Chapitre 5
Gabriell était enfin en vacances, pour une semaine seulement, mais il l'était. Après deux mois de travail intensif il pouvait respirer. Enfin il aurait pu si ses contrôles de mi-trimestre ne l'attendaient pas à la rentrée, la semaine suivante.
Il avait déjà raté un week-end de révisions pour aller fêter Halloween chez quelqu'un de sa connaissance en compagnie de son groupe d'amis. Il avait d'ailleurs eu la surprise d'y croiser en coup de vent Ivanh qu'il avait juste eu le temps de saluer avant qu'il ne doive s'en aller.
Il se réveillait donc légèrement éméché de la soirée de la veille, mais fut heureux de constater qu'il n'était pas à l'article de la mort comme il l'avait été à la rentrée. Il sortit de son lit avec paraisse, l'appartement était silencieux, comme à l'accoutumée, Gabriell n'aurait donc pas se montrer devant ses parents dans cet état.
Il alluma la cafetière de sa mère, même s'il n'avait jamais aimé le goût amer de l'expresso il en avait bien besoin. Mailla lui avait déjà dit que ça ne faisait qu'empirer le mal de crâne mais son corps réagissait autrement et il se sentait tout de suite mieux après une tasse de café corsé.
Il grimaça après la première gorgée mais continua de boire malgré tout, rajoutant quand même un peu de sucre dans la composition et le reste de la tasse fut vidée en quelques minutes à peine. Gabriell se rendit ensuite dans sa salle de bain pour se brosser les dents suivit d'Hadès qui quémanda, comme à son habitude, qu'on lui ouvre le robinet pour faire couler l'eau. Il avait cette manie depuis bébé et pouvait devenir exécrable si on n'exécutait pas sa requête.
Enfin prêt il s'installa devant son bureau avec son ordinateur enfin réparé, mais avant de se mettre au travail il regarda l'heure sur son téléphone : 13h30. Gabriell soupira, il n'avait qu'une heure pour réviser avec assiduité avant que Mailla ne débarque.
Elle lui avait proposé de réviser ensemble et il n'avait pas eu le cœur, ni l'envie, de refuser. Pourtant ils savaient tous les deux qu'ils ne réviseraient pas s'ils étaient tous les deux dans la même pièce. Dès qu'ils étaient ensemble il leur était presque impossible de se concentrer, au lycée ils se permettaient ce genre de comportement mais cette fois Gabriell avait vraiment besoin d'avoir des notes correctes. Les années où juste en relisant vite son cours il réussissait à décrocher un treize étaient révolues. Désormais son avenir était en jeu et il fallait que Mailla comprenne ça.
Sa page de notes ouverte, Gabriell s'activa à ouvrir son navigateur de recherches et éteignit son téléphone pour ne pas se laisser distraire. Plongé dans son cours de littérature moderne il sursauta en entendant la sonnette d'entrée retentir. Hadès grogna et partit se cacher ventre à terre.
Il ne pouvait s'agir que de Mailla et il se leva pour aller lui ouvrir. Rayonnante, elle souriait comme une gamine à qui on allait donner des bonbons, avant de la conduire dans une camionnette blanche. Sans aucune salutation pour son ami elle appela Hadès pour le prévenir que ce n'était qu'elle.
Celui-ci arriva au petit trot et se frotta contre les mollets de Mailla pour la marquer de son odeur. Elle était l'une des rares personnes qui avaient su gagner la confiance du chat au prix d'une patience sans faille. Son amie l'avait connu depuis tout petit et elle était comme une seconde mère pour lui, moins proche qu'avec Gabriell mais c'était déjà un exploit venant d'Hadès.
Un toussotement sortit Mailla de ses rêveries et elle délaissa le chat de son ami pour prendre celui-ci dans ses bras. Ayant son visage à quelques centimètres du sien il put voir que malgré son teint halé, sa peau était vaseuse, signe qu'elle n'avait pas encore évacué l'entièreté de l'alcool qu'elle avait ingurgité la veille et qu'elle était en manque de sommeil.
Il afficha un air désapprobateur. Il avait vite compris ce qu'elle avait fait la veille, alors que cela ne faisait pas partit de ses habitudes, surtout saoul. Elle ignora superbement l'expression de son ami. Il ne fit donc aucun commentaire. Même si elle n'en montrait rien elle s'en voulait déjà et en rajouter ne l'aiderait en rien.
-Gabiel, c'était un putain de bon coup !
-Mailla !
Rectification. Elle s'en voulait mais ne regrettait en rien ses actes. Si elle se faisait des reproches c'était plus car son meilleur ami ne comprenait pas pourquoi elle faisait ça. Pas qu'il la jugeait, . Il savait juste que certaines personnes la voyaient comme ce qu'elle n'était pas : une fille facile. Et il ne voulait pas qu'elle pâtisse d'une réputation comme celle-là.
Ils avaient assez donné comme ça. D'un autre côté, elle gérait la chose, et il était certain qu'elle n'avait en aucune façon besoin de son aide pour se faire respecter. Alors il se taisait et la laissait faire. Jouer l'ami relou qui contrôle les faits et gestes de sa meilleure amie ne lui convenait pas. Tant que ses amis savaient comment elle était vraiment Mailla n'était pas du genre à se préoccuper des autres. De ce qu'elle disait du moins.
Depuis qu'il la connaissait elle avait toujours été le genre de personne à vivre sa vie à fond. Sans se poser de questions. Sans se soucier de rien. Ils s'étaient réellement rencontrés qu'à leur dernière année de collège, alors qu'elle venait les accoster, lui et Elian. Auparavant ils se croisaient dans les couloirs, et elle ne semblait pas être ce type de personne. Plutôt timide, non sage était le terme exact. Pas un faux pas.
Elle avait changé à partir du moment où ils avaient été amis. Elle répondait aux professeurs qu'elle trouvait injuste. Mailla était devenue l'héroïne de sa vie, laissant derrière elle le personnage qu'elle avait toujours été. Gabriell ne l'avait connue qu'avec cette nouvelle facette de sa personnalité. Il ne saurait la juger. Il l'aimait un peu trop pour ça.
Gabriell proposa du café à son amie avant de réviser mais celle-ci déclina l'offre au profit d'un chocolat chaud. Selon ses dires elle avait eu sa dose de caféine pour une vie entière. Ils installèrent leurs cahiers et feuilles de révisions par terre et s'assirent à même le sol à côté du lit de Gabriell callé contre le mur.
Ils ne révisaient pas les mêmes cours, appartenant à deux filières différentes et ils trièrent donc leurs différentes leçons. La fatigue pouvait facilement leur faire réviser un cours qui ne leur appartenait pas sans qu'il ne s'en rende compte.
Les cours d'histoire gréco-romaines et ceux d'italien de l'autre, les deux amis purent commencer leurs révisions. Contre toute attente aucun des deux ne se dissipa dans la lecture de leurs cours. Hadès profita du calme ambiant pour s'introduire, de la manière la plus furtive dont il était capable, dans la chambre et se poser entre les jambes en tailleur de son maître pour s'endormir presque immédiatement.
Le silence était agréable et Gabriell ne se souvenait pas d'avoir déjà vécu un moment aussi paisible avec sa meilleure amie. D'habitude lorsque le silence régnait entre eux c'était car l'un réconfortait l'autre pendant une mauvaise passe. Mais s'ils étaient ensemble, ils préféraient rires et s'amuser que de se morfondre sur les problèmes futiles de leur vie.
Gabriell sentit un poids se poser sur sa cuisse et vit la tête de Mailla s'installer. La jeune femme s'était rapprochée pour s'installer plus confortablement, couchée sur le dos elle tenait plusieurs fiches de cours au-dessus d'elle et continuait de lire sans se préoccuper de l'avis de son ami.
Celui-ci commença à passer sa main dans ses cheveux, qu'elle avait coupé dernièrement, comme il l'aurait fait avec son chat. Si ça pouvait lui permettre de continuer à rester calme il n'allait pas protester. Hadès quant à lui ne se réveilla même pas malgré l'arrivée inopportune de Mailla et continua à ronronner avec la fiche de révision de Gabriell sur le ventre.
Plusieurs minutes passèrent lorsque Gabriell entendit un léger ronflement. Il crut tout d'abord à Hadès avant de comprendre que le son provenait bel et bien de Mailla. Ce n'était pas une nouvelle pour lui de savoir que son amie ronflait, mais il n'aurait pas imaginé qu'elle s'endorme pendant une session de révisions.
Elle lâchait de petits soupirs discontinues. Le simple fait qu'elle fasse ça le rendait heureux, elle détestait qu'on l'entende ronfler. Elle n'aimait pas cette facette d'elle, pensant même à faire une chirurgie pour régler le problème.
Il continua de caresser ses cheveux, elle avait eu une nuit assez courte. « Bien fait pour elle » voulait-il se dire aussi. Mais si ses petites intentions l'apaisaient il n'allait pas lui retirer ça, en plus, même si sa main venait à être engourdie.
A côté de tout ce qu'elle avait fait, et faisait encore, ce n'était qu'un détail sans importance. Gabriell se retrouva donc seul à travailler pendant que son amie rattrapait ses heures de sommeil manquées. Ce n'est qu'alors qu'il prit conscience du silence qui régnait dans l'appartement. D'habitude il avait le réflexe de mettre de la musique pendant qu'il finissait ses devoirs, bien qu'il n''en écoutait, la plupart du temps pas un traitre mot.
Il lui avait toujours semblé que le silence l'effrayait, mais le calme qui se dégageait de ce mutisme le réconfortait, l'apaisait. Avec son chat et sa meilleure amie à ses côtés. Pas besoin de musique. Pas besoin d'autres personnes. Juste lui et le calme. Juste lui et le souffle de vie des deux personnes qui comptaient pour lui. Juste un instant de paix dans la tempête.
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Mailla s'affairait pour se préparer du café, après la sieste elle disait qu'il était de son devoir de se ressourcer en caféine et avait donc abandonner sa résolution d'arrêter le café en ajoutant que sa vie n'était pas encore finie. Gabriell, quant à lui, avait la tête en vrac, trop réviser ses dernières heures sans interruption lui avait donné des maux de têtes.
Les mots se mélangeaient à l'intérieur de son crâne. Tous cherchaient une place sans la trouver. A côté de lui son amie rayonnait telle une actrice d'Hollywood et lui était plus le zombie en arrière-plan affamé de nouveaux cerveaux. Ce qui n'était pas loin de la réalité finalement.
Lorsque le liquide brûlant daigna enfin s'écouler de la machine à café, Mailla laissa échapper un petit sourire de ravissement. Puis elle alla s'asseoir avec sa tasse fumante et brumeuse en face de son meilleur ami. Elle avait remarqué son teint blafard mais ne fit aucun commentaire par peur de le vexer, après tout, lui, il avait travaillé contrairement à elle et elle savait que ce n'était pas dans les habitudes du blond de le faire.
-Bon j'ai quelque chose qui va te remonter le moral.
-Il faudrait plus qu'un café.
-Tais-toi et aime-moi.
Tous en prononçant ces mots elle sortit un sachet « FNAC » de son sac à dos et le tendit à son ami.
-Ouvre.
Il fit ce qu'on exigeait de lui et laissa une exclamation de surprise et de plaisir franchir la barrière de ses lèvres.
-Où tu l'as trouvé !?
-Bah Fnac... Pré-commande depuis quatre mois.
-Je t'aime toi, tu le sais.
-Y'a intérêt que ça soit un bon bouquin il m'a coûté une blinde.
-22 euros c'est pas une « blinde ».
-Pour moi si.
Gabriell soupira. Mailla avait tendance à faire une fixette sur les prix pendant des lustres, ce qui avait le chic de l'agacer, mais il garda le silence. Elle en fit de même pour le regarder, avec un sourire presque maternel, commencer à feuilleter son roman. Il ressemblait à un enfant le jour de Noël et elle se retenait avec peine de le charrier à propos de ça.
Sa tasse de café était vide au moment où la sonnette du rez-de-chaussée retentit dans tout l'appartement. Gabriell se leva, il devinait aisément qui cela pouvait-il être et il ne se trompa pas. La voix de sa mère lui écorcha les tympans lorsque celle-ci se mit à crier à l'interphone qu'elle n'avait pas ses clés. Clés qui reposaient sagement devant les yeux de son fils sur le meuble de l'entrée, placées là exprès pour ne pas les oublier.
Le père de famille étant en séminaire, Carla ne pouvait pas compter sur lui. Les deux adultes avaient l'habitude de rentrer ensemble et Samuel sauvait souvent la situation, sa femme était distraite la plupart du temps.
Une minute plus tard celle-ci poussa la porte de chez elle dans un soupir las. La journée avait été, semble-t-il, compliquée pour elle aussi et elle ne se priva pas de le dire. Tout y passa : collègue, stagiaires, chef. A l'entendre Gabriell pouvait presque croire qu'ils étaient responsables de tous ses malheurs.
A la fin de sa tirade sa mère remarqua la présence de Mailla. Un large sourire apparu sur son visage et elle s'empressa de prendre la jeune femme dans ses bras pour une longue accolade affectueuse avant de la relâcher.
-Je ne savais pas que tu venais Mailla.
-Gabriell ne vous l'a pas dit ?
-Il ne me dit plus rien tu sais.
-C'est faux.
-Enfin bref... Tu restes pour manger bien sûr !
-C'est si gentiment proposé.
Sans attendre Carla se débarrassa de son manteau et de ses chaussures avant d'ordonner à son unique enfant de l'aider à dresser la table. Gabriell la voyait rarement aussi enthousiasme, preuve qu'elle appréciait beaucoup Mailla, ce qui n'était pas pour déplaire à cette dernière, qui n'oubliait jamais de le taquiner en lui disant que des deux c'était elle que sa mère préférait.
La mère de famille pianota sur son téléphone en demandant aux deux jeunes qui la regardaient quelles pizzas ils voulaient commander. Sans surprise Gabriell choisit une Marguarita et son amie une Quatre Fromage agrémentée d'ananas.
Les deux Bourrains la regardèrent mi-dégoutés mi-amusés par les choix peu judicieux de la jeune femme. Gabriell ne comprendrait sûrement jamais comment Mailla pouvait se proclamer italienne et profaner ainsi la gastronomie de son pays de cœur.
Dès la fin de la prise de commande, Carla s'échoua sur le canapé devant la télé avant de l'allumer pour regarder les nouvelles qu'elle avait raté de la journée. Hadès prit la place à côté d'elle et s'allongea à une certaine distance de sécurité avant de ramener sa queue contre son visage et de s'endormir.
Les deux amis s'assirent eux aussi près de la télé. L'une s'installant dans le fauteuil en cuir artificiel noir déchiqueté par les griffes d'Hadès. L'autre entre sa mère et son chat, chat qui se rapprocha en ronronnant de son maître pour se blottir contre la chaleur de ce dernier.
Si quelqu'un qui ne les connaissait pas rentrait dans l'appartement à ce moment-là, il penserait à une famille recomposée. Sans se douter un seul instant que la jeune fille, qui se mouvait tout naturellement dans cet endroit, qui n'aurait pas dut lui sembler aussi familier, ne partageait aucun lien familial avec les deux personnes qui se trouvaient avec elle.
Aucune émission n'étant au goût de sa mère, Gabriell prit la télécommande avant qu'elle ne la casse et s'empressa de mettre Netflix. S'il y avait bien quelque chose qui pouvait contenter sa mère c'était cette plateforme et il misait tout sur celle-ci pour ne pas devoir retenir sa mère de se jeter sur la télé.
Cette dernière montait vite en pression dès que quelque chose n'allait pas dans son sens et après une journée de travail, être obligée de zapper une dizaine de chaînes à la suite car il n'y avait rien d'intéressant à la télé avait le don de la crisper.
Vingt minutes plus tard les pizzas arrivèrent et ils s'attablèrent tous les trois autour de la table de la cuisine après avoir éteint la télé. S'en suivit des exclamations de voix, des rigolades et des discussions à n'en plus finir. L'appartement était rempli de joie et de vie par une soirée qui aurait dû se passer bien différemment.
Après le repas Carla proposa à Mailla de rester dormir à la maison ce qu'elle accepta immédiatement. Elle ne ratait jamais une occasion de monopoliser la chambre de Gabriell. C'est ainsi qu'il se retrouva à genoux à vingt-trois heures trente, entrain de gonfler le matelas que sa mère lui avait forcé de ramener de la cave quelques minutes plus tôt, pendant que son amie contemplait le spectacle désastreux qu'il offrait, sans lui venir en aide.
Pompe à air à la main, il appuya plusieurs fois sur elle pour remplir le matelas d'air le plus rapidement possible. Sa tâche accomplie il referma le trou d'appel d'air avec l'aide du bouchon sous les acclamations de la jeune femme qui lui causait tant de peine.
Carla ouvrit la porte pour s'assurer que tout était sous contrôle, au cas où son fils aurait besoin de son aide. Voyant que tout allait bien, elle s'éclipsa après avoir déposé un baiser sur la joue de son enfant et laissa les deux jeunes tranquilles.
Gabriell poussa Mailla hors de son lit afin qu'elle s'installe sur l'édredon qui lui servirait de couchette pour la nuit. Sans même protester elle s'étala de tout son long sur son lit de fortune et se retourna sur son flanc gauche pour faire face à Gabriell.
-Heureuse de m'avoir rien que pour toi, à ta totale disposition ?
-Ta phrase porte à confusion.
-Pervers.
Gabriell souffla, la nuit promettait d'être longue. Depuis le temps qu'il côtoyait Mailla, il avait compris que plus elle était fatiguée, plus la quantité d'absurdités qu'elle arrivait à extraire de sa bouche augmentait. Et apparemment le processus avait commencé, et il était le mieux concerné pour savoir que si elle ne s'endormait pas dans l'heure, il était bon pour une nuit blanche remplit d'inepties plus inutiles les unes que les autres.
Mais la voir d'aussi bonne humeur était aussi son point faible. Il finissait toujours en pleurs, tordus de rire, face aux propos tout bonnement ridicule que tenait son amie. Elle ne se rendait parfois même pas compte des paroles qui sortaient de sa bouche et les débitait sans réfléchir, de façon totalement naturelle ; et ne comprenait pas les réactions que les gens autour d'elle dans ces moments-là avaient, et elle reprenait tout de suite la conversation comme si de rien n'était.
Néanmoins, il arrivait que leurs discussions prennent des tournures plus sérieuses. C'est ainsi que Gabriell savait quelle était la raison pour laquelle Mailla était obsédée par l'Italie. Qu'il lui avait fait la confession de son orientation sexuelle, qu'ils s'étaient dit chacun de leurs secrets. Sans exception.
C'est dans ses moments-là qu'il se rendait compte de l'importance qu'elle avait pour lui. Elle s'était fait une place dans son cœur à un moment de sa vie où tout ce qui le reliait aux autres résidaient dans des fils invisibles qu'il coupait avec une facilité déconcertante.
C'était ce qui les avait reliés au début puis elle avait attrapé ce fil pour le recouvrir de tout l'amour dont elle disposait. Cinq ans plus tard elle était encore là et les fils avaient disparu, laissant place à des liens indéfinissables qui ne risquaient pas de se briser.
Plongé dans ses souvenirs il ne vit pas arrivé le coussin que lui lança Mailla, avide d'attention. Grognant, il le lui rendit de la même manière et elle tomba en arrière dans un rire disgracieux mais communicatif.
Malgré le bruit tonitruant sa mère ne débarqua pas furibonde. Gabriell devina que soit elle dormait déjà, soit elle avait fait appel à ses fameuses boules-quies. Elle les avait achetés à l'époque où elle avait commencé à trouver le quartier trop bruyant pour ses oreilles et qui, toujours selon elle, l'empêchait de dormir. C'était une bonne nouvelle pour eux car cela voulait dire qu'ils pouvaient discuter jusqu'à tard dans la nuit.
Les minutes s'écoulant, la fatigue disparaissaient et les rires redoublaient. Cela faisait longtemps depuis la dernière fois que Mailla était restée la nuit chez lui et il avouait que cela lui avait manqué. Lui qui n'invitait presque jamais personne dans son appartement, selon Caroline cela coïncidait avec un signe d'amélioration ou « d'aller-mieux » comme elle le disait. Et il voulait y croire à son « d'aller-mieux ».
Le réveil annonça deux heures du matin au moment où Gabriell regarda son écran. Il était désormais pleinement réveillé et maudissait son amie pour sa journée de révisions du lendemain qu'il se voyait forcé d'abandonner.
A côté de lui Mailla piquait du nez de secondes en secondes alors qu'il sentait qu'il ne fermerait pas les yeux de la nuit. « Maudis soit cette garce. ». La jeune femme se releva pour ouvrir ses draps et s'y engouffrer par la suite tout en promettant qu'elle ne s'endormirait pas.
-Menteuse, souffla son ami.
Gabriell se leva pour éteindre la grande lumière et laisser sa lampe de chevet allumée, qui ne laissait passer qu'une faible lumière tamisée. Tout juste ce qu'il fallait pour que Mailla puisse dormir sans angoisse.
Il entendit un murmure qui ressemblait plus ou moins à un remerciement et sourit. L'éclairage de la chambre ne lui permettait pas de lire et il se rabattit sur son téléphone. Il se rapprocha de sa lampe pour bénéficier du maximum de lumière et ainsi éviter de s'abîmer inutilement les yeux.
Il n'avait pas beaucoup d'espoir quant au fait qu'un de ses amis soit encore debout à cette heure-ci car, quoi que les gens en disent, ils étaient tous sérieux, chacun à sa manière et après la soirée qu'ils avaient fait la veille les trois autres devaient encore tenter de rattraper leurs heures de sommeil. Sans surprise aucun point vert ne vint conforter Gabriell et il fut condamner à scroller, dénué de toute conviction, sur son fil d'actualité.
Pour passer le temps il ouvrit son onglet « Story » et prit une vidéo indistincte à cause de l'obscurité ambiante et mentionna son amie bien qu'on ne l'y voyait pas. Enfin postée il sortit de sa brève distraction et replongea dans ses « Pour vous » les passant une à une sans prendre la peine de les lire la plupart du temps.
Dix minutes passèrent jusqu'au moment où une notification le sortit de son activité monotone. Il priait tous les dieux existants, quels qu'ils soient, pour que ce fut une personne qui lançait une discussion. Alors, sans regarder qui cela pouvait-il être, il ouvrit le fil de la discussion et reconnu la photo de profil avant même de lire le message qui lui était destiné.
S'il y avait bien une personne à qui il ne s'attendait pas à voir debout à cette heure-ci c'était Ivanh. Pour lui son ami était soit déjà couché, soit à une soirée quelconque où il serait trop occupé à boire et s'amuser pour consulter son téléphone. Il avait répondu à sa précédente story :
« Toi aussi tu dors tjrs pas ? »
« Visiblement pas. »
Trop sec ?
« Je m'ennuie t'es dispo pour un appel ? »
« Mailla dort laisse-moi trouver mes écouteurs et . »
Dans le noir il lui fut compliqué de mettre la main sur les fils qu'il convoitait, ainsi lorsqu'il les trouva, il laissa échapper une petite exclamation de joie. Il allait pouvoir échapper à la morne nuit qui se profilait devant lui. Ivanh soit loué.
« C'est bon »
A peine envoyé Gabriell reçu la notification d'un appel vidéo auquel il répondit.
-Salut !
-Salut.
-Alors comme ça on invite ses amies à rester dormir chez lui, coquin va !
-Haha, très drôle. J'suis mort de rire.
Ivanh se trouvait aussi dans son lit, toute lumière allumée, à l'inverse de Gabriell qui se voyait à peine dans le retour vidéo qu'il avait de lui. Son correspondant était tout sourire, comme si cet appel avec lui était la meilleure chose au monde. De même que lui il ne présentait aucun signe de fatigue apparent sur son visage. Néanmoins Gabriell n'arrivait pas à se décider si c'était car il ne l'était pas ou seulement grâce à la luminosité excessive qui illuminait son visage.
-Alors pourquoi t'es toujours debout ?
-Mailla voulait faire une nuit blanche et elle m'a tenu éveillé et donc je n'arrive plus à dormir maintenant alors qu'elle se prélasse sur son matelas comme une bien heureuse. Cette garce.
-Tu t'es fait avoir comme un bleu.
Ils continuèrent à discuter jusqu'au moment où le plus jeune entendit la porte de sa chambre grincer. Cela faisait plusieurs semaines qu'elle aurait mérité un coup d'huile mais il faisait comme si de rien n'était. Ce grincement indiquait l'arrivée de l'opportuniste préféré de Gabriell. Celui-ci écrasa sans aucune gêne la jeune fille qui dormait au sol et sauta sur le lit avant de se mettre à frotter sa tête contre celle de son maître tout en ronronnant.
-Qu'est-ce que c'est ?
-T'arrives à le voir avec la lumière ?
-Ouais ouais, c'est ton chat ?
-Lui-même, Hadès, la fameuse cause du disfonctionnement de mon ordi.
-Trop mignon, il a l'air super gentil.
-T'aimes les chats ?
-Beaucoup ! Mais j'ai jamais eu l'occasion d'en prendre un.
-Si tu veux, passe à la maison un jour pour le voir.
-Vraiment ?
-Ouais, après je te garantis pas que tu le vois plus de cinq minutes, très peureux la bête.
-Pas de problème.
-Qui va venir ?
Gabriell tourna la tête vers la provenance du bruit. Mailla était réveillée et se frottait les yeux avec une moue fatiguée. Sans le vouloir il l'avait réveillé en faisant trop de bruit.
-Je t'ai réveillé ?
-Non c'est Hadès en m'écrasant la poitrine. Tu discutes avec qui ?
-Ivanh.
-Enlève tes écouteurs, j'arrive, faites-moi une place avec ton chat.
La jeune femme alluma la grande lumière et monta sur le lit et se colla à Gabriell pour rentrer dans le champ de vision de la caméra. Hadès se calla entre ses bras et s'endormit presque immédiatement.
-Alors comme ça tu veux rencontrer notre Hadès national.
-Tu votes contre peut-être.
-Il m'énerve lui, en plus regarde son visage resplendissant alors qu'on a des têtes à faire pâlir un vampire.
-La génétique ma chère.
-Hmm Hmm, je suis là aussi. Mailla on s'en sortait très bien avant que t'arrives toi là.
-Dis ça à ton chat.
Elle avait encore la voix pâteuse du réveil et s'efforçait de garder les yeux ouverts. Il voyait qu'elle faisait tout pour ne pas piquer du nez et rester en ligne avec les deux garçons.
-Si tu veux dormir couche toi et je raccroche.
-Non ça va continuez ça ne me dérange pas.
Comme d'habitude elle s'obstinait à dire le contraire de l'évidence mais Gabriell ne releva pas, il était trop tard pour se battre avec Mailla. Alors il continua de parler avec son ami en attendant qu'elle s'endorme, puis quand ce fut le cas, il dit au revoir à Ivanh et raccrocha puis éteignit toutes les lumières de la chambre sans bouger de son lit et s'assoupit avec la jeune femme contre lui.
Ce n'était pas la première fois que cela se produisait et c'était ce qui leur avait valu des remarques moqueuses sur leur amitié et l'ambiguïté qui en découlait pour les autres. Ils avaient vite arrêté après que Mailla leur ai balancé sa règle en fer durant un cours de français comme un autre. Elle avait regretté par la suite, et rougissait de honte lorsqu'on ressassait cette histoire, mais sur le coup ça lui avait semblé être la meilleure chose à faire, et ce n'était pas Gabriell qui lui dirait le contraire.
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