5 - Un rien de nous, une étincelle, et la flamme prendra
Quelque jours plus tard, Lucas souffla en toquant chez Barbara, d'accord, il avait peut-être fini par céder. Que personne ne le juge, vous ne savez définitivement pas de quoi est capable son meilleur ami lorsqu'il cherche à obtenir quelque chose.
"- Lucas?"
S'il y a bien une chose à laquelle il ne s'était pas attendu, c'était celle là. Sincèrement, si on lui avait qui allait lui ouvrir la porte, il n'aurait pas hésité si longtemps avant d'accepter l'invitation. Enfin, accepter est un bien grand mot, pouvait-on vraiment dire qu'il avait eu le choix? Maxence n'avait pas laissé deux heures passer sans envoyer un message pour inciter notre petit blond à le rejoindre, et si les premiers étaient des arguments très convaincants tels que "on s'en fiche que t'as cours le lendemain, tu as validé ton premier semestre haut la main, ça sera pareil !", les suivants s'étaient vite dégradés... "Je ne m'arrêterais pas tant que tu aura pas dis oui :/", "Lucaaaaas", jusqu'à finir par des messages complètement vides, en boucle, à trois heures du matin. Mais cet harcèlement paraissait soudain bien légitime, lorsqu'il voyait qui se tenait face à lui:
"- Baptiste."
Il ne saurait décrire le sentiment qui lui prit le cœur à l'instant où les lèvres du brun s'étirèrent en un grand sourire, mais ce qui était sûr est que ça lui plaisait.
"- Tu as mené ta petite enquête à ce que je vois, lança finalement l'asiatique, avec un sourire taquin.
- Je te signale que tu connais mon prénom aussi !
- Mais bien sûuur, pense-tu seulement que Corentin m'a laissé le choix monsieur Hauchard? Cet imbécile a même tenu à me montrer ta page Twitter, que je devrais t'envoyer un message parce que "c'est comme ça qu'on se fait des amis Baptiste, tu devrais essayer!"", singea-t-il en mimant des guillemets, extorquant un rire à notre blond.
Ce dernier allait probablement rétorquer une bêtise, mais Barbara débarqua derrière lui en s'exclamant :
"- Qu'est ce que tu fais à mes invités toi ? J'avais dis à Corentin d'ouvrir la porte !
- Ouais mais il m'a promis de me laisser tranquille pour les prochaines soirées si j'y allais à sa place, répondit il en haussant les épaules."
Elle leva les yeux au ciel, mais son regard s'illumina lorsqu'elle aperçu qui attendait toujours sur le pas de la porte, l'air un peu gêné.
"- Tu es venu ! Maxou me l'avait dit mais je pensais qu'il espérait pour rien, vu comme il te décrit... Allez, rentre, tu vas attraper froid !"
Et elle le tira à l'intérieur, ne lui laissant même pas le temps de répondre quoi que ce soit. En un instant, ils étaient dans la cuisine, et elle lui tendait un gobelet vide :
"- Tu veux boire quoi ?"
L'enthousiasme débordant de la jeune fille, ajouté à la musique bien trop forte et aux rires continus commençaient déjà à lui faire mal à la tête, et il ne se crispa que davantage lorsqu'un garçon percuta son épaule. Barbara fusilla le coupable du regard, et se radoucit en constatant le regard perdu du petit blond :
"- On a qu'à commencer par un jus de fruit, hum ? Tu sais où est la cuisine, tu reviendra te servir si tu veux autre chose ! On va rejoindre Max ? Aux dernières nouvelles il était en train de commander des pizzas, dans le salon, tu viens ?"
Elle allait toujours bien trop vite, mais semblait faire un effort pour s'adapter à Lucas, ce qui le rassura un peu : il avait survécu à une soirée en boîte de nuit, ici serait bien plus facile, non?
⁂⁂⁂
"- Lucas ! Lucas ! Lucas !"
Sous les exclamations d'Arif et Maxence, Lucas finit par soupirer et se placer face à la pyramide de verres de bière qui l'attendait sur la table. Les exclamations de joie fusèrent, dont celles de Barbara qui luttait depuis le début de la soirée pour inclure notre petit timide aux jeux de ses amis, ce qui avait finit par payer ! Le voilà prêt à commencer un beer pong face à Arif, surexcité.
"- Ne t'inquiète pas Lu', lui souffla la jeune fille en riant, il est déjà bien trop bourré pour que tu aies un risque de perdre !"
Il hocha la tête distraitement, concentré sur la disposition des gobelets : ils avaient activé son côté compétitif, maintenant il se refusait catégoriquement à perdre ! Il repensa aux conseils de Laurène, qu'on pouvait qualifier d'experte à ce jeu sans la moindre hésitation. Il aurait bien aimé qu'elle soit là pour le coacher en direct, mais sans surprise, elle avait du décliner l'invitation de Maxence. La victoire risquait tout de même de s'annoncer un peu plus compliqué, au vu du nouvel adversaire qui se plaçait face à lui...
"- Bah alors Lucas, on a pas le cran d'affronter quelqu'un de capable de te battre?"
Il secoua la tête, et répondit à Baptiste :
"- Je vais commencer à croire que tu es un fantôme, toujours à apparaître et disparaître sans prévenir.
- Toi aussi on m'a dit que t'étais assez imprévisible dans le genre, personne ne sait quand tu viens ou non..."
Sourire en coin, il remarqua la moue boudeuse d'Arif d'avoir été évincé de la partie, et les pouces levés de Maxence, visiblement très enthousiaste face à ce duel qui s'annonçait bien plus intéressant que le précédent. Innocemment, Corentin lança :
"- Vous trouvez pas que ça manque d'enjeux ?"
Les yeux brillants d'excitation, Barbara compléta :
"- Si Lucas perd il devra goûter un des cocktails d'Henry !
- Hé, ils sont pas si terribles ! s'indigna le garçon
- Désolée mon cœur, mais c'est vrai qu'en prépa ils vous apprennent des trucs bizarres, et ils sont un peu trop chargés, répondit sa petite copine, Nadège, en venant s'asseoir à ses côtés.
- Et si Baptiste perd ? interrompit le blond qui commençait déjà à s'impatienter"
Barbara fit mine de réfléchir, alors qu'il était évident qu'elle avait déjà son gage en tête lorsqu'elle l'énonça à voix haute :
"- Tu dois nous laisser venir dans ton bar la semaine prochaine !"
Même Corentin haussa un sourcil face à cette idée des plus absurdes : le barman n'avait jamais laissé personne - à part son meilleur ami - entrer sur son lieu de travail, et de toute manière personne ne lui avait jamais demandé avant, l'occasion ne s'étant jamais vraiment présentée. Si tout le monde le connaissait, l'aîné de la bande ne montrait jamais s'il attachait une quelconque importance à ceux qui l'entourent. Il n'était ni désagréable ni méchant, mais tous savait bien qu'il ne venait que parce que Corentin le lui demandait, et il se dispensait bien de se mêler à leurs festivités d'habitude. Aucune chance qu'il accepte donc.
"- C'est d'accord."
Il haussa les épaules, son éternel air nonchalant sur le visage, à la surprise générale. Baptiste donnait toujours cette impression d'indifférence, mais pour Lucas qui ne l'avait vu que lors d'une soirée particulière, c'était très étrange. Pourquoi le regardait-il comme s'il ne le voyait pas? Il paraissait soudain si froid, si distant ! Il se remémora les discussions avec Maxence et Arif au cours de ces dernières semaines, et à quel point ils paraissaient si convaincus de ce personnage peu sociable qu'ils lui décrivaient à chaque fois. À cet instant, cela semblait bien plus plausible.
"- Ouh-ouh, Lucas, tu joue ou tu dors déjà ?"
En riant, ses amis l'interpellèrent, et il se décida à détacher ses yeux du garçon impassible qui, lui, ne donnait même pas l'air de le connaître.
La première balle partit, et atterrit directement dans un des verres de Baptiste, qui ne manifesta pas la moindre émotion en avalant son contenu. Il lui rendit la pareille avec une facilité presque insolente, qui agaça un peu Lucas.
Ils continuèrent ainsi, isolés dans leur bulle silencieuse qui les distançait des rires et de l'ambiance chaleureuse de la soirée. On aurait presque dit un réel duel, à les voir enchaîner coup sur coup, avec de plus en plus de passion. De rancœur. Lucas était infiniment déçu : pourquoi ne voulait il pas croiser son regard ? Ses sautes d'humeur allaient lui donner le tournis si ça continuait comme ça, était-ce parce qu'ils l'avaient défié de les laisser entrer dans son bar ?
Bientôt, il ne resta plus qu'un gobelet de chacun de leur côté, et Arif, plus excité que jamais, donna une grande tape dans le dos du blond pour l'encourager :
"- Allez Lu' on veut goûter ses cocktails nous ! Tu te rends compte que c'est la première fois qu'il accepte ? Tu peux pas nous laisser tomber maintenant."
Peut-être que c'était à cause de ça alors, il regrettait sûrement sa décision mais ne se sentait pas capable de faire marche arrière, se dit Lucas. Il réalisa que sa réaction avait été un peu excessive, et perdit son air dur, et concentré. Il tira, et la balle rebondi si loin du gobelet restant que tous furent pris d'un fou rire, rapidement coupé par le brun qui tenta, et rata à son tour.
"- Allez Lucas, c'est ta chance !" l'encouragea Barbara, sans savoir que Lucas avait déjà décidé de se laisser vaincre. Il n'avait pas du tout aimé la manière dont son ton avait changé - pour ne pas dire qu'il s'était carrément tu - depuis que la jeune fille avait lancé son gage, s'il n'y avait que ça pour lui faire retrouver son sourire insolent il pouvait bien le faire.
"- Lucaaas t'abuses ! "
Arif paru particulièrement déçu lorsque la victoire de Baptiste fût officiellement proclamée, comme tous les autres, y compris ce dernier, au grand désarroi du petit blond. Mais qu'est ce qui clochait chez lui ? Dans l'effervescence de la suite de la soirée et de l'alcool qui embrumait son cerveau, il finit par oublier l'agacement qui lui alourdissait le cœur lorsqu'il avala le terrible cocktail d'Henry. Pourquoi déguisait-il tous ses sentiments ?
Bien des heures plus tard, alors que Lucas arpentait le couloir de l'appartement de Barbara à la recherche des toilettes, il se fit attraper le poignet, et tirer dans une pièce inconnue. Interrogatif, il dévisagea Baptiste, dont le visage ne laissait toujours rien transparaître. Brusquement, il lui asséna :
"- Pourquoi tu m'as laissé gagner ?
- Alors c'est ça le problème maintenant ?"
Il fronça les sourcils, incapable de comprendre où il cherchait à en venir. Comment le garçon du nouvel an et celui-ci pouvait être la même personne ? Il se remémora que Corentin lui avait dit avoir eu du mal à se rapprocher de lui, mais que cela valait le coup. Même s'il ne la comprenait pas encore, il devait bien y avoir une raison à sa froideur, et son éternelle curiosité le poussait à vouloir la connaitre. Il reprit donc :
"- Tu t'es fermé dès qu'on a parlé du gage, j'ai pensé que rentrer dans ton bar valait pas ta mauvaise humeur."
Lucas cru voir de l'étonnement dans son regard, mais ce fut si fugace qu'il ne put en être sûr. Et puis de toute façon, Baptiste commençait déjà à s'en aller. Le blond se renfrogna : de quelle manière fallait il le prendre pour qu'il soit enfin satisfait ? Il ne chercha pas à le rattraper ou à l'interroger ; il n'en avait pas la patience ce soir, et sa tête qui le lançait de plus en plus ne lui laissait pas vraiment le loisir de se concentrer sur ses états d'âme. Une autre fois peut-être. Serait-il prêt à passer ses prochaines soirées avec la bande de Maxence simplement pour la curiosité de comprendre un presque inconnu ? Quelque peu tragiquement, on devinerait tous la réponse.
Oui, sans aucun doute.
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