécier et pourtant il y a une tension. » En réalité elle ne savait pas comment exprimer ce qu'elle voyait entre eux. Ils semblaient distants et proches en même temps, comme si quelque chose les empêchait d'être ensemble.

« C'est un sombre crétin. » Cette explication était plutôt succincte. « Nous avons eu le même maitre et nous avons été assez proche, cela n'a pas fonctionné voilà tout. Il est inconstant et volage. » Il y avait autre chose, Aveline le sentait. Cressida ne voulait répondre à aucune de ses questions apparemment.

« Il a toujours été ainsi ? » Essayer d'avoir des informations de manière détournée, cela semblait être une bonne idée. La femme haussa les épaules.

« C'est venu au fur et à mesure. Aveline, ces histoires ne regardent que nous. » Au moins les choses étaient claires. Cressida sortit de l'eau, c'est seulement maintenant que la jeune fille remarqua la longue cicatrice qui barrait le corps de la femme. Elle écarquilla les yeux. « C'est le métier, tu en auras toi aussi. Quoi que celle-ci à faillit me couter la vie. »

Aveline n'en doutait pas. Elle regarda Cressida s'enrouler dans une serviette avant de tourner les talons pour s'en aller. Un long soupire passa ses lèvres. Elle aurait tout de même aimé comprendre ce qui était arrivé entre elle et Gaëtan, mais apparemment cela était jugé secret. Elle aurait peut-être plus de chance avec son maitre d'arme. La jeune fille plongea la tête sous l'eau pour laver ses cheveux avant de remonter à la surface. Se laver était bien agréable. S'appuyant contre le rebord elle se laissa aller à la chaleur de l'eau. C'était tellement agréable. Ses yeux se fermèrent doucement. Peut-être qu'ainsi elle parviendrait à dormir. Oui. Dormir.

Elle somnolait lorsqu'elle sentit des mains glacées sur ses épaules. Aveline n'eut pas le temps de réagir qu'on l'immergeait dans l'eau elle se débattit, l'eau s'engouffra dans sa bouche avant qu'elle ne l'a referme, paniquée. L'air lui manquait. Respirer. Sa gorge était coincée. Elle ne pouvait plus lutter. Son corps était faible. Elle ne... plus... noyée.... Respirer.... Vivre... Pas... Fini...

Des mains puissantes la tirèrent de l'eau. Aveline était à peine consciente. Elle savait juste qu'elle était frigorifiée, tout son corps était lourdement engourdit. On l'allongea. On lui appuyait sur les côtes. Douloureux. L'eau remontait dans sa trachée. Des lèvres sur les siennes. De l'air dans ses poumons. Elle toussa. Violemment. Crachant toute l'eau qui obstruait sa respiration. Cela dura quelques minutes. Son corps tremblait. Ses yeux se levèrent vers celui qui venait de lui sauver la vie. Gaëtan ? Non. Trop jeune.

« Garrett ? » Il lui tandis une chemise. Surement la sienne. Aveline resta dubitative un instant. Perdue.

« Enfile ça si tu ne veux pas mourir de froid. » Il l'aida à passer le vêtement avant de la soulever. Du sang maculait son torse nu et son visage. Alors qu'il l'entrainait plus loin elle distingua une masse informe sur le sol, baignant dans un liquide rouge. Elle ferma les yeux. Sa tête s'appuya contre l'épaule de Garrett. Elle sombra.

*

* *

La respiration encore douloureuse Aveline ouvrit les yeux. Elle était au chaud. C'est la première chose qui la frappa. La seconde : elle n'était pas dans sa chambre. La jeune femme se redressa, ses yeux se posant sur Garrett assit avec nonchalance sur une chaise qui ne devait pas être des plus confortables. Elle rougit en se souvenant qu'il l'avait vu littéralement nue. Aveline serra un peu plus la couverture contre elle.

« Je ne compte pas te sauter dessus. » Il essayait de faire de l'humour ? Surement. Elle scruta la pièce, méfiante. « Ne t'inquiètes pas, tout le monde est alerté. Qu'un assassin ait pu s'infiltrer parmi nous est plutôt vexant. » Elle hocha la tête, celle-ci lui fit mal.

« Ça fait longtemps ? » Elle se massa les tempes. Elle aurait presque préféré être morte.

« Une heure tout au plus. Gaëtan sera mis au courant dès son retour dans l'après-midi. » Aveline opina. L'idée même que l'on ait pu tenter de la tuer alors qu'elle était dans un des endroits les plus sécurisés du royaume était effrayante.

« Comment se fait-il que tu ais été là ? » Apparemment le destin tenait à elle, à chaque fois qu'elle se retrouvait en danger, quelqu'un accourait.

« Je me lave toujours plus tôt que les autres pour pouvoir être seul, je n'aime pas forcément l'idée que tout le monde puisse me voir nu. » Cela leur faisait un point commun.

« Merci. » Murmura-t-elle faiblement. Il esquissa un sourire.

« Je t'aurais bien laissée mourir, mais Gaëtan m'aurait fait souffrir mille morts pour ça. C'était un geste purement égoïste. » Elle lui rendit son sourire. Il n'était pas si terrible que cela finalement. « Tu devrais te reposer encore un peu. » A cette idée son corps tout entier se tendit, elle jeta un regard inquiet vers la porte. « Je resterais là, personne ne te feras du mal. » Il était sincère. Légèrement honteuse d'ainsi se reposer dans son lit il ne lui fallut pourtant que peu de temps pour se rendormir.

*

* *

Aveline émergea de nouveau. Elle doutait d'avoir dormit longtemps. Son regard se posa sur la porte où Garrett semblait discuter avec quelqu'un. Elle reconnut la voix de Gaëtan. La jeune femme se redressa. Comment se faisait-il qu'elle ait aussi mal ? Ses poumons la brulaient encore et sa gorge était sèche. L'homme s'approcha d'elle.

« Si tu voulais te reposer tu aurais dû le dire au lieu d'essayer de te faire tuer ! » Elle sourit à cette remarque. Elle commençait à s'habituer à son humour. Le sourire de Gaëtan s'effaça pourtant. « Nous n'avons pas pu trouver qui l'avait envoyé, bien sûr cela aurait été plus simple si notre preux chevalier Garrett ne n'avait pas éventré cet assassin. » Elle décela une certaine pointe de fierté dans la voix de son maitre, mais s'abstint de tout commentaire.

« Il m'a sauvé la vie, alors peu importe comment il s'y est pris. » Car malgré la douleur elle respirait encore, et c'était déjà pas mal. « Cressida n'a pas voulue me dire ce qu'elle avait découvert... » Un moyen comme un autre de changer de sujet.

« Je ne suis pas certain que tu sois en état d'entendre cela pour le moment. » Elle se redressa un peu plus dans le lit.

« Au contraire, j'ai même tout mon temps ! » Cela sembla exaspérer Gaëtan, mais elle n'avait aucunement l'intention de se démonter. Elle voulait des réponses, elle les aurait.

« Garrett ferme la porte s'il te plait. » Le jeune homme s'exécuta. Apparemment lui aussi voulait être mis au courant, Aveline ne pouvait pas l'en blâmer. « Bien, tout d'abord tu dois savoir que ce que je te dis est resté secret, nous n'aurions même pas dû le découvrir. » Elle haussa un sourcil, elle aurait préféré une réponse claire et précise. « Ton titre de Duchesse n'est pas un hasard, tu es très certainement la dernière descendante de la famille royale. » Aveline croisa ses bras sur sa poitrine la mine songeuse.

« Je savais plus ou moins que j'avais des ancêtres lointain qui ont été sur le trône, mais vraiment lointain. » Sa grand-mère lui en avait vaguement parlé un jour, et sa mère se plaignait toujours qu'on leur ait ôté leurs privilèges.

« Tu es la prétendante directe au trône Aveline. La dernière de ta famille. » Cela lui faisait étrange, pourtant elle doutait que ce soit d'une quelconque importance.

« Pourquoi vouloir me tuer ? » Ses poumons allaient mieux, pourtant elle craignait encore qu'on tente de la tuer dans son sommeil.

« Je pense qu'il ne s'agit pas des mêmes personnes que celles qui s'en sont prises à ta famille. Si quelqu'un veut ta mort, quelqu'un d'autre te souhaite à ses côtés. Pour le moment ce sont les seules informations que nous avons. » Bien entendu elle avait un tas de questions, mais à quoi bon ? Gaëtan avait été clair, il n'avait pas plus d'information. Un soupir passa les lèvres de l'homme. « Pour l'heure je veux que Garrett et toi restiez ensemble. » Elle vit le visage du jeune homme se fermer.

« Qu'est-ce que cela signifie ? » Aveline n'était pas plus enchantée que lui par cette nouvelle.

« Nous ferons installer un lit dans ta chambre, je veux que tu la protège. Vois ça comme une préparation avant de passer tes tests. » Elle n'aimait réellement pas l'idée. Certes ils avaient commencé à s'entendre, mais pas au point de vivre ensemble.

« Hors de question. Ma chambre est déjà assez petite comme ça ! » Gaëtan le fusilla du regard.

« Je ne crois pas t'avoir laissé le choix. Vous n'aurez qu'à vous coller un peu, ce n'est pas un drame. » Qu'il parle pour lui. « S'il lui arrive quelque chose Garrett, je t'en tiendrais pour personnellement responsable. » Sur ces mots il se leva prêt à sortir. « Habille toi Aveline, nous reprenons l'entrainement dans une heure. » Le temps n'était plus à la rigolade. Il avait donné ses ordres, point.

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