25 - Dis, quand reviendra tu ?
Cela faisait des jours que Lucas n'avait pas eu de nouvelles de son petit-ami, depuis ce repas catastrophique en réalité. Il avait appelé, envoyé des messages, en vain. Baptiste ne lui donnait pas le moindre signe de vie. Il avait bien été obligé de répondre à Maxence qui se demandait comment la rencontre s'était passée, mais, perdu, il avait préféré mentir et dédramatiser la situation.
Il s'en voulait. Et il ne savait même pas s'il agissait correctement : voudrait-il qu'il vienne le chercher directement ? Ou attendait-il de lui qu'il lui laisse un peu d'espace ? Il n'était sûr de rien mais il avait ce sentiment désagréable de ne pas être à la hauteur. Oh, si ça ne tenait qu'à lui, jamais il n'aurait quitté cette maison ; pas sans Baptiste du moins. Comment savoir s'il aurait accepté d'être ainsi sauvé ? Il était orgueilleux - trop -, ne lui en aurait-il pas voulu de prendre des décisions à sa place ? Pourtant, à chaque fois qu'il pensait aux paroles échangées lors de ce diner, à cette gifle... il sentait ses entrailles se tordre. Il avait peur pour lui, profondément. C'était irrationnel : Baptiste avait toujours affirmé avoir eu une éducation certes stricte, mais juste. Que ses parents avaient toujours fait au mieux, par amour. A présent il n'en était plus aussi sûr. Il n'arrivait pas à excuser la violence d'un parent sur un enfant, même si cet enfant avait maintenant une trentaine d'années. Dans quel état pouvait-il être après avoir été traité de la sorte ?
Notre jeune blond passa la matinée à se torturer, incapable de se concentrer sur ses demandes de bourse et autre paperasse administrative, finalement peu importantes en comparaison de ce qui se passait dans sa tête.
A bout de nerfs, il finit par quitter son appartement en début d'après-midi pour retrouver celui qui occupait toutes ses pensées. Il marcha dans le brouillard, et il lui semblait qu'il venait de quitter sa maison lorsqu'il se retrouva devant la porte.
"- Baptiste ?"
Il toqua, sans réponse.
"- Bapt' je... je suis désolé ok ? J'aurais du venir avant, je pensais que tu avais besoin d'espace mais je me suis trompé. Ouvre moi, faut qu'on parle de tout ça..."
Il toqua de nouveau, de plus en plus inquiet.
"- Bapt' ?"
Il finit par sortir son double et pénétra dans une pièce sombre, et surtout...vide.
Précipitamment, il fit un tour de l'appartement, fouillant des tiroirs, des placards. Les meubles étaient toujours là, mais la plupart de ses affaires - ses casquettes, ses éternels t-shirts noirs - étaient manquants.
Il était parti.
⁂⁂⁂
Lucas ne voyait pas les heures défiler, assis sur le sol de l'appartement de Baptiste : il était incapable de réfléchir, apathique. Il n'arrivait pas à comprendre où il avait pu partir ainsi, sans le prévenir. Était-il en colère contre lui à ce point ? Était-ce la fin de leur relation ? Il ne pouvait pas y croire, pas comme ça.
La sonnerie de son téléphone le fit sursauter, et il cru, irrationnellement, que cela pourrait être son petit-ami. La luminosité de l'écran lui fit mal après si longtemps passé dans la pénombre, mais il finit par réussir à voir le prénom de celui qui cherchait à le joindre : Corentin. Avec un pincement au cœur, il décrocha :
"- Salut Lucas. Désolé de te déranger, mais je commence à m'inquiéter pour Bapt', ça fait quelque jours que je n'arrive pas à le joindre et on devait stream ensemble hier, c'est pas dans ses habitudes de me laisser en plan, il s'est passé un truc ?"
Le blond appréciait le jeune homme en cela; il ne perdait jamais de temps en politesses et énonçait toujours les choses clairement.
"- Je... il est parti Corentin. Il n'y a plus rien chez lui, il m'a même pas laissé un message.
- Merde... Vous vous êtes séparés ?"
A cette pensée, son cœur se serra. Aurait-il vraiment pu lui faire ça; partir sur un coup de tête, à cause d'un seul repas?
Il fondit en larmes. Toute l'angoisse de ces derniers jours, toute la peur, s'était matérialisée en une seule phrase qu'il ne pouvait oser prononcer à son tour. S'étaient-ils séparés ? Il se repassait en boucle tout le repas, envisageant chaque phrase, chaque geste qu'il aurait pu faire pour que Baptiste ne le déteste pas. C'était sa faute.
"- J'ai merdé. Son père l'a giflé et je, j'ai rien fait; rien dit ! Je suis juste parti comme on me l'a demandé, mais quel imbécile putain !
- Son père ? T'as rencontré ses parents ?"
C'était la seule chose sur laquelle le garçon tiquait ? Lucas prit une grande inspiration, pour tenter d'apaiser ses sanglots avant de répondre :
"- Heu ouais, il a voulu, tu sais... rendre officielle notre relation.
- Oh mais quel abruti... Et il t'avait rien dit sur eux avant ?"
Sous la surprise, le blond avait cessé de pleurer, et essayait, avec attention, de comprendre où son interlocuteur voulait en venir.
"- Si, il m'avait prévenu qu'ils seraient peut-être réticents à l'idée de voir leur fils gay, mais...
- "réticents" ? Non mais il se fout de ma gueule là?"
Lucas n'avait pas l'habitude de voir Corentin en colère, et ne su quoi répondre, attendant simplement qu'il développe son propos.
"- Lu', je connais pas plus conservateurs que les parents de Baptiste, y avait aucune chance que ça se finisse bien. Il t'a envoyé tout droit dans la gueule du loup. C'est pas ta faute."
Il avait repris un ton plus doux, mais le blondinet restait sans voix.
"- Mais... pourquoi alors?
- Parce que c'est un idiot Lucas. Je ne crois pas qu'il t'ai laissé ou même qu'il t'en veuille. Je crois qu'il n'est jamais reparti de chez ses parents. Tu es chez lui?
- Ou-oui."
Si ces déclarations lui provoquaient de nouvelles interrogations, il se sentait, égoïstement, soulagé de savoir qu'il n'était pas entièrement responsable de la tournure des événements. Le soutien de Corentin lui apportait une lueur d'espoir inattendue face à cette situation qui le désemparait complètement. Il l'entendit souffler.
"- J'arrive Lu'. Je te jure, on devrait me payer pour venir si souvent à la rescousse de cet idiot..."
⁂⁂⁂
"- Attends, il répond pas à mes appels et il ose tweeter ?"
Corentin tendit son téléphone à Lucas qui s'en saisit en fronçant les sourcils, s'affichaient quelque mots sous le pseudo de Baptiste : "Pas de lives pendant quelque temps, je prends des vacances bien méritées ! Claquez vos primes pour que je revienne !"
"- Il part vraiment en vacances ?
- Hein ? Mais non c'est une excuse, il va pas stream chez ses parents, ça les rendrait ouf. "
Lucas avait vraiment l'air d'un petit enfant, à écouter son ami s'énerver et réfléchir sur ce qu'ils pourraient faire. Il ne savait plus quoi penser ni même ressentir, alors il se contentait de laisser la situation entre les mains de son aîné, qui doutait mais au moins avait des idées : il n'avait pas envie de se rendre directement là bas, il avait peur de la réaction de Baptiste. Il hésitait à appeler directement sur le fixe, mais il y avait une forte probabilité que ce soient les parents qui décrochent, et Corentin ne s'est jamais bien entendu avec eux. Il tira sur sa cigarette électronique et souffla si fort que la fumée forma un nuage épais devant lui.
"- Putain il me casse les couilles.
- Tu fais quoi ?
- Je vais commenter son tweet, il sera obligé de le voir et de me répondre.
- Ouais, on laisse pas le french monster en vu..."
Il lui demanda donc où il partait, et les deux garçons se mirent à attendre. Le blond raconta alors en détails ce qu'il s'était passé lors du dîner, et le téléphone de Corentin se mit à sonner :
"- Bingo."
Il savait que cela angoisserait Lucas, mais Baptiste restait son meilleur ami et il ne voulait pas le brusquer; il décrocha et s'éloigna un peu du canapé où ils étaient assis.
"- Arrête ton harcèlement, je suis désolé de pas être venu hier soir, j'aurais du prévenir.
- C'est pas ça le problème, je suis avec Lucas. Qu'est-ce qu'il t'a prit, sérieux ?"
Plusieurs secondes passèrent avant que son interlocuteur ne réponde :
"- Je vais parler avec mes parents.
- Et en attendant quoi...? Tu restes chez eux indéfiniment comme un gosse ?
- Ils préfèrent.
- C'est n'importe quoi Bapt', rentre chez toi, pose toi et réfléchis tranquille. Je sais que c'est dur de pas être accepté comme t'es par tes propres parents, mais-
- Je suis pas comme ça ! l'interrompit-il"
Il marqua un temps de pause pour retenir son envie de crier encore plus, et compléta :
"- Je vais me débrouiller, ok ? Vous mêlez pas de ça."
Il sembla hésiter un instant, mais finit par rajouter :
"- Dis à Lucas que je suis désolé."
Et il raccrocha, laissant le garçon encore plus perdu qu'avant son appel.
"- Alors ?"
Lucas le dévisageait avec ses grands yeux suppliants, et il sentait une discussion vraiment difficile arriver, mais avait-il vraiment le choix ?
"- Il est bien chez ses parents, mais c'est compliqué. Je crois qu'il essaye de leur faire croire qu'il est pas gay.
- Mais il est pas gay !
- Sauf que ça fait aucune différence pour eux. Il a ramené un garçon chez eux, et il dépend trop de ses parents pour juste rentrer chez lui et les ignorer.
- Il dépend pas d'eux, il paye son propre loyer, et-
- Pas dans ce sens là. Il peut pas les contredire, c'est ancré dans son éducation, tu vois ?
- Il va se passer quoi ?
- Je sais pas, souffla-t-il. Il m'a dit de te dire qu'il est désolé."
Le benjamin ne savait pas quoi faire de cette information. Désolé de quoi ? De ne pas lui répondre ? De ne pas rentrer ?
"- Je sais pas quoi faire Coco, je peux pas lui demander de choisir entre ses parents et moi.
- Je sais... Sauf qu'eux si. Laisse lui du temps d'accord ? Il est borné, et c'est contre sa nature d'accepter de l'aide, mais tu vas finir par lui manquer de toute façon."
Il hocha la tête, mais ne se sentait pas rassuré pour le moins du monde. Ils venaient d'arriver à un équilibre, et il restait précaire. Baptiste avait mis si longtemps à accepter son attirance et son amour pour lui, en combien de temps pouvait il être détruit ? Était-il désolé d'avoir déjà choisit ses parents ?
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