Chapitre 19 : Mentor
Aveline dormait d'un sommeil agité lorsque l'eau glacée s'infiltra sous sa couverture. Elle glapit tout en se précipitant hors du lit. Tremblante et affolée elle chercha de quoi se défendre, mais le rire qui emplit la pièce la fit stopper cette vaine entreprise. Gaëtan se tenait là, visiblement fier de lui, reluquant sans aucune retenue le corps de la jeune femme face à lui. Aveline tenta, vainement, d'éloigner sa chemise de nuit trempée de son corps.
« Ravissant. Vraiment. » Il posa le seau qu'il tenait à la main et lui désigna le tabouret sur lequel reposait une tenue propre. « Il est temps, Princesse, de sortir de là. Ici chacun doit faire sa part de travail. » Aveline haussa un sourcil.
« Je ne suis pas l'une des vôtres. » Et elle aspirait juste au calme, pleurer en silence jusqu'à ce que son corps ou son cœur s'assèche.
« Tu es ici, par conséquent tu fais partit des nôtres. Tu suivras le même entrainement que chacun dès que nous aurons décidé qui sera ton maître. » La jeune femme haussa un sourcil.
« Et si je refuse ? » Apparemment cette question était drôle au vu du sourire qu'affichait l'homme.
« Personne en t'empêche de retourner te faire couper la tête. » Aveline croisa les bras sur sa poitrine. Il fallait bien l'avouer, il avait raison. Retourner là-bas était comme signer son arrêt de mort.
« Bien. Mais je vous préviens que je n'ai jamais touché une arme de ma vie et que je suis assez maladroite. » Et encore le mot était faible, elle pouvait être une catastrophe ambulante. Lui donner une épée aurait été irresponsable.
« Nous verrons cela en temps voulu. Pour le moment change-toi, je t'attends dans le couloir. »
Elle hocha la tête le laissant sortir. Une fois la porte refermée Aveline prit les vêtements qu'on lui avait apportés. Après une toilette succincte elle enfila le pantalon trop moulant à son gout et la tunique qu'elle serra au niveau de ses hanches avec une ceinture de cuir. Elle noua ses cheveux en chignon comme elle savait le faire et faute de miroir su se faire un avis avec ce qu'elle voyait. Une chose était certaine : elle n'était pas à l'aise. Le pantalon faisait ressortir ses cuisses et son bassin trop large, sans parler de la tunique qui donnait l'impression qu'elle n'était qu'une masse informe. Avec un soupire elle se résigna tout de même à retrouver Gaëtan qui l'attendait. Comme à son habitude – apparemment – il la reluqua sans une once de gêne. Il se retint cependant de tout commentaire. Elle le suivit en silence alors qu'ils évoluaient dans les couloirs. Ils croisèrent plusieurs personnes qui saluèrent Gaëtan. Cressida avait raison, l'endroit était magnifique. Le palais était fait de pierres claires qui reflétaient toute la lumière du soleil. Tout semblait démesurément grand. Ils passèrent par l'extérieur, le palais semblait former un U de lumière. Il la fit entrer dans une pièce pleine ou le brouhaha régnait. L'invitant d'un geste galant à prendre un plateau et de quoi manger il se dirigea vers une table libre. Ainsi, ils avaient une cantine comme celle des serviteurs, mais en plus grand. Personne ne se souciait d'eux.
« Tout se fait en commun ici, mis à part dans les dortoirs où chacun a le droit à sa chambre. » Cela ne la dérangeait pas plus que cela, la vie en communauté serait juste une nouvelle chose qu'elle devrait assimiler. « Cressida te conduira aux bains après manger. Ensuite nous t'indiquerons qui fera office de mentor pour toi. Nous avons déjà tous un ou deux apprentis, mais tu devrais t'y faire. » Elle opina du chef plus si certaine que cela de vouloir apprendre à se battre. Les armes lui faisaient toujours froid dans le dos.
« Comment suis-je arrivée ici ? » La question la hantait depuis un moment déjà. Elle avait pensé à Seth mais il serait venu la voir, tout comme Mahe. A moins que l'un d'eux ne soit mêlé à cette histoire. En tout cas, ils n'avaient rien fait. Quoi que Seth avait tenté de la prévenir et elle avait joué la sourde oreille.
« En fiacre. Un homme nous a expliqué ta situation et nous avons eu le droit à quelques pièces pour payer ta pension. » En somme il ne savait pas de qui il s'agissait.
« Me cacher peut s'avérer dangereux pour vous, non ? » Ils n'avaient aucune raison de la garder ici, même si elle était jugée capable de trahison. Gaëtan se contenta d'un sourire comme si la situation était comique.
« Voyons Princesse, nous travaillons pour le plus offrant, pas pour servir le royaume. » La nourriture était loin d'être fameuse, mais Aveline s'en contenta, résignée. « De plus, sans vouloir te vexer tu n'as pas l'étoffe d'un traitre, ni même d'un soldat ou d'une guerrière. » Il haussa les épaules. « En tout cas, l'homme à juste laisser entendre qu'une fois qu'il aurait réussi à blanchir ton nom il te ferait revenir. Si tu le souhaitais. » Elle joua un instant avec un bout de viande trop cuit. Retourner là-bas, ce serait un point de départ pour savoir qui avait commandité les meurtres. Mais elle ne voulait pas revoir la capital, pour l'instant cela serait trop douloureux.
« Nous verrons. En quoi va consister mon entrainement ? » Elle connaissait les grandes lignes, mais cela devait sans doute être beaucoup plus complexe que apprendre à tuer.
« Pour le moment, apprendre à tenir une arme entre tes mains, ce sera déjà un début. Tu devras savoir manier toutes sortes d'armes, de l'épée à l'arc en passant par les dagues. Puis tu apprendras le cheval, même si je pense que tu sais déjà faire cela. Quand tu auras un peu d'expérience ton maitre t'emmènera en mission à ses côtés. » Cela semblait être un bon programme, il aurait au moins l'avantage de lui faire oublier toutes ces pensées qui la hantaient jour et nuit.
« Je tiens à prévenir que j'ai deux mains gauche, me faire tenir une épée ce n'est pas une très bonne idée. »
Gaëtan se contenta de rire et Aveline se replongea dans la contemplation de son assiette.
*
* *
Adossé au mur Gaëtan écoutait le Grand Maitre discutailler inutilement avec Cressida sur le sort de la jeune Aveline. Apparemment il fallait lui trouver un maitre qu'elle n'encombrerait pas. Ils partaient du principe qu'elle n'était qu'une gamine gâtée qui n'avait pas eu de chance. Lui n'était pas aussi absolu. Elle avait du potentiel, il ne savait pas pourquoi mais il le sentait. Quelque chose en elle éveillait sa curiosité.
« Alors Gaëtan ? Que penses-tu du fait de mettre son entrainement entre les mains d'Harold. Il n'a pas d'élèves et c'est là où elle nous gênera le moins. » Il eut un sourire pour Cressida. Elle était plus jeune que lui et c'était une battante, son seul problème étant qu'elle comptait beaucoup trop sur les apparences.
« Il est sourd comme un pot et il passe son temps à dormir ! Vous voulez réellement qu'elle subisse ça ? » Ils le fixèrent, interloqués. Il haussa les épaules.
« C'est juste le temps que son mystérieux protecteur vienne la chercher. Elle ne nous est pas vraiment utile, autant ne pas encombrer ceux qui ont fort à faire. » Un instant Gaëtan se prit à réfléchir. Il tapota le pommeau de son épée.
« Je l'entrainerais. Je n'ai qu'un seul élève et il va bientôt pouvoir passer l'Epreuve. » Cette fois ce fut comme s'il les avait frappés.
« Tu es l'un des meilleurs quels sont tes intérêts vis-à-vis d'elle ? Elle ne t'apportera rien et tu vas vite t'en mordre les doigts. » Il haussa un sourcil et s'approcha.
« J'ai pris ma décision, si je dois le regretter je m'en prendrais à moi-même. Cependant je suis certain qu'elle a du potentiel. » Cressida leva les yeux au ciel en signe d'impuissance.
« Si cela t'amuse, néanmoins j'ose espérer que ce n'est pas juste parce qu'elle est jolie et innocente. » Pourquoi tant de sous-entendus ?
« Tu as une bien basse opinion de moi Cress, je t'assure que je n'ai aucune arrière-pensée. C'est juste qu'elle a quelque chose qui me plait beaucoup, je pense qu'elle peut surprendre. » Ce n'était que la pure vérité.
« Qu'il en soit ainsi, Gaëtan tu seras donc le maitre d'Aveline. Mais je te préviens, tu ne peux pas reculer, j'espère que tu es sûr de toi. » Le maitre d'arme opina en souriant.
*
* *
Aveline sursauta lorsque Gaëtan frappa à la porte entrouverte par laquelle il se glissa. Apparemment il était ravi. Pourquoi ? Mystère. En tout cas son sourire trahissait son état d'esprit. Il venait interrompre sa séance de méditation vengeresse. Sur le bureau elle avait dressé une liste des gens susceptibles de vouloir la blesser. Ainsi que de ceux qui n'avaient rien fait, à contre cœur elle avait inscrit les noms de Mahe et de Seth qu'elle avait entourés, puis barrés, puis entourés de nouveau.
« Je suis venu t'annoncer que je suis officiellement ton mentor. » Il accompagna ses paroles d'une petite courbette théâtrale avant de s'approcher. « Que fais-tu ? Qui sont ces gens ? » Elle retourna sa feuilles et essuya ses mains pleines d'encre sur ses vêtements, une mauvaise habitude.
« Ce n'est rien. Juste une liste. » Elle arqua un sourcil. « Ne devrais-je pas plutôt avoir un mentor femme ? Pour éviter tout malentendu ? » Il éclata de rire et lui ébouriffa les cheveux.
« A t'entendre on croirait que je vais te sauter dessus. Rassure toi, j'ai un minimum de savoir vivre. » D'un geste trop rapide pour elle il se saisit de la liste. « J'ai besoin de savoir, je suis ton maitre maintenant, tu ne dois pas avoir de secrets pour moi. » Elle soupira, apparemment elle devrait apprendre à faire confiance. De toute manière ce n'était pas comme si ses intentions étaient un lourd secret.
« Je dresse une liste. J'ai l'intention de venger ma sœur et ma grand-mère dès que j'aurais trouvé les responsables. » Elle serra les poings. Même si cela prenait plusieurs années. « Je les tuerais de mes propres mains. » A son grand étonnement Gaëtan déchira la feuille avant de s'accroupir devant elle pour lui prendre les mains.
« La vengeance Aveline n'est pas une solution. Je ne t'entrainerais pas pour que tu deviennes ainsi. » Il se releva et elle l'imita, furieuse.
« Pourquoi ? Parce que je ne serais jamais aussi douée que les autres ? Je ne vaux pas le coup ? » Elle regretta presque aussitôt d'avoir élevé la voix.
« Non, parce que la vengeance mène à la haine, et la haine te mènera à ta perte. » Il parlait calmement. « J'ai déjà vu des gens se détruire en cherchant la vengeance. Je ne veux pas que cela t'arrive. Ici tu as une seconde chance, une seconde vie. » La jeune femme se détourna bras croisés sur sa poitrine.
« Ce n'est pas ce que disait Cressida. » Gaëtan haussa un sourcil et prit l'une de ses mains entre les siennes.
« Cressida est une très bonne guerrière, mais elle n'est pas forcément de bons conseils. La vengeance te détruira. » Il la relâcha. « Mais fais ce que tu veux, essaye juste de ne pas gâcher ta vie. Tu es beaucoup trop jeune pour te perdre dans la haine. »
Elle le regarda s'en aller avant de se laisser choir sur sa chaise.
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