Chapitre 1







  À la suite de ce bref échange Gabriell préféra se concentrer sur leur professeure qui venait tout juste de commencer son cours, ne prêtant déjà plus attention à son voisin. Celui-ci en fit de même. L'heure de cours passa rapidement pour Gabriell qui buvait ses paroles et écrivait frénétiquement des notes sur son cahier. Il ne regrettait définitivement pas son choix d'avoir une licence de lettre. Après des années d'errance.

   Il se surprit même à soupirer lorsque la sonnerie retentit. Plus jeune il se souvenait sourire en entendant ce son distinctif, comme tous les autres. Gabriell finit de noter les dernières phrases qu'il avait retenu avant de reboucher le stylo et le surligneur et les tendre à son voisin.

  Son bras resta en suspension plusieurs secondes pour qu'Ivanh reprenne ses affaires, mais rien. Il se retourna et vit avec effroi son voisin passer les portes de l'amphithéâtre avant qu'il ne puisse l'interpeler. Gabriell rangea ses affaires à la hâte pour tenter de le rattraper, en vain. Il ne connaissait pas son emploi du temps et comprit rapidement qu'il allait devoir attendre le prochain cours de littérature pour pouvoir rendre ses affaires à Ivanh.

  Dépité il traîna des pieds jusqu'au banc en béton où Mailla bronzait les yeux fermés. Elle l'entendit arriver et entrouvrit ses paupières, un ricanement s'échappa de ses lèvres à la vue de la mine déconfite de son ami. Gabriell se laissa choir à côté d'elle et posa sa tête sur son épaule en soufflant.

  -Je suis un bandit.

  -Évidemment moussaillon.

  -Rien de plus qu'un voleur.

  -Pour sûr pirate.

  -Même pas capable de rendre ses affaires à son voisin.

  -Bon j'ai plus de répliques à la « Pirates des Caraïbes » alors explique, au lieu de geindre.

  Gabriell lui expliqua comment il avait oublié sa trousse et comment son voisin lui avait gentiment prêté un stylo et un surligneur et de quelle façon il avait oublié de les lui rendre à la fin de l'heure. Il fut étonnamment vexé lorsqu'il vit son amie rire à gorge déployée lorsqu'il eut achevé son histoire. Il ne trouvait pas ça des plus tordant et voulait à l'heure actuelle se retrouver six pieds sous terre.

  Comment allait-il pouvoir rendre ses affaires à l'étudiant après deux jours ? Tout en restant digne ? Non, c'était vraiment impossible.

  Gabriell se prit le visage entre les mains en retenant un énième soupire. Il était vraiment un imbécile de premier ordre. Il sentit que son amie lui tapotait tendrement le dos, il se tourna vers elle et Mailla lui sourit, compatissante.

  -Gab !

  Gabriell grogna. Il n'y avait qu'une seule personne pour l'appeler comme ça. Ou en tout cas pour l'oser. Bien décidé à lui montrer son mécontentement, il ignora superbement le jeune homme qui l'accostait. Si Elian voulait que Gabriell lui parle, il l'appellerait comme tout le monde.

  -Gab ! Répond lorsque que je t'appelle.

  -Je répondrais lorsque tu arrêteras de m'appeler comme ça.

  -Je trouve ce surnom très bien. De toute façon, quoi que tu dises, ça ne changera rien.

  Gabriell lui lança un regard agacé avant de tourner son attention sur ce qu'il se passait autour de lui et de ses amis. Les étudiants autour d'eux se pressaient pour arriver à leur cours de fin de matinée. Pendant que d'autres se prélassaient, tout comme lui, sur des bancs, profitant, le temps que cela durerait, des rayons du soleil de septembre.

  Il écoutait d'une oreille distraite la discussion de ses deux amis, peu intéressé par les aventures d'Elian que celui-ci déblatérait à tout va.  Cependant Gabriell remarqua que malgré les vas et viens de tout ce petit monde, l'ambiance universitaire était étrangement calme. La lueur du soleil qui l'engourdissait aidait peut-être, mais il s'en fichait. Il manqua de s'endormir si Mailla ne lui avait pas tapoté le bras.

  Il souffla de mécontentement et fronça les sourcils avant de taper le front de son amie à l'aveuglette. Elle glapit en simulant avoir eu mal et bouda presque immédiatement. « Elian dit que Manon et Simon vont bientôt arriver, ils viennent de finir leur cours d'arts graphique. » l'informa Mailla. Gabriell hocha la tête et ne guetta désormais que la venue de ses deux amis qui le sauveraient, il l'espérait, des propos barbants d'Elian qu'il ne supportait déjà plus. Et puis aussi pour leur raconter à eux aussi sa mésaventure de la matinée.

  Tout sourire à cette pensée, il agita son bras au-dessus de sa tête en voyant les retardataires apparaître derrière un groupe de jeunes adultes. Ils s'étaient vus le matin même mais ils avaient tous déjà des choses à se raconter, et Gabriell dû se répéter plusieurs fois afin que ses amis le comprennent alors qu'ils parlaient tous en même temps.

  Les éclats de rire et les boutades allaient bon train entre les cinq jeunes, tant et si bien que Gabriell ne remarqua même pas que le protagoniste de son anévrisme de la journée passait derrière lui en leur jetant un coup d'œil intrigué.

ᾡᾡᾡ

  La fin de journée fut marquée par les plaintes lugubres de cinq jeunes adultes s'étirant et baillant à s'en décrocher la mâchoire. L'histoire n'était pas la matière que Gabriell et Elian  le plus, bien qu'elle fasse partie de leur option facultative. Et finir par un de ces cours ne leur avait pas particulièrement plut, surtout aussi tard. D'autant plus qu'ils le partageaient, au grand dam de Gabriell qui avait rêvé pendant quatre-vingt-dix minutes de boule quies. Ou quoi que ce soit qui pourrait lui permettre d'arrêter d'entendre son ami parler.

  Mailla, Gabriell, Manon, Elian et Simon était désormais devant le portail, encore ouvert pour les cours du soir, se souhaitant une bonne fin de journée avant de se retrouver le lendemain.

  Gabriell quitta le petit groupe en premier, trop fatigué pour rester plus longtemps, surtout voulant éviter les heures de pointe dans le métro. Les quatre autres lui firent de grands signes avant qu'ils ne le perdent de vu.

  Il continua sa route jusqu'à rentrer sa clé dans la serrure de l'appartement familial et entendre les pas affolés de son chat courir se cacher sous un meuble. « Stupide matou. » se dit le jeune homme en appelant l'animal à l'aide de bruits de langue. « Même pas capable de reconnaître ses proprios... » se désespéra Gabriell.

  Le jeune adulte abandonna bien vite ses recherches et préféra se rendre dans la cuisine et s'ouvrir un paquet de céréales au chocolat, pour se vautrer devant la télévision en regardant son émission journalière préférée.

  Il s'obligea tout de même à se lever quelques dizaines de minutes plus tard pour commencer à rédiger certains devoirs que ses professeurs avaient eu l'audace de lui donner dès le premier jour. Il ricana en voyant son chat s'approcher en remuant la queue pour réclamer des croquettes.

  -Quel courage Hadès !

  L'animal miaula, réitérant sa demande de nourriture, tout en mordillant les mollets de son maître pour qu'il se dépêche. Celui-ci s'empressa de répondre aux attentes du félin avant de se diriger vers sa chambre, où son sac l'attendait, ainsi que les pages encore vierges qui seraient bientôt recouvertes d'encres.

  Il bûcha des heures avant d'entendre la serrure de la porte d'entrée s'actionner et que le brouhaha de la discussion, que ses parents entretenaient, lui parvienne. Gabriell ne s'était pas rendu compte des heures qui étaient passées et il n'avait pas préparer le repas du soir comme il était convenu de le faire.

  Se mordant la lèvre il sortit de sa chambre pour se rendre dans l'entrée, tout en baissant la tête tel un enfant prit sur le fait après avoir grignoté dans les bonbons que ses parents lui avaient interdit de manger.

  Les parents Bourrain s'étaient assis autour de la table et continuaient à discuter joyeusement autour d'un verre d'eau et ne prêtèrent même pas attention à leur fils lorsque celui-ci apparu sous le chambranle du couloir. Gabriell cru presque qu'il était sorti d'affaire lorsque sa mère, sans tourner la tête vers lui et tout en souriant à son père, lui dit :

  -Où est le repas Gabriell ?

Leur fils déglutit avant de répondre à sa mère.

  -Je faisais mes devoirs... Désolé ?

  - Tu fais bien, enfant ingrat va, même pas capable de faire un dîner digne de ce nom à ses parents éreintés par une dure journée de travail.

  -J'vous fait des pâtes ?

  -Rattrape-toi aux branches.

   Gabriell ricana face au rictus de sa mère et au sourire discret de son père. Il savait comment faire plaisir à ses parents et comment se faire pardonner auprès de sa mère. Il mit à chauffer l'eau dans la casserole et en attendant que celle-ci bout il s'assit avec ses parents qui lui demandèrent comment c'était déroulée sa journée. Le jeune homme pu de nouveau raconter l'anecdote du stylo et du surligneur volé à son camarade. Sa mère ricana pendant que son époux sermonnait son fils pour l'inattention constante dont il faisait preuve.

  Le jeune homme profitait du mieux qu'il le pouvait de ces moments, devenus trop rares, avec ses parents. Depuis quelques années leurs emplois du temps ne correspondaient plus. Lui avait travaillé quelques années dans une supérette et ses parents rentraient souvent lorsque lui se couchait.

  Mais cette année serait différente, il aurait plus de temps pour lui grâce à ses horaires de fac, qui, à sa grande surprise, lui étaient plus que clémentes et qui lui permettraient de se coucher plus tard et donc de profiter de ses deux parents. Ils prirent ensemble leur repas pour ensuite se souhaiter une bonne nuit en allant vaguer chacun à leurs occupations respectives.

ᾡᾡᾡ

  Gabriell était en retard. Il savait que manger avec Mailla durant la pause de midi serait une mauvaise idée, mais il n'avait pas eu le cœur de refuser la proposition de son amie. Celle-ci lui avait fait son regard de chien battu. Une technique qu'elle utilisait fréquemment depuis qu'elle avait découvert, il y a quelques années, que c'était le point faible de Gabriell.

  Résultat : il courait à en perdre haleine pour arriver à l'heure à son cours de littérature et réussir à s'asseoir à une place de choix pour bien suivre son cours. D'autant plus qu'il devait se mettre à côté de Ivanh pour lui rendre ses affaires, qu'il avait toujours en sa possession.

  Depuis deux jours il ressassait encore et encore les différents moyens d'aborder l'inconnu sans rougir de honte. Aucun résultat n'avait été probant et chaque scénario se finissait plus ou moins vite par des bégaiements extrêmement gênants.

  Au dernier tournant du couloir Gabriell jura contre son amie, qui devait d'ailleurs être en plein fou rire en l'imaginant courir dans la fac, en voyant la porte de sa salle de cours se fermer. Il n'eut pas le temps de freiner et il la percuta violemment.

  Au moins, se dit-il, il ne serait pas rouge de honte en parlant à Ivanh. Il l'était déjà en soutenant le regard moqueur de sa professeure qui le jaugeaient de toute sa hauteur. Fichus talons haut ! Gabriell n'osa pas chercher Ivanh du regard comme il avait voulu le faire car le voir se moquer de lui le rendrait encore plus rouge, et même s'il douta que cela arrive il ne voulait pas tenter le diable.

  La professeure lui indiqua d'aller s'asseoir au premier rang rapidement pour qu'enfin elle puisse commencer son cours. Gabriell s'exécuta sans broncher et alla s'installer le regard braqué sur le sol sous les ricanements encore présents de ses camarades, il sentait ses joues encore chaudes et certainement encore rouges.

  Ces ricanements résonnaient dans son crâne, presque jusqu'à lui donner la migraine. Pas maintenant. Le cours commença et il sortit ses affaires pour prendre des notes lorsqu'il vit les affaires d'Ivanh dans sa trousse. Il se rappela immédiatement le but de sa journée et chercha frénétiquement autour de lui dans l'espoir de l'apercevoir mais il fut obligé de se rendre à l'évidence : il n'était pas là. Déçu il se reconcentra sur le cours de sa professeure et après un temps qui lui parut interminable, ses préoccupations sortirent de sa tête.

ᾡᾡᾡ

  Le cours venait de s'achever et Gabriell rangeait ses affaires. Il soupira pour ne pas avoir réussi à rendre à Ivanh ce qui lui appartenait. Pourtant il avait cherché partout autour de lui pour vérifier s'il ne l'avait pas manqué mais, non, personne.

  Ce n'était pas grave, Gabriell essayait de se rassurer en se disant qu'il aurait encore cours de littérature dans la semaine, mais cela l'aurait rassuré de lui redonner ses affaires maintenant. Il savait que plus le temps passait plus il aurait de chance de perdre le stylo et le surligneur.

  En levant la tête il vit Manon et Mailla poser contre le mur à côté de la porte de l'amphithéâtre qui lui demandaient, avec des gestes des plus discrets, de se dépêcher. Pour toute réponse il leurs offrit son majeur et, faussement choquées, elles arborèrent des expressions outragées.

  -A qui tu « parles » ?

Gabriell sursauta, ne s'attendant pas à entendre quelqu'un aussi près de lui, et se retourna. Ivanh était là, affichant un petit rictus face à la surprise de son camarade.

  -Tu m'as fait peur !

  -J'ai vu ça. Donc ?

  -Manon et Mailla, les deux personnes à l'entrée.

  -Elles ont l'air marrantes.

  -je t'ai cherché toute l'heure de cours, t'étais pas là, comment ça se fait ?

  -Ah c'est pour ça que tu bougeais la tête dans tous les sens ? J'étais juste derrière toi c'est pour ça.

  -Ah...

  -Oui.

  -Ah ! faut que je te rende tes affaires. La dernière fois t'es partit comme un voleur et j'ai pas pu te les rendre.

Gabriell lui tendit ses affaires de classe.

  -Oh, comme tu n'avais pas ta trousse j'ai préféré te les laisser pour que tu n'es pas besoin de faire la manche à chaque cours.

Et stoppa son geste.

  -Quoi ?

  -Quoi quoi ?

  -Bah quoi ce que tu viens de dire.

  -Bah je t'ai laissé mes affaires. Y'a un problème ?

  -Non, pas du tout. C'est... gentil ?

  -Bon, je sais que tu viens de procurer le fou rire de tout un amphithéâtre en te fracassant contre la porte tout à l'heure, et que ça ne doit pas être super agréable. Mais de là à réagir comme ça pour des surligneur, finit-il par rire.

  -Premièrement : je ne me suis pas fracassé, mais légèrement cogneé...

  -Oh que si tu t'es fracassé.

  -Et deuxièmement : évidemment que c'est important des surligneurs !

  Ivanh contint un petit rire puis sans rien ajouter de plus lui fit un bref signe de la main et sortit de la classe. Gabriell en fit tout autant pour rejoindre ses deux amies qui l'attendaient toujours dehors. Elles ne lui posèrent aucune question comme il aurait pu s'y attendre. Cependant il savait qu'elles allaient fuser de toute part dans très peu de temps. Heureusement ses amies furent conciliantes avec lui et le laissèrent tranquille.

  Il put donc passer la fin de son après-midi, entre cours et pause, dans le calme. Néanmoins il sentait leurs regards remplis de questionnements qui le fixaient constamment en attente de réponse qu'il ne pourrait leur donner. Il n'avait strictement rien à leur dire. Comme à chaque fois, elles se faisaient des films. Pourtant il faudrait bien qu'elles mettent leur grain de sel à un moment ou un autre.

  Ce moment arriva en effet plus vite qu'il ne s'y attendait, car en fin de soirée, après avoir terminé son dernier cours, il vit au loin Manon et Mailla attendant sagement, adjectif qu'il n'utilisait que rarement pour les décrire, à côté des grilles d'entrée.

  -Et merde...

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