4 - Patience, papillon
"- Au revoir monsieur Hauchard !
- Au revoir Maxence, c'était un plaisir de te revoir, repasse quand tu veux."
Lucas et son ami saluèrent une dernière fois le père du premier, avant de marcher côte à côte, en silence. Ils avaient usage de lui rendre souvent visite depuis la fin du lycée, mais le brun n'était pas passé depuis de très nombreuses semaines, même pas pour noël, faute de temps, et ils avaient fini par décider de passer leur dimanche dans leur petite ville natale. Et puis ce n'était pas désagréable de goûter à une vraie cuisine lorsqu'il était clair que le jeune blond n'avait pas hérité de cette faculté.
"- Alors, as-tu reconsidéré mon invitation pour jeudi?
- Maxence...
- Allez quoi Lulu, en plus j'ai proposé à Laurène de passer vu qu'elle a 26 ans aujourd'hui et qu'elle fait même pas de fête car "blabla je suis trop occupée", bref, tu vas pas louper une occasion comme ça !"
Laurène était l'amie d'enfance de Lucas, presque comme une sœur pour lui, mais elle avait rejoint la capitale au début du lycée, et n'était revenue que très récemment. Ils lui avaient bien sûr organisé une fête de retour, mais son travail de directrice artistique pour une grosse star d'internet lui prenait un temps monstre, et il paraissait presque inconcevable qu'elle accepte l'invitation de Maxence. Surtout pour se retrouver au milieu de personnes qu'elle ne connaissait pas du tout... Enfin, elle restait une personne très sociable après tout, ça ne le surprendrait pas qu'elle devienne meilleure amie avec la moitié des invités si elle se présentait à la soirée.
"- Elle te manque pas ?"
Assez surpris face au manque d'enthousiasme du blond, il posa une question dont il connaissait déjà la réponse en réalité, mais il espérait que cela le ferait s'ouvrir un peu.
"- Bien sûr que si, tu le sais non?"
Il fronça les sourcils, étonné de cette demande en premier lieu, puis il compris que ce n'était qu'une manière détournée de l'inviter à se confier. Pris sur le fait, Maxence rit, ils se connaissaient par cœur, comment avait-t-il cru que son stratagème pourrait marcher ? Lucas décida tout de même de se prêter au jeu.
"- Je crois que je me suis habitué à la voir peu, à ce qu'elle me manque tout le temps. Je sais pas, c'était si soudain son départ, on passait nos journées collés et d'un seul coup on ne se voyait plus que pour les vacances, et ça depuis dix ans. J'ai peur que ça soit plus comme avant si on recommence à se voir souvent, qu'on sache plus faire.
- Lucas... Vous étiez des gamins à cette époque, bien sûr que ça sera jamais comme ça a pu être. Mais si votre relation s'est pas effritée, si vous êtes restés aussi proches malgré la distance c'est que c'est fait pour durer. C'est vrai, vous vous voyez pas souvent, mais je suis à peu près sûr qu'elle est celle que t'appelle le plus, je veux dire, elle connait mieux ton appartement que moi alors que j'y suis tout le temps, et la semaine dernière tu l'as pas appelée parce que t'étais fier d'avoir fait des raviolis maison ?
- Elle était en pleine réunion, la tête qu'elle a fait quand elle a compris que je la dérangeais pour ça."
Ils rirent tout deux, avant que Maxence ne commence à se moquer des talents culinaires du blond, arguant qu'il n'avait d'ailleurs pas du cuisiner une seule fois depuis - ce qui était vrai, mais Lucas n'allait tout de même pas le laisser gagner comme ça. Il lui rappela alors à son tour comment il avait mis le feu à sa cuisine en voulant préparer un dîner aux chandelles pour sa nouvelle petite copine ( avec qui il s'était d'ailleurs séparé dans les jours qui avaient suivi ). Ils continuèrent de se chamailler en marchant vers la gare, mais ce serait mal connaitre Max que de croire qu'il avait déjà oublié sa question initiale :
"- Bon alors, il devrait de nouveau y avoir Henry et Nadège, Arif, Corentin, Barbara évidemment, je crois qu'elle a aussi invité quelques amis à elle que je connais pas, mais il devrait pas y avoir énormément de monde, son appart est pas immense.
- J'ai vraiment aucune envie d'y aller, c'est fou ce que tu peux être insistant !"
Il secoua la tête, presque amusé de cette ténacité insupportable, il serait bien tenté de s'enfuir mais ils allaient maintenant s'installer dans le train, et les options devenaient limitées. Raté.
"- Tu veux toujours pas que je te file le numéro de Baptiste ? S'il vient tu viens ?
- Mais qu'est-ce que tu t'imagine exactement ? On a parlé deux heures hein, on est pas devenus meilleurs amis par magie.
- Tu comprends paaaas, geigna-t-il."
Lucas souffla, désabusé de ce comportement d'enfant, qui n'allait visiblement jamais disparaitre malgré les années. 25 ans, et le voilà toujours à faire des caprices lorsqu'il n'obtenait pas ce qu'il voulait.
"- Deux heures avec Baptiste, c'est beaucoup. Je le connais depuis un an, et on a jamais du parler autant, sérieusement. Tu te rends pas compte parce que tu l'as vu qu'une fois, il était peut-être bourré en fait, maintenant que j'y réfléchis."
Le blond pouffa face à cette remarque qui n'arrangeait décidément par son cas, mais consentit à demander s'il allait effectivement se présenter à la soirée. Penaud, Maxence haussa les épaules :
"- Je pense pas, il agace Barbara donc je la vois mal insister pour qu'il vienne."
Il lui répondit en levant les yeux au ciel, et sortit ses cours de son sac, bien décidé à marquer la fin de cette discussion qui ne menait nulle part. Mais le brun n'était pas de cet avis :
"- Vraiment tu révises déjà ? Les cours reprennent que demain hein, tu te rappelles ?
- Justement.
- Arrête de t'inquiéter pour ça, t'es l'aîné de ta promo, tu vas les éclater."
Il eut droit à un regard noir qui le fit rire, avant que Lucas n'explique :
"- D'autant plus. Si je réussis pas à obtenir mon diplôme je vais faire quoi après ? Retourner à Micromania ? Je commençais enfin à acquérir une certaine place dans l'équipe, on me prenait vraiment au sérieux, et je sais qu'on allait me proposer un meilleur poste quand je suis parti. J'ai peut-être juste perdu deux ans, ils vont même pas me reprendre si j'y retourne.
- T'as rien perdu du tout, arrête tes conneries Lu'. Et tu vas pas avoir besoin d'y retourner."
Maxence avait reprit un ton plus sérieux, soucieux de raisonner son ami qui recommençait à manifester des doutes, certes légitimes, mais qui ne l'aideraient pas.
"- Y a des tas de gens qui reprennent leurs études, crois moi que j'en vois au boulot, et ça vaut toujours le coup. Ne serait-ce que parce que t'aura pu kiffer un truc qui te passionne. Ouais c'est chiant d'être de nouveau dépendant de ton père, et quand je te vois parler de devoirs à rendre ça me donne clairement mal à la tête, mais tu t'en sors très bien. Hum ?"
Timidement, il hocha la tête, et le remercia du bout des lèvres, mais se replongea tout de même dans ses fiches, et cette fois-ci, Max se dit qu'il l'avait assez embêté, et chercha ses écouteurs dans ses poches. Il hésita un instant à partager ce qu'il s'apprêtait à écouter avec Lucas, mais ça aurait été lui à de se montrer un peu courageux. Peut-être lui révélerait-il ses musiques plus tard, quand elles lui paraitraient suffisamment abouties. Pas maintenant.
Il relança l'instrumentale de Sunday, qu'il n'arrivait pas à terminer depuis des jours, et raya le titre en soufflant. Ce serait Dimanche. Un sourire satisfait, il reprit ses notes : allait-il enfin achever une chanson ?
⁂⁂⁂
Une trentaine de minutes plus tard, alors qu'ils descendaient du train, le brun lança tout de même avec malice :
"- Ne t'attends pas à ce que je te laisse tranquille hein, tu sera chez Barbara jeudi soir, je t'en fais la promesse mon très cher Lucas.
- Mais pourquoi tu y tiens tant, il va y avoir Beyoncé chez elle ou quoi ?
- Une fois que j'ai décidé quelque chose, je ne reviens plus en arrière, tu devrais le savoir...
- Oui, et moi j'ai décidé que je ne viendrais pas.
- C'est ce que tu crois ça, rétorqua-t-il d'un clin d'oeil.
- Tu m'insupporte."
Il ne lui répondit que d'un immense sourire, avant de se mettre à marcher plus vite vers le parking.
"- Si tu viens, je te pose chez toi.
- Sérieusement ?
- Je prends ça pour un non. Bonne soirée, Lu', ça te fera du bien de marcher un peu, on dit que le froid c'est hyper bon pour la peau !"
Il prit ça pour une blague, mais du se rendre à l'évidence lorsque Maxence démarra sans le laisser monter à côté de lui : il allait réellement devoir rentrer à pieds. Il grinça des dents, en se promettant qu'il n'allait pas se laisser avoir à ce petit jeu. Il ne cèderait pas.
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