"- Baptiste ! Bapt' ! J'ai validé mon année !"

Sautant sur le lit où continuait de dormir son copain, Lucas hurlait sa joie - littéralement. Le brun marmonna :

"- Shhh, moins de bruit Lucas, il est trop tôt pour parler aussi fort."

Il tira le drap sur ses yeux pour se cacher de la lumière, mais le petit le lui arracha.

"- Lucaaaas...
- J'ai mon année ! J'ai réussi !
- Il n'y a que toi qui en doutait Lu', félicitations, je peux dormir maintenant ? 
- J'ai réussi Baptiste. J'ai réussi."

Il avait encore un air bougon, mais ne pouvait s'empêcher de sourire face à son enthousiasme débordant. Il faisait des allers-retours dans la pièce, ouvrant les volets, enlevant sa veste; plein de grands gestes.

"- Il faut que j'appelle mon père pour lui dire, il va pas en revenir ! Et que je regarde les formations pour l'année prochaine ! Je ne crois pas que je vais travailler directement, j'aimerais bien faire une année de spécialisation par exemple dans la musique, ou même les jeux vidéos ! Ou même à l'étranger, on pourrait partir tous les deux, t'imagines ! Toi, moi, à la découverte du monde. Je veux t'emmener voir l'océan !"

Il continuait de déblatérer ses envies, sous le regard attentif de Baptiste, maintenant bien réveillé. Il avait râlé au début, mais il n'annulerait ce réveil pour rien au monde. Voir Lucas si heureux gonflait son cœur de bonheur, comment lui en vouloir ? Il avait l'air d'un enfant, les yeux brillants d'excitation, pour qui tout était soudain devenu possible. Comme si le monde s'ouvrait à lui. Et peut-être que c'était vrai. Peut-être qu'il suffisait d'y croire suffisamment fort pour que tout soit possible. Enfin, c'était l'impression que ce petit blondinet donnait à tous ceux qui l'entouraient, un petit ange descendu sur terre pour redonner foi en la vie.

Quand il s'approcha de nouveau de lui, le brun attrapa ses mains et le tira sur le lit, le faisant glousser.

"- Finies les matinées où je révise et tu m'embêtes pour que je vienne faire je ne sais quoi avec toi, quoi que, si on fait un tour du monde il faudra que tu te lèves, on pourra visiter tout ce qu'on veut avec mon pass étudiant, et ..
- Lucas.
- Tu m'accompagnera dans des musées ? J'adorerais voir des vraies expo anglaises, même si...
- Lucas.
- Tu crois qu'on pourrait assister à un opéra japonais ? Mes cours ne sont plus très frais mais on pourrait en prendre ensemble avant de partir !
- Lucas.
- Hum ?
- Je t'aime."

Le cœur du blond loupa un battement, et il papillonna des yeux en se demandant si cette phrase cesserait un jour de lui faire un tel effet. Son sourire s'élargit lorsqu'il déposa un baiser sur ses lèvres, ébouriffant ses cheveux. Le petit étouffa un soupir, et colla leurs deux fronts avec douceur.

"- Je suis fier de toi Lucas."

Ils finirent par s'allonger l'un à côté de l'autre, les yeux rivés sur le plafond dans la clarté de ce lever du jour. Lucas posa sa tête sur le torse du grand, écoutant les battements réguliers de son cœur. 

"- Hé, tes chaussures dans mon lit !
- Tais-toi Baptiste.
- C'est qu'il prend confiance dis donc le Lucas, le taquina-t-il.
- Et c'est que le début..."

Ils sourirent à cette idée. Oui, ce n'est que le début. Et ils ont la vie devant eux. 

⁂⁂⁂

"- C'était incroyable Gota, on se refait ça quand tu veux, merci encore !
- Avec plaisir, GG à toi, des bisous !"

Le bruit caractéristique de fin d'appel Discord se fit entendre, et Locklear passa la caméra en grand écran pour saluer ses viewers.

"- Merci beaucoup pour tous les subs ce soir c'est énorme, bande de giga chad ! Alors, qu'est ce que vous avez pensé de ce premier live avec le french monster ? Pas mal hein ! Raphtalia : Twitch Prime, Lidros : deux mois, Wowlerouge : 5 subs, merci mon bébé ! Qu'est-ce qu'il spamme ce noob de Sylvanus ? On a atteint les mille viewers ce soir ? Et ouais les gars, vous avez ici le futur numéro un du Twitch FR ! Merci merci, allez bonne nuit, prenez soin de vous, restez puissants !"

Appuyé contre l'encadrement de la porte, Lucas attendit de le voir couper le live avant d'entrer dans la pièce. Son casque encore vissé sur les oreilles, Baptiste ne l'entendit pas, mais il ne sursauta pas lorsque le blond pencha sa tête par dessus son épaule pour voir ce qu'il faisait :

"- Ça s'est passé comment ?
- Nickel. J'avais jamais eu autant de gens dans mon tchat, c'était le zoo mais c'était marrant, et Amine et Billy sont aussi tarés que moi donc...
- C'est les potes de Corentin c'est ça ?"

Il hocha la tête pour confirmer, et ses cheveux caressèrent la nuque découverte de Lucas, qui frissonna.

"- Tu penses que ça va se refaire ?
- Ouais, je pense. C'était vraiment cool, et c'est plus facile de faire top 1 avec eux, ils sont pas trop mauvais.
- Et ton stream marche mieux aussi, profiteur va.
- Bah quoi ? Faut bien se servir de ses amitiés ! Toutes ces années à supporter Coco..."

Le benjamin laissa sa main glissa sur le bras bronzé, lentement, comme un appel.

"- Je finis juste deux-trois trucs et j'arrive.
- Mmh."

Il resta dans la même position, respirant tout contre lui jusqu'à ce que le brun ne se racle la gorge :

"- J'arrive pas à me concentrer Lu', là."

L'interpellé rougit en se redressant, et balbutia :

"- Dé-désolé."

Quelque secondes s'écoulèrent, avant que Baptiste ne soupire et se retourne vers lui :

"- J'aime bien quand tu me déconcentres."

Il ne s'attendait pas à cette remarque, et ne su pas quoi y répondre. Le brun le fixait, les pupilles dilatées, et il se fit la réflexion qu'il y avait bien trop de lumière dans la pièce pour que ça soit à cause de ça. Sans trop y réfléchir, Lucas se rapprocha de nouveau de lui. Il avait l'air d'un félin, le regard animal, à effleurer sa proie avec appétit. En faisant grincer la chaise, il grimpa sur ses genoux, et retint son souffle en attendant de voir la réaction du brun. La manière dont Baptiste le dévisageait le fit flancher pour de bon. Tout : son regard, ses prunelles sombres et sa bouche tentatrice appelaient au baiser, sans qu'il ne puisse y résister. Comme si c'était la première et la dernière fois, ses lèvres se plaquèrent sur les siennes, presque avec violence. Ça lui avait tant manqué ! Depuis la dernière fois où ils avaient failli déraper, leurs baisers s'étaient fait rares, et chastes, de peur de le brusquer de nouveau. Il ne savait pas trop ce qui l'avait poussé à se laisser aller cette fois. Ses mains s'accrochèrent à sa taille, pour rapprocher leurs corps, éviter qu'il ne s'enfuit ? Il se mouvait avec passion contre le fruit de sa tentation, à califourchon sur lui, mais face à l'absence de réaction de son copain, la réalité le happa brusquement, et il s'éloigna dans un sursaut.

"- Pardon, je-je sais pas ce qui m'a prit."

Une nouvelle fois, il se sentit stupide d'avoir laissé parler ses pulsions au lieu de réfléchir mais il n'eut pas vraiment le temps de se repentir : le brun l'agrippa pour l'empêcher de s'éloigner davantage, et l'attira de nouveau sur lui ; pour reprendre où ils en étaient.

"- Tais toi imbécile, embrasse moi."

Ses paroles moururent dans le désordre qui suivit. Ils n'étaient plus que deux corps qui s'entrechoquaient avec passion, et ardeur. On y voyait presque une certaine colère dans la manière dont Baptiste se laissait enfin aller plus loin, sans pour autant perdre son contrôle sur la situation et leurs rôles. Mais il n'y avait pas une once de contrôle lorsque Lucas s'agenouilla devant lui, uniquement de l'envie, et un désir qui ne saurait être feint. Et lorsque, parfois, le blond s'arrêtait et interrogeait son regard pour savoir si cela lui plaisait, on n'y lisait rien d'autre que de l'amour qui faisait s'enflammer leurs deux cœurs.

⁂⁂⁂

Lucas s'éveilla en premier au matin, nu, à peine caché d'un drap qui recouvraient leurs deux corps. Ça y est, ils étaient deux amants, au lendemain de leur premier nuit, et il ne pouvait se départir de son sourire béat. Il semblait que tout s'était allégé soudainement ; toute la tension entre Baptiste et lui, toutes ces envies difficiles à réprimer, et surtout toute cette peur de ce que ressent le jeune homme. Il espérait simplement que son partenaire ne regrettait rien. Balayant la pièce du regard, il aperçu leurs vêtements, la ceinture de Baptiste qu'il avait défaite et jetée, dans une attitude provocatrice qu'il ne se connaissait pas. L'emballage du préservatif le fit rougir, tandis qu'il se remémorait l'audace d'avoir voulu l'enfiler à son amant lui même. La nuit dernière il s'était étonné par son courage, mais ça n'était pas pour lui déplaire. Il aimait la personne qu'il devenait. Grâce à Baptiste. 

Sans faire de bruit, il se leva, lui prenant l'idée farfelue d'aller leur préparer un petit déjeuner, et il en profita pour attraper son boxer et son téléphone sur la table de nuit. Les notifications avaient affluées durant son sommeil : des félicitations pour son diplôme. Il réalisa que tout ceci n'était pas un rêve, et se sentit tellement chanceux qu'il en eu le tournis. Rien ne pouvait gâcher son bonheur, pas même un Baptiste bougon d'avoir été réveillé par l'odeur de brûlé des toasts. Bon, il ne pouvait pas tout réussir non plus.

"- Je pensais vraiment que t'étais parti, t'sais comme les mecs dans les films après un coup d'un soir, avoua le brun après avoir jeté le pain.
- Mmh, je pense que j'aurais récupéré mes vêtements avant de m'enfuir quand même.
- C'était pas le pote de Max, qui s'était enfui de chez une meuf comme ça ?
- Si ! Sidjil ! Putain j'en reviens toujours pas, il a préféré sauter par le balcon en calbute plutôt que dire à son date qu'il voulait pas ken.
- Peut-être que c'est ça que j'aurais du faire depuis le début alors..."

Lucas marqua un temps d'arrêt. Il savait que cette phrase était lancée sur le ton de la blague, mais il se demanda quelle en était la part de vérité.

"- Est-ce que tu... regrettes hier soir ?
- Mais n'importe quoi ! Evidemment que non Lu', et ça me dérangerait pas de recommencer."

Il attrapa son bras pour le tirer à lui, et déposer un baiser sur sa joue, mais le blond avait vraiment envie d'avoir cette discussion :

"- Qu'est-ce qui a changé ?
- Hormis le fait que je t'ai enfin vu nu ?"

Il rougit en secouant la tête, et tâcha de reprendre son sérieux :

"- Non, avant.
- Te résister devenait difficile."

Baptiste l'embrassa de nouveau, et ne pu s'empêcher de fuir son regard lorsqu'il ajouta :

"- Corentin m'a un peu engueulé aussi.
- Parce que t'avais attendu si longtemps pour lui dire ?
- Nan, il avait deviné y a longtemps. Et il a compris aussi que j'étais bloqué comme ça parce que..."

Lucas fronça les sourcils. Parce que quoi ? 

"- Parce que t'es un homme, compléta-t-il. Et que j'arrivais pas à accepter de... d'avoir du désir pour un homme. Pour toi."

Le blond en avait le souffle coupé. C'était si simple, si évident, et pourtant il ne l'avait jamais dit à voix haute. Il avait envie de dire quelque chose, mais il voyait bien la difficulté du brun à rassembler ses mots, alors il le laissa finir :

"- Mais t'es pas n'importe quel homme. T'es Lucas. Je suis pas forcément gay, ou même bi, j'aime les filles et... toi."

Enfin, Baptiste posa les yeux sur lui de nouveau, et un sourire fendit le visage du benjamin. Il n'avait plus besoin de dire quoi que ce soit, et se contenta de l'embrasser de nouveau, jusqu'à ce que l'asiatique n'agrippe les jambes du plus petit : "on va certainement pas faire ça dans ma cuisine !". Le rire de Lucas résonna longtemps dans la pièce, mélodie aux oreilles du brun.