Chapitre 4







  Lorsque le cours se termina Gabriell expira, soulagé. D'habitude il ne voyait pas le temps passer. Pourtant les minutes s'étaient écoulées, lui semblait-il, si lentement qu'il avait failli s'endormir alors que leur professeur dictait la biographie complète d'Alfred de Musset.

  Ivanh l'avait sûrement remarqué et Gabriell sentit ses oreilles se réchauffer à cette idée. Faites que non... Il se tourna vers son voisin qui était occupé à ranger ses affaires tout en enregistrant les notes prises sur son ordinateur. Il dit alors la première chose qui lui vint à l'esprit.

  -J'aimerai bien avoir un ordi aussi...

Ivanh se tourna vers lui, surpris, puis sourit.

  -Moi, ce que j'aimerais bien, c'est ta faculté à réussir à suivre tes cours sans ordi. Tu n'en as pas ?

  -Il est en réparation, mon chat l'a mordu et a cassé l'écran et depuis bah... voilà quoi.

  -Mordu carrément !

  -Gentil chat hein ?

  Ivanh rit avant de se lever de son siège et d'inviter du regard Gabriell à en faire de même. Celui-ci s'empressa de s'exécuter pendant qu'Ivanh l'attendait en silence, le regard fixé sur lui, patient. Gabriell se releva et passa devant son ami, qui le suivit sans broncher. Le plus jeune avait encore deux heures devant lui avant son cours d'histoire, mais il ne connaissait pas l'emploi du temps d'Ivanh.

  -T'as quoi là ?

  -J'ai anglais dans une heure trente et toi ?

  -Histoire dans deux heures.

  -Histoire ?

  -Fallait bien prendre une option.

  Ivanh n'était pas le seul à se moquer de son choix. La plupart des personnes en licence de lettre prenaient une langue en discipline mineure. Les personnes qu'il côtoyaient en tout cas. Pas que son choix ait été fait par une quelconque affection envers cette matière, mais elle lui était bénéfique. Il était très mauvais en langue alors l'Histoire avait été une solution de facilité pour lui.

  Ils sortirent des corridors de l'établissement pour retrouver Mailla, et Ivanh continua de suivre le mouvement.

  -On va où ?

  -Retrouver Mailla.

  -Madame questions ?

  -Oui, elle, rit Gabriell.

  Ivanh soupira, peu convaincu, mais suivit quand même Gabriell à contre-cœur. Ce dernier l'entendit déglutir au moment où la jeune femme entra dans leur champ de vision ce qui le fit ricaner. Il a vraiment peur en plus ! Mailla commença à leur faire de grands signes avec ses bras et Gabriell entreprit de faire de même devant le regard faussement dépité d'Ivanh, qui abordait un rictus amusé.

  Gabriell devenait rapidement immature en compagnie de Mailla. Elle lui apportait des vents libérateurs et avec elle il se lâchait sans réfléchir et sans peur d'être jugé. Il s'assit tout contre son amie et s'affala de tout son poids sur elle, sans grâce.

  Elle geignit de mécontentement avant de se tourner, tout sourire vers Ivanh. Ayant miraculeusement oubliée toute douleur superflue. Son nouvel ami venait à peine de s'asseoir en face d'eux. Ça commence, se dit Gabriell, et au vu de l'expression dépitée qu'affichait le plus âgé il pensait la même chose. Et s'il avait bien cerné l'animal il savait que la discussion allait être longue.

  Mailla ne loupa aucune des questions qui lui traversaient l'esprit. Tout y passait et après l'amusement premier, les pensées toxiques de Gabriell refirent surface. Mailla plaisait ou ne plaisait pas. Il commença à se demander si Ivanh continuerait quand même à le fréquenter si cela signifiait voir son amie.

  Si elle le saoulait trop peut-être fuira-t-il. Personne ne l'avait fait, enfin il fallait dire qu'avant il ne s'intéressait pas aux autres, merde il aurait dû être plus vigilant ! Il s'apprêtait à stopper Mailla dans son élan quand il entendit des éclats de rire.

  Prostré dans sa bulle il n'avait pas entendu la suite des échanges entre eux deux et il fut déboussolé de constater qu'ils étaient rentrés dans un fou rire si sonore que plusieurs têtes se tournèrent dans leur direction.

  Incrédule Gabriell était quand même rassuré. Si Ivanh riait cela voulait dire qu'il ne l'ignorerait pas. Il aurait voulu en être sûr mais l'être humain était complexe, comme le leur rappelait Manon. Et Gabriell ne pouvait qu'approuver, ce qui animait sa peur au quotidien.

  Néanmoins, il sourit malgré lui. Voir Mailla heureuse le rendait tout autant heureux, c'était plus fort que lui. Il posa sa tête contre l'épaule de celle-ci et ferma les yeux, il ne dormait pas très bien ses derniers temps et l'extérieur du campus se vidait petit à petit, les étudiants se rendant à leurs cours de fin d'après-midi et l'ambiance était propice aux siestes inopportunes. Il eut juste le temps de sentir les doigts de Mailla dans ses cheveux avant de s'assoupir.

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  Gabriell grogna de mécontentement. Quelqu'un le secouait alors que son corps était encore emplit d'une torpeur qu'il aurait préféré ne pas quitter. Ce n'est qu'en entendant un ricanement qu'il ouvrit subitement les yeux et se redressa d'un coup. Mailla le regardait tout sourire et il s'essuya mécaniquement la bouche au cas où.

  -Non tu ne baves pas et non je ne t'ai rien dessiné sur la figure, pète un coup.

  Peu amené à rire Gabriell fit une grimace peu aimable avant de se lever. Il se frotta les yeux, « comme un bébé » lui répétait Mailla, et bailla à s'en décrocher la mâchoire. Son amie ricana en mettant sa main devant sa bouche pour faire mine de cacher son rire, et avant que Gabriell ne puisse réagir, elle passa son bras par-dessus ses épaules et l'entraîna à sa suite sans lui laisser le temps de protester.

  Elle lui expliqua qu'Ivanh avait dû partir pour retrouver quelqu'un mais qu'ils avaient bien rigoler ensemble et qu'elle l'acceptait dans la famille :

  -Mailla t'as pas à accepter ou non mes amis, je m'en fous de ton avis tu le sais.

  -Mon avis ne compte pas ? Ça me rappelle notre prof de philo de terminal, tu t'en rappelles ?

  -M.Jubon ? Le taré de service ? Bien sûr que je m'en rappelle on parle de lui à chaque Noël avec mes parents.

  -Non, plus sérieusement, il est cool, je l'aime bien il a de la répartie, je le prends comme gendre quand tu veux !

  -Ferme-la...

  -Quoi ! Il est mignon !

  -C'est aussi un ami je te rappelle ! Un simple pote. Je sais même pas si on peut encore appeler ça une amitié.

  -Tu sais c'est pas car Manon et Simon ont couché ensemble avant de sortir ensemble que tout le monde doit faire pareil qu'eux. Je vais t'apprendre un truc de ouf : souvent les couples sont formés par des amis, et pas par des plans cul. Tu y crois ça ?!

  -Désolé de devoir te décevoir mais Ivanh est et restera un ami. Je me vois vraiment pas sortir avec...

  -Bah moi si ! Dommage qu'il soit gay...

Gabriell s'étouffa avec sa salive. Pour une raison qu'il ignorait, il avait vu Ivanh comme un hétérosexuel dès le départ. N'imaginant pas qu'il puisse en être autrement.

  -Comment ça ?

  -Bah il m'a à peine regardé, et toujours dans les yeux qui plus est ! C'est un gros indice non ?

Le plus grand souffla, il aurait dû s'attendre à cette réponse. Evidemment, avec elle tout tournait autour de ça. Le sourire qu'elle lui offrit prouva que ce qu'elle disait n'avait pas la moindre véracité.

  -N'importe quoi... murmura-t-il.

  -Bon je dois te laisser j'ai cours dans dix minutes moi !

  Mailla partit en coup de vent, en levant le bras comme au revoir. Gabriell se retrouva seul au milieu de l'espace extérieur avec trente minutes devant lui avant le début de son cours d'histoire. Il comptait retrouver Elian mais ne l'aperçu nulle part. Au lieu d'attendre, tel un imbécile, au milieu d'une allée seul, il partit s'installer à une table de pique-nique en espérant que son ami arriverait vite.

  Sa prière ne fut pas exhaussée et se fut seul que Gabriell se dirigea vers l'amphithéâtre où se déroulait son cours, sans croiser personne de sa connaissance. Il alluma son téléphone pour vérifier ses mails dans l'espoir de voir un message de son professeur leur indiquant à lui et à ses camarades d'amphithéâtre qu'il serait absent cet après-midi-là, mais rien.

  Il tenta d'ouvrir la porte sans résultat et après avoir attendu plusieurs minutes, abandonna l'idée d'avoir un cours et se rendit à l'accueil de l'université en quête de réponse. Gabriell espérait que là-bas on lui donnerait des informations sur l'absence de son professeur, ou s'il y avait tout simplement eu un changement de salle.

  Il arriva à l'accueil et vit une vingtaine d'élèves qui semblaient attendre devant le bureau principal d'accueil. Gabriell s'approcha de la porte et toqua, il n'eut même pas le temps d'actionner la poignée qu'une exclamation retentit « Attendez dehors ! » suivit par des ricanements d'autres étudiants qui avaient sûrement subit le même sort.

  Il sentit une chaleur familière naître sur ses joues et des sueurs froides lui parcourir la nuque. Les ricanements s'étaient tus mais Gabriell restait figé, il se sentait vulnérable seul devant cette porte. Il se recula doucement avant de tourner le dos et de se rapprocher du mur.

  Il n'y avait plus aucune place assisse et comme la plupart des étudiants il dut se mettre par terre, un bras autour de son sac. Il ne craignait pas que les autres remarques son trouble. À part ses rougissements excessifs, son anxiété pouvait se voir comme de la simple gêne et personne ne s'en préoccupait.

  Sauf lui.

  Lui qui ressentait les tremblements, la respiration saccadée, les nausées, la peur et l'angoisse. Gabriell fit une rapide contemplation des jeunes autour de lui et retourna dans son monde. Il était sur le point de se reposer lorsqu'il sentit quelqu'un se tenir face à lui.

  Il fut surpris de constater qu'Ivanh se tenait devant lui, le sourire aux lèvres. Le plus jeune laissa tomber sa tête sur le côté, confus. Il ne s'attendait pas à voir Ivanh ici et son rougissement réapparut lorsqu'il se dit qu'il avait assisté à l'épisode de la porte et qu'il faisait probablement partie du groupe de ricanements. Gabriell se remit debout et questionna son ami du regard.

  -Ça fait trente minutes que j'attends de savoir pourquoi mon prof n'est pas là. Des potes sont déjà partis mais je préfère être sûr, au cas où.

  -Moi aussi.

  -En tout cas tu m'as bien fait rire tout à l'heure, ne t'inquiètes pas, j'ai été mangé à la même sauce.

  -Okay.

  Ivanh leva un sourcil, suspicieux, mais le plus jeune lui sourit légèrement, et malgré la tension visible chez Gabriell, il laissa tomber. Il fit tout de même mine de s'éloigner et Gabriell le suivit instinctivement.

  -On est mieux au calme non ?

  -Mouais, fit Gabriell, faussement neutre.

  Gabriell avait bien vu qu'Ivanh avait remarqué son léger trouble et même s'il avait dû prendre ça comme une petite angoisse il avait pris la peine de s'éloigner. Ils discutèrent plusieurs minutes de sujet banals et sans importance jusqu'à ce qu'Ivanh soit appelé par le bureau d'informations.

  Ce dernier, à la grande surprise de Gabriell, l'entraîna avec lui. Ils entrèrent ensemble et se retrouvèrent face à une femme, qui était à elle seule le cliché de la secrétaire. Elle portait un haut chignon tenu par un stylo, et d'où des mèches grises s'en échappaient. Sa chemise, tout aussi grise, était entourée d'un châle rose pourpre et elle appuyait bruyamment sur ses touches d'ordinateur. Elle leva les yeux vers les deux jeunes hommes et abaissa ses lunettes rondes sur son bout du nez.

  -C'est pour quoi ?

Ivanh parla en premier pour expliquer leur cas.

  -Deux secondes les enfants... Alors...  Pour le cours avec M.Hassou dans l'amphi quatre pour le cours d'histoire il n'a pas pu venir à cause... de la grève des trains... Et pour le cours d'anglais  amphithéâtre sept... avec... Mme.Joyet sa fille est malade... donc elle ne peut pas assurer ses cours aujourd'hui. C'est tout ?

  Les deux jeunes acquiescèrent et se retirèrent en masquant le fou rire qui les prenait. A peine sortit ils éclatèrent de rire sans pouvoir se retenir. Tout le couloir les fixait mais aucun des deux n'en tenaient compte et ils sortirent au dehors dans cet état de transe, pliés en deux.

  -T'as vu ? T'as vu comment elle parlait lentement !?

  -La ferme je peux plus m'arrêter maintenant !

   Ils se calmèrent comme ils le pouvaient et Gabriell pleurait presque de rire lorsqu'il réussit à se calmer. Ils évitèrent de se regarder par peur de repartir dans un rire incontrôlé mais chacun consulta l'heure sur son téléphone et en déduisirent qu'il était temps d'y aller.

  -Tu prends le métro, questionna Gabriell ?

  -Ouais, et toi ?

  -Yep.

  -Tu veux rentrer ensemble ?

  -Pourquoi pas !

  Le chemin jusqu'au métro fut ponctué de rires et d'anecdotes de la vie des deux jeunes hommes mais dès l'entrée dans le métro le plus jeune se tut. Gabriell n'aimait pas parler dans le métro, le surplus de bruit l'irritait et on ne s'entendait pas parler.

  Avec ses amis proches il n'hésitait pas à se rapprocher pour parler à leur oreille comme le matin-même avec Mailla, mais il ne pouvait décemment pas faire ça avec Ivanh. Celui-ci était juste à côté de lui mais il ne se sentait pas encore assez à l'aise avec lui pour se permettre quelque chose d'aussi intime. Ce qui n'était vraisemblablement pas le cas de ce dernier qui n'hésita pas à se baisser vers son oreille pour lui parler d'un sujet futile que Gabriell entendit à peine.

  Il ne fit qu'hocher la tête et Ivanh, comprenant qu'il y avait trop de bruit dans la rame de métro pour pouvoir discuter librement, abandonna l'idée. Gabriell regarda autour de lui, il lui arrivait de faire ça lorsqu'aucune discussion ne s'installait et qu'il restait silencieux. Depuis tout jeune il occupait son temps à ça, regarder son environnement alentour, les gens ou les paysages, qu'importe, et à voir comment tout ce petit monde réagissait aux aléas de la vie.

  Fixer, analyser, on aurait pu le prendre pour un pervers frénétique mais cela le passionnait. La conscience humaine était complexe et propre à chacun, et depuis qu'il avait conscience de ses propres troubles Gabriell prenait de plus en plus conscience de ceux qui habitaient les autres. Il n'était pas psychologue, loin de là mais certaines réactions l'amenaient à des réflexions profondes et il se permettait parfois de compatir envers ces personnes-là. Lui qui avait du mal avec les interactions humaines.

  -Bon je sors à la prochaine station, et toi ?

  -Dans cinq encore...

  -Okay, passe une bonne soirée, à voir si on se voit demain.

  -Au pire envoi-moi un message !

  -Yes je ferais ça.

  Gabriell regarda Ivanh sortir de la rame de métro sans un regard en arrière. Il était exténué et ne pensait plus qu'à son lit moelleux qu'il retrouverait bientôt. Trop épuisé il ferma les yeux.

ᾡᾡᾡ

  -Comment tu te sens ?

  -J'ai eu pire.

  -Donc pas très bien ?

  -Quelques crises à l'université qui me plombent un peu.

  -Tu en as parlé à tes parents ?

  -Non.

  Caroline, puisque c'est ainsi qu'elle lui avait demandé de l'appeler, lui lança un regard de reproche. Gabriell leva les yeux au ciel, elle était sa psychologue elle était la mieux qualifiée pour savoir qu'il ne pouvait pas parler de ça à ses parents.

  Elle souffla, elle le connaissait, mieux que quiconque, et savait qu'il ne changerait pas d'avis. Ils étaient tous comme ça, mais s'ils voulaient guérir, ou du moins aller mieux, la chose la plus importante était d'en parler. À quelqu'un d'autre. Elle n'était personne pour eux et même si aller voir quelqu'un de qualifié était déjà un grand pas vers le chemin de la guérison ce n'était pas que ça, ce n'était pas suffisant. Loin de là. Et ça Gabriell le savait aussi.

  -Depuis ton entrée à l'université as-tu essayé de faire de nouvelles connaissances ?

La grimace que fit Gabriell fut équivoque pour la psychologue.

  -Gabriell...

  -Attends ! Si si ! Je me suis fais un ami.

  -Très bien ! Tu progresses. Depuis combien de temps vous connaissez-vous ?

  -Depuis la rentrée mais on vient tout juste de se rapprocher. Il m'a déjà aidé pendant des crises.

  -Donc tu lui fais assez confiance pour lui parler de ça, c'est un bon point.

  -Non je ne lui ai rien dis. Il a deviné que je paniquais un peu mais il ne sait rien du tout.

  -Ce n'est pas un problème, tu pourras lui dire en temps voulu.

  -...

  -Gabriell, as-tu quoi que ce soit à me dire ?

Cette technique était la méthode de travail qu'utilisait Caroline sur lui. D'abord des questions/réponses puis elle le laissait lui parler à cœur ouvert. Elle, elle se taisait et ne faisait que noter dans son calepin les remarques nécessaires.

  -J'ai l'impression que c'est une erreur mon entrée à l'université. Je ne suis pas prêt. Au début ça allait mais maintenant les gens, les foules, même parler ça devient compliqué. Je fais de plus en plus de crises. J'essaye de me rapprocher de gens par-ci par-là mais dès qu'on passe l'étape de la connaissance et que je dois interagir par téléphone ou juste comme-ça j'angoisse. Pour Ivanh ça a été compliqué, maintenant ça va mais... J'y arrive pas. Je pensais que ça irait, genre vraiment, mais j'arrête pas de penser que tout le monde me remarque, me fixe, me pointe du doigt ou que sais-je encore et ça me fait paniquer. J'arrive à garder la face, à pas craquer en public comme avant mais j'ai l'impression de passer pour le garçon bizarre du bahut et même si tout le monde dit que c'est faux, que tout le monde m'aime bien je panique tout le temps. En cours ça va, même dans le métro, je ne fais pas de crise, c'est juste chiant tout le bruit et les corps qui se collent ça me dérange mais ça ne m'effraie pas mais quand quelqu'un me parle si l'échange dure, je commence à plus savoir quoi répondre je m'embrouille et à chaque fois j'ai l'impression de dire un truc qui va pas et je ressasse le moment pleins de fois. Comme au lycée. Je ne suis pas fait pour la vie en société. Pourtant j'aime sortir avec mes potes, aller en boîte, rencontrer des personnes que mes amis connaissent, mais seulement quand ils sont là, sinon quand je suis seul je suis incapable de faire ça. Je sais plus quoi faire...

  Caroline leva les yeux de son carnet, elle n'était pas étonnée des « révélations » de Gabriell, c'était prévisible. Durant les trois ans qu'il avait passé sans subir les aléas de l'école il avait pu souffler et reprendre confiance en lui. Mais désormais il était entré dans un nouvel environnement qu'il ne connaissait pas et le stress et l'angoisse étaient revenus en même temps que les souvenirs, inconsciemment sans doute.

  Ce qu'il ne savait pas, ou ne voyait pas, c'était qu'il allait mieux. Elle le connaissait depuis plusieurs années désormais et avait suivi son cas de près et le fait qu'il ne se rende pas compte de ses progrès l'irritait, comme pour chacun de ses patients.

  -Gabriell, tu as pris la meilleure option qui se présentait à toi et tu la prises au bon moment. Il était temps de retourner dans un lieu scolaire et c'est très bien, ton anxiété n'est le fruit que de vieux traumatismes et, comme je te l'ai déjà dit, ils ne partiront jamais totalement. Maintenant il faut que tu apprennes à vivre avec, à les surmonter pour qu'au lieu d'être un handicap elles ne soient qu'un caillou dans ton pied. Je suis là pour ça mais tu ne peux pas te reposer que sur moi. Tu fais de nets progrès et il faut que tu t'en rendes compte si tu veux t'en sortir, tu le fais déjà d'ailleurs et il faut continuer dans cette voie.

  Gabriell hocha la tête et après quelques minutes de discussion sortit de la pièce pour laisser le prochain patient rentrer. Il se sentait mitigé de cette séance. Pour une fois il avait réussi à poser des mots sur son mal-être mais il avait bien vu que la psychologue semblait dépasser par ces confessions. Elle était compétente, elle avait su le montrer bon nombre de fois, mais elle ne s'attendait pas à ce qu'il en dise autant. Ce n'était encore jamais arrivé et il y avait de quoi être déstabiliser

  Il était à peine quinze heure et Gabriell se rappela que Mailla avait organisé une sortie au cinéma mais vu l'heure ils avaient déjà dû commencer le film et il avait déjà décliner l'invitation. Il ne voulait pas s'incruster au risque de gêner. « Débile tu sais bien que tu ne me dérange jamais ! » lui aurait dit son amie faussement énervée. A cette pensée le jeune homme sourit mais l'odeur de soufre dégager dans le métro le fit disparaître pour laisser place à une mine dégoûtée.

  Le trajet jusqu'à son domicile se passa sans encombre, il ne fut pas surpris de constater que ses parents n'étaient pas là un samedi. Ils profitaient souvent du week-end pour sortir au restaurant, voire durant les deux jours consécutifs pour se faire des vacances improvisées. Ils n'avaient jamais pu faire ça avant sa majorité et désormais ils rattrapaient le temps perdu.

  Pour une fois Hadès vint l'accueillir à la porte, son chat détestait rester seul et attendait son retour toujours avec impatience. Gabriell prit le matou dans ses bras avant de lancer ses chaussures dans l'entrée en s'excusant auprès des voisins intérieurement.

  Il déposa ses affaires et puis, après un dernier câlin, Hadès, s'affala sur le canapé et alluma la télé, et après avoir vu le programme TV changea pour mettre Netflix. Pendant que la télévision chargeait il se releva pour remettre des croquettes à son chat et préparer son goûter. Il était de ce genre de personne qui pensait qu'il n'y avait pas d'âge pour prendre un goûter et s'était juré avec Mailla d'en prendre jusqu'à quatre-vingts ans s'il le fallait.

  Il lança une série au hasard avant de tremper son biscuit dans son bol de lait, se posant enfin dans le silence de l'appartement. Hadès vint sauter sur le canapé et se coucher aux côtés de son maître dans la chaleur du plaid que celui-ci avait placer sur ses jambes.

  Gabriell se sentait bien.

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