Chapitre XXVI
Elle a du mal à pardonner mais en même temps on ne peut pas lui en vouloir.
Il a du mal à la laisser tranquille, mais on ne peut pas lui en vouloir non plus.
Ils ont du mal à être séparés et ça c'est évident qu'on ne leur en veut pas.
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Bruna
"Nous devions nous aimer, c'était écrit là-haut. Les âmes sœurs finissent par se trouver quand elles savent s'attendre."
Théophile GAUTIER
Quatre semaines.
Plus précisément, vingt-quatre jours sans le voir, autant de nuits sans ses bras. J'ai l'impression de sombrer à chaque instant un peu plus profondément.
Il me manque.
Il me manque comme le sel manquerait à la mer, de manière évidente et indiscutable.
Mon cœur est scellé par un amour inaltérable pour lui, un sentiment si intuitif et personnel, presque éternel, d'une intensité telle qu'il me paraît exister depuis les origines de mon être. Comme si je n'avais jamais aimé que lui, comme si je l'avais reconnu comme étant mien.
Comment a-t-il pu prendre autant de place en si peu de temps ?
Comment en s'aimant si fort, a-t-on pu en arriver là ?
Toute la journée, je me suis demandée ce qu'il a bien pu faire comme aménagements. Le salon en palette est fini, entre temps, il m'a rajouté quelques plantes, un oranger, un kumquat me semble-t-il, on dirait qu'il a de nouvelles idées simplement pour continuer de venir deux fois par semaine.
Et moi, je n'arrive pas à l'oublier, d'autant plus qu'il m'inonde de messages quotidiennement.
Marc : Encore un réveil sans toi
Marc : Je sais que je t'ai dit de prendre ton temps, mais tu ne m'as pas interdit de t'envoyer des messages
De temps en temps, il laisse passer un jour ou deux et il recommence.
Marc : Bébé, je t'aime et tu me manques.
Marc : J'ai peur que tu ne me pardonnes jamais
Marc : Il t'a fallu 20 ans pour oublier un enculé que tu aimais moins que moi
Marc : Alors, j'ai peur
Et il arrive à me briser le cœur en encore plus de morceaux qu'il ne l'est déjà.
Marc : Je suis terrifié que mon odeur disparaisse et que m'oublies.
Ça n'arrivera jamais, mais je ne lui dis pas.
Marc : Terrifié qu'un autre homme entre dans ta vie et devienne celui que tu vois.
Il ne sait pas que c'est impossible, il est à la fois l'homme et l'amour de ma vie. À combien de personne, vous croyez que ce genre de chose arrive ? Personne ne le remplacera, je préfère mourir seule qu'avec un autre que lui.
Marc : Je ne laisserai pas tomber
Marc : Et je ne combattrai pas de manière loyale
Marc : Tu es à moi, comme je suis à toi
Marc : Aujourd'hui, j'ai marqué TON territoire, le monde entier sait à qui j'appartiens
Parfois, je ne comprends rien. Et tous ces mots que l'on n'a pas prononcés, tous ces doutes que l'on n'a pas effacés, toutes ces questions que l'on n'a pas posées. C'est ce manque de communication, cette complaisance au bonheur apparent qui nous a menés à ce désastre.
Marc : T'es tellement dans ma tête qu'il n'y a de place pour rien d'autre
Marc : Bébé, chaque parcelle de mon corps est imprégnée de toi
Marc : Chaque neurone de mon cerveau pense à toi
Marc : Chaque battement de mon cœur résonne pour toi
Et ça, ce n'est qu'un infime florilège sur les centaines de messages qu'il m'a envoyés. Malgré ses efforts, je tiens bon. Je n'ai répondu à aucun.
Je suis devant l'immeuble de l'association quand ma meilleure amie débarque essoufflée.
— Oh bordel, j'ai cru que tu étais déjà partie.
— Comme tu vois, je suis toujours là, par contre toi évite de crever sur le trottoir, ça fait mauvais genre. Ou tu vieillis ou faut bosser ton cardio ma biche.
— Ne te fais pas de bile pour mon cardio. Tu manges à la maison ce soir, on se fait des sushis ?
J'explose de rire.
— Jamais de la vie, je participe à vos soirées sushis, t'es malade.
— Arrête, ne sois pas con.
— Je déconne, je passe chez moi me changer et je vous rejoins.
— NON !!!
Qu'est-ce qu'elle a ? Elle est tarée ou quoi ?
— C'est quoi ton problème meuf ? Je n'en ai pas pour cent ans.
— Non, mais, on n'arrive plus à être seules toutes les deux, alors comme Ben est encore au taf, je voulais profiter un peu de toi avant, c'est tout.
— Ok, c'est bon, on y va, pas la peine de te mettre dans cet état.
Je prends conscience de la supercherie dès notre arrivée chez elle. Ben est occupé à vider le lave-vaisselle. Elle va à sa rencontre pour l'embrasser, insensible à l'idée qu'elle vient de me mentir pour m'éviter de rentrer chez-moi. En plus de vingt ans, ce n'était jamais arrivé. Elle et moi, on est une équipe, on ne fait rien qui pourrait porter préjudice à l'autre.
C'est quoi ce bordel ?
— Ragnar.
— Princesse, Jolie Bruna.
— Salut Ben. Mais dis-moi, tu n'es pas au travail à cette heure-ci ?
— Non, on ne bossait pas cet après-midi.
— Kaï, tu te fous de ma gueule ? Si c'est un plan foireux et que Marc est là, je me casse direct et ne viens plus jamais me parler.
— Mais non, je te jure, j'avais zappé, c'est tout. Putain, t'es toujours sur les nerfs en ce moment, c'est dingue. Bon pose tes affaires, je vais me changer, j'arrive.
— Tu veux un coup de main ?
— Casse pas les couilles Ragnar et sers à boire à ma copine.
— Bien sûr ma douceur.
Il me regarde mort de rire.
— Elle est d'une telle tendresse.
— Vous êtes tordus tous les deux.
— Je sais. Vite fait, tant qu'elle n'est pas là. Comme tu le sais, la semaine prochaine, c'est son anniversaire. Je ne lui ai pas dit, mais je fais venir tous les gens qu'elle aime. Je lui ai fait un cadeau de fou, mais je ne veux pas qu'elle soit au courant de quoi que ce soit. Le problème, je ne te cache rien, c'est pire qu'un agent du FBI, elle va fouiller partout, me surveiller comme l'huile sur le feu. La seule personne au monde capable de la détourner de moi, c'est toi. J'ai besoin que tu la tiennes occupée toute la journée de samedi, qu'elle ne s'approche pas de la maison, aussi ton ex-mari doit avoir le temps de faire l'aller-retour pour récupérer vos enfants. Je t'en supplie, il n'y a que toi qui puisse faire ça
— Aucun problème, je ferai tout ce que tu me demanderas.
— Pardonne à Marc.
— Ne pousse pas le bouchon trop loin le viking.
— Qui ne tente rien n'a rien.
— Bon, au lieu de dire des conneries, tu veux que je la ramène vers quelle heure ?
— Pas avant 17 h, au pire, je te tiens informée dans la journée.
— Ouais, c'est bon, je vais réserver une journée complète au SPA, massage, manucure, repas du midi, la totale, au moins on en a pour la journée.
— Super. Tu veux ma carte
— Absolument pas. C'est le vingt et unième siècle, les femmes arrivent à se payer des choses, tu sais.
— Merci Elisabeth Badinter, baisse les armes.
Ce mec à une facilité à me faire rire, c'est incroyable.
— En revanche, Marc sera là. Tu penses que tu peux gérer ça ?
— Bien sûr que oui, on est des adultes et puis ce n'est pas comme si on ne s'était pas fréquentés avant, sans être ensemble.
— Ouais si tu le dis, bon occupe-la pour qu'elle ne se doute de rien.
— Ok c'est bon et sinon comment ça se fait que tu n'aies pas travaillé aujourd'hui ?
Je ne m'interroge pas réellement sur ses activités, mon réel intérêt réside dans les faits et gestes de Marc.
— En ce moment, on est sur un chantier de la plus haute importance qui occupe tous nos mardis et vendredis, donc dès qu'on le peut, on lève le pied.
Il me dit ça de manière à me faire comprendre que c'est de ma terrasse dont il parle. Néanmoins, l'unique conclusion que je tire de sa présence, c'est l'assurance que Marc ne se trouve pas chez moi à l'instant T.
Alors qu'il aborde la quatrième semaine, il est fort probable qu'il commence à se lasser, d'autant plus que je ne montre aucune volonté à me rapprocher de lui. Je n'ai répondu à aucun de ses messages, je ne fais aucun pas dans sa direction, je le laisse, en quelque sorte, croire que tout m'indiffère.
Pendant que tu pleures, lui vit sa vie tranquille. Avec toutes les filles qui lui courent après, si tu crois qu'il va t'attendre B, c'est que tu es encore plus naïve qu'avant.
T'as pas une autre vie que la sienne à gâcher ? Lâche-la un peu.
Vers 20 h, je me rends compte qu'il ne m'a pas envoyé de message ce soir, je regarde toutes les cinq minutes mon téléphone, toujours rien. Aucun problème de réseaux, ni de batterie, cela ne peut vouloir dire qu'une seule chose.
Il a renoncé.
J'ai un instant de panique parce que je prends conscience qu'il en a certainement marre d'attendre un signe de ma part. Je suis dégoûtée, ce message était la preuve incontestable qu'il pensait encore à moi, il n'avait raté aucun des vingt-quatre soirs précédents.
Mon cerveau tourne à plein régime, j'imagine des dizaines de scénarios dont aucun n'a de fin heureuse. C'est Ben qui me sort de mes pensées.
— Sans déconner Bruna. Ça va durer encore longtemps ? Vous faites vraiment chier tous les deux.
— RAGNAR ! Combien de fois, il faut que je te le répète ? Tu es beaucoup plus sympa quand tu fermes ta bouche.
— Mais sérieux, ne dis pas le contraire. Comment ils peuvent s'aimer autant et ne pas être ensemble ? Ils se font du mal pour rien, c'est débile.
— Ce ne sont pas tes histoires. On a dit qu'on ne se mêlerait de rien.
— Ouais, eh bien, j'y arrive plus, Marc, c'est comme mon frère. Il est malheureux, alors oui, il a fait une connerie monumentale, mais putain, si tu savais à quel point il t'aime Bruna, tu serais déjà chez lui à l'heure qu'il est.
— Ben, c'est compliqué, je l'ai déjà vécu et je m'étais jurée que personne ne me ferait me sentir aussi merdique.
— Biche, tu n'as pas besoin de te justifier, tu fais comme tu veux.
— C'est évident qu'elle fait comme elle veut, ce n'est pas ce que je dis. Mais à quoi ça sert que vous soyez malheureux tous les deux ?
— Ça sert à ce que je ne le sois pas seule. Kaya, j'y vais, je suis KO. Ne vous disputez pas pour ça, vous n'avez pas à être ballotés entre nous et ton mec a raison, c'est idiot d'agir comme ça, mais pour une fois dans ma vie, j'ai envie d'être conne.
Je ne sais pas pourquoi je pleure en continu sur le chemin du retour, si c'est pour ce que Ben a dit, pour la chanson qui passe dans la voiture ou pour le texto que je n'ai pas reçu.
Je me stoppe sur le bas-côté, incapable de conduire tellement mes pleurs obstruent ma vision. Le visage baigné de larmes, calé sur l'appui-tête de mon véhicule, je ne peux arrêter la crise qui se profile.
Pourquoi j'ai si mal ? Pourquoi c'est si dur ?
Parce que tu fais confiance à n'importe qui.
Non rien ne va plus depuis que tu es revenue
Ne dis pas n'importe quoi, j'ai toujours été là.
Ouais tapie dans l'ombre telle la vermine que tu es.
Mais ce n'est pas possible, je suis à deux doigts de trouer mon crâne avec une perceuse pour que ce parasite de malheur dégage définitivement.
Léo a fait de si importants dégâts dans mon subconscient que j'en paie encore les frais un quart de siècle plus tard.
J'aurais dû laisser Marc l'étrangler et je me serais fait un plaisir de creuser moi-même le trou dans lequel je l'aurais laissé pourrir.
Je mets plusieurs dizaines de minutes, peut-être même une heure pour me calmer et je reprends la route.
Je suis inconsolable jusqu'à chez moi et je suis encore plus idiote que ce que je pensais à réactualiser mes messages toutes les trente secondes.
Il me manque tellement.
J'ouvre la porte de mon appartement avec rage, elle claque contre le mur, je jette mon sac au sol et hurle en la refermant.
— FAIT CHIER, MERDE
C'est dans ces moments-là que je casserais tout dans ma baraque, ou que je fumerais un paquet de clopes en entier. Je me jette sur mon canapé et une fois calée, je me rends compte que ma terrasse est éclairée. Putain, j'ai encore oublié la lumière ce matin. Je m'approche de la baie vitrée et y découvre la réalisation du jour. La pergola est terminée, une guirlande y est accrochée et en marche, d'où la lumière, un petit jacuzzi est installé dessous.
Je n'en peux plus de lui, de ces ascenseurs émotionnels permanents. Je suis fatiguée de mon cerveau, des angoisses qu'il m'impose.
Je sors, c'est magnifique, comme tout ce qu'il fait depuis des semaines. Il donne sans rien attendre en retour, j'ai l'impression d'être un monstre avec lui et il encaisse tout.
Lentement, je me rapproche et remarque que le moteur tourne déjà, une mélodie mécanique s'échappe doucement sur la surface et le zinnia du jour attire mon attention sur un bout de papier.
"Tu ne peux pas t'en servir aujourd'hui, il faut laisser l'eau chauffer
Je t'ai aimée, je t'aime et t'aimerai TOUTE ma vie"
Moi aussi, je l'aime, mais je n'arrive pas à y retourner, c'est encore trop tôt, je me connais, je continuerais de lui en vouloir et à la première occasion, je lui rappellerais que "je suis la voisine". Quel intérêt ? Je vais lui gâcher la vie, je vais nous gâcher la vie.
J'ai besoin d'avoir un déclic, un moment, un geste, un souvenir qui fasse que plus rien d'autre qu'être avec lui n'ait d'importance.
J'embrasse cette preuve irréfutable que l'amour qu'il a pour moi vit encore, après l'avoir portée à mon nez, il y a des habitudes qui ne changent pas.
Lui dire merci m'est nécessaire, je ne veux pas qu'il pense que tout ce qu'il fait n'a pas d'importance pour moi. Il m'a blessée, mais il ne mérite pas tout ce que moi, je lui inflige. Je prends mon téléphone et hésite un long moment avant de taper.
Bruna : Merci pour tout. Je t'aime, vraiment, et je suis désolée parce que j'ai besoin d'un peu de temps encore, d'effacer les rancœurs, il faut que je te refasse confiance. J'ai besoin de sérénité pour te retrouver.
Sa réponse est immédiate.
Marc : Peu importe le temps qu'il te faudra, je t'attendrai, TOUJOURS. Je t'aime aussi Bébé.
S'ensuit un court échange. Parce que j'ai un moment de faiblesse, un moment de doute. J'ai besoin d'être rassurée, besoin de savoir qu'il m'aime toujours, besoin de savoir qu'il m'attendra, quoiqu'il arrive.
Bruna : Je suis désolée, mais ça fait encore tellement mal, je n'arrive pas à gérer et le fait que tu sois en permanence là malgré ton absence ça me tue
Marc : Tu ne peux pas me reprocher de faire mon maximum pour te faire comprendre que je t'aime comme un fou et que je suis désolé
Bruna : Mais je le sais tout ça
Bruna : Ce n'est même plus ça le problème
Bruna : C'est dans ma tête
Bruna : On est deux là-dedans et je n'arrive pas à me débarrasser d'elle pour du bon
Marc : Bébé, moi je vous prends toutes les deux. Pour moi ce n'est pas un problème
Marc : Je préfère ça à ne pas t'avoir du tout
Bruna : Pour moi c'en est un
Bruna : Ça fait trop longtemps qu'elle me pourrit la vie et tant qu'elle sera là, je ne serai pas heureuse et tu mérites mieux que ça
Marc : Je ne mérite rien de mieux que toi. Bruna, je t'aime sans condition et je t'aime avec tout ce qui te compose
Marc : Avec ta folie, tes délires meurtriers, tes complexes, tes crises de rire et tes larmes. J'aime chaque parcelle de toi, même cette petite voix que tu détestes tant, parce que sans elle, tu ne serais pas TOI
Bruna : Je t'aime aussi, mais laisse-moi encore du temps, s'il te plait
Marc : Bébé, prends tout le temps qu'il te faut, ça fait 25 ans que je t'attends. Je pourrais le faire tout le reste de ma vie si ça m'assure que tu reviennes
Je mets fin à cette conversation pour me coucher et m'endors plus apaisée que ces derniers jours.
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Je sais ça vous brise le coeur, mais dans la vie on n'a rien sans rien.
Après faut avouer qu'il est fort.
Et pour les fans de Ben, encore un peu de patience, il est bientôt de retour 😜
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