Chapitre 16 : Un fugace instant de doute


Il s'agissait de ses derniers jours en tant que bibliothécaire, et Aveline n'en revenait toujours pas. Elle avait fait les mêmes gestes que d'habitudes, les mêmes rituels, et pourtant tout lui apparaissait comme différent. Surement était-ce dût à la bague qui ornait maintenant son doigt. Ce petit anneau qui réchauffait son cœur et la faisait se sentir comme une petite fille. Pourtant il lui restait une tâche importante à faire : trouver un témoin. Enfin cela était plus ou moins déjà fait, mais il fallait encore qu'elle aille demander au concerné. Et ce n'est qu'après deux jours qu'elle avait réussi à trouver son courage. Même si le palais semblait en ébullition, il n'y avait que des rumeurs, et pourtant la garde avait été augmentée, sans compter les capes rouges, hommes et femmes de l'ombre, qui avaient, pour certains, fait surface. Des inconnus qui venaient d'arriver, mais leurs comportements et leur façon d'être suffisait pour qu'Aveline ne les approche pas. Elle se tenait donc au pied des escaliers menant à l'étage des bureaux en discussion avec les gardes.

« Je ne suis que la bibliothécaire. Je fais mon travail. » Elle essayait depuis une dizaine de minutes de monter les marches, mais impossible de faire flancher les soldats.

« Vous n'avez pas de laissez-passer, ni de rendez-vous. Maintenant partez. » Pourquoi ne lui avait-on pas donné ce maudit bout de papier ? C'était énervant.

« Elle est avec moi, le Seigneur Seth la faite demander. » La voix d'Aël fut un soulagement. Il montra son parchemins aux hommes qui leur firent signe de passer. Si elle avait été moins raisonnable elle leur aurait bien tiré la langue.

« Merci Aël. Mais comment savais-tu que je venais le voir ? » Il se contenta de ricaner.

« Il savait que tu viendrais, il ne savait juste pas quand. » Comment se pouvait-il qu'il sache déjà ? C'est vrai qu'il était en liaison direct avec les dirigeants, cela pouvait aider. « Et félicitations, je n'en ai parlé à personne, mais dans quelques jours ce ne sera plus un secret je suppose. » Aveline sourit. Elle ne réalisait pas encore totalement ce qui se passait.

« Merci, en effet. Mais pour le moment nous préférons ne pas nous précipiter. Il faut trouver quelqu'un pour me remplacer et puis j'ai encore du mal à réaliser. » Quelque chose avait changé en elle, elle le sentait. Pourtant un pressentiment la hantait et des cauchemars peuplaient ses nuits. Elle détestait cela en sachant que la journée elle vivait un rêve éveillé.

« Et nous alors, ne plus pouvoir te taquiner va me manquer. » Ils s'arrêtèrent devant la porte.

« Tu auras une dérogation spéciale. »

Aël se contenta de sourire en ouvrant la porte et en l'annonçant à Seth qui releva la tête lorsqu'elle entra. Aveline lui sourit alors que la porte se refermait derrière elle. La jeune femme s'approcha du bureau. Le seigneur la regardait étrangement mais elle ne s'en préoccupa pas.

« Je me demandais si vous alliez venir me l'annoncer. » Elle baissa les yeux ne parvenant pas à soutenir son regard. Il lui faisait encore de l'effet, et beaucoup trop d'ailleurs.

« J'ai eu du mal à me décider, mais je vois que vous êtes déjà au courant. » Aveline se frotta les mains, elle avait la sensation d'avoir froid et chaud en même temps.

« C'est mon travail. Vous n'êtes pas là que pour cela, je me trompe ? » Ainsi, elle ne pouvait pas lui mentir. Plutôt intéressant mais effrayant aussi, il lisait en elle comme dans un livre ouvert.

« Non vous avez raison. J'ai quelque chose à vous demander. » Il se leva pour s'approcher d'elle et Aveline ne fit rien pour l'en empêcher. « Voilà, comme vous le savez il n'y a plus d'hommes dans ma famille et nous ne souhaitons pas répéter les erreurs passées. Donc, j'ai besoin de quelqu'un pour être témoin de mon mariage, une personne en qui j'ai confiance et qui puisse nous protéger, moi et ma famille, au besoin. » Il avança sa main pour lui effleurer la joue.

« Vous ne savez pas à quel point vous pouvez être cruelle Aveline et cela en toute innocence. » Elle n'était la meilleure en tact, ça c'était certain. Finalement elle n'avait peut-être pas fait le bon choix. « Expliquez-moi juste une chose : pourquoi lui si vous ne lui faites même pas confiance ? » Bien sûr qu'elle avait confiance en Mahe, plus ou moins, ces choses-là étaient si difficiles à donner et à définir.

« J'ai confiance en lui, c'est juste que... Que... » Seth avait raison, elle n'avait pas confiance. Ce n'était pas de la faute de Mahe, mais on l'avait trop trahi.

« Maintenant pourquoi me faites-vous confiance ? » La vraie question était pourquoi la réponse lui venait naturellement ? Elle le savait, sans réfléchir.

« Vous avez toujours été là, et vous m'avez aidée plus d'une fois. Vous êtes mon ami. » Cela semblait couler de source. « Pourquoi me poser ces questions, ça n'a aucun sens ! » Il croisa les bras sur sa poitrine, elle se sentait transpercée par son regard.

« Vous savez pourquoi. » Oui elle le savait et elle n'aimait pas cela.

« J'aime Mahe, je n'ai pas pris ma décision à la légère vous savez. » Cela semblait le faire sourire plus qu'autre chose mais elle préféra l'ignorer.

« Je sais, mais je ne fais que m'assurer que vous êtes certaine de ce que vous faite Aveline. » Sans qu'elle s'en aperçoive il s'était approché d'elle assez près pour que leurs corps soient presque collés. Elle le regarda.

« Je sais ce que je fais. C'est ma chance d'être heureuse. » Seth la prit par la taille avant qu'elle ne puisse réagir et l'embrassa. Aveline tenta de se dégager avant de se rendre compte qu'elle trouvait cela agréable. Elle se laissa aller à son étreinte, il y avait quelque chose de violent et de passionnel en lui à sa manière qu'il avait de la serrer et de prendre possession de ses lèvres. Leurs bouches se séparèrent alors qu'Aveline sentait son cœur battre à tout rompre.

« Moi aussi, je vous aurais donné une chance d'être heureuse. » Il avait murmuré ces quelques mots et cela lui fit plus d'effet qu'elle ne l'aurait souhaité. Seth relâcha finalement son étreinte et Aveline tira sur les plis de sa robe.

« Je vais vous laisser. » Elle ne pouvait pas rester là, sinon elle risquait de le regretter.

« Aveline, j'accepte d'être votre témoin. » Elle sourit. Elle savait qu'elle aurait été folle de ne pas s'avouer qu'il lui plaisait et même plus. Mais ce n'était pas lui qu'elle avait choisi pour partager sa vie. « Et soyez prudente, il y a eu des soulèvements dans plusieurs régions. Cela se rapproche de la Capitale. »

Aveline hocha la tête. C'était donc pour cela que les soldats étaient plus nombreux. Un vent de révolte dans les provinces. Elle était d'accord avec Seth, elle devait être prudente, elle c'était déjà attiré beaucoup trop d'ennuis.

*

* *

La femme s'allongea sur le lit, elle prenait de plus en plus ses aises. Il faudrait qu'il règle ça. Mais pour le moment elle lui était utile.

« Nous devons passer à l'étape supérieure et tu le sais. » Qu'est-ce qu'il détestait lorsqu'elle prenait ce ton suffisant avec lui.

« Pardonnes moi de ne pas avoir prévu que cet imbécile de Cape Rouge déciderait de l'épouser. » Leurs plans s'en trouvaient légèrement bouleversés, heureusement ils avaient plus d'un tour dans leur sac.

« Nous savons tous deux ce qui doit être fait. Cette fille ne peut plus rester au palais plus longtemps. Il faut qu'on l'écarte pendant quelques temps. » La question était comment. Enfin, non, ils avaient une idée.

« Je sais. Mais ce que tu proposes est peut-être un peu trop radical. Tu ne crois pas ? » La femme éclata de rire.

« Ne me dis pas que tu as des remords. Sinon, nous pouvons tout stopper maintenant. Ce qui serait dommage en si bon chemin. Le peuple commence à se révolter, les dirigeants le calmeront, mais nous savons tous les deux comment cela finira quand tout sera terminé. » Oui, ça il le savait depuis un bon moment. Il se résigna.

« Tu as raison, éloignons Aveline le temps qu'il faudra. Mais d'abord, détruisons-la. »

*

* *

Les lèvres encore chaudes du baiser de Seth Aveline triait les livres que l'on venait de lui apporter. Elle tentait d'oublier l'incident, mais n'y parvenait pas.

« Comment va ma fiancée ? » La jeune femme leva les yeux vers Mahe qui souriait de toutes ses dents.

« Très bien, mais légèrement fatiguée. » Elle eut un mouvement de recul lorsqu'il vint pour l'embrasser. « Pardonne moi, mais je croyais que l'on avait dit pas en public pour le moment ? Je ne veux pas que tu ais des ennuis. » Ou plutôt parce qu'elle avait encore le gout des lèvres de Seth sur les siennes.

« Je n'aurais pas d'ennuis, mais ça ne me gêne pas de me retenir. » Il fallait qu'elle lui dise, pas qu'elle en avait embrassé un autre, mais qu'elle avait trouvé son témoin.

« J'ai demandé au Seigneur Seth d'être mon témoin et il a accepté. » Elle vit le regard de Mahe changer.

« C'est à lui que tu as demandé ? Pourquoi ? J'aurais pu te conseiller des dizaines de personnes beaucoup plus aptes que lui. » Aveline leva les yeux au ciel. Combat de coq, encore et toujours, c'était bien les hommes.

« Parce que j'ai confiance en lui. » Même si cela ne plaisait pas à son fiancé, c'était la vérité.

« La seule chose qu'il veut c'est toi Aveline, tu ne t'en rends donc pas compte ? » Elle l'avait même très bien compris. Mais elle avait choisi. Mahe devait comprendre ça.

« Je le sais parfaitement Mahe, mais jusqu'à preuve du contraire c'est à toi que je suis fiancée. Je te demande juste de me faire confiance. » Il soupira. Elle se sentait légèrement injuste de lui demander ça, surtout après ce qui était arrivé.

« Bien, si c'est ton choix, mais tu ne m'obligeras pas à l'apprécier. » Ca elle n'y avait même pas songé, l'essentiel était qu'ils sachent se tenir, l'un comme l'autre.

« Ce n'était pas mon intention. Mais, merci de l'accepter, c'est important pour moi. » Cette fois elle eut le droit à un léger bisou sur le nez, c'était une première, et assez surprenant d'ailleurs. Mahe pouvait parfois se comporter comme un enfant, elle se demandait même si l'histoire des Capes Rouges n'était pas là pour l'impressionner.

« Je sais, et puis de toute manière je t'aurais bientôt pour moi seul. » Une vie à deux, paisible, douce, heureuse. Ce dont elle avait toujours rêvé, elle avait cessé d'espérer, puis Mahe était arrivé, pourtant ce que Seth lui avait dit lui revenait en mémoire. « Je te protégerais, je t'aimerais, je t'embrasserais n'importe où n'importe quand, plus important encore nous serons ensemble. » Oui, ils le seraient. Elle savait qu'elle choisissait la faciliter et la sécurité en épousant Mahe. Mais il était calme et reposant, il pouvait la faire rire. Elle l'aimait, ça elle n'en doutait pas. Cependant ses sentiments pour Seth l'inquiétaient, quoi qu'après tout il avait compris qu'elle se mariait, et qu'il n'avait plus à lui tourner autour.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top