24 - C'est pour ton bien
"- Alors tu penses vraiment partir à l'étranger ?
- Ouais, j'aimerais bien."
Maxence s'attendait à cette réponse, et aussi enthousiaste qu'il avait envie de se montrer pour son ami, il ne pouvait s'empêcher de redouter cette décision, qui allait forcément mettre de la distance dans leur relation. Lucas devait s'en douter, puisqu'il reprit :
"- Mais ça serait pas pour toute l'année tu sais, juste la deuxième moitié. J'ai vu avec la fac, ils ont des partenariats pour des alternances avec des grosses boîtes au Japon, je dois finaliser le dossier la semaine prochaine, y a pas beaucoup de places.
- J'espère que tu sera pris mais... tu vas survivre six mois sans ton amoureux ?
- Impossible ! Il vient avec moi.
- Et moi je peux venir ?"
Barbara arbora un grand sourire en tapant sur l'épaule du blond, qui répondit malicieusement :
"- Si tu perds quelque kilo tu pourra peut-être rentrer dans ma valise.
- Nianiania."
Elle lui tira la langue, et se mit à leur servir de la salade de tomates. Alexandra avait beau répéter qu'elle n'avait fait que découper et disposer les morceaux dans l'assiette, tout le monde s'ébahissait sur ce "repas de roi", ce qui en disait long sur leurs talents culinaires.
"- Vous faites quoi pour les vacances ?
- Tu sais Lucas, les adultes ont plus deux mois de vacances comme toi.
- C'est le streameur qui parle ? Tu fais même pas un vrai travail; chômeur va."
Corentin ne se donna même pas la peine de répondre, et les écouta se chamailler avec un sourire en coin. Cette vision était très apaisante : un samedi midi, avec ses amis, et le soleil d'été. Il y avait toujours du monde chez lui puisqu'il possède la plus grande demeure, mais maintenant que la canicule pointait son nez, sa piscine allait encore attirer ses amis.
Arif lui donna un coup de pied sous la table, et il remarqua que tout le monde avait fini de manger. Son lave-vaisselle en panne, il se doutait bien que celui qui allait débarrasser n'allait pas passer un moment passionnant. Les deux garçons se levèrent donc précipitamment de la table :
"- Ma maison, votre vaisselle !"
Malheureusement, personne ne pouvait contrer un tel argument et ils les regardèrent se diriger vers la piscine, impuissants. Alex se leva à son tour :
"- J'ai fait à manger !"
Elle attrapa la main de Nadège en gloussant, et elles se mirent à courir jusqu'à l'eau, rapidement suivies par Henry, puis Maxence. Lucas leva les yeux au ciel, et commença à rassembla les assiettes, accompagné par Barbara : les gamineries de ses amis la faisaient plus rire qu'autre chose à vrai dire.
"- Y a un truc de changé chez toi, nan ?
- Mmh, tout le monde sait que je sors avec Baptiste, nan ?
- Oui oui, en plus de ça.
- Et bien..."
En rougissant, il se précipita vers la cuisine, et la bouche de la jeune fille forma un O. Elle le suivit, ne s'embarrassant même pas de récupérer des choses sur la table.
"- Lucas !
- Quoi ?"
Il lui tournait le dos, les yeux rivés sur l'éponge et elle se retint de crier :
"- Vous avez fait des cochonneries, c'est ça ! Et bah dis donc, moi qui croyait notre petit Lucas si pur, si jeune, j'ai le cœur anéanti.
- Arrête !"
Il aurait voulu être charismatique, et la faire taire d'un mot, mais il était tellement pivoine qu'elle était pliée de rire derrière lui.
"- J'en reviens pas... Lulu est devenu grand !
- J'ai 25 ans ! J'étais déjà grand !
- Mais oui c'est ça mon choupinou.
- Orh !"
Elle voulait lui caresser la tête mais il se retourna d'un geste brusque, ce qui propulsa de l'eau sur la jeune fille. Cela lui donna une idée.
"- Lucas... N'y pense même pas !"
Mais elle n'eut même pas le temps de terminer sa phrase, puisqu'il avait déjà rempli un verre d'eau savonneuse, qui finit sur son haut. Heureusement ils étaient déjà tous en maillot de bain, mais Barbara n'avait pas dit son dernier mot, et elle attrapa le flacon de liquide vaisselle, et se mit à lui courir après. Il sortit par la baie vitrée, mais ne pu atteindre la piscine à temps : elle lui agrippa le bras et l'aspergea de savon à l'odeur citronnée. Corentin fut le premier à réagir, du rebord de l'eau :
"- J'espère que vous avez pas mis le bazar dans ma cuisine !"
Mais ils ne l'écoutaient pas, et Lucas essayait déjà de la tirer jusque dans la piscine, qu'il savait glacée. En équilibre entre la terre ferme et le grand plongeon, Barbara finit pas s'avouer vaincue :
"- S'il te plait ! Je fais la vaisselle à ta place !"
Conciliant, il la relâcha, mais le regretta bien vite, puisqu'elle s'écria :
"- Lucas et Baptiste ont fait des bêtiiiises !"
Et elle se précipita de nouveau à l'intérieur, suivie par le blond qui était partagé entre la colère et la gêne. Il se dit qu'il ne gagnerait jamais ce combat, et se résigna à débarrasser ce qui restait sur la table, pendant qu'elle frottait les assiettes en jubilant.
"- Tu sais que t'es insupportable ?
- C'est pour ça que tu m'adores... "
Les minutes passèrent, et la tension redescendit peu à peu alors qu'ils se retrouvaient forcés de nettoyer le chaos qu'était devenu la pièce.
"- Sérieux, Alex pouvait pas au moins jeter les épluchures de tomates ?
- Je suis pas responsable d'elle, plaida Barbara en levant les mains.
- Ah bon ?"
Ne sachant comment aborder le sujet de la relation entre les deux filles, Lucas se dit qu'il allait simplement les choses venir d'elles même.
"- On est pas ensemble, tu sais.
- Je t'ai vue l'embrasser l'autre fois, en sortant des toilettes, avoua-t-il.
- On est pas ensemble, elle répéta."
Il avait un vraiment mauvais pressentiment sur ce qui allait suivre.
"- On est juste... amies. Avec avantages.
- Ouais, sex friends quoi.
- Arrête !
- Ah c'est toi qui es gênée cette fois ?"
Il avait envie de lui rendre un peu la pareille, mais elle ne semblait pas seulement embarrassée, elle avait surtout l'air... peinée.
"- C'est pas ce que j'imaginais, mais c'est mieux que rien, pas vrai ?
- Je sais pas... Je suis pas sûr que ça soit bon pour tes sentiments, tout ça.
- C'est juste un crush, une attirance physique ! Et c'est mon amie, c'est normal qu'elle compte pour moi, non ?
- Honnêtement je pense que c'est une mauvaise idée, mais je suis pas le meilleur pour donner des conseils de relation.
- Bah, si, t'as réussi.
- Si tu savais comme c'était galère..."
Il voyait bien qu'elle n'avait pas envie d'évoquer plus sa relation, alors il détourna le sujet sur les nombreuses épreuves qu'il avait traversé pour séduire Baptiste, en commençant par le fait qu'il est hétéro, ce qui prouve bien que tout est possible.
Lorsque Corentin vint vérifier que sa cuisine n'était pas devenue une déchetterie quelque minutes plus tard, ils présentèrent fièrement leur travail et il secoua la tête, mais ne pu évidemment pas s'empêcher de leur sourire. Barbara lança que le dernier dans la piscine était une poule mouillée, et ils se mirent à courir sous les protestations de Lucas qui était en train de ranger le balai, et arriva bien trop tard.
"- C'est pas juste !
- Toujours en train de se plaindre..."
La voix dans son dos le surprit, mais un sourire traversa son visage à la seconde où il la reconnue :
"- Ton patron te laisse partir de plus en plus tôt décidément...
- C'était une aprèm calme espèce de noobs."
Tous les occupants de la piscine saluèrent Baptiste, qui entraina Lucas dans la maison pour aller se changer. Il attendit d'être cachée par les murs de la demeure pour l'embrasser, et le blond s'esclaffa :
"- Tu sais qu'ils savent tous qu'on est ensemble maintenant, c'est plus un secret !
- Ils ont pas besoin de nous voir quand même..."
Il l'embrassa de nouveau, mais ils se firent interrompre par Henry qui se racla la gorge :
"- Franchement, même si c'était un secret vous seriez très nuls.
- Pourquoi tu nous suis ? Espèce de stalker, râla le brun.
- J'étais aux toilettes !
- Tu peux pas pisser dans la piscine comme tout le monde ?
- Baptiste !"
Lucas rougit à la place de son copain, qui haussait les épaules face à leur ami feignant l'écœurement. Il finit par les laisser en tête à tête, et l'aîné déclara :
"- Bon je te l'ai pas dit avant, je savais pas si ça allait se faire, mais je te présente à mes parents ce soir !
- Oh waw. Déjà ?
- On était même pas ensemble quand j'ai rencontré ton père !
- Oui mais... Il a toujours su que j'étais bi, les tiens sont... chrétiens quoi.
- Tu as beaucoup de préjugés mon chéri."
Il l'attira à lui pour l'embrasser de nouveau, et même si le petit n'était pas rassuré, il finit par accepter. Il n'y avait pas de raisons pour que ça se passe mal, pas vrai ?
⁂⁂⁂
Baptiste et Lucas étaient assis côte à côte, dans le silence. Ce dernier voulu poser une main sur la jambe du premier qui le rejeta, froidement. En face d'eux : les parents de Baptiste, qui les dévisageaient, abasourdis :
"- Je comprends pas chéri, et ta petite copine alors...?"
Le blond afficha un air interloqué : il ne s'attendait pas à ce qu'ils ne soient même pas au courant que cette relation s'était terminée il y a des mois. Le fils expliqua :
"- Je l'ai quittée un peu après avoir rencontré Lucas. Je suis désolé de pas vous l'avoir dit, j'avais peur de votre réaction.
- C'est pas grave mon cœur, hein Antoine ?
- Non bien sûr. On ne t'en voudra jamais pour ce genre de choses."
Les deux parents arboraient un sourire rassurant, alors que les jeunes expirèrent de concert. Jamais ils n'avaient imaginé une telle réaction. Ils commencèrent à sourire à leur tour.
"- On sait que c'est pas ta faute tout ça. Mais on va t'aider, ajouta le père d'une voix autoritaire.
- Papa...?
- Tu te rappelles du père Saint Pierre? Il travaillait dans ton lycée pendant un temps. Je sais qu'il acceptera de t'aider malgré tous les soucis que tu lui a causé durant ta scolarité, nous avons toujours gardé des bonnes relations avec lui."
Baptiste paru déçu, mais pas surpris.
"- Je savais que vous réagiriez comme ça. Je savais que vous étiez incapables de vous remettre en question trois minutes putain !
- Baptiste ! réprimanda son père
- Calme toi chéri, on essaye juste de t'expliquer."
L'homme dévisagea son épouse : elle n'avait plus son mot à dire dans cette discussion.
"- M'expliquer quoi maman ? Que mon amour est impur ? "Tu ne couchera point avec un homme comme on couche avec une femme. C'est une abomination." J'étais au cours du père Saint-Pierre, et si je me souviens bien c'est ce jour-là que je lui ai tiré dans le dos à la sarbacane.
- Baptiste !"
Le jeune homme s'était levé pendant sa tirade, pour faire face à son père dont le visage mêlait douloureusement colère et... dégoût.
La gifle parti. Lucas eut peur. Il cru que Baptiste allait répondre; il se voyait déjà tenter de séparer deux hommes dont la rancœur avait atteint un point de non-retour. Mais il n'en fût rien. Le jeune homme - redevenu enfant - baissa la tête.
"- Bien, c'est ce que je pensais. Je ne vous raccompagne pas jeune homme, vous connaissez la sortie.
- Baptiste...?"
Lucas était perdu. Il ne savait pas comment réagir, et son copain n'osait même pas le regarder. Il avait mal de le voir comme ça, si fragile. Comme s'il pouvait se briser à n'importe quel instant.
"- Jeune homme ?"
Le père le fixait avec insistance. Oh il voulait tant faire la bonne chose; croiser les yeux de Baptiste et savoir quoi faire, avec certitude. Mais celui-ci continuait de se dérober, le visage rivé sur le sol.
Alors il finit par regagner la porte. Jetant un dernier regard à celui qu'il avait l'impression de trahir, il sortit de cette effrayante demeure.
Pour ne jamais revenir.
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