27 - Sans amour

"- Bon, ça peut plus durer."

La voix de Corentin fit sursauter Lucas et le sorti de la torpeur dans laquelle il était plongé depuis une bonne dizaine de minutes. Arif avait insisté donc il avait accepté de les rejoindre au bar, mais il n'avait pas du prononcer plus de trois phrases depuis qu'il était installé, et n'avait même pas touché au verre en face de lui. Lorsque le brun fut sûr qu'il l'écoutait, il continua :

"- Ça va faire trois semaines qu'il fait sa diva, et je supporte plus de te voir comme ça. Je vais aller le confronter et on va voir s'il ose me lâcher des vus IRL.
- Tu vas aller chez ses parents ?"

Il est vrai qu'il s'agissait de la solution la plus efficace et logique, mais cet endroit terrifiait bien trop le blond pour qu'il n'ose s'y rendre par lui même. 

"- T'es sûr que c'est une bonne idée ?"

Barbara affichait un air réellement concerné : sa relation avec Baptiste avait toujours été tumultueuse, mais elle tenait à Corentin et Lucas, et voir ce dernier descendre aux enfers sans rien pouvoir y faire était rageant. 

"- Honnêtement je sais pas, mais on peut pas continuer à attendre bêtement qu'il réapparaisse comme s'il avait été porté disparu, merde quoi il est toujours dans la même ville. Lucas, je passe te prendre demain matin ?
- Je sais pas si je suis le mieux placé pour retourner là bas...
- Tu vas pas monter, ok ? T'aura pas à parler à ses parents, tu m'attends en bas et je lui dirais de descendre pour te parler."

Il hocha la tête timidement, mais cette perspective était très étrange. Il lui semblait que le temps était en pause depuis des jours, et qu'il ne faisait qu'attendre que Baptiste ne vienne le remettre en marche. Devoir prendre des décisions par lui même et faire preuve d'initiatives lui paraissait absolument hors de portée. Néanmoins Corentin semblait sûr de lui, il n'avait qu'à se plier à ses idées et tout redeviendrait comme avant. C'était la seule issue possible, pas vrai ? Un jour son copain allait se rendre compte qu'il ne pouvait pas vivre éternellement chez ses parents, qu'il avait une volonté propre et une vie à mener, et il lui reviendrait enfin. Alors ce mauvais passage ne deviendrait qu'une blague, et ils pourraient reprendre là où ils en étaient.

Ainsi, le lendemain, lorsque Lucas s'installa sur le siège passager de Coco, il affichait un début de sourire, heureux à l'idée d'enfin revoir son beau brun. Le conducteur lui, ne déridait pas, et il expliqua qu'il devait rester énervé pour engueuler son ami et lui faire comprendre comme il était bête de refuser de leur répondre, et de se renfermer sur lui même. Rien que de reconnaitre le bâtiment le fit frissonner, mais il tenta de le cacher à Corentin qui descendit en promettant de faire de son mieux. 

Il fut soulagé quand c'est Baptiste qui ouvrit la porte, mais ça n'était visiblement pas le cas de celui-ci.

"- Putain, qu'est-ce que tu fous là ?
- Moi aussi ça me fait super plaisir de te revoir.
- Tu te crois drôle ?"

Cela allait être vraiment plus difficile que ce à quoi il s'attendait vu la réticence de son ami, mais il ne comptait pas repartir sans résultats.

"- Tu veux pas descendre prendre l'air cinq minutes ?
- C'est pas la peine.
- Quoi, ils t'interdisent aussi d'aller dans la rue ?
- C'est quoi ton problème Corentin ?
- Mon problème ? Tu crois que c'est courageux ce que tu fais ? Que ça prouve que t'es fort ? Tu penses aux autres un peu ? Tes potes, à Lucas ?"

A la mention de son petit-ami, une lueur de douleur passa brièvement dans son regard, mais il se reprit rapidement, et adopta son air dur.

"- J'ai pas besoin de votre aide.
- Peut-être, mais on a besoin de toi. Lucas a besoin de toi."

Il voyait bien que son seul point faible était le blond, alors il comptait bien en jouer. Il continua :

"- Il a peur de te perdre, que tu lui en veuilles, que tu choisisse tes parents. Tu lui dois des explications, il a toujours été honnête avec toi.
- Je lui dois rien du tout putain."

Sa voix se faisait plus faible, plus torturée. Il ne voulait pas céder, mais il détestait penser à Lucas malheureux, à cause de lui

"- Il est en bas, dans la voiture. Juste cinq minutes Bapt', t'as besoin de lui parler. Il te manque pas ?"

Quelle question... Il n'y avait rien qui le faisait plus souffrir que de dormir sans lui, passer ses journées entières à se demander ce qu'il faisait, s'il pensait à lui. Mais il doit convaincre ses parents d'abord. Il va y arriver. Il lui faut juste un peu de temps. Lucas lui pardonnera, non ?

"- T'aurais pas du venir."

Il tenta de claquer la porte, mais Corentin s'interposa, cette fois-ci réellement désemparé. Il s'attendait à une résistance, mais à ce point ?

"- Merde, à quoi tu joues ? T'as trente ans Baptiste ! T'es plus obligé d'écouter ce que papa et maman t'ordonnent ! C'est ridicule ! Ridicule ! Je te reconnais pas."

Renonçant à se battre, l'asiatique se détourna et s'enfonça dans la maison, laissant son ami dans l'entrebâillement de la porte. Il n'hésita pas longtemps avant de le suivre à l'intérieur :

"- Qu'est-ce que tu fous de tes journées ici ? Tu peux pas live, tu peux pas aller bosser, tu peux pas parler à tes potes. Ça va durer longtemps comme ça ?"

L'autre ne répondit pas, recommençant à plier du linge qu'il avait du laisser en plan pour ouvrir la porte.

"- C'est ça ta vie maintenant ? Baptiste..."

Il était prêt à le supplier, mais il ne croyait pas que cela aurait fait une quelconque différence. Il connaissait son ami, et il était borné.

"- Tu vaux mieux que ça."

Il réfléchissait à toute vitesse mais il n'avait aucune idée de quoi dire pour le faire l'écouter, tous les beaux discours qu'il avait préparés avant de venir paraissaient vides et inutiles. Il hasarda :

"- Je peux rester, tu sais. Parler avec tes parents. On peut inventer un truc, dire que t'étais pas toi même, qu'en vrai t'es 100% hétéro.
- Et ils vont te croire...
- Tu t'en fous, merde !"

A bout de nerfs, Corentin tourna les talons, claqua la porte, et redescendit rejoindre Lucas. Il l'attendait avec tellement d'espoir qu'il regrettait encore plus son échec, mais il ne pouvait pas lui mentir :

"- Il veut pas de notre aide.
- Quoi ?
- Je suis désolé Lu', tu le connais...
- Mais tu lui as dit que j'étais là ?"

A son hochement de tête, le blond bondit de la voiture. Corentin fronça les sourcils, et interrogea :

"- Tu fais quoi ?
- Je vais le voir !"

Sans plus réfléchir, il couru presque pour rejoindre la porte qui le séparait de Baptiste. Il sonna, et se mit à tambouriner la porte lorsqu'il ne reçu pas de réponse.

"- J'ai pas besoin de toi Corentin, dégage putain !
- C'est moi."

Son ton en colère l'avait surpris, mais il avait pris une voix douce, soucieux de le brusquer encore plus.

"- Baptiste ? Je veux juste te parler, juste voir que tu vas bien... S'il te plait, ouvre."

Mais il n'entendait plus aucun bruit de l'autre côté. 

"- Tu me manques, c'est horrible sans toi. Je passe mon temps à me demander ce que tu fais, si tu m'en veux encore. C'est pas juste, merde. Juste discuter, cinq minutes, que je saches où t'en es. Où on en est. Est-ce qu'on est toujours en couple au moins ?"

Lucas oscillait entre l'envie de s'énerver, et de pleurer. La colère le prenait chaque fois qu'il voyait Locklear sur les réseaux, mais penser à Baptiste soumis à ses parents lui coupait simplement le souffle. Plus que jamais, il se sentait démuni, et impuissant. Continuant de lui parler, à évoquer leurs souvenirs et leur avenir, il avait déposé sa main contre la porte, nourrissant le fantasme qu'il en avait fait de même de l'autre côté. Il ne savait pas que le brun s'en était allé depuis de longues minutes lorsqu'il renonça finalement. Le temps apaiserait le problème, voulait-il se persuader. Tout ira bien. 

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