Chapitre 15 : Demande


Aveline serra son chignon autant qu'elle put. Elle portait la robe que lui avait laissée le Seigneur Seth, sa Grand-Mère lui avait forcé la main. Hors de question cependant qu'elle soit sympathique. Elle laisserait son aïeule parler. Son cœur était sur le point d'exploser dans sa poitrine. Tout allait beaucoup trop vite pour elle. Alors que tout semblait s'arranger il y avait toujours quelque chose pour la ramener à la réalité. La bibliothécaire avait demandé à ce que sa sœur ne soit pas encore mise au courant, leur dispute datait de deux jours à peine et elle ne souhaitait pas la mêler à ça pour le moment. Le soleil était haut dans le ciel et les gens riaient. Plus les rues passaient, moins Aveline se sentait à sa place, bientôt les quartiers misérables furent loin pour laisser place aux allées pavées peuplées de Dames bien habillées au parfum à l'odeur bien trop prononcée.  

« Aveline, attends ! » Elle se tourna. Son cœur fit un bond dans sa poitrine. Si elle avait été moins raisonnable elle aurait sauté dans les bras de Mahe le suppliant de ne pas laisser sa Grand-Mère l'emmener. « S'il te plait. Je dois te parler. » Sa Grand-Mère toisa le garçon qui était en compagnie de deux gardes.

« Grand-Mère, puis-je s'il vous plait accorder quelques instants au Seigneur Mahe ? » Bien entendu elle n'avait pas d'autres choix que d'accepter, comme l'exigeait la bienséance.

« Oui Aveline. » Il lui offrit son bras et elle le prit sans hésitation. Il les entraina vers une des maisons qui longeait la rue.

« Nous serons plus tranquille à l'intérieur. Ne vous inquiétez pas Ma Dame, je ne vous retarderais que peu. » Il les invita à entrer. Aveline sentait son cœur battre plus que de raison. Il se dirigea vers la Grand-Mère de la jeune fille et l'invita à s'asseoir avant de conduire la bibliothécaire dans une pièce adjacente, laissant la porte légèrement entrouverte pour qu'on ne les accuse de rien.

« Qu'y-a-t-il de si urgent ? » Il prit ses mains entre les siennes.

« La dernière fois, tu m'as dit que pour être ensemble nous devrions être honnête l'un envers l'autre. Tu t'es confiée à moi, c'est mon tour maintenant. » Il inspira. « Je n'ai aucun sang de noble Aveline, je suis un orphelin qu'on a ramassé un jour dans la rue. » Elle écarquilla les yeux.

« C'est ridicule ta tante... » Il eut un faible sourire qui la fit taire.

« Elle n'est pas ma tante. Si je suis ici, c'est parce que depuis que je suis petit on m'entraine à tuer. Aveline écoutes, j'ai eu l'autorisation de te le dire, mais cela doit rester un secret. Promet moi que ce qui sera dit maintenant restera entre nous. » Elle ne parvint qu'à hocher la tête alors qu'il serrait sa main entre les siennes.  « Je fais partit des Capes Rouges, je suis payée pour protéger la Dirigeante. Rien d'autre. » Elle trembla. Ses yeux plongèrent dans ceux de Mahe. Il était sérieux, beaucoup trop. Lui si innocent, si drôle, chez les Capes Rouges ? Impossible, ils étaient sanguinaires, ils tuaient sans distinction tant qu'on les payait. Elle recula d'un pas. « Ne me rejette pas. J'ai toujours été sincère avec toi. Je t'aime Aveline. » Son ton était suppliant et pourtant elle s'obstinait à ce taire. Parce qu'elle ne parvenait pas à comprendre ou à trouver les mots. Ce qui était parfaitement injuste envers lui qui ne lui avait pas tenu rigueur de son passé.

« J'ai besoin de temps pour assimiler l'information. Tu es un meurtrier ? » Il fit un pas vers elle alors qu'elle reculait.

« Non, enfin pas dans le sens où tu l'entends. J'ai tué, c'est vrai, mais seulement pour me protéger. » Il tenta de retrouver son regard, mais elle le fuyait. Il lui faisait une confidence immense, et elle n'était même pas capable de soutenir son regard. « Je voulais que tu le saches, je suis désolé si je te déçois. » Les yeux fixant le sol, il ressemblait à un enfant prit en faute. Aveline se rapprocha de lui. Il n'était pas méchant, pas plus qu'elle, il n'avait juste pas eu de chance. Ses doigts effleurèrent la joue du jeune homme.

« Je t'aime. » Pourquoi disait-elle ça ? Pourquoi maintenant ? Parce que c'était la première chose qui lui était venu à l'esprit. Il releva la tête, incrédule. Elle non plus n'en revenait pas. En réalité, elle se fichait de qui il était, elle l'aimait. Même s'il lui avait fallu tant de temps pour s'en rendre compte.

« Ce n'est pas ce que j'attendais, mais ça me va. » Il souriait comme un enfant lorsqu'on lui offrait un cadeau. Ce fut elle qui fit le premier pas pour aller se serrer contre lui. « Et tu es magnifique dans cette robe, que dois-tu aller faire ensuite. » Et voilà. Tout était gâché. Elle se contenta de l'étreindre un peu plus fort.

« Serres-moi contre toi. » Il n'eut même pas à réfléchir pour passer ses bras autour d'elle. « Nous allions accepter la demande en mariage que m'a faite ce marchand... » Comment pouvait-elle dire ça alors qu'elle était collée contre Mahe ? Il l'éloigna un peu de lui, lui caressant le visage.

« Hors de question. » Evidemment qu'il n'était pas d'accord. Sa voix était cependant intransigeante, et dure.

« Je n'ai pas le choix. Nous n'avons plus d'argent, et si ce n'est pas moi qui l'épouse ce sera ma sœur. Et je ne veux pas cela pour elle. » Ce fut à elle de s'éloigner mais il lui prit fermement la main. « S'il te plait laisse-moi partir. » Elle le fixa, essayant de se dégager de sa poigne. Il avait plus de force qu'il n'y paraissait. Elle le regarda mettre un genou à terre. « Mais, qu'est-ce que tu fais ? »

« Veux-tu devenir ma femme ? Même si je ne suis pas un grand seigneur, ni le plus élégant des hommes, et que je suis parfois casse-pieds ? » Aveline eut envie de rire et de pleurer. Une vague d'émotions la submergea.

« Seulement si tu le veux vraiment. Je ne suis pas très riche, je suis très maladroite, et je n'ai pas ma langue dans ma poche, je ne suis pas non plus la plus jolie fille de la cour. » Il l'embrassa si fort qu'elle crut devoir le frapper pour l'éloigner. Elle se contenta pourtant de fermer les yeux et de se laisser aller entre ses bras.

« Je vais prendre ça pour un oui. » Ils éclatèrent de rire. Mahe fouilla dans sa poche et en sortit une bague, un petit anneau en argent serti d'un topaze d'une magnifique couleur dorée. « C'est très peu, mais quand je l'ai vu ça m'a fait penser à tes yeux. » Les larmes brillèrent dans les yeux d'Aveline. Mahe lui prit tendrement la main pour y passer l'anneau.

« Elle est parfaite. Merci. » Maintenant il ne restait plus qu'à l'annoncer à sa Grand-Mère, ce qui n'était pas une mince affaire. Bien que celle-ci ne pourrait être que comblée. En fait, après coup, elle craignait sa réaction. « Mais il faudrait que tu ailles demander à Grand-Ma, comme je n'ai plus de père. » Plusieurs expressions passèrent sur le visage de Mahe.

« Si elle est aussi têtue que toi, ça va prendre du temps de la convaincre. » Aveline lui fit un petit sourire.

« Mais ça vaut le coup, non ? » Il se mit à sourire comme un idiot.

« Evidemment. »

Il l'embrassa furtivement puis après une grande inspiration l'invita à prendre la direction du salon. Ils étaient deux à craindre la réaction de la grand-Mère d'Aveline, elle cherchait toujours ce qu'il y avait de mieux pour ses petites filles, de ça on ne pouvait pas la blâmer, mais peut-être le faisait-elle mal. Elle se releva lorsqu'ils apparurent. Mahe s'approcha d'elle, toujours souriant et avenant.  

« Ma Dame. J'aurais une requête à vous faire, si vous me le permettez. » Il s'inclina. La politesse était sa plus grande arme.

« Bien entendu jeune homme, mais faites vite, nous sommes attendues. » Aveline s'approcha pour se tenir aux côtés du jeune seigneur. Il posa un genou à terre.

« Je vous demande la main d'Aveline. Ma Tante approuve déjà notre union et votre petite fille a déjà accepté. » Elle le fixa un instant, incrédule puis ses yeux se posèrent sur Aveline dont le regard se faisait presque implorant.

« Pas besoin d'être aussi cérémonieux. Je vous sens sincère Mahe, là n'est pas le problème. Nous avons déjà eu à faire à des incidents par le passé et je ne souhaite pas qu'Aveline revive cela. » Il lui sourit.

« Tout se fera officiellement, nous ferons circuler l'information et il y aura une grande cérémonie, ou petite selon les désirs d'Aveline. Sachez que tout se fera dans les règles et que vous pourrez choisir n'importe qui en qui vous avez confiance pour être témoin de notre union et protéger au mieux votre petite fille. » Elle hocha la tête. Puis se mit à sourire.

« Nous n'avons pas d'homme dans la famille, mais je suis certaine que nous trouverons quelqu'un pour jouer ce rôle de témoin. Et puisque vous semblez tout deux décidés, j'accepte, tout ce qui compte c'est que vous soyez heureux. » Les larmes aux yeux Aveline se précipita sur sa Grand-mère qui faillit tomber à la renverse.

« Merci Grand-Mère ! Merci ! » La femme lui caressa les cheveux. Il était beau de voir qu'un petit évènement pouvait faire tout pardonner.

« Je vais aller voir Adrian pour lui expliquer, le Seigneur Mahe n'a qu'à te raccompagner à la maison. » Une nouvelle fois Mahe s'inclina. Tout sourire.

« Un de mes hommes va vous accompagner, cela sera plus prudent. » Aveline sentait qu'il faisait un effort pour ne pas paraitre excité.

« Merci Monseigneur. » Un soldat s'avança vers la femme prêt à l'accompagner. Ils sortirent laissant Aveline seule avec Mahe et l'autre garde.

« Je suis désolé Aveline, mais je ne peux pas te raccompagner, j'ai quelque chose d'important à faire pour ma tante. » La jeune fille se contenta de sourire.

« Tu me laisse donc le temps de changer d'avis. » Il l'embrassa.

« Absolument pas, tu n'as même pas le droit d'y songer. Ne crois pas que je vais te laisser rentrer seule, je n'ai pas besoin de garde du corps. »

Il lui fit un clin d'œil. Sans pour autant la laisser seule il les accompagna jusqu'au bout de la rue avant de la laisser rentrer. Aveline voulut engager la conversation mais l'homme semblait se concentrer dans son mutisme, aussi elle se contenta de jouer avec sa bague de fiançailles, mot qui sonnait tendrement à ses oreilles. 

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