Chapitre 11 : Essayage

« Alana, si tu continue de bouger ainsi les couturières ne pourrons jamais faire leur travail. » Le sourire aux lèvres Aveline prenait plaisir à réprimander gentiment sa sœur.

« J'essaye mais c'est difficile, j'ai mal partout. » Elle-même se souvenait de son premier essayage, une véritable torture. Et encore Alana avait la chance d'être fine, à son premier bal Aveline n'avait pas de poitrine et un peu trop de formes là où il ne fallait pas : les corsets avaient failli la tuer. « Je ne sais d'ailleurs pas comment tu fais pour être aussi immobile ! » Peut-être, voir surement, parce qu'elle ne voulait pas croiser le regard du seigneur Mahe qui se tenait non loin d'elles étant tout mielleux avec leur Grand-mère. Elle ne pouvait pas le lui reprocher, il le faisait avec tout le naturel du monde.

« Allons, je suis certain que ce n'est pas si terrible Mademoiselle Alana. » Il avait même toute la patience du monde. Il n'avait presque pas de défauts, et les seuls qu'elle lui trouvait le rendaient encore plus charmant.

« On voit que vous n'avez jamais porté de corset Monseigneur. » La couturière dans son dos terminait une retouche. C'était tellement serré qu'elle devait ressembler à une saucisse que l'on tente de faire ressembler à un saucisson. Alors pourquoi Mahe continuait-il à la regarder comme si elle était une reine ?

« Je n'ai pas eu ce plaisir, et je vous le laisse volontiers. » Mauvais point : il se moquait d'elle. En même temps elle l'avait cherché. Si elle soupirait les coutures de sa robe craqueraient surement, alors elle se retint.

« Voilà Duchesse, vous pouvez vous regarder. »

La malice s'entendait dans la voix de la couturière, et pour cause Aveline la connaissait. Qu'elle sorte ainsi au bal avait amusé tous ses collègues qui prenaient un malin plaisir à le lui rappeler. On l'aida à descendre du marchepied sur lequel elle avait pris place. Face au miroir elle croisa son propre regard stupéfait. La robe d'une belle couleur crème tombait élégamment sur le sol dans une vague de dentelles, le corset loin de la grossir affinait sa taille soulignant sa poitrine alors qu'une ceinture marrons brodée de fil d'or s'assortissait parfaitement au liserait en bas de la robe. Elle n'avait plus prit le temps de se faire belle depuis son dernier bal. Et il était certain qu'avant elle ne ressemblait pas à cela. Une main effleura son bras, elle sursauta.

« Cela vous plait-il Aveline ? » Elle observa une nouvelle fois son reflet. Cela était tellement plus que tout ce qu'elle avait imaginé.

« Oui. C'est vraiment magnifique. » Le regard de l'homme posé sur elle la faisait rougir.

« Vous êtes magnifique Aveline. » Elle allait se liquéfier s'il continuait. La paume chaude contre son épaule la fit frissonner, Mahe lui faisait plus d'effet que ce qu'elle avait cru. Ou alors était-ce simplement tout cet intérêt qui lui faisait tourner la tête.

« Tu ressembles tellement à ta mère. » Elle croisa le regard de sa Grand-Mère, dans lequel elle put lire du regret. Aveline esquissa un sourire.

« Je ne pense pas qu'elle aurait apprécié la comparaison. » Elle avait aimé sa mère, mais celle-ci avait toujours été très dure envers elle. Sa fille n'ayant jamais été celle qu'elle aurait souhaitée. Trop ronde, les cheveux trop bouclés, les yeux trop sombres, la bouche trop fine, et des tâches de rousseurs trop voyantes. En somme trop de trop.

« Ce n'est pas vrai, elle aurait été fière. » Aveline avait l'impression de relever plus de défauts que de qualités chez sa mère. Puis elle se souvint de son sourire, ce doux sourire qu'elle avait lorsqu'elle était heureuse. Qu'elle avait eu quand Alana était née.

« Et voilà jeune demoiselle, terminé pour vous aussi. » Aveline se tourna vers sa petite sœur. Comment la voir encore comme une enfant ? Son corset soulignait sa taille fine, et la couleur vert d'eau faisait ressortir ses cheveux de miel. La robe n'était pas trop ample la laissant libre de ses mouvements, et elle semblait tout à fait à l'aise.

« Tu es superbe Alana. » C'était la première fois qu'elle la voyait dans une robe aussi somptueuse, et cela lui fit un pincement au cœur. Alana aurait pu avoir une belle vie auprès d'un riche époux sans tout cela. Curieuse Aveline tourna les yeux vers le Seigneur Mahe, il souriait, un regard presque fraternel posé sur Alana.

« Et bien, je vais être gâté pour ce bal. Trois femmes éblouissantes à mon bras ! » Sa Grand-Mère haussa un sourcil.

« Cela fait bien longtemps que je ne suis plus sensible aux flatteries mon Cher, aussi douces soient-elles. » Aveline sentit les doigts du jeune homme caresser les siens. Et vu la lueur de malice qui illuminait son regard, il la cherchait. « De plus je vous déconseille de tenter quoi que ce soit vis-à-vis de ma petite fille sans mon consentement. » Il retira vivement sa main.

« Je vais devoir retourner travailler. » Pour la première fois, elle eut un pincement au cœur à l'idée de retourner dans sa bibliothèque. Seule.


*

*        *


Nerveuse, Aveline jouait avec un pan de sa robe. Sa Grand-Mère terminait sa coiffure y logeant une dernière épingle. Elle fit une grimace, la peau de son visage semblait tirer vers l'arrière. Cela était plutôt désagréable, plus encore que son chignon habituel. Ici une partie de sa chevelure retombait sur son épaule. Près d'elle Alana semblait plus calme, sa coiffure était plus simple, mais tout aussi belle.


« Je ne sais pas si c'est une bonne idée Aveline. » La jeune fille tourna son regard vers sa Grand-Mère. Quelque chose semblait l'inquiété.

« Le Seigneur Mahe ne tentera rien de trop entreprenant vis-à-vis de moi. Je te l'assure. » Un doux sourire étira les lèvres de son aïeule.

« Ce n'est pas cela qui m'inquiète. D'autres te tourneront autour, alors j'aimerais que tu restes auprès de ce jeune Seigneur quand je ne serais pas là. » Aveline hocha la tête.

« Bien sûr, je veillerais aussi sur Alana. » Elle savait que leur Grand-Mère se fatiguerait et que sa jeune sœur aurait envie de danser autant que l'on pouvait lui permettre.

« Je sais Aveline, je sais. Je m'inquiète pour vous tout simplement. » D'un geste la bibliothécaire enserra les épaules de sa Grand-Mère qui portait une belle robe pourpre et noir très sobre.

« Il ne faut pas, nous serons sages, et Aveline remettra les mauvaises langues à leurs place. »

Alana affichait son sourire innocent qui pouvait vous faire accepter n'importe quoi. Elles n'eurent pas le temps de répondre car quelqu'un frappa à la porte. Aveline inspira un grand coup avant d'aller ouvrir. Elle ne s'était pas attendue à ce que son cœur batte aussi fort. Le Seigneur Mahe se tenait sur le seuil, un garde à ses côtés. Décidément c'était le soir des apparences. Un instant ils restèrent sur le pas de la porte à se fixer.

« Bonsoir Monseigneur. » Elle s'inclina. Se souvenant de la douleur qu'était chaque mouvement avec un corset aussi serré.

« Bonsoir Aveline, Ma Dame, Mademoiselle. » Tout sourire, il semblait ravi de pouvoir les accompagner. Et cela n'était pas feint.

« Monseigneur, c'est très aimable à vous d'avoir fait le déplacement pour si peu. » Elle s'inclina malgré la douleur de ses vieux genoux. Le Seigneur Mahe lui tendit son bras, un grand sourire aux lèvres.

« Ne vous embarrassez pas de ces courbettes Ma Dame. Laissez-moi vous aider. »

Intérieurement Aveline savait qu'il avait conquis sa Grand-Mère, ce qui n'était pas une mince affaire. Gentiment il les invita à le suivre dans le fiacre de ville qui les attendait. Elles montèrent chacune leur tour. Le jeune seigneur ayant la patience d'aider Alana qui s'emmêlait les pieds dans ses jupons. 

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