19 - Qu'est-ce que tu m'as fait ?

Un peu plus d'une semaine était passée depuis leur soirée... chaotique. Si la journée s'était déroulée dans une atmosphère cotonneuse, presque - presque - agréable, dès l'instant où Baptiste était parti travailler le soir, tout avait rebasculé. C'est bien simple, il ne s'était pas donné la peine de répondre aux messages de Lucas, pendant des jours. Jusqu'à ce que ce dernier ne se rende à son appart, pour se retrouver bloqué sur le pallier. Il était rentré chez lui dans une colère noire, décidé à tourner la page, et à ne plus jamais penser à ce stupide garçon qui change d'humeur plus vite que la terre ne tourne. Mais évidemment, lorsqu'il a reçu une invitation pour un repas chez lui, il n'a pas pu s'empêcher de répondre à l'affirmative.
Comme il regrette à présent... Ils étaient en train de manger en silence, assis l'un en face de l'autre dans un silence pesant, et embarrassant. Tout ce à quoi il avait eu droit étaient de maigres excuses sur son silence, "j'avais besoin de temps", avant qu'ils ne se balancent des banalités. Lorsque le brun lui reproposa des pâtes pour - au moins - la sixième fois, il en eu marre, et se leva d'un geste brusque.

"- Je rentre chez moi, c'est bon.
- Attends !"

Il lui avait agrippé le poignet, et continuait de le maintenir, avec douceur, malgré le regard furieux du blond, qui finit par se dégager d'un geste brusque. Il se retourna vers la porte, et l'aîné ajouta, si bas qu'il chuchotait presque :

"- J'aimerais que tu restes."

Lucas leva les yeux au ciel en s'immobilisant. Il était agacé de son propre comportement, de sa propre faiblesse qui le faisait rester et vouloir essayer encore. Après ce qui leur sembla à tous deux des heures - et qui, soyons honnêtes, ne devait en réalité pas excéder quinze secondes -, il lâcha finalement :

"- J'arrive pas à te comprendre, d'accord ? J'y arrive pas. Et j'en ai marre de me battre, tellement marre... Je voudrais juste que ça soit simple, que tu puisse me regarder sans que j'ai l'impression que tu remets chacun de tes mots en question, c'est trop demander ?"

Lucas avait l'air las, et fixait Baptiste sans vraiment le voir. Contrairement à ce dernier, qui le dévisageait avec toute la profondeur impénétrable dont lui seul avait le secret. Aucun des deux cependant ne saurait décrypter ce qui pouvait bien se passer dans la tête de l'autre. Honnêtement, le blond n'avait même plus assez d'énergie pour avoir peur que son petit discours ne jette encore plus de distance. Voyant que son interlocuteur n'allait même pas se donner la peine de répondre, il reprit, déçu :

"- C'est juste... des montagnes russes en permanence. Je veux dire, je t'ai embrassé, tu m'as repoussé, insulté, puis déclaré ta flamme, et re ignoré en l'espace de quoi, une, deux semaines ? Tu peux pas continuer à jouer avec mes sentiments comme si je pouvais juste me mettre en pause en attendant que tu te décides. Je veux être patient. Je veux pouvoir te laisser du temps, mais merde j'ai fait quoi pour mériter ça ? 
- T'as rien fait Lu', et tu le sais bien." 

On aurait presque dit que ça lui en coutait de l'avouer, car après tout n'était-ce pas entièrement de la faute de son charme inévitable qu'ils en étaient là ? Mais il se tut, il avait le sentiment d'être un enfant qu'on gronde pour une bêtise qu'il avait commit en connaissance de cause. Un enfant qui passe son temps à promettre qu'il ne recommencera plus, pour faire pire le lendemain. Et pourrait-on réellement lui faire confiance un jour ? 

"- C'est tout ce que tu vas me dire ? Me confirmer que je suis bien un clown dans cette histoire ? Et bah nickel hein, déjà que Laurène me prenait pour un imbécile fini avec toi, je vais pouvoir lui donner raison. Quand ta meilleure pote désapprouve ton flirt c'est rarement bon signe, railla-t-il."

Un début de panique commençait à pointer dans les yeux de Baptiste, et si Lucas le vit cela ne fit que renforcer son ressentiment :

"- Merde dis quelque chose si ça t'importe, ne serait-ce qu'un peu ? Est-ce que je compte réellement pour toi, ou est-ce que tu cherchais juste à tester tes limites ? Je suis quoi pour toi, un jeu ? Tu t'amuses au moins ?
- Mais non !"

Le voir réagir le soulagea presque, il se demandait simplement ce que le brun allait encore pouvoir raconter pour s'en sortir.

"- Je joue pas Lucas, je l'ai jamais fait. Je sais juste pas comment faire, d'accord ?
- Moi non plus ! Tout ça c'est nouveau pour moi aussi, mais j'essaye, j'essaye parce que je veux pas te blesser. Parce que t'es devenu une personne importante dans ma vie. Et j'ose croire que c'est réciproque, tout le monde me l'a dit hein, que tu t'attachais pas aux gens, que la manière dont tu te comportes avec moi c'est unique. Super, j'en fais quoi maintenant ?"

Son ton se faisait ironique et incisif, et c'était probablement aussi du au fait qu'il s'était réjoui de ce comportement dans le passé. Il s'était senti spécial, cela avait bien du lui donner quelque papillons dans le ventre, mais il n'en restait plus aucun. 

D'un ton presque désespéré, Baptiste lança :

"- Mais je tiens à toi !
- Bordel mais prouve le alors !"

Il ne savait pas trop à quoi il s'attendait en lançant sa requête comme une bouteille dans la mer de leurs émotions, mais certainement pas à ce que le brun ne se rapproche de lui avec une lueur hésitante dans le regard. Ils étaient si près que Lucas du lever la tête pour pouvoir continuer de le toiser, cette fois avec un peu plus de méfiance. 

"- Je peux ?
- De quoi ?"

Le blond avait presque l'air amusé à présent, si on omettait son visage clairement tendu et ses poings serrés. Bon, vraiment presque amusé.

"- Je veux racheter la dernière fois, ok ? 
- Je comprends pas." 

Baptiste leva les yeux au ciel, il n'avait pas, mais alors pas du tout envie de s'amuser lorsqu'il se décidait enfin de prendre les choses en main. Mais il se radoucit en voyant le sourire de Lucas commencer à s'étirer. 

"- Tu vois très bien de quoi je parle imbécile.
- Dis le, souffla-t-il, plus doucement encore que tout ce qu'il avait pu dire ce soir."

Cela aurait très bien pu l'énerver, ce qui était un terrain glissant vu le niveau d'instabilité et d'explosion de leurs états actuels, mais le benjamin su qu'il avait gagné quand le brun adopta le même ton pour répondre :

"- Est ce que je peux t'embrasser ?"

L'espace qui séparait leur deux visages n'était pas bien grand, mais il était suffisant pour qu'un million d'étincelles y crépitent sans répit, jusqu'à ce que le discret hochement de tête du blond ne permette de le réduire à néant. Leurs lèvres se scellèrent avec violence, plein de manque, de peur. Oh, cela n'empêchait pas Lucas de le savourer. Il avait enfin l'impression de pouvoir débloquer sa respiration, et racheter ce quelque chose qui ternissait ses souvenirs. Parce que cette fois-ci Baptiste n'interrompit pas leur échange, bien au contraire, il ne faisait que le renforcer, le faisant reculer jusqu'à ce qu'il ne bute contre le bar de la cuisine. Contrairement au plus jeune pourtant, il n'avait pas l'air apaisé, continuant de batailler dans un brouhaha de pensées parasites. Le plus jeune posa ses mains contre son torse pour le repousser, certes doucement, mais l'aîné en sembla bien peiné. 

"- Arrête de réfléchir Baptiste."

Il l'embrassa de nouveau, plus tendrement, plus fugacement, pour lui insuffler un peu de calme, ce qui fonctionnait assez vite lorsqu'ils s'agissaient d'eux deux. Il restèrent stoïques quelque instants, debout, l'un contre l'autre, jusqu'à ce que Baptiste ne demande, d'une petite voix :

"- Alors, tu veux bien rester ?"

Le blond hocha la tête doucement, avant de se hisser sur le bar. Au regard interrogatif qu'il lui jeta, il répondit simplement : 

"- J'en ai marre de lever la tête pour te parler, c'est hyper pas pratique.
- Peut-être que tu devrais acheter des talons ?"

Le ton sérieux qu'il avait adopté ne lui valu qu'un regard assassin, suivi de rires un peu forcés. 

"- Un petit tabouret alors ? Mais il faudrait le déplacer en même temps que toi, c'est pas super pratique.
- Tu sais que tu peux pas juste m'ignorer de nouveau là hein ?"

L'aîné feinta un moment de surprise, avant de décider de parler sincèrement.

"- J'ai pas envie de toute manière. J'arrête de faire n'importe quoi maintenant, promis. J'ai envie de nous laisser une chance." 

Un moment de silence, avant qu'il n'ajoute :

"- Je tiens à toi."

Et l'intensité avec laquelle il dévisageait Lucas le fit un peu défaillir. Il voulait y croire, profondément. Il voulait croire en eux. 
Ils finirent par rire, gênés, et Baptiste lança :

"- Bon tu descends de là, j'aime pas que tu sois plus grand que moi.
- Pour une fois !
- Tututu, ça marche pas comme ça tête de nœud."

Puisqu'il n'esquissait pas un mouvement, le brun secoua la tête et se mit à débarrasser la table, pestant contre ces invités ingrats qui ne se donnaient même pas la peine de proposer leur aide, mais le sourire qui habitait le visage du petit ne semblait pas prêt de disparaître. Oui, ils allaient réellement se laisser une chance. Il n'y a rien qui aurait pu le rendre plus heureux : il était arrivé ici désespéré et le voilà sur un petit nuage. Et il savait que cela durerait.

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