20 - À l'amour, et à la passion
"- T'as reçu un message Lu' !
- J'arrive !"
Les cheveux encore tout ébouriffés de sa douche, il retourna dans le salon où Baptiste lui tendait nonchalamment son téléphone par dessus le canapé.
"- Hum, c'est Barbara, elle nous demande si on les rejoint en boîte ce soir.
- Elle sait qu'on est ensemble ?
- On est toujours ensemble. On devrait peut-être officialiser notre relation ?
- Tu veux dire à tout le monde que tu es mon petit copain ?"
Il lui répondit avec un petit baiser, avant de ramener leur sujet initial sur le tapis :
"- Bon, je lui réponds quoi ?
- Tu sais bien que j'aime pas les boîtes de nuit. La musique est horrible.
- Boomer va. Moi non plus, j'ai pas très envie d'y aller."
Il contourna le canapé, et s'installa à côté de son copain, de manière très peu gracieuse, ce qui le fit pouffer.
"- Et tu veux faire quoi alors ?
- Et bien on peut rester ici, comme ça je te ferais enfin regarder Twilight.
- Donc tu dors encore là ? Tu sais qu'il va falloir finir par me payer un loyer hein, parasite, tssss."
Lucas leva les yeux au ciel, et récupéra l'ordinateur sur la table basse. Après de longues minutes à écumer des sites de streaming tous plus douteux les uns que les autres sous les commentaires du râleur "il est même pas sur Netflix ton truc ?" ils finirent par lancer le film. Et si le blond adorait cette saga de manière non-ironique, il mentirait s'il disait qu'il avait déjà autant rit en regardant un film. Accompagnée des commentaires sarcastiques ou abasourdis de Baptiste, l'histoire d'amour entre l'humaine et le vampire était devenue bien plus comique que tragique. "Attends donc là il a arrêté une putain de voiture avec sa main et elle se pose pas de questions ? C'est super irréaliste ! / Non mais attends elle le connait depuis trois minutes et elle est déjà prête à mourir pour lui ? Mais que c'est bêeeete les nanas, que c'est bête. / Imagine t'es un vampire et tu continue d'aller au lycée pécho des adolescentes, juste imagine. / Mais quels cucks ses parents, elle a littéralement insulté son père à cause d'un mec, et eux ils lui pardonnent comme ça ? Enfant pourrie gâtée pff..."
Le générique s'afficha enfin, et les deux hommes se firent face, le blond affichant un air circonspect :
"- Mais tu es un véritable boomer en fait. Je sors avec un vieux monsieur.
- Et c'est reparti... La jeunesse de nos jours c'est plus ce que c'était, aucun respect pour les aînés !
- Mais frérot, tu es cringe ?"
Ils éclatèrent de rire et lorsque l'euphorie fut un peu retombée, Lucas écarta les bras de Baptiste pour s'y installer, et même si celui ci râla un peu - pour la forme -, c'était bien la meilleure manière de passer un samedi soir. Le blond lui montra le court métrage de Cyprien que Laurène avait aidé à produire, et ils dérivèrent vite sur YouTube, riant jusqu'à ce que le plus âgé ne propose d'aller se coucher. Et soudainement, Lucas avait envie de parler. Sans doute toutes ces émotions qui lui prenait le cœur à en être ivre, alors qu'il n'avait jamais été aussi proche de l'idylle. Même avec Lila il ne s'était jamais senti aussi apaisé dans son souvenir. Il ne savait même pas que c'était possible en fait, que l'amour pouvait bouleverser sa perception des choses. Avec son ex-copine il avait cru découvrir le vrai amour, qu'il n'existait rien de plus puissant, mais c'était bien loin de ce qu'il pouvait découvrir avec Baptiste. Il ne savait pas trop pourquoi ça sortait maintenant, mais il se rassit à côté de lui, et commença :
"- Tu sais Bapt', pendant longtemps je pensais que vivre n'était pas suffisant. Rien n'était jamais assez. Je continuais parce qu'il fallait bien, mais j'étais incapable de me regarder dans le miroir et de me dire : voilà pourquoi je vis. Parce que j'en savais rien. Naître, grandir, apprendre, travailler, pourquoi faire ? J'avais des amis, une copine, des études qui me plaisaient, mais c'était jamais assez. Et je pensais que c'était juste comme ça la vie, que le monde était fait ainsi et que je devais juste apprendre à m'en satisfaire comme tout le monde. Je voulais pas spécialement mourir, j'avais juste pas spécialement de raison de vivre. Maintenant je sais, et tu sais pourquoi ?
- Pourquoi ? balbutia l'interpellé, suspendu aux lèvres du plus jeune"
Il ne voyait pas où il voulait en venir, et ça le rendait perplexe ; il cherchait, perdu, son regard, mais celui-ci était bien trop excité pour réussir à le capter. Lucas avait tant de choses à dire qu'il avait peur que s'il s'arrêtait, ne serait-ce qu'une seconde, il en oublierait. Ces mots là étaient trop importants pour les perdre avant même qu'ils n'existent.
"- Parce que je t'aime. Parce que tu es là et que ça change tout. Des fois je suis triste maintenant mais je suis heureux aujourd'hui, et ça me suffit. Tu comprends ce que je veux dire ? Je veux continuer à vivre parce que je veux être à côté de toi, j'aime comme tu changes petit à petit, comme tu acceptes de t'ouvrir, de te confier, de te laisser aller à tes émotions alors qu'il y a quelque mois ça aurait été inenvisageable. J'aime cette part fragile de toi, parce que tu es loin d'avoir finit de grandir et je veux être là pour le voir. J'aime te voir tout perdu parce que tu comprends pas d'où sort mon charabia, parce qu'au début de notre relation tu te serais probablement juste moqué de moi parce que, bordel je suis niais, rit-il."
Commençant à comprendre où menait cette déclaration d'amour à mi-mots, Baptiste se mit à secouer la tête, un petit sourire taquin sur les lèvres.
"- Et parce que j'adore te voir sourire comme ça. J'aime quand tu t'excites et que tu me traite de tête de nœud, parce que merde qui dit ça de nos jours ? N'as-tu donc aucun savoir vivre ? Tu te souviens de la soirée chez Nadège, sur le balcon ? Quand on avait regardé les étoiles ?
- Comme si y avait une seule soirée qui s'était pas finie comme ça avec toi..."
Ignorant la pique et bien décidé à poursuivre son monologue, Lucas poursuivit :
"- Tu te souviens de ce que tu m'as dit, quant à tes plusieurs facettes ?
- Ça t'a plu hein que je te dise que je te les offrais toutes, tête de nœud ?
- Infiniment. Tu es une palette de couleurs, et j'en aime chacune des teintes.
- Mais tu sors ça d'une chanson ?
- Baptiiiiste, geigna-t-il."
Le dénommé se mit à rire de le voir ainsi chouiner de ne pas pouvoir faire sa déclaration niaise en paix, mais quoi, avait-on déjà vu plus cliché ? Le brun ouvrit ses bras, et y attira le râleur :
"- Allez viens là imbécile, tu sais bien que moi aussi.
- Non, je boude."
Baptiste n'en rit que davantage, continuant de tirer sur le bras du petit blond, qui s'obstinait à lui tourner le dos. Il finit par réussir à lui attraper le visage en coupe, et à - finalement - fixer son regard dans le sien.
"- Et si je t'embrasse là tu boude toujours ?"
Taquin, il déposa un rapide baiser sur son nez, suivit d'une nouvelle salve de geignerie.
"- Et là ?"
Le souffle du petit se coupa, alors que les lèvres du brun se déposaient sur les siennes, et que le baiser se prolongea, les mains du grand se perdant sur ses hanches, désespérées de l'attirer contre lui. Lucas finit par s'y laisser aller, et leur deux corps s'entrechoquèrent lorsqu'il abandonna définitivement l'idée de bouder. Il enroula ses bras autour de la nuque de son copain, bien décidé à ne pas le laisser s'éloigner, ancré à califourchon sur lui.
Eventuellement, ils durent reprendre leur souffle, mais le blond avait l'impression qu'il manquait bien davantage d'oxygène lorsqu'il s'éloignait de lui. Il n'était qu'un tourbillon d'émotions, et tout était si agréable. Comme si c'était la première fois, il s'appliquait à goûter à chacune de ses saveurs : il voulait les marquer indéfiniment dans son cœur. Un souvenir serait-il jamais assez puissant pour décrire la manière dont il le regardait ? Ces yeux sombres, qui, de la fierté de voir son jeu fonctionner, étaient devenus tout aussi affamés. Pour graver la sensation de sa bouche contre la sienne, il ferma les yeux, tant pis s'il ne pouvait plus le contempler. Mais comment se concentrer sur un seul point de son corps lorsque les mains de son petit copain se cramponnaient encore, avidement, à lui ? Avait-il toujours fait aussi chaud dans cette pièce ? Il ne bougeait pas, pourtant il avait l'impression que le brun était partout.
Il rouvrit les yeux, pour constater que Baptiste le fixait toujours comme s'il avait envie de le dévorer, et c'en était trop pour lui, cette chaleur le fit fondre. Il défit sa prise, et laissa ses mains se balader sur ce corps qu'il avait envie de saisir dans son entièreté : il aurait voulu avoir mille mains, pour le toucher mille fois. L'exaltation de le sentir trembler à son toucher n'acceptait pas de description.
Il descendit sur son torse, défit les boutons d'une chemise qui l'agaçait de faire barrière entre lui et l'objet de ses désirs. Il caressait à l'aveugle tout ce qu'il pouvait atteindre, car la bouche ne lui laissait pas une seule seconde de répit, agrippant ses lèvres, tournant, tourbillonnant, et il n'avait aucune idée qu'on pouvait faire tout ça avec un simple baiser. Il passa ses mains dans son dos, le griffant presque dans la violence de ce qu'il n'arrivait pas à expier dans ses touchers.
"- Lucas..."
Le mot se répercuta contre son visage, comme une supplication, mais de quoi pouvait-il le supplier ? La prise sur ses hanches se faisait moins certaine, et il réalisa qu'il ne faisait que descendre, atteignant presque la naissance de ses fesses. Doucement, s'exhorta-t-il.
Il remonta avec douceur, peiné de voir Baptiste mal à l'aise à cause de ses gestes. Il caressa sa nuque tendrement, constatant dans son regard perdu toute la violence du combat de ses envies contradictoires. Le baiser s'était calmé, ne restant qu'un doux murmure pour les deux garçons, maintenant leurs ardeurs retombées.
"- Je suis désolé, commença le blond.
- Non, c'est ma faute, j'aurais pas du te laisser aller aussi loin."
L'aîné avait un air réellement coupable, et Lucas ne s'en voulu que d'avantage, il aurait du anticiper ça. Il lui esquissa un tendre sourire.
"- Aussi stupides l'un que l'autre... T'as pas à t'excuser, jamais. Je cherche pas à te brusquer, et encore moins à te faire faire un truc dont t'as pas envie.
- C'est ça le truc, j'en ai envie Lu', j'ai envie de plus. C'est juste que..."
Il n'arriverait pas à le formuler ce soir non plus, mais Lucas avait bien saisi et abrégea sa recherche d'un chaste baiser. Un jour il réussirait à exprimer à quel point cette relation le terrifiait. Comme l'idée d'aimer ainsi pouvait être écrasante, comme chaque déclaration pouvait être source de bonheur comme d'angoisse. Et comment expliquer ces désirs qu'il avait de plus en plus de mal à contrôler ? Ce soir encore, le petit blond s'endormirait bien avant lui, et il fixerait le plafond à la recherche de ses réponses. Non, il ne saurait pas encore aujourd'hui. Peut-être demain.
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