Chapitre 19
Même en se repassant le film en boucle dans sa tête, Gabriell ne comprenait toujours pas comment il en était arrivé là. Il avait sans doute du dire oui, quoi que cela ressemblait plutôt à un grognement de consentement. Un peu pris au dépourvu, il avait été incapable de prononcer un seul mot. Et il ne saurait se l'expliquer.
Ivanh n'avait pas semblé ressentir ça lorsqu'il l'avait invité chez lui quelques semaines auparavant. D'ami à ami. Seulement, à ses oreilles, tout résonnait différemment. D'un côté une légère appréhension se faisait sentir, de l'autre une excitation prenait place doucement mais surement. Il était heureux qu'Ivanh souhaite l'inviter chez lui et le laisse en découvrir un peu plus à propos de sa vie privée. Et surtout juste pour le plaisir de rester un petit peu plus longtemps avec lui.
Il s'était donc laissé guider jusqu'à arriver devant un splendide immeuble, stratégiquement positionné dans le quartier. Désormais, se trouvant dans l'entrée de son appartement, il n'osait faire un pas de plus.
A première vue, cela ressemblait à un endroit assez spacieux pour une seule personne mais il écarta très vite l'hypothèse d'une colocation puisqu'il n'y avait jamais fait allusion. Néanmoins, il ne pouvait pas avancer beaucoup d'hypothèse puisqu'il n'y avait pas grand-chose à voir du pas de la porte.
-Tu peux venir tu sais.
Pris sur le fait Gabriell déglutit, et osa enfin s'avancer. Ce qui le déconcerta au premier abord fut le manque de décoration. Tout ici était impersonnel et ne collait pas du tout à la personnalité d'Ivanh. Comme si rien ici ne lui appartenait vraiment. Comme si sa personnalité n'avait pas encore imprégné cet endroit, malgré tous ces mois écoulés.
Tellement concentré à enregistrer chaque information qu'il apercevait qu'il ne remarqua la disparition de son petit-ami que lorsqu'il fut arrivé jusqu'au salon. Pris d'un élan de courage il commença à s'avancer dans l'appartement, de cette façon il arriva devant ce qui s'apparentait à une chambre. La seule de l'appartement.
Cette pièce était aux antipodes des autres. Elle vivait sous ses yeux. Là où dans le salon les murs étaient nus, eux respiraient à peine. Deux bibliothèques massives faisaient face à un lit que Gabriell reconnu comme étant celui où son compagnon se trouvait lors de leur premier appel vidéo. Certains souvenirs lui revenant comme flashbacks.
-Ça va ?
La voix soudaine dans son dos le fit sursauter. Il ne l'avait pas entendu arriver et il se sentit prit en flagrant délit de voyeurisme.
-Oui. Je me disais juste que comparé aux autres pièces ta chambre était bien plus vivante.
-L'appartement appartenait à mes parents et je ne l'ai récupéré qu'en septembre. Je ne me rends pas encore compte qu'il m'appartient. Je n'ose pas toucher, ni changer.
-Tu as tout le temps de t'y faire. Prends ton temps.
Tout en parlant, Ivanh enlaça la taille de Gabriell et se baissa pour être à la hauteur de ses oreilles.
-J'ai envie de t'inviter au restaurant.
-Pourquoi ?
-J'ai besoin de raison ? Et puis on n'a jamais eu de rendez-vous.
-Et nos révisions ?
-Si tu penses vraiment que c'étaient de vrais rendez-vous alors sache que tu me fends le cœur. Ou alors c'est une excuse pour ne pas aller diner et profiter du lit.
Je rêve où il me mord l'oreille ?
-Le resto c'est très bien. Arrête de rire sale pervers !
Gabriell s'était avancé dans le couloir et le ricanement d'Ivanh le pourchassait encore. Il n'arrivait pas à se décider si ce genre de taquineries lui plaisaient ou pas. En attendant il sentait juste ses joues chauffer sans interruption. Néanmoins, cette idée de restaurant lui plaisait plutôt bien, de plus depuis les partiels ils n'avaient pas eu le temps de passer de longs moments ensembles.
-Par contre je paye ma part.
-C'est plus une invitation alors.
-Non négociable.
-Okay, c'est toi qui vois. Y'a un super resto à deux pâtés de maison.
-Nickel !
Gabriell, qui avait gardé son manteau, attendit sagement Ivanh devant la cage d'ascenseur. Dehors le temps s'était refroidit et les nuages se faisaient toujours plus monotones. Il n'était jamais venu dans ce coin de ville et il y découvrit une ambiance apaisante. Et à voir les mottes de terre disséminées un peu partout il n'eut aucun mal à s'imaginer le décor que cela devait donner au printemps. Les fleurs aux milles palettes de couleurs, les arbustes arborant fièrement leurs nouvelles plumes vertes. Tout serait alors animé de joie. Oui c'était un beau quartier.
-J'aime beaucoup ton quartier.
-Et attends de voir comment il est au printemps.
Gabriell sourit face au sous-entendu d'Ivanh. Evidemment qu'il avait hâte de le voir au printemps, et aux suivants aussi. Très vite ils arrivèrent au restaurant, et même sans avoir réservé au préalable une table se libéra pour eux. C'était un petit restaurant de quartier, décoré dans la totale simplicité, d'un style qui lui plaisait beaucoup.
-Tu fais du théâtre depuis quand ?
Gabriell détourna les yeux de son inspection pour les poser sur Ivanh.
-J'en faisais en primaire puis j'ai arrêté pour reprendre à la fin du collège. Tu en as fais toi ?
-Pas beaucoup, j'étais plus occupé par mes études que pour autre chose. Ça m'aurait plut d'en faire plus.
-Tu as décidé quand de devenir médecin ?
-Depuis toujours je crois, je voulais devenir cancérologue et mon père m'a encore plus encouragé à en faire ma spécialité.
-Ça t'est venu comme ça ?
-On peut dire que c'était le choix qui s'est présenté à moi de façon naturelle.
Le serveur arriva à ce moment précis et la discussion mourut avec cette entrée. Gabriell avait senti une certaine retenue lorsqu'Ivanh avait évoqué sa famille, et il préféra ne pas s'éterniser à ce propos. Il ne savait pas quelles tensions existaient entre lui et ses parents mais tant qu'Ivanh ne se sentait pas prêt de lui en parler c'était son droit et il ne ferait rien pour le bousculer dans sa démarche.
Une discussion plus légère s'installa entre eux et il se rendit compte que ces petites choses du quotidien le rendaient vraiment heureux. Il avait attendu, depuis jeune adolescent, envieux de ses amis, se demandant parfois même si l'amour était pour lui. Et enfin, après batailles et sanglots, il était là, devant lui, à sourire et à rire de leurs chamailleries.
Il était enfin là, et il pourrait en pleurer s'il ne lui restait pas un tant soit peu de dignité. Lui, qui s'était imaginé de nombreuses fois ce qu'il ressentirait lorsqu'il sortirait avec quelqu'un, était bien loin du torrent d'émotions contradictoires qu'il ressentait lorsqu'il posait ses yeux sur son compagnon.
Tout se déroulait pour le mieux entre eux. Pour l'instant. Il n'aurait pu espérer mieux. Le seul bémol était que ses parents n'étaient toujours pas au courant, pas qu'ils le prendraient mal, mais il n'avait jamais eu l'occasion de mettre le sujet sur la table.
Petit à petit le restaurant se vida et l'heure de déjeuner passa. La nuit tomberait bientôt et il était grand temps de rentrer. Gabriell ne savait pas s'il rentrait chez lui ou si Ivanh souhaitait qu'il reste encore un peu, voir même de le voir rester dormir chez lui. Après tout ils avaient cours ensembles dès la première heure le lendemain. Seulement il n'osait poser la question, de peur de s'imposer.
Au dehors le temps s'était énormément rafraichi et les lampadaires étaient déjà allumés et diffusaient une lumière vive qui accentuait les ombres des bancs et parterres de fleurs. Gabriell réfléchissait à la manière de poser sa question à Ivanh lorsqu'il sentit des gouttelettes glacées tombées sur ses joues d'une lenteur inhabituelle.
S'il avait cru que la température était plus que froide, ce n'était rien comparé à ce que subissait sa peau à leur toucher. C'était un toucher qu'il avait presque oublié et qui pourtant lui était tout autant familier.
-Il neige.
Gabriell sourit.
-Ca fait très cliché.
-Je sais.
-Mais j'aime bien.
-Moi aussi.
Gabriell ressentit alors une euphorie de collégien. Sans raison un rire monta dans sa gorge et explosa, de bonheur. Ce n'était que peu de neige comparée aux années précédentes, mais la partie où résidait encore son jeune enfant était resté intact.
Il retira ses gants pour cueillir entre ses paumes nues ces gouttes gelées. Le bout de ses doigts rougit à l'air libre, blessé de ce soudain changement de température, sans que Gabriell n'y prête la moindre attention. Très vite les flocons de neige fondus contre sa peau créèrent une petite flaque au creux de ses mains qu'il envoya en direction d'Ivanh qui le regardait faire depuis quelques minutes déjà.
Dans une tentative de riposte, l'ainé attrapa comme il le pouvait, à pleine poignée, le peu de neige qui avait réussi à s'agglutiner sur le muret en marbre. Il s'approcha, dos à son compagnon, qui était retourné vaquer à ses occupations, sublime innocence, pour plonger sa main glacée débordant de neige dans son dos. Le plus jeune glapit de douleur et de surprise tout en se débattant pour retirer les morceaux de poudre coincés dans son T-shirt. Il était tellement focalisé sur sa tâche qu'il ne prêta même pas attention aux rires d'Ivanh qui tentait mollement de l'aider.
Sans attendre plus longtemps, Gabriell prit en chasse son partenaire, attrapant dans sa main tout ce qu'il pouvait de neige. Seuls leurs cris résonnaient dans la petite rue. Tout était silence et plus la neige tombait plus leurs cœurs se réchauffaient d'une chaleur mutuelle. Les cheveux de Gabriell étaient recouverts d'une fine pellicule de neige qui ne souhaitait vraisemblablement pas fondre. Ses reflets blonds laissaient place à un spectacle d'un blanc envoutant.
La neige avait commencé à accrocher le béton mordant autour d'eux et leur course effrénée avait fini par prendre forme sous l'image de multiples pas. Ivanh avait réussi à rattraper Gabriell après que celui-ci l'ait fait atterrir dans une motte de neige.
Ce dernier ne rigolait plus de la situation, mais emprisonné dans les bras de son petit-ami un ricanement lui échappa lorsqu'il prit conscience que la scène, vue de l'extérieur, ressemblait à s'y méprendre à celle d'un mauvais téléfilm de Noël des samedis après-midi que sa mère ne manquait jamais de regarder.
Les températures négatives créaient de la buée à chaque expiration. L'enfant en lui s'extasia du spectacle, l'adulte qu'il était ne pensait qu'à la présence plus que proche de ce qu'il voulait le plus toucher de ses lèvres.
Mais à voir cette étrange buée ses pensées vagabondèrent seules à seules, loin en arrière, à une époque où ses yeux ne dépassaient pas le plan de table, et qu'il regardait sa mère fumer sur le balcon. Cette obsession le suivait encore aujourd'hui, bien qu'il n'ait jamais fumé, et que jamais il ne le ferait, il ne manquait pas d'accompagner Mailla lors de ses « pauses clopes » . Ils étaient les deux seuls à supporter la forte odeur de tabac. Il se trouvait aussi le seul à n'avoir jamais inciter Mailla à arrêter sa consommation, à quoi bon, ils y trouvaient tous les deux leurs comptes.
Cette pensée traversa son esprit une seconde à peine. Ivanh se baissa pour appuyer son front contre le sien, étrange retour à la réalité. Il avait été obligé de se pencher pour atteindre son but mais rien que de voir leur souffle se mélanger fit trembler Gabriell de la tête aux pieds. La rue était à eux, qu'importe les passants, qu'importe encore plus les voisins épiant curieusement leur étrange manège à travers des rideaux, mal dissimulés. Il pouvait, enfin, partager cet instant à ses côtés, avec lui, s'il n'avait vécu que pour une chose ça aurait été celle-là.
Désormais il ne vivrait que pour eux.
La scène sembla se dérouler au ralenti, les lèvres d'Ivanh s'approchant millimètre par millimètre. Et il était hors de question qu'il ne bouge d'un pouce. Il voulait juste regoûter à ce gout de miel qui ne faisait que de lui manquer dès qu'il en était éloigné.
Ses joues se teintèrent de rouge, et pas seulement à cause du froid. Heureusement pour lui son compagnon avait déjà fermé les yeux et ne verraient rien du spectacle. Enfait, il n'avait plus du tout froid, et si un non-baiser lui procurait déjà toutes ces sensations, il se concentrait pour ne pas penser aux prochaines étapes.
Ses frissons le blesseraient.
Ses battements de cœur l'achèveraient.
Tout ce qu'il espérait était de ne pas être le seul à ressentir tout ça
Le miel le submergea.
Leurs lèvres glacées refroidirent encore plus leurs visages mais cela ne sembla gêner ni l'un ni l'autre. Autour d'eux le ciel pleurait toujours de froid et malgré la chaleur de ses gants Gabriell tenta d'agripper la chaleur d'Ivanh pour s'en recouvrir totalement. Ce n'était pas un baiser passionnel mais il existait et tant qu'il le serait il mettrait tout en œuvre pour le rendre mémorable aux yeux de son petit-ami. Et encore aujourd'hui, après plusieurs semaines, se le dire lui paraissait irréel.
-Tu restes ce soir ?
Gabriell sourit, heureux d'être sur la même longueur d'onde que lui. Il fut alors pris d'un frisson. La neige qu'Ivanh avait enfoncé dans son dos commençait à faire effet, et il comprit que le lendemain serait compliqué.
-Tant que tu as de l'eau chaude. Je suis frigorifié.
-Promis j'en ai.
Désormais que Gabriell sentait le froid jusque dans ses os, il n'avait plus qu'une envie : retourner au chaud. D'autant plus que l'amas de neige avait attiré l'attention des enfants qui sortaient jouer sous la surveillance accrue de leurs parents. Il se concentra sur le son de ses pas dans la neige, un son qui lui plaisait depuis tout petit, et avec plaisir, il se rendit compte que plus ils s'éloignaient de la rue animée, plus seul ce bruit se faisait entendre. Loin des cris des enfants et des parents.
Bien trop bruyants.
La nuit était tombée le temps qu'ils rentrent. Gabriell grelottait sous son manteau et à peine ils passèrent la porte d'entrée qu'Ivanh s'empressa d'aller lui chercher serviettes et savons pour qu'il aille se réchauffer en vitesse.
Rien que sentir l'eau chaude parcourir son corps le fit frémir. Ses doigts congelés se remirent enfin en mouvement. Il aurait tout donné pour pouvoir rester sous le jet plus longtemps mais la présence d'Ivanh dans les pièces d'à côté le firent sortir plus rapidement qu'il ne l'escomptait.
Des vêtements de rechange trônaient sur une chaise à côté de la porte. Dans un coin de sa tête il nota le fait qu'il n'était pas vraiment entré à l'intérieur et l'en remercia pour ça. Il s'habilla et bien qu'ils ne fassent que cinq centimètres de différence, Gabriell nageait complètement dans ses vêtements, même si cela restait convenable. En quelque sorte.
Arrivé dans le salon, Ivanh était allongé sur le canapé en train de changer de chaine sans vraiment regarder ce qu'il se diffusait. Il avait les yeux mi-clos et même s'il n'était pas vingt-et-une heure Gabriell aurait pu parier sur les chances qu'il avait de s'endormir.
-Tu piques du nez ?
Trop endormi Ivanh réagit à peine malgré qu'il fût surprit de l'apparition inopinée de son compagnon.
-T'as fini ta douche ?
-Ouais, ça fait un bien fou !
-Je te crois.
Ivanh plia ses genoux pour permettre à Gabriell de s'installer.
-Tu regardes quoi ?
-Rien, je zappe un peu tout.
-Passe-moi ça alors, je vais nous trouver un truc.
Sans se faire prier Ivanh tendit son bras en direction de son petit-ami avant de se laisser tomber sur son coussin, plus aucune énergie ne parcourant son corps. La douche lui ayant fait du bien, Gabriell ne ressentait plus les effets de la fatigue et voir Ivanh dans cet état lui provoquait une certaine hilarité. Lui qui n'avait bu que deux pauvres cannettes de soda dans la journée se retrouvait dans un pire état qu'un ivrogne pour un peu de neige. Il lui en fallait visiblement peu.
-T'as Netflix ?
-Ouais.
Sans chercher une seconde de plus sur le canal de la télévision, il passa sur la plateforme de streaming en un rien de temps. Cependant malgré les centaines de propositions, il avait l'effroyable impression que le catalogue de propositions était implacablement vide. Ivanh restait silencieux, sans doute endormit. De ce fait Gabriell décida donc de choisir un documentaire comme Netflix en créait si bien.
C'était un péché mignon depuis longtemps. Une étrange obsession qu'il partageait avec sa mère et qu'elle lui avait transmis. Durant les premières minutes de la mini-série il ne prêta attention à rien d'autres qu'aux transitions d'images saccadées qui défilaient devant ses yeux. Il sursauta alors en sentant Ivanh se lever avant de se rallonger, la tête sur ses jambes et la tête tournée vers son ventre pour ne pas être dérangé par les flashs incessants de la télévision.
-Ca ne te dérange pas ?
-Non ne t'inquiètes pas, repose-toi.
Machinalement, comme une vieille habitude qui n'en avait jamais été une, il passa sa main dans les cheveux d'Ivanh, comme il aurait pu le faire pour Hadès ; et pour une fois il ne fut pas déstabilisé par cette soudaine proximité entre eux.
Le souffle de son compagnon le calmait et l'apaisait. Il respirait de plus en plus lentement à mesure que les minutes passaient et qu'il s'endormait. Servir de cousin ne le dérangeait pas le moins du monde, c'était même agréable d'avoir quelqu'un aussi proche de soi.
Captivé par les images qui défilaient, Gabriell ne vit pas les minutes défiler. A la moitié de sa série, il vérifia l'heure qui tournait, puis calcula les heures de sommeil qu'ils auraient, une vieille habitude. Il éteignit la télévision et secoua légèrement Ivanh.
Celui-ci souffla dans son sommeil, perturbé par ce soudain dérangement. Gabriell sourit face au comportement enfantin de son petit-ami. Après multiples tentatives son compagnon ouvrit enfin les yeux et à travers le voile humide qui recouvraient ses pupilles après un profond sommeil, porta un regard interrogateur, presque insulté de s'être fait réveiller.
-Il est tard, faut aller se coucher. Allez, lève-toi.
Ivanh hocha la tête, encore engourdi et bloqué entre sommeil et réveil. Il appuya sur ses coudes pour se relever et libérer Gabriell de son poids. Il était à la limite de l'état comateux et Gabriell le soutint le temps qu'il puisse se réveiller complètement. Ce dernier ne sachant pas de quel côté du lit il dormait habituellement commença à se poser de sérieuses questions. Refusant de changer une quelconque de ses habitudes.
-Tu dors de quel côté ?
-N'importe lequel... Quoi ?
Gabriell le dévisagea, abattu. Il secoua la tête, « laisse tomber ». Ce n'était plus l'heure de parler avec Ivanh. C'était à se demander si à cet instant il comprenait au moins un mot qu'il lui adressait. Il ne l'avait jamais vu dans cet état, mais après tout, ils sortaient tous de période d'examens et il subissait sans doute l'après coup, fatal à tous les étudiants. Lui vivait tout l'inverse. Il n'avait jamais été aussi fatigué que durant ces deux derniers mois et même si le rythme restait intense, il se portait mieux que jamais.
Ivanh s'affala sur le lit, la tête dans le matelas. Il n'était même pas allé se laver. Il s'était juste changé au plus vite pour ne pas attraper la mort avec ses vêtements trempés à cause de leur bataille de boules de neige improvisé.
Gabriell jeta un coup d'œil à la fenêtre et fut surprit de constater qu'il neigeait toujours. Vu la quantité qui tombait, il ne serait pas surpris d'apprendre que les cours du lendemain soient annulés. Cela ne le dérangeait pas outre mesure, il n'avait aucun TD ce jour-là et Ivanh non plus. Ni l'un ni l'autre ne rechignerait à une journée de pause, même si cela était synonyme de rattrapages de cours.
Gabriell s'allongea sur le lit à côté d'Ivanh, le plafond en ligne de mire. Le sommeil ne le guetterait pas avant plusieurs heures.
Maintenant il arrivait à le sentir, avec l'expérience. Il alla pour se lever afin d'éteindre la lumière pour ne pas déranger le sommeil de son compagnon lorsqu'il sentit que quelqu'un l'attrapait par la taille pour l'attirer vers un torse.
-Tu vas où ?
Les yeux fermé, Ivanh avait vraiment l'air de parler en dormant.
-Nulle part, juste éteindre la lumière.
-Non, reste.
-Il faut que j'aille éteindre. Je reviens.
Gabriell se dégagea avant qu'Ivanh ne l'en empêche. Mais la chaleur de son petit-ami lui manqua bien vite alors il s'empressa de retourner entre ses bras. Ce dernier soupira de contentement et Gabriell ne sut si cela était dû à la lumière ou à sa présence entre ses bras. Il préféra ne pas trop y penser, au risque de gâcher cet instant à cause de ce genre de pensée.
Le souffle d'Ivanh lui caressa es cheveux au fur et à mesure qu'il ralentissait alors que Gabriell gardait inexorablement les yeux ouverts. Le tissu du T-shirt qui lui faisait face lui chatouillait le nez et lui donnait envie d'éternuer mais d'un autre côté l'odeur d'Ivanh lui parvenait grâce à ça et pour cette simple raison il acceptait de subir ce léger désagrément.
-Ça va ?
-Mmmh ?
-Je te sens remuer le nez depuis tout à l'heure.
-Ah non, pour rien. Je croyais que tu dormais.
-J'y arrive pas.
-Pourtant tu m'avais l'air bien partit sur le canapé.
-Ouais mais la transition m'a retirée toute envie.
Gabriell savait de quoi il parlait pour en avoir lui-même fait l'expérience plusieurs fois.
-Tu veux que j'aille rallumer la lumière ?
-T'embêtes pas avec ça.
Il haussa les épaules.
-Il neige encore ?
-Oui. Ça ne m'étonnerait pas que demain les lignes soient fermées.
-Au moins si on ne va pas en cours tu n'auras pas à oublier ta trousse.
-Tu t'en souviens, demanda le plus jeune, gêné.
-Evidemment, c'est comme ça qu'on s'est rencontré.
Le plus jeune sourit. Evidemment que ça ne lui était jamais sorti de l'esprit, mais comme c'était un évènement anodin en apparence il aurait compris qu'Ivanh l'oubli. Puis, de toute façon si ce jour-là il s'était rappelé de prendre sa trousse avec lui, ils se seraient rencontrés d'une autre manière.
-Ce jour-là t'as été mon sauveur.
-Mais oui...
-Mon sauveteur des mers.
-Ca ne se dit pas.
-Mon maitre-nageur.
-Quoi ?
-Le groupe des baleines.
-Ferme-la...
Le dépit évident dans la voix de son petit-ami finit de l'achever et il ne put retenir plus longtemps le rire qui montait dans sa gorge. Il fut suivi rapidement par l'autre. Leur humour similaire leur permettait de passer des moments complices comme ça et Gabriell se sentait s'ouvrir de plus en plus.
Seulement, s'ils continuaient dans ce sens, ils étaient bons pour une nuit blanche, chose qui ne modifirait pas le quotidien de Gabriell, mais par égard pour son petit-ami, il s'obligea à se taire. On ne savait jamais, il restait des chances qu'ils soient obligés d'aller en cours le lendemain quand même ; et si lui acceptait d'être fatigué ce n'était pas forcément le cas d'Ivanh.
-Ça va ?
-Oui pourquoi ?
-Je sais pas, tu ne parles plus.
-Je te laisse dormir.
-J'en ai plus envie.
Gabriell sourit légèrement. Dans la pénombre, il ne pouvait discerner l'expression de son visage et c'était mieux comme ça. Ni l'un ni l'autre ne parlait mais Gabriell savait qu'Ivanh était toujours éveillé puisque son pouce formait des cercles dans son dos. Le nez plongé dans son torse, il humait son odeur et le sentait tout autour de lui.
Dans les habits qu'il portait et dans la bulle qui les entourait encore plus intensément. C'était se perdre dans ce qu'Ivanh était.
Rien que ça pour s'endormir et profiter de la nuit. Gabriell ne voyait quelle berceuse pouvait être plus efficace que la respiration de quelqu'un qu'on aime. S'il ne réfléchissait pas il s'endormirait dans les instants qui suivraient. Il espérait ne pas être le seul à ressentir les choses comme ça et que d'autres le comprenaient, de la même façon. Et pour une fois il ne voulut pas pleurer d'angoisses, mais bel et bien d'amour.
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