Chapitre XI

Marc


"Je t'aime comme l'on aime certaines choses obscures, de façon secrète, entre l'ombre et l'âme."

Pablo NERUDA


Quand j'ouvre, une tornade blonde rentre en trombe, la même tornade qu'il y a quelques années à la fac.

— Salut, moi, c'est Kaya, dit-elle en se retournant vers moi, merde, c'est vrai que t'es canon.

Je reste surpris de son franc-parler et je comprends pourquoi elles sont si amies. Ce sont les deux mêmes, à l'intérieur, parce que physiquement, il n'y a pas plus différentes. Kaya est exactement comme Bruna me l'a décrite, la réplique parfaite de toutes mes ex.

— C'est pour cette belle gueule qu'elle passe tout son temps libre avec toi ? Je ferai pareil, surtout avec tout ce que tu lui....

— Kaya, ferme ta grande bouche ou tu passes par la fenêtre, la stoppe-t-elle dans ses révélations.

— Non laisse-la finir, ça devenait intéressant.

— J'avais fini. Dis-moi ma biche, ça va la vie pour toi, je comprends mieux ta mine resplendissante de ces derniers jours.

— Kaya un café ?

— Oui, merci.

— Bébé, t'en veux un aussi ?

— Oui, s'il te plaît.

— Installez-vous sur le canapé, j'arrive.

Je m'échappe à la cuisine préparer leurs boissons, je m'en fais un aussi, ça me parait indispensable pour affronter ce qui arrive. Je tends l'oreille, j'ai un peu honte, mais j'espionne leur conversation, afin de savoir à quoi m'en tenir. Elles chuchotent, mais je ne perds pas une miette de leur échange.

— Ça me fait peur, je te jure, vous allez vite. Tu as été mariée vingt ans, tu as fait ceinture trois ans et, au lieu de t'amuser, tu replonges direct dans un truc sérieux.

— Je sais, mais je ne suis pas comme toi moi, j'ai besoin de stabilité, de sécurité, j'ai besoin d'aimer et de me sentir aimer.

Je vais l'aimer comme personne ne l'a jamais aimée, je vais l'aimer si fort qu'elle ne pourra plus jamais en douter.

— Je suis au courant pour tout ça. Mais si tu t'emballais pour rien ? Je n'ai pas envie de te récupérer complètement brisée.

— Je ne serais pas brisée, comme tu dis, je te le promets. Mais j'ai envie de me laisser entraîner dans son tourbillon. Je ne m'attends à rien, comme ça je ne serai pas déçue, je le laisse imposer le rythme et... Quand il en aura marre et bien, ce sera comme ça, c'est la vie et je m'en remettrai.

J'ai envie de lui hurler qu'elle est folle, que je n'en aurai jamais marre d'elle, que je ne la quitterai jamais, je n'ai pas galéré presque vingt-cinq ans de ma vie pour tout foutre en l'air maintenant.

— Tu dis ça, mais si ça arrive...

— Et si ça n'arrivait pas, c'est toi qui m'as dit que s'il allait aussi vite, c'était que, peut-être, il avait eu un coup de cœur pour moi, tu vas me reprocher de t'avoir écoutée. Je sais que tu te fais du souci, mais il n'est pas comme Léo, personne n'est comme ce connard.

C'est qui ce Léo ? Son ex-mari s'appelle Greg, elle n'a eu personne après, donc c'est forcément avant. Je suppose que cela n'a pas dû bien se passer entre eux, vu la réaction de Kaya et une intuition chuchote au creux de mon oreille qu'il est à l'origine des doutes de Bruna à notre sujet.

— Non, tu as raison, de toute façon s'il te fait du mal, je sais déjà où cacher son corps.

— Au fond du Lac Sainte-Croix ?

— Trop de risques qu'on le retrouve. Il y a trop de monde l'été. J'ai une meilleure idée.

— Balance.

— On creuse un trou très profond, on le jette dedans, on le recouvre de terre, mais pas entièrement, on met le cadavre d'un chien par-dessus...

— Oh non, le pauvre.

Alors, moi, on me tue ce n'est pas grave, mais le chien, c'est « Oh non, le pauvre », cette femme aura ma peau.

— Laisse-moi finir. Je disais donc, un chien, on recouvre encore de terre, on plante un arbre. Quand les flics viendront avec le chien, il va sentir la dépouille, ils vont creuser et Bam, ils tomberont sur le petit toutou. Ni vu ni connu, je t'embrouille.

Et elles éclatent de rire. Elles viennent, en deux minutes, de mettre au point, à la fois, l'organisation de mon assassinat et la dissimulation de mon corps et la seule chose que ça leur inspire, c'est d'exploser de rire.

Elles sont barjots.

— Arrête. Il est trop beau pour qu'on le tue.

Ouf, me voilà sauvé.

— Je disais ça au cas où.

— Je sais. Moi aussi, je t'aime, ne t'inquiète pas autant, pour moi.

Elles me foutent un doute. Est-ce que je risque ma vie ? Je devrais peut-être coucher encore plus avec elle, histoire del'épuiser.

Non, blague à part, ses histoires de tueurs en série lui montent à la tête.

Je fais irruption bruyamment afin qu'elles ne se sentent pas gênées.

— Tenez les filles.

— Merci, tu es la perle rare dis-moi.

— Je ne suis pas sûre de ça, il m'avait promis un petit déjeuner de folie et, en fin de compte, je n'ai eu qu'un café, se plaint ma brune.

— Tu es certaine de n'avoir eu qu'un café ? Si tu veux, on peut s'isoler un moment pour que je te rafraîchisse la mémoire.

— Heu, vous êtes gentils, mais je suis là. Donc si on descendait tous les deux à la boulangerie nous chercher de quoi sustenter cette goinfre. Viens Marc, on en profitera pour avoir une discussion toi et moi.

— Kaya, ne commence pas.

— C'est bon, je peux gérer, enfin, j'espère, me justifié-je.

— Tu vois comme il est naïf. Allez viens tombeur.

Je dépose un baiser léger sur les lèvres de ma brune et sors de mon appartement avec sa blonde. Je me prépare psychologiquement à être cuisiné, mais s'il n'y a que ça pour la faire changer d'avis à mon sujet, je veux bien faire cet effort et en toute honnêteté, une alliée ne me serait pas de trop.

Elle attaque direct à la fermeture des portes de l'ascenseur.

— Alors ! Marc, c'est ça ? Tu comptes vivre un truc sérieux avec ma copine, ou tu as juste l'intention de te vider les couilles dix fois par jour ?

J'explose d'un rire franc, elle a osé, comme ça, sans détours.

— T'as l'impression que je rigole ?

— Non loin de moi cette idée. Mais tu crois vraiment que je te le dirai si c'était "juste" pour me vider les couilles comme tu dis ?

— Non, mais je saurai si tu mens.

On sort de l'immeuble et on se range dans la file d'attente du commerce. Le monde autour de nous ne l'arrête pas pour autant.

— Alors pourquoi tu vas aussi vite ? Les nuits ensemble, les mots doux, les surnoms mielleux, les tests au labo et j'en passe.

— Donc ce n'est pas une légende. Les filles se racontent absolument tout.

— Tout, d'ailleurs, je sais que tu es super doué avec ta langue, mais le sujet n'est pas là. Réponds.

— Mais pourquoi tu veux tout savoir ? Elle est grande, elle peut juger elle-même de ce qu'il se passe entre nous.

— Tu ne la connais pas comme moi. Il ne faut pas se fier aux apparences, c'est une grande gueule, mais elle est extrêmement sensible, elle n'a pas eu des tonnes de relations, elle ne connait pas le vice des hommes. Si tu lui donnes de l'espoir, trop d'espoir, elle va s'accrocher à toi désespérément et le jour où tu la quitteras, elle sera effondrée. Elle a déjà connu ça et il a fallu des années pour qu'elle s'en relève et soit heureuse de nouveau.

— Mais pourquoi, tu veux que je la fasse espérer pour rien, ou que je la quitte ? Peut-être que je ne cherche personne d'autre qu'elle.

— Parce que vous vous connaissez depuis le lycée et qu'à cette époque, elle craquait complètement pour toi et pas qu'un peu et à cette même époque, tu ne la regardais pas, personne ne la regardait. Et toi, tu te réveilles vingt ans après, maintenant qu'elle est bien dans sa peau, qu'elle se sent belle et qu'elle est canon.

— Tu te trompes.

— Ah oui ? Et à quel sujet je te prie ?

— Elle était magnifique à dix-huit ans et j'étais déjà fou d'elle.

Ça a le mérite de lui clouer le bec. On passe commande, je paie et sors, énervé, elle me rattrape et m'agrippe par le bras pour que je me retourne.

— Comment ça tu étais fou d'elle ? Elle m'a toujours dit qu'au lycée personne n'avait jamais voulu d'elle. Quand elle t'a rencontré, tu étais avec quelqu'un. Qu'elle n'avait eu que l'autre connard.

— Dis-moi, tu as l'air d'en savoir des choses sur moi.

— Je te l'ai dit, tu n'es pas sans importance pour elle, c'est pour ça que je m'inquiète. Elle est trop entière et elle risque de se jeter corps et âme dans votre relation. Tu as un trop gros pouvoir entre les mains, je préfère m'assurer que tu en fasses bon usage.

Je comprends sa démarche, mais ce n'est pas pour autant que je l'approuve. Malgré tout, elles ont l'air si proches toutes les deux, que si je veux que Bruna lâche du lest et m'ouvre son cœur, il va me falloir rassurer la furie qui est devant moi.

— Écoute, je ne veux pas en parler avec toi. J'ai besoin qu'elle l'entende de ma bouche pas de la tienne.

— Je te le jure sur la tête de "ses" deux enfants, qui sont ce que j'ai de plus cher au monde, que tout ce que l'on se dira aujourd'hui restera entre nous. J'ai juste besoin de savoir que tu ne lui feras aucun mal, elle est tout ce que j'ai, c'est mon travail de veiller sur elle.

Je suis profondément convaincu de faire le bon choix lorsque je lui avoue le plus douloureux de mes secrets.

— Je suis amoureux d'elle depuis le 10 septembre 1998, depuis ce jour de rentrée où elle a posé ses yeux dorés sur moi pour la première fois, alors à mon avis, c'est elle la plus encline à briser l'autre.

Je dois avoir l'air désespéré, car elle fixe un regard attendrissant sur moi, pose sa main sur mon bras avant de me dire :

— Elle a raison, tu n'es pas comme lui.

— Mais merde, c'est qui ce "lui" ? Ce "connard" ? Tu parles de Greg ?

— Certainement pas, quand elle se sentira en confiance, demande-lui pourquoi elle était si renfermée et pourquoi elle se cachait sous des tonnes de fringues informes quand elle était ado et tu sauras qui est son Voldemort.

— C'est un ex à elle ?

— D'après toi.

— Il lui a fait du mal ?

— Je t'ai dit que je ne te dirai rien de plus. N'insiste pas.

— Tu n'as pas besoin de m'en dire plus. Je ne suis pas con. Elle est toujours à fleur de peau, à douter de moi, de nous.

— Je sais, si tu veux vraiment la garder, il va falloir être patient et la rassurer.

— J'avais compris. Et c'est quoi ce truc avec son apparence ? Toujours dans la mésestime d'elle-même, à deux doigts de pleurer sans arrêt ?

— Elle est hyper émotive, elle pleure beaucoup, mais ça ne veut pas forcément dire qu'elle est triste. Par contre, si tu me dis qu'elle recommence à complexer, ça ne peut vouloir dire qu'une seule chose.

— Laquelle ?

— Bad B est de retour.

— C'est qui ça encore ? Un de ses tueurs en série ?

— Presque. C'est une sangsue qui squatte sa tête, mais je ne me fais pas de soucis. Si tu l'aimes autant que tu l'affirmes, tout rentrera dans l'ordre rapidement. Non ?

— Tu cherches quoi ? À ce que je te dise une fois de plus que je l'aime ?

— On va dire ça.

— Regarde-moi bien. Je n'ai aimé qu'elle toute ma vie. C'est plus clair là ?

— Putain, mec, tu me brises le cœur, tu n'as pas idée.

— Arrête tes conneries.

— Je te jure.

— Ok, en fait, vous êtes ravagées toutes les deux.

— Et encore, tu n'as pas vu toute l'ampleur de sa folie à elle, rit-elle.

— Je te crois, par contre, je compte sur toi. Pas un mot.

— Je serai muette comme une carpe.

On se met d'accord une dernière fois pour que cette conversation reste entre nous. Elle me promet de garder le secret quant au fait que je suis fou amoureux de sa meilleure amie depuis l'adolescence et en contrepartie, je lui promets de faire tout ce qu'il faut pour la rendre heureuse.

On remonte jusqu'à chez moi, Bruna est au téléphone avec son ex-mari et fait les cent pas dans mon salon, elle se retourne en nous entendant rentrer et me questionne du regard. Je lui souris pour la rassurer et elle semble soulagée.

— Oui, je sais, mais elle t'avait demandé de ne pas venir...... tu t'es tenu tranquille au moins ? ...... T'avais intérêt. Alors ? Elle a été comment ? ...... Putain super. Et toi, tu le sens comment ? ...... Hum, hum...... Et ben bordel, t'esgénéreux en compliments, elle a vraiment dû tout déchirer...... Oui, je sais, mais de toute façon, elle se doutait que tu serais là, tant que t'es arrivé à fermer ta putain de grande bouche. Elle a dix-huit ans, tu l'affiches quand tu hurles au bord d'un terrain...... Non Kaya passe le week-end prochain avec eux, j'y vais dans quatre semaines moi. Fais-leur un bisou, bon resto......Moi aussi je vous aime.

— Bon si je comprends bien ma filleule à casser la baraque.

— Apparemment. Et toi ? J'espère que tu ne lui as pas trop cassé la tête, ça me ferait chier qu'il s'échappe en courant après avoir passé dix minutes avec toi.

— Oh ne t'inquiète pas pour ça, il ne va nulle part, lui répond Kaya.

— Allez les filles, venez-vous mettre à table.

Comme ça, je coupe court à toute discussion nous concernant. On s'installe et Kaya attaque sans perdre de temps.

— Alors, elle t'a raconté la soirée d'hier ? Elle t'a dit qu'elle chantait comme une casserole ?

— Elle ne peut pas chanter et danser.

— J-Lo, elle peut, elle.

— Oui, mais tu n'es pas J-Lo biche. Et elle t'a dit qu'elle avait dansé un rock avec un petit jeune ?

— Ah oui ? Ben alors Bébé, je ne te suffis déjà plus ? Tu veux faire la cougar ?

— Désolée de te décevoir, je préfère ton expérience à leur jeunesse, me répond-elle avec un regard malicieux.

On brunche tous les trois dans une bonne ambiance. Mon Dieu, qu'est-ce qu'elles parlent. Comment peuvent-elles avoir autant de choses à se raconter en se voyant si souvent ?

Je m'adosse à ma chaise, spectateur de leur échange. Je n'écoute rien. Je suis concentré sur ma main posée sur elle, mon pouce caressant sa nuque. J'apprécie le contact de sa peau et constate qu'il m'est difficile de ne pas la toucher lorsqu'elle est près de moi. La légère chair de poule qui la parcourt ainsi que sa main qui se pose sur ma cuisse, me confirme qu'elle ressent cette même connexion. La seule chose qui me sort de ma rêverie, c'est mon téléphone qui vibre au fond de ma poche.

— Allo.

— Hé mec t'es chez toi ? Tu paies ton café ?

— Ouais vas y, 3124A, monte la porte est ouverte.

— Ben ? déduis Bruna.

— Lui-même.

— Il est canon au moins ?

— Il est fait pour toi biche

Le temps qu'il monte, je préviens les filles de son arrivée. J'entends la porte d'entrée s'ouvrir.

— On est dans la cuisine.

— On ? T'es avec Jolie Bruna c'est ça ? Hé hé, salut Jolie Blonde. Tu ne t'emmerdes pas, deux pour le prix d'une.

— Reste tranquille Ragnar, je n'ai pas pour habitude de partager les mecs de ma copine.

Je savais que les deux feraient des étincelles.

— Ben, je te présente Kaya la meilleure amie de Bruna, Kaya voici ma Kaya à moi.

— Enchanté, beauté, lui dit-il en lui baisant la main.

— Ouais, pas réciproque.

— Kaï, soit sympa, merde. Comment ça va Ben ?

— Eh bien écoute, pas mieux que vous. Marc, je me sers un café seul, je présume. Et sinon tu tiens le coup depuis jeudi avec ce fou ou il t'a lâché un peu ?

— Pour quoi faire ? Tu veux que je me la fasse piquer ? Et qu'est-ce que tu fais là ? On est dimanche. Tu n'es pas dans tes travaux ?

— Non la flemme et puis au pire, c'est férié demain. J'avais envie de sortir. Donc, on fait quoi aujourd'hui ?

Bruna me regarde, l'air déçu. Je hausse les épaules pour lui signifier que je ne suis pas responsable des délires de Ben. Elle se retourne vers lui et lui balance avec assurance.

— Kaya et toi vous faites ce que vous voulez, moi, j'avais prévu de m'envoyer en l'air pendant les deux prochains jours, si cela convient à tout le monde bien entendu.

— Okayyyy... Au moins c'est clair. P'tite Beauté, un restaurant toi et moi, ça te tente ? rétorque mon associé.

— Ça dépend. T'as une meuf dans ta vie ? Parce que je ne fais pas dans les mecs maqués.

— Ah non, ni meuf, ni gosse et je n'en veux pas. Alors, tentée ?

— Si je ne te rappelle pas, tu n'en feras pas une maladie ?

— Ne t'en fais pas pour ça.

— Dans ces conditions, on y va le viking. Marc, se fût un plaisir, ma biche, je t'aime, à demain.

— Mon Dieu, ce qu'elle est autoritaire ta copine. Ciao Jolie Bruna, mon pote à demain. Cent balles que c'est elle qui rappelle.

— Mais bien sûr Ben, se moque Bruna.

Et Si, elle voulait la même chose que moi ?

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JE TE CONSEILLE D'ALLER LIRE LE CHAPITRE II DU TOME 1.5 PUIS DE REVENIR POUR PLUS DE COMPRÉHENSION ET D'INTENSITÉ

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