9 - Main dans la main, nous irons jusqu'au bout du monde

/Je vais citer pas mal de noms ici alors petit mémo pour ceux qui se seraient perdus : Arif = Doigby, Corentin = Gotaga, Nadège = Deujna, Barbara = Maghla, Alexandra = Jeel et Mickaël = Mickalow/

Assis en rond autour d'une table remplie de bouteilles - autant vides que pleines -, des jeunes discutaient avec insouciance, riant et se taquinant dès que l'occasion se présentait.

"- Bon, je vous trouve un peu trop calme, ça me plait pas du tout!
- Qu'est ce que tu as encore derrière la tête Arif...? 
- Tu ne me soutiens jamais Corentin, répondit le jeune homme avec une moue boudeuse qui fit rire son ami.
- Bien trop souvent au contraire, si tu savais..."

Après les rires suscités par cet échange, le silence finit par revenir, laissant la parole à un garçon aux joues rougies de se faire ainsi titiller.

"- Ça vous dirait un action ou vérité?
- Quel âge tu as déjà?"

Nadège eut un sourire amusé, qui s'élargit lorsqu'il lui tira la langue, puis se saisit d'une cacahuète pour la lui lancer dessus. Elle sursauta, et Henry - sur qui elle était assise - lui pinça les hanches en riant. Ils commencèrent à se chamailler sous le regard attendri de leurs amis. Lorsque la jeune fille remarqua qu'on les observait elle rosit à son tour, et reprit, non sans avoir asséné une tape sur la tête de son copain qui continuait de rire :

"- Bon, on se le fait cet action ou vérité?"

⁂⁂⁂

"- Hum... Lucas a l'air tout endormi, alors ça le réveillera. Lulu, action ou vérité? "

Il souffla en lui jetant un regard assassin, mais qui fit seulement rire Barbara.

"- Vérité, je suis pas assez bourré pour supporter tes gages...
- Hé, je suis pas bourré!"

Tout le monde tourna la tête vers Mickaël, quelque peu surpris qu'il ne soit pas encore endormi malgré son alcoolémie plus qu'élevée. De très bonne humeur au début de la soirée, il avait parié avec Arif que le premier à être saoul devrait une pizza à l'autre, mais, à son grand désarroi, tout le monde s'était accordé à le défier dans des jeux à boire qu'il avait invariablement perdus. On comprend ainsi comment il avait finit par se trouver à embrasser une Alexandra désabusée, ou à sauter dans une piscine bien fraîche - et peu propre - en cette fin de mois de février.
Mickaël finit par reposer sa tête sur l'accoudoir du canapé où il était allongé, et referma ses yeux avec une moue boudeuse.

"- Ok alors... Est ce que tu as déjà crushé sur l'un d'entre nous sans nous le dire?"

Maxence et lui se jetèrent un regard avant d'éclater de rire, ce qui leur valu un regard suspicieux de leurs amis.

"- Oh oh, pourquoi j'ai l'impression que tu viens de mettre le doigt sur quelque chose d'intéressant? 
- Ça s'appelle l'instinct Coco, l'instinct... Tu devrais essayer.
- Par exemple concernant Alex?
- Qu'est ce que j'ai encore à voir là dedans?"

La jeune fille adoptait un ton qui se veut agacé, mais elle souriait, amusée. Corentin reprit :

"- C'est de l'instinct si je te dis que je t'ai vu lever les yeux au ciel quand Nadège a demandé à Micka de l'embrasser? 
- Ouuuh, toi aussi tu nous caches quelque chose?
- Tais-toi Arif avant que je ne commence à raconter tes petits secrets."

Il baissa la tête, gêné, mais Corentin ramena l'attention sur Lucas qu'il pointait d'un doigt accusateur :

"- Ne crois pas que tu vas t'en sortir comme ça toi, réponds à la question petit Lulu.
- Il est embarrassé de devoir vous annoncer son amour pour moi, voilà tout.
- Maxence!
- Quoi mon amour, tu as honte de moi?"

Il ne tarda pas à se retrouver par terre, et tous se décalèrent avec joie pour occuper sa place ; on ne s'en rend pas toujours compte mais deux canapés ne suffisent pas toujours pour le nombre qu'ils sont, surtout quand l'un d'entre eux en prend la moitié.
Il tenta bien de pousser Lucas mais celui-ci ne voulait plus bouger, et il finit par s'asseoir sur les genoux d'un blond bougon.

"- Quand j'ai rencontré ce gosse au lycée j'ai d'abord cru être amoureux de lui. On est vite devenus très proches et tout le monde nous taquinait sur nos airs de petit couple."

Pour une fois, la pièce était silencieuse, et tous écoutaient le récit du garçon, exagérément lent : s'il se trouvait forcé de raconter cette histoire alors il voulait au moins torturer ses interlocuteurs, et il est le maître en l'art d'instaurer des silences pour les intriguer d'avantage.

"- Un jour où nous avions passé notre temps à chahuter, je lui ai proposé de venir dormir chez moi. Ça arrivait jamais et puis j'avais été un peu étrange toute la journée, mais il a accepté et même si mon père était surpris, il ne s'y est pas opposé. Si vous saviez comme j'étais angoissé ! J'avais Maxence, celui que j'adulais au plus haut point, dans ma chambre. Hé vous réalisez pas, c'était le populaire du bahut, et c'est à peine si les professeurs connaissaient mon prénom... J'étais grave intimidé!
- Si seulement ça avait pu rester comme ça..."

La remarque de Corentin fit rire l'assemblée, et Lucas réalisa qu'il était rapidement devenu familier avec lui. Loin de le déranger, se sentir ainsi entouré lui faisait du bien. Ils se retrouvaient de plus en plus souvent ces derniers temps, mais notre jeune garçon avait eu bien du mal à se sentir intégré dans ce groupe si disparate.  C'était Maxence qui l'y trainait après tout, et s'il l'avait eu ce soir c'était bien parce qu'il ne voulait pas rester seul : Lila était encore à Paris pour quelque jours, et il n'était pas encore à l'aise dans leur nouvel appartement.
Le brun le tira de ses pensées en gigotant sur ses genoux, et il se résolu à lui faire une place à ses côtés.

"- Donc, ce zigoto là, était assis sur le lit en face de moi, et je me suis dis : vas-y Lucas, c'est maintenant ou jamais.
- Tu lui a fait une déclaration? demanda Henry.
- Pire... J'ai pris mon courage à deux mains et je l'ai embrassé."

Les exclamations fusèrent, et le silence attentif de la pièce n'en sembla plus qu'un lointain souvenir. Dans cette joyeuse agitation, Lucas se sentait pourtant observé. Ses yeux fouillèrent les alentours, jusqu'à tomber sur le seul visage impassible de l'assemblée : Baptiste le fixait, sans laisser transparaitre d'aucune manière ce qu'il pensait de la situation.

Il était assis à l'autre bout du monde - comme toujours -, et ne prenait la parole que très rarement, lorsque l'on s'adressait à lui en fait. Mais il ne faisait aucun doute qu'il ne loupait jamais une miette de leurs échanges; et Lucas en eut l'impression de n'être qu'un mouton face au loup : s'il le protégeait pour l'instant, il pouvait devenir proie à tout moment. Par ce regard brûlant qu'il maintenait sur lui, le jeune homme avait l'impression d'être déshabillé, complètement nu, comme s'il avait connaissance de tout ce qui lui passe par l'esprit. Il rougit un peu, et voulu esquisser un sourire mais n'y parvint pas, comme paralysé par ces iris sombres qui ne voulaient toujours pas le lâcher.

"- Alors vous nous avez caché votre grande histoire d'amour?"

La voix de Barbara le rappela à la réalité, et il détourna difficilement le regard.

"- Malheureusement non ; il m'a recallé et bien comme il faut... Si vous aviez entendu le discours qu'il m'a sorti pour expliquer que mes sentiments n'étaient pas amoureux, de la vraie psychologie de comptoir!
- Du Max tout craché quoi... C'est pas notre psy pour rien!
- Je suis pas psy, je-
- "Suis assistant social!"... répondirent-ils en cœur, avant d'éclater de rire."

Ils continuèrent de taquiner le jeune homme, n'oubliant pas de revenir sur les agissements de Lucas de temps à autre, au grand damne du blond qui ne regrettait cependant pas sa confession : aujourd'hui ses sentiments n'étaient, après tout, qu'un lointain souvenir. Et puis il savait que ses amis n'en tiendraient pas rigueur : ils n'étaient pas du genre à juger, avec eux il n'avait pas à avoir honte.
Pourtant, lorsqu'il releva la tête pour chercher Baptiste, il eût un pincement au cœur en réalisant qu'il n'était plus assis dans la pièce. Corentin remarqua son regard, et lui expliqua qu'il était simplement dans la cuisine, mais il ne pu s'empêcher de se demander si c'était de sa faute. Tu es parano Lucas, se répimanda-t-il, pourquoi cette histoire l'aurait agacé? 

"- Il n'y a pas un téléphone qui sonne ? demanda Nadège.
- Lucas, c'est ta meuf, s'exclama Henry, copined !
- Tss, taisez vous deux minutes."

Enjambant Arif assis contre le canapé, il se saisit du téléphone qu'on lui tendait. Si les autres s'amusaient à pousser des cris au début, ils se turent vite à mesure que son sourire se fana. Se jetant des regards inquiets, ils le virent finalement quitter la pièce et refermer la porte de la cuisine derrière lui.

⁂⁂⁂

"- J'en reviens pas que tu veuilles avoir cette discussion maintenant, par téléphone, alors que t'es à l'autre bout de la France !"

Baptiste fit coulisser la baie vitrée pour la fermer; il était un peu soucieux de faire du bruit mais Lucas ne semblait même pas l'avoir entendu, absorbé dans son échange téléphonique. Continuant de faire des allers-retours sur la terrasse, il reprit :

"- Lila je t'en prie, je vais- je vais prendre le premier train demain matin, on va discuter de tout ça ! Mais non tu sais très bien que c'est pas ce que je pense... Non, non je dis pas ça... C'est juste absurde merde ! Lila... Je te demande pardon, laisse moi juste le temps de m'expliquer, je t'en prie... S'il te plait..."

Sa voix se brisa alors qu'il réalisa qu'elle avait raccroché et il éloigna le combiné de son oreille, des larmes au coin des yeux. Lorsqu'il remarqua l'asiatique, il se détourna, essuyant rageusement ses joues.

"- Lucas...
- S'il te plait Baptiste, pas maintenant, rétorqua-t-il sèchement.
- Tais toi idiot, viens là."

Il se retrouva plaqué contre son torse, un peu brusquement, un peu maladroitement. Il eut le bête réflexe de vouloir se défaire de cette emprise, mais le grand le retint contre lui, jusqu'à ce qu'il finisse par s'abandonner à son étreinte, le cœur serré des larmes qu'il retenait par peur de se montrer faible une nouvelle fois devant son ami. Pourtant, comme s'il lisait dans ses pensées, il lui ordonna :

"- Ne retiens pas tes larmes juste parce que je suis là tête de nœud.
- Tu t'es pris pour Amel Bent?
- Chut."

Lucas se laissa aller à sangloter, espérant chasser la boule douloureuse qui bloquait sa gorge. Il ne savait pas vraiment comment ni pourquoi, mais les mouvements du grand dans son dos l'apaisaient, il se sentait rassuré, en sécurité. Il n'avait plus vraiment de force dans les jambes mais il savait qu'il n'avait pas à avoir peur de s'effondrer; il le retiendrait toujours
Au bout de minutes qui auraient pu durer des heures, ses larmes se tarirent et Baptiste écarta doucement le garçon, lui intimant :

"- Allez, on rentre, tu vas attraper froid. Et mouche toi, t'es pas très glamour là."

Après s'être redonné une contenance - il n'avait pas de miroir alors il ne pouvait qu'espérer qu'il n'avait pas les yeux trop rouges -, il rouvrit la baie vitrée, et retourna dans la maison, où il entendait déjà les exclamations joyeuses des autres, dans la pièce voisine. L'autre le suivit, et se retourna pour fermer, interrompu par la main de Lucas sur la sienne. 

"- Bapt'?
- Hum ?
- Merci."

Il lui répondit par un petit sourire, et le regarda s'éloigner d'une démarche légère, comme si rien ne s'était passé. Mais il savait qu'il s'apprêtait à vivre une période difficile, qui ne se ferait pas sans séquelles. Et il se jurait qu'il serait là pour l'y aider.

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