D comme Dégage

Eren regarda l'heure sur l'horloge accrochée au-dessus de la porte d'entrée. Neuf heures et un peu plus de quinze minutes. Mademoiselle Adélaïde était arrivée quelques petites minutes après l'ouverture, comme d'habitude et maintenant il attendait que le temps passe tout en résistant à la tentation d'enlever son tablier. Il faisait de plus en plus chaud et cette chaleur l'étouffait. Le magasin ne possédait pas de clim, donc quand Hannes arrivait vers les coups de quatre heures du matin, il en profitait pour ouvrir toutes les entrées d'air possibles, tout en laissant les grilles de sécurités baissées quand il y en avaient. Mais malgré cela, l'air frais qui avait accueilli le brun à son arrivée s'était vite changé en un air pesant et étouffant sous les allées et venues incessantes des personnes présentes.

Sasha était revenue, comme convenu, dès le début de la semaine, soulageant Connie et Eren lors de la mise en rayon. La jeune fille était apprentie boulangère, travaillant avec le boulanger, Keith Shadis. Cependant, elle aidait les deux jeunes garçons à remplir les vitrines le matin pour que tout soit prêt à l'heure. Connie, lui, suait uniquement dans le lieu de vente, étant le vendeur de la boutique.

Un soupir à fendre l'âme passa la barrière des lèvres du jeune adulte, pestant intérieurement contre Hannes pour ne pas encore avoir installé la climatisation dans le magasin. « Plus tard !», qu'il disait ! Il lui en foutrait des « plus tard », tiens !

Un homme poussa la porte et entra, se dirigeant vers le jeune au crâne rasé et faisant souffler une nouvelle fois Eren qui se mit à regarder, en désespoir de cause, la rue située à sa droite. Les gens allaient et venaient, habillés pour la plupart de t-shirt et short, laissant à l'air libre autant de parcelles de peau qu'ils le pouvaient pour ne pas mourir de chaud. Et certains, malgré l'heure matinale, avaient déjà une glace à la main ou une boisson rafraîchissante.

Eren les jalousait. Énormément. Il ferait tout pour avoir le droit de poser ne serait-ce que le bout du petit doigt sur une de ces bonnes choses qui ferait redescendre sa température corporelle.

Une petite fille le pointa soudainement du doigt, sa minuscule menotte tenant ce qui semblait être une glace à la vanille. Il lui sourit en retour, levant sa main pour lui faire un petit coucou. En le voyant faire, elle fit un grand sourire avant de lâcher un cri suraigu, se mettant à courir jusqu'à disparaître de la vue d'Eren qui lâcha un petit ricanement en regardant la personne, qui devait être le père de la petite, partir à poursuite de cette dernière en courant d'un pas raide et difficile pour éviter de renverser les liquides contenus dans deux gobelets.

Son sourire disparut cependant bien vite quand un jeune homme apparut dans la rue, s'arrêtant sur le passage et semblant scruter les alentours à la recherche de quelque chose.

Enfin, plutôt de quelqu'un.

Eren se pétrifia, les yeux écarquillés et fixés sur le nouveau venu. Il était blond, grand, portait comme tout le monde des vêtements fins. Sa tête, tournée à l'opposé du magasin, bougea et s'arrêta net quand ses yeux se posèrent à l'endroit exact où se tenait le brun.

Celui-ci déglutit difficilement. Il ne pouvait pas le nier : ces yeux d'un vert forestier, qu'il parvenait à distinguer sans trop de mal, ne pouvaient appartenir qu'à une seule et unique personne.

Niels.

Niels, ce connard, avait osé repointer le bout de son nez. Et à en juger les pas qu'il effectuait vers son lieu de travail – la boulangerie-pâtisserie nommée « Pomme de Pain » – , les yeux braqués sur sa personne, il n'était pas là pour faire une petite visite de la ville, et encore moins pour acheter une petite collation.

Le blond passa la porte et la cloche sonna. Ce tintement clair et cristallin, résonna comme le glas de sa propre mort.

Niels s'approcha du brun d'un pas déterminé, ses orbes d'un grenat tsavorite ne quittant pas ceux turquoises de son ex petit ami.

Eren grinça des dents mais ne bougea pas d'un millimètre, la colère chauffant ses joues et ses entrailles. Il se força tout de même à baisser le feu enragé qui crépitait en lui, se disant que l'autre n'en valait pas la peine, que perdre son énergie à s'énerver contre ce petit con ne lui servirait à rien.

– Er-

– Bonjour, que puis-je pour vous monsieur ? le coupa-t-il en baissant les yeux sur sa caisse.

Bien qu'un calme tout à fait relatif était venu couvrir sa colère, il n'avait pu empêcher sa voix de se faire sèche et cassante. Mais de toute façon, il s'en souciait comme d'une guigne.

– Er-

– Aujourd'hui, il y a une petite réduction sur les chaussons aux pommes, en voulez-vous ?

Niels, voyant on ne peut plus clair dans le jeu du plus petit, commença à s'agacer, ses sourcils se fronçant.

– Mais laisse-moi parler, non d-

L'irritation titilla dangereusement les nerfs d'Eren, qui releva des yeux durs comme de la pierre pour les planter dans ceux de l'autre.

– Si vous n'êtes pas ici pour acheter quelque chose, je vous prierais de bien vouloir partir en prenant la porte dont vous vous êtes servi pour entrer, monsieur.

Sa voix tranchante comme la plus aiguisée des lames dut attirer l'attention de Connie, car il vit du coin de l'œil celui-ci arrêter de parler avec sa nouvelle cliente pour les regarder.

Le blond, de son côté, lâcha une sorte de grondement et attrapa le bras du brun pour le tirer vers lui. Le bas-ventre d'Eren rentra brusquement en collision avec le petit plan de travail, le faisant grogner.

– Je dois te parler ! siffla Niels en lui lançant un regard noir.

– Je n'en ai pas envie, chuchota avec véhémence le jeune Jaeger.

Les quelques clients qui se trouvaient dans la boutique les fixaient avec curiosité et appréhension, restant figés comme des idiots, ne sachant sûrement que faire.

– Je. Dois. Te. Parler, réitéra le plus grand un serrant de plus en plus le bras de son vis-à-vis.

Eren siffla de douleur. Il allait une nouvelle fois répondre par la négative, mais les regards que les autres personnes présentes portaient sur eux devenaient de plus en plus dérangeants et oppressants.

– On va dehors, répondit-il en se dégageant avec brutalité.

Il contourna les vitrines et zigzagua entre les clients pour finir par se poster devant Connie.

– Si Hannes vient ici pour je ne sais quelle raison, dis-lui que je suis dehors en train de régler un problème. Il comprendra.

Le rasé hocha de la tête et regarda son ami sortir du bâtiment, l'autre bouffon le suivant de près.

Eren, juste après avoir franchi la porte, sentit son bras être repris de force. C'en était trop.

Niels exécuta à peine deux pas que le brun se dégagea avec violence. Eren venait de craquer et la barrière mentale qu'il avait érigée pour ne pas se laisser emporter et aveugler par l'énervement, céda totalement.

– Lâche-moi, connard ! hurla-t-il en exorbitant ses yeux.

Il s'en fichait d'être dans une rue commerçante, il s'en fichait des gens qui le regardaient comme s'il été un détraqué.

Mon dieu, oui, il s'en fichait totalement. La colère trop longtemps enfermée avait pris possession de lui, le rendant peu soucieux du regard des autres.

Il respirait fortement, fixant l'autre enfoiré qui lui aussi dardait ses orbes sur lui.

– Maintenant, dis ce que tu as à dire et dégage. Et ne t'avise surtout pas, mais surtout pas, de me retoucher ! C'est clair ?!

Le blond sursauta au dernier éclat de voix de son ex mais il se reprit aussitôt, ne voulant pas se taper encore plus la honte en public.

– Tu te prends pour qui pour me parler comme ça ? grogna-t-il en serrant ses dents.

Eren lâcha une sorte de rire soufflé avant d'écarquiller ses yeux, plus qu'excédé. Avait-il bien entendu ? Ce... ce... ce putain de gros bâtard venait-il vraiment de dire ça ?!

– Je me prends pour qui ? demanda-t-il en chuchotant presque. Je me prends pour qui ?!

Cette fois-ci, il avait crié. Mais... Mais quel gros enfoiré, ce connard !

– Mais putain ! C'est plutôt à moi de te demander ça ?! Je dois fermer ma gueule alors que tu me traites comme une vulgaire poupée de chiffon ?! Une merde ?! Tu crois que je dis « amen » à tout ?!

– Tais-toi ! vociféra à son tour Niels en jetant des regards nerveux aux personnes les dévisageant.

Eren, en le voyant agir de la sorte, ne put empêcher un rire mauvais de le secouer.

– T'as honte, hein ? T'as honte de te faire rabaisser par ton ex en public, n'est-ce pas ?

– Ferme-la, putain ! pressa le blond.

– Oh oui, t'as honte, se moqua Eren en un sourire fielleux. Tu dois te sentir misérable, non ? Maintenant, tu sais comment je me senti après t'avoir retrouvé avec l'autre pétasse, après avoir compris que tu n'étais qu'un putain de menteur : misérable.

Niels tiqua.

– Je me suis excusé pour ça ! J'ai fait une erreur, tu comprends ?! Une erreur !

Le jeune Jaeger se passa une main dans les cheveux. C'était une discussion de sourds...

– T'es venu pour me demander de revenir, non ? demanda-t-il d'une voix soudainement lasse.

Il mit ses mains dans les poches de son tablier et ancra son regard fatigué dans celui du blond. Ce dernier n'ouvrit pas la bouche se contentant de le fixer, ce qui lui permit d'affirmer ses dires.

– Mais c'est trop tard, tu sais ? Je te l'ai déjà dit.

Niels ricana et sourit en coin.

– Tu ne sais pas la chance que tu perds. Il n'y en a pas deux comme moi.

Ces mots clouèrent Eren sur place. Niels était réellement fier de lui ? D'être une personne comme... ça ? Une personne narcissique et écœurante ?

Cette constatation le fit éclater de rire.

– Pour sûr ! Et heureusement, tiens !

Le blond s'offusqua en entendant la deuxième phrase.

– Tu ne te rends pas compte du cadeau que je te fais en revenant vers toi, malgré tout ce que tu m'as fait ! s'écria-t-il.

– Quoi ? demanda doucement le plus petit.

L'animosité, qui l'avait quitté quelques instants plus tôt pour laisser place à une grande lassitude, revint aussitôt après ces mots.

– Attends, là. Qu'est-ce que tu veux dire par là ? fit-il en se contrôlant du mieux qu'il pouvait.

Niels sembla se froisser.

– Tu ne t'en souviens pas ? Je me suis fait humilier par ta faute par l'autre microbe ! Par TA faute ! Et en plus, tu m'as largué pour quoi ? Juste parce que je t'ai trompé quelques petites fois ! Et bien désolé, c'est pas de ma faute si elle ne sais pas résister à mon charme et qu'elle me fait toujours du rentre-dedans, répondit-t-il avec un air supérieur et satisfait tout à fait exécrable.

Eren était bouche bée. Il était tellement choqué que ses émotions négatives furent complètement annihilées. C'était comme si le néant les avait emportées.

Est-ce qu'un tel être pouvait vraiment exister ? Est-ce qu'une personne aussi répugnante avait vraiment partagé un bout de sa vie ? Vraiment ?

Puis ce fut comme si le vide qu'il avait ressenti pendant quelques secondes n'avait jamais existé tellement la colère, la haine le submergèrent. Tout à l'heure, il avait peut-être été très énervé, irrité, excédé, mais là, il ne savait comment décrire ce qu'il ressentait. C'était comme si tous les ressentiments qu'il éprouvait envers Niels s'étaient réunis en lui pour ne former qu'une vaste et destructrice tempête. Il n'était plus que haine. Entièrement.

– Tu rigoles, n'est-ce pas ? questionna-t-il d'une petite voix. Tu n'as pas dit ça, n'est-ce pas ?

Le plus grand fronça les sourcils et regarda Eren comme si celui-ci avait une deuxième tête. Malheureusement pour lui, il n'aurait pas dû.

– Attends, me dis pas que tu pensais toutes les conneries que tu viens de dire ?

Silence.

– Oh putain... Mais toi. Toi ! Mais t'as vraiment un gros problème, ma parole ! explosa-t-il en le regardant avec des yeux assombris par la rage, faisant sursauter toutes les autres personnes dans la rue. Tu t'es fais humilier ? Par MA faute ?! Mais putain ! C'était qui, c'était qui, putain ! qui était en train d'essayer de me tuer cette fois-là ?! Hein ?!

Niels ouvrit la bouche, mais se fit violemment rembarrer :

– Ne l'ouvre SURTOUT pas ! Tu crois aussi que me tromper quatre fois avec l'autre pétasse, c'est pas beaucoup ?! Tu le crois vraiment ?! Mais tu comprends pas que j'aurais pu te jeter, comme la vulgaire merde que tu es, la toute première fois que tu as osé me faire ça ?! Mais je ne l'ai pas fait et comme on dit : trop bon, trop con, hein ?! Oh oui, j'ai vraiment été con pour avoir gobé ton mensonge grotesque ! T'es réellement une personne minable, vraiment pitoyable ! T'es tellement abjecte que t'en es lamentable !

Le blond fut choqué par ces paroles venimeuses crachées avec dégoût, mais il se reprit cependant bien vite, sa langue de vipère se faisant autant vicieuse que blessante :

– Tu trouves que c'est moi qui suis lamentable ? commença-t-il d'un ton d'où transpiraient le mépris et la mesquinerie.

Eren ne le coupa pas. La fureur parcourait toujours ses veines à en juger son souffle anarchique et ses sourcils froncés à l'extrême, mais ce que venait de dire l'autre l'intriguait.

– Mais regarde-toi, mon pauvre. Qui c'est qui a été obligé de te consoler après la mort de tes parents ? Qui c'est qui a dû rester à tes côtés alors que tu chialais comme une petit fillette ayant perdu son doudou ? Qui c'est qui a dû te convaincre que ce n'était pas de ta faute pour que tu arrêtes de casser les oreilles à tout le monde ? T'étais vraiment une plaie à ce moment-là. Et t'as pas changé d'un pouce : t'es toujours là à chouiner pour rien.

Niels contempla avec délectation les yeux du brun s'écarquiller avant que celui-ci ne recule d'un pas, l'air visiblement touché.

Les mots perfides avaient transpercé de part en part le cœur d'Eren qui sentit celui-ci rater un battement, puis deux, avant qu'il n'accélère d'un seul coup.

Le jeune adulte ne ressentait plus aucune colère, une sourde douleur l'ayant remplacée brutalement. Le blond savait combien le sujet de ses parents était sensible chez lui. Cette phase noire de sa vie, où la dépression l'avait rongé au point qu'il en perde une dizaine de kilos, il essayait désespérément de l'oublier, de l'effacer de sa mémoire. Il y avait encore quelques instants, même s'il était rempli d'animosité envers l'autre, il avait été reconnaissant à ce dernier pour l'aide qu'il lui avait apporté lors de ce passage difficile. Mais ce qu'il venait de lui cracher à la figure, lui avait fait ouvrir les yeux : Niels ne s'était à aucun moment soucié de son bien-être, même quand il s'était retrouvé plus bas que terre. Est-ce qu'au moins toutes les paroles qu'il avait prononcées pour le rassurer étaient vraies ? Est-ce qu'elles n'avaient pas été lâchées au hasard pour qu'il se taise ? Pour ne plus qu'il lui « casse les oreilles » comme il l'avait si bien dit ?

Puis, naturellement, les souvenirs du jour où sa vie remplie de joie et de rire avait été substituée pas un effroyable cauchemar lui revinrent en mémoire et le firent suffoquer.

Les mots que Niels lui avait chuchotés à l'oreille pour le consoler et le faire déculpabiliser n'avaient plus du tout le même effet sur lui. Il savait maintenant qu'ils n'avaient peut-être jamais été pensés. Et en voyant le visage présentement fier du plus grand, le « peut-être » n'avait plus lieu d'être.

– Eren ?

L'appelé tourna son regard vers Connie, mais celui-ci était caché par un voile flou.

Il pleurait ?

Ses mains tremblantes remontèrent lentement vers son visage avant que ses doigts ne se posent sur ses joues inondées par les lames.

Il pleurait.

Un sanglot le secoua, puis un autre. Ses mains cachèrent ses yeux.

– Eren !

Connie se précipita vers son ami, bousculant Niels qui était sur son passage.

– Calme-toi, murmura-t-il gentiment en frottant le dos du brun. Qu'est-ce que tu lui as fait ?! s'écria-t-il par la suite envers le blond.

Celui-ci leva les mains devant lui, les paumes tournées vers le rasé en signe de paix, un sourire narquois dessiné sur ses lèvres.

Connie le fusilla du regard puis le planta sur la foule :

– Et vous, qu'est-ce que vous regardez ? Ce n'est pas un spectacle, du vent !

Il agrippa par la suite Eren par le bras et le tira vers le magasin.

– Dégage, fit-il froidement à Niels alors qu'il passait à côté de lui.

Une fois dans la boutique, il se dirigea vers les toilettes, ouvrant celles-ci avant de relâcher doucement le brun à l'intérieur.

– Tu veux que je te laisse ?

Hochement de tête.

– D'accord. Reviens quand tu te sentiras prêt, ok ?

Nouveau hochement de tête.

Connie soupira mais ne dit rien. Il savait qu'Eren ne parlerait que s'il en avait envie, et ce n'était visiblement pas le cas. Il s'empressa alors de rejoindre la boutique pour ne pas faire attendre plus longtemps les clients et surtout pour ne plus laisser le lieu sans surveillance.

~oO0Oo~

Le jeune garçon au crâne rasé avait rejoint son poste depuis à peine cinq minutes quand entra dans le magasin un personnage bien connu. Ce dernier fronça encore plus les sourcils quand il remarqua l'absence d'Eren derrière sa caisse. Il marcha alors droit vers Connie et s'arrêta devant lui.

– Il est où ? demanda-t-il mornement.

Surpris par la question, le jeune adulte eut un air benêt avant de grimacer devant l'impolitesse de Levi.

– Bonjour à vous aussi.

L'adulte lui jeta le regard noir le plus flippant qu'il n'ait jamais vu de sa vie.

– Euh... Il... Il se rafraîchit, bégaya-t-il en se retenant de prendre la poudre d'escampette.

L'homme plissa les yeux, suspicieux et Connie gémit intérieurement : il savait que le mot « menteur » était inscrit en grosses lettres capitales de couleur rouge sur son front et que des flèches pointaient ce dernier au cas où quelqu'un n'aurait pas vu le message. Enfin, ce n'était pas un mensonge pur et dur, mais le client devait sûrement se fourvoyer sur les raisons de ce rafraîchissement.

– Pourquoi ?

Aïe.

– Euh... Vous savez, la chaleur et tout et tout. Il a eu un petit coup de chaud donc voilà !

Un rire nerveux le secoua et ce fut sûrement cela qui mit la puce à l'oreille à ce cher militaire.

– Menteur.

Oups ?

Il hésita un moment à lui dévoiler ou non la vérité, mais l'aura menaçante qui se dégagea soudainement du petit homme lui fit rapidement prendre une décision. La meilleure pour sa survie, bien sûr...

Il poussa un gros soupir devant sa lâcheté mais il se jeta tout de même à l'eau.

– Vous êtes celui qui a aidé Eren contre son ex Niels la dernière fois, non ? Levi, c'est ça ? Eren m'a un peu parlé de vous...

L'homme ne fit rien pendant un petit instant puis il acquiesça.

– Et bien, Niels est revenu foutre la merde aujourd'hui et-

Le grognement que poussa l'adulte le coupa, le faisant se demander s'il devait arrêter ou non ses explications.

– Continue, ordonna Levi d'une voix sèche.

Bien... !

– Et... comme il a commencé à faire une scène dans la boutique, Eren lui a dit qu'ils allaient parler dehors. Je les ai entendus se disputer pendant un petit moment avant qu'il n'y ait un gros silence. Et j'ai envie de dire que dans ces moments-là, le silence, c'est vraiment pas bon.

Il s'arrêta et regarda si le militaire suivait toujours. Après avoir reçu un petit signe de sa part, il continua :

– Je suis donc sorti et c'est là que j'ai vu Eren pleurer. Je l'ai amené dans les toilettes pour qu'il se reprenne et j'ai ordonné à Niels de partir.

– Les toilettes ? demanda Levi d'une voix polaire.

Connie déglutit.

– Euh... derrière cette porte, dit-il en pointant l'objet en question, il faut longer le couloir et c'est la dernière porte à gauche, dans le vestiaire des hommes, bien sûr.

L'homme hocha de la tête en remerciement et prit la porte réservée au personnel sous le regard ébahi du jeune garçon. Il avait vraiment osé entrer dans un accès interdit aux clients...

Levi suivit les indications du plus jeune à la lettre et il se retrouva bien vite dans le vestiaire pour homme. Un sanglot parvint à ses oreilles et il tourna sa tête vers la gauche, où un autre battant était clos à côté de la ligne de casiers.

Il marcha nonchalamment vers la porte et l'ouvrit, découvrant un bien triste spectacle. Eren se trouvait là, assis à côté des deux lavabos, adossé au mur carrelé. Ses jambes étaient repliées contre son torse, ses bras les entourant et sa tête cachée dans ses genoux. Des sanglots plus ou moins espacés secoués son corps déjà tremblant, et cela serra le cœur du soldat.

– Gamin ? appela-t-il doucement en se rapprochant.

Ledit gamin hoqueta et releva prestement son visage, croisant ainsi des orbes métalliques qu'il commençait à connaître par cœur.

– L-Levi ? Qu... Que faites-vous là ? demanda avec précipitation le brun en essuyant ses yeux, la honte de se faire prendre en pleine crise de pleurs le rendant nerveux.

Le militaire ignora ses questions et continua son avancée jusqu'à ce qu'il se retrouve accroupi en face d'Eren. Il leva lentement sa main et la glissa dans le cou du jeune garçon, avant d'agripper la nuque de ce dernier sans lui faire mal. Le jeune homme n'eut pas le temps de lui demander ce qu'il était en train de trafiquer que son visage vint déjà trouver le cou de l'adulte.

– Tu peux pleurer, gamin. Tu n'as pas à avoir honte.

La voix grave de Levi et les mots prononcés par celui-ci brisèrent la faible barrière qui retenait laborieusement la tristesse et le désespoir d'Eren.

Il se mit alors sur ses genoux et entoura fortement la nuque de son homologue, enfonçant son visage dans le cou du plus vieux tandis que des sanglots déchirants vinrent déranger le silence de la pièce.

Levi passa ses bras sur les hanches du gamin et le rapprocha de lui, faisant coller leur torse. Il leva une main et vint frotter doucement le dos du plus jeune avant de la remonter dans ses cheveux qu'il caressa lentement.

– C'est bien, Eren.

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