-31-
Lorsque je me réveille, je mets un peu de temps à me souvenir où je me trouve : dans la chambre d'Ayden. C'est étrange d'être ici après tout ça, même si notre réconciliation date de quelques jours. Ambre m'a pardonné mon comportement excessif. Elle est ravie du retour du Glacier dans ma vie.
Hier soir, mon petit ami et moi sommes allés nous balader sur la plage et je crois que je m'y suis endormie. Il a dû me porter jusqu'ici, mes vêtements ont été remplacés par un T-shirt lui appartenant.
L'autre côté du lit ne semble pas défait. Il est froid, comme si personne n'y avait dormi.
Rapidement, je me retrouve debout. Je me précipite hors de la chambre et me rends compte qu'Ayden sommeille sur le canapé. Pour quelle raison ?
Subitement, il sursaute, j'ai dû faire trop de bruit. Promptement, je m'excuse et cherche quelque chose qui pourrait m'indiquer l'heure. Je ne sais pas où est mon téléphone et Ayden n'a pas d'horloge chez lui.
— Merde, juré-je.
— Qu'y a-t-il ? demande sa voix endormie.
Il est assis sur le bord du canapé, le visage entre ses mains.
— Quelle heure est-il ?
— 4h30, soupire-t-il.
— Oh, désolée. Je pensais être en retard pour accueillir les ouvriers, dis-je, gênée.
— J'avais prévu de te réveiller à 7 heures, m'informe-t-il.
Je me frotte la nuque, me trouvant soudainement ridicule. Ses yeux balayent mes jambes nues, me rendant toute chose.
Alors que mes pieds me dirigent vers la chambre, je reviens sur mes pas.
— Pourquoi dors-tu ici ?
— Je ne savais pas si tu m'autoriserais à venir avec toi alors j'ai préféré ne pas prendre de risque, m'explique-t-il, la mine triste.
— Viens, dis-je simplement avant de quitter le salon.
Je me recouche au même endroit que tout à l'heure, dos à lui, enserrant l'oreiller contre moi. Il semble hésiter avant de me prendre dans ses bras. Dans le noir, je tends la main dans sa direction, l'incitant à agir. Finalement, je me retrouve plaquée contre son torse, à ma place. Pendant qu'il relève le drap sur moi, il me murmure :
— Bonne nuit, Rosie.
* * *
— Réveille-toi, me murmure une voix.
Grognant, je me cache sous la couette. Ayden la soulève, me forçant à affronter la lumière matinale. Je marmonne des propos incompréhensibles qui reflètent cependant bien ce que je pense.
— Debout...
— Non.
Je me retourne pour ne plus lui faire face. Il se couche à son tour, collant son corps au mien.
— Tu dois y aller, souffle-t-il.
Je soupire, sachant qu'il a raison. À contrecœur, je m'assieds tandis qu'il reste allongé sur le dos. Maladroitement, je l'enjambe, posant mes pieds sur le parquet qui craque légèrement sous mon poids.
— Hum, il reste des vêtements t'appartenant ici, si tu les veux, déclare-t-il.
Je me retourne vers lui, surprise. Il les a gardés ? Silencieusement, mon petit ami ouvre un tiroir qui contient uniquement mes effets. Des habits, un foulard, des affaires de toilettes, quelques bijoux sans réelle valeur. C'est étrange, j'ai l'impression de retourner au début de notre relation. D'un autre côté, j'ai la sensation de l'avoir quitté il y a des années. Ayden prête attention au moindre de ses faits et gestes, se montrant précautionneux. Depuis notre réconciliation, il me laisse de l'espace tout en évitant de m'abandonner trop longtemps.
— Tu connais le chemin pour la salle de bain.
En effet, elle est restée la même, rien n'a changé, pas même la couleur du tapis. Je prends une douche rapide, ne voulant pas arriver en retard au café. Lorsque je sors, Ayden est changé, il m'attend.
— Tu ne veux pas te recoucher ? Tu n'es pas obligé de venir avec moi, lui affirmé-je.
— Non, j'aimerais déjeuner avec toi, je peux ?
J'acquiesce et nous marchons ensemble jusqu'au Passe-Temps. À mon aise, je prépare deux petits-déjeuners. Les ouvriers ne devraient plus tarder.
— Il faut qu'on parle, tu ne penses pas ? me demande-t-il soudainement.
— Tu as raison.
Après nous avoir servis, je m'assieds face à lui. Il reste des non-dits sur nos ressentis et nous devons les expliciter afin d'aller de l'avant dans notre couple.
— Tu ne peux pas savoir à quel point je te suis reconnaissant de m'avoir pardonné...
— Pas si vite. Nous sommes peut-être à nouveau ensemble, mais je t'en veux encore. Un peu, le prévins-je doucement.
Son visage se décompose et il tente de le camoufler. Car oui, je suis heureuse de l'avoir dans ma vie. Seulement, son mensonge reste dans mon esprit et je ne parviens pas à lui faire confiance comme avant.
— Tu es toujours à 4 ? s'informe-t-il, soucieux.
— Oui, réponds-je en buvant une gorgée de boisson chaude avant de grimacer. Tu permets ? J'ai échangé nos tasses.
Il sourit légèrement tandis que je récupère mon café, avec du sucre et du lait et lui rends le sien : noir.
— Cette dernière semaine a été... compliquée. Ce n'est pas pour que tu te sentes coupable que je te parle de cela. Simplement que je t'ai promis de ne plus rien te cacher, confie-t-il, jouant avec une miette sur le comptoir.
Il cherche mon regard et, une fois qu'il l'a trouvé, il ne le lâche plus.
— Depuis ce repas, je n'ai pas reparlé à mes parents. Je leur en veux pour leur mensonge et aussi parce que j'ai été forcé de te dire la vérité. Je ne voulais pas que tu l'apprennes ainsi.
— Henry a bien fait de commettre cette gaffe. Cela m'a permis de connaître la vérité, assuré-je, me remémorant mon état de colère.
Il met quelques secondes avant de me répondre :
— J'aurais préféré le faire autrement.
— Je le sais maintenant. C'est l'essentiel, non ?
— Oui, cède-t-il.
Il ébouriffe ses cheveux qu'il n'a même pas coiffés ce matin. Je tourne ma tasse vide, ne sachant pas quoi lui dire. Il est évident qu'il a souffert autant que moi dans cette histoire.
— J'avais peur que tu aies trouvé quelqu'un d'autre, lâche-t-il dans un souffle désespéré.
— Ayden, je n'aurais pas pu être avec une autre personne. À cela deux raisons : je n'aurais pas eu la force de faire confiance à quelqu'un d'autre. La seconde raison, je te l'ai énoncée hier. Comment aurais-je passé à autre chose en seulement quelques semaines ?
Clairement perdu, il attend plus de moi. Hâtivement, je prends sa main et l'emmène sur la future terrasse. Nous asseyant sur une marche, nous observons la mer ensemble. Je sais que cette vue l'apaise.
Doucement, il se tourne vers moi, une étincelle nouvelle dans le regard.
— Qu'y a-t-il ? m'enquiers-je, curieuse.
— Je me suis rendu compte que je t'aimais plus que ce que je pensais.
Stupéfaite, je l'observe entre mes cils. Les hommes qui ont partagé ma vie ne se sont jamais montrés aussi transparents dans leurs sentiments. Souvent, ils ne les exprimaient pas. Prise de court, je ne sais pas comment réagir. La main d'Ayden enveloppe la mienne, son pouce caressant ma peau. Il n'attend pas de réponse, il voulait simplement que je sois au courant.
— Je n'ai qu'une seule question à te poser, continue-t-il.
— Je t'écoute.
— M'aimes-tu autant qu'avant ? m'interroge-t-il d'une voix étranglée.
— Ayden...
— C'est l'unique question que je te poserai. J'ai besoin de connaître la réponse.
Je baisse les yeux sur nos paumes liées, réfléchissant sérieusement à sa question. Je l'aime toujours, il s'agit d'une certitude. Autrement, je n'aurais jamais accepté son retour dans ma vie.
— Oui, soufflé-je. Par contre, tu as brisé ma confiance.
Il lâche un long soupir de soulagement, nichant son visage dans mon cou. Distraitement, je flatte sa chevelure châtain.
— Je vais me battre pour que tu puisses à nouveau croire en moi, me promet-il presque solennellement.
— Hier soir, pourquoi avoir hésité pour me prendre dans tes bras ? demandé-je.
— Je ne sais pas quelles limites tu me donnes ni ce que j'ai le droit de faire, m'explique-t-il.
Manifestement, il paraît plus fragile qu'avant notre dispute. Cela doit probablement être dû à sa confrontation avec ses parents. Malgré tout, je ne veux pas qu'il doute de lui à cause de moi.
— Tu peux agir comme avant. Laisse-moi seulement un peu de temps.
— Je l'ai fait une fois, je peux recommencer.
Nous ne parlons plus, devinant le bruit des vagues. Il pose une main dans le bas de mon dos et je me sens si relaxée que je ferme les yeux l'espace de quelques instants, ma tête sur son épaule.
Sentant son mal-être, je me dis que je devrais le pousser à parler sur ses ressentis. Je suis quasiment certaine qu'il n'a parlé de tout cela à personne. Tout garder pour lui n'est pas bon.
— Ayden ? demandé-je finalement.
— Hum.
— As-tu fait des recherches concernant tes véritables parents ?
— Non. Je ne suis pas certain de le vouloir. Imagine-toi, mon géniteur ne connaît même pas mon existence. Je ne voudrais pas détruire sa vie.
— Pourquoi détruirais-tu sa vie ? m'enquiers-je, surprise.
— Il a peut-être sa propre famille, sûrement qu'il est marié, qu'il a des enfants. Je ne me vois pas arriver et annoncer que je suis son fils. C'est la même chose pour ma génitrice. Elle m'a abandonné, ce n'est pas pour me voir revenir vingt-cinq ans plus tard. En plus, je n'ai aucune piste pour savoir qui ils sont. Je n'ai pas envie de commencer des recherches sans fin.
Il paraît abattu, le regard dans le vague.
— Plus tard, peut-être ? proposé-je, incertaine.
— Ils ne voulaient pas de moi il y a vingt-cinq ans, cela n'aura pas changé aujourd'hui, répond-il avec amertume.
Ayden se torture avec cette histoire, ce que je conçois totalement. Je me pose les mêmes questions concernant mon géniteur.
— Et si tu avais la possibilité de savoir qui ils sont ?
— Non, j'ai déjà suffisamment de mal à vivre avec cette réalité, rétorque-t-il, se tendant davantage.
— Tu en es sûr ?
— Puisque je te le dis, s'agace-t-il.
— D'accord.
Autant de son côté que du mien, le sujet des parents est tabou. Je ne peux que comprendre son positionnement : si je le souhaitais, je pourrais rencontrer mon géniteur dans l'heure qui suit. Seulement, je le refuse catégoriquement. Son absence m'a trop fait souffrir.
— Tu devrais reprendre contact avec tes parents adoptifs, lui conseillé-je, espérant apaiser ses tensions.
— Je ne suis pas sûr d'être prêt. En plus de ça, je n'arrive pas à pardonner à Louise, avoue-t-il, le cœur gros.
J'avais raison : il n'a discuté de tout ça avec personne jusqu'à présent. Cela me fait mal : qui veille sur toi Ayden ? Tu ne comptes pour personne d'autre que moi ?
— Ce n'était pas elle de te le dire. Comment crois-tu qu'elle l'a vécu ? Savoir que son frère a été adopté, mais devoir lui cacher. Comment aurais-tu agi si les rôles avaient été inversés ?
— Je n'en sais rien, avoue-t-il, réprimant un soupir.
— Ne rejette pas toute la faute sur elle.
— Je vais devoir... m'excuser ? Ce n'est quand même pas moi le fautif, s'emporte-t-il, retirant son bras de mes épaules.
— Je n'ai pas dit ça. Simplement tenter de poser les choses avec eux.
— Écoute, je pensais ne jamais réussir à te récupérer. Pour l'instant, j'ai simplement envie de passer du temps avec toi. Je verrai ça plus tard, affirme-t-il, observant l'horizon.
— D'accord. Mais ne tarde pas trop autrement, tu ne le feras jamais.
Il ne me répond pas et je n'insiste plus, sentant que j'atteins ses limites.
Mon compagnon profite de l'arrivée des ouvriers pour clore cette discussion. Il se charge de les accueillir.
En ce qui me concerne, je demeure devant la mer, comprenant qu'il va s'avérer compliqué pour lui d'accepter la situation, comme il me l'avait confié. Suis-je la mieux placer pour l'aiguiller en sachant que je refuse la présence de mon géniteur à mes côtés ?
En tout cas, je compte bien le soutenir autant que possible.
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