13 - Dis moi tes secrets

"- Ça va, tu t'es pas trop ennuyé ?
- Tu plaisantes ? T'es un spectacle à toi tout seul !"

Lucas se mit à rire en terminant sa phrase, et Baptiste suivit rapidement, n'étant pas la première fois qu'on lui faisait ce genre de remarques.

Ce soir, ils s'étaient donnés rendez-vous dans le bar où travaille l'aîné, et initialement cela devait être une soirée tranquille, mais un enterrement de vie de garçon s'était achevé ici, et Baptiste avait passé sa nuit à s'occuper des ( trop ) nombreux jeunes fêtards, et tellement alcoolisés qu'il avait fallu menacer d'appeler la police pour qu'ils acceptent de quitter le lieu à la fermeture. 

"- Tu as fait quoi alors, à part me mater je veux dire ?"

En levant les yeux au ciel, il montra son téléphone, maintenant complètement déchargé par ailleurs. 

"- Désolé, faut encore que je range et que je fasse le ménage, tu peux rentrer en vrai si tu en as marre, mon appart est pas très loin à pieds. 
- C'est bon t'en fais pas, je peux te donner un coup de main si tu veux.
- Tu touches à rien ! Assieds toi sur le tabouret, et observe un réel professionnel en action."

Lucas s'accouda donc au bar, finissant son verre avant que l'autre ne passe le récupérer. Si Baptiste pensait que le blond s'ennuyait, il n'en était absolument rien : il trouvait cela très distrayant et satisfaisant de le voir travailler avec tant d'aisance. Il avait l'air dans son élément et était étonnamment exubérant avec ses clients, voilà de quoi laisser son spectateur bouche bée. 

"- Pourquoi c'est toi qui doit tout faire ?
- On se relaie, quand y a des grosses soirées on est là tous les deux, mais d'habitude le dimanche c'est calme. Officiellement c'est Julien le patron, mais je suis presque chef autant que lui depuis le temps que je suis là.
- Tu travailles ici depuis combien de temps ?
- Ça va faire quatre ans je crois ? 
- Et tu te lasses pas ?
- Non, c'est cool comme taff, Julien est très cool, les clients aussi, je suis bien payé et j'aime bien faire des cocktails.
- Ok, on va faire un jeu pendant que tu ranges. Chacun notre tour on doit révéler un truc sur nous, que l'autre sait pas. 
- Tu sais que c'est pas un jeu ça, c'est le principe d'une discussion, quand on apprend à se connaitre, tout ça...?
- Bapt', si tu te moques je m'en vais et je te laisse tout seul faire la femme de ménage."

La "femme de ménage" lui lança son chiffon ( heureusement sec ) au visage, et reprit la parole :

"- Si ça t'amuse... Tu commences."

Lucas prit quelques instants pour réfléchir à ce qu'il pouvait bien dire, l'idée de faire une petite séance confession était attirante jusqu'à ce qu'il ne se rappelle qu'il allait devoir trouver des secrets aussi.

"- Je suis pas blond naturellement.
- Tu te fous de moi?"

Baptiste explosa de rire, ce qui contamina rapidement son ami. Cela dura un bon moment, puisqu'ils ne cessaient de surenchérir : "J'ai un rire de corbeau", imita le brun, "Je suis un vieux boomer qui dit tok tik premier degré", répondit Lucas, jusqu'à ce qu'ils ne se calment. 

"- Non mais sérieusement, tu crois que c'est une révélation ça ? 
- Bah je sais pas, tu m'as toujours connu décoloré en vrai, se défendit-il
- Lucas, tes sourcils ? Ta barbe ? Tes racines ?
- Ça a surpris Corentin quand je lui ai dis !
- Soit tu mens, soit il est stupide et c'est très grave."

Il continua de se moquer de longues minutes, jusqu'à ce que Lucas ne boude, et assène qu'il ne jouait plus.

"- Alleeeez, t'es pas marrant. Si tu veux je te révèle un vrai truc."

Il perdit sa moue immédiatement, pour afficher un immense sourire qui incita presque Baptiste à faire une nouvelle blague. Presque, tout de même, il n'avait pas envie qu'il ne se braque réellement. 

"- J'adore les ptits blonds. T'es très mignon comme ça mon chéri."

De nouveaux, des rires, mais beaucoup de rougeur pour Lucas, qui savait bien que derrière le ton de taquinerie, il s'y trouvait un réel compliment, et cela le flattait un peu trop.

"- Bon allez, à toi, et cette fois je veux une réelle confession hein.
- Mais je sais paaas, c'est dur de trouver.
- Tu sais que c'est toi qui a proposé de faire ça, hein ? 
- Oui bah c'était une mauvaise idée. 
- Bon, allez je t'aide. Mmmmh... Montre moi ta pire cicatrice, et raconte moi d'où elle vient.
- Ici, répondit-il en tendant sa main, elle date de quand j'étais ado. Mon père m'avait fixé une limite d'une heure par jour d'écrans, mais j'étais accro à Dofus, et ça me suffisait pas. Un jour j'étais super à fond, j'ai pas vu que le temps était écoulé, et il a juste éteint l'ordi pendant que je jouais. 
- T'as tapé dans l'écran ?
- Nan, je savais que je pourrais encore moins jouer après. Dans la baie vitrée. 
- Les jeunes d'aujourd'hui... Tu sais que à mon époque c'était encore plus difficile ? Mes parents voulaient pas du tout que je joue, alors j'utilisais l'ordi de mon père en cachette la nuit. Quand ils s'en sont rendus compte ils ont mis un mot de passe, je l'ai piraté. Ils ont installé un logiciel qui devait me bloquer l'accès, je l'ai piraté aussi.
- Hé mais t'étais infernal en fait ? Et dire que mon père me trouvait difficile..."

En riant, ils remarquèrent seulement que Baptiste tenait toujours la main de Lucas, et qu'il parcourait distraitement sa cicatrice. Le premier déglutit en la retirant précipitamment, et le second se remit à rougir de se dire qu'il avait trouvé ce contact doux et agréable. 

"- Bon, heu, à toi, les trois jeux où tu as passé le plus de temps, se rattrapa-t-il.
- Facile, Overwatch, Sea of thieves et.. Raft je pense, répondit-il, de retour dans son élément.
- Autant les deux premiers je comprends, mais Raft, c'est le jeu où t'es sur un radeau ? Il se finit par en genre... 30 heures ?
- Ecoute, je suis un tryharder. Et puis je le faisais en stream, tu vois encore moins le temps passer.
- Tu stream sur Twitch ?
- Ouais, je m'y suis mis récemment, bon je fais pas beaucoup de viewers, surtout que je passe mon temps à faire des simulateurs, mais je m'amuse bien. 
- Ça a l'air. Je peux connaitre ton pseudo pour troller ton chat ou c'est un secret ?
- Tu me demandera après. C'est à mon tour de te poser une question."

Il lui adressa un clin d'oeil, et réfléchit à ce qu'il aimerait bien savoir sur le petit blond. 

"- C'est quoi ton plus beau souvenir ? 
- C'est cliché comme question ça en vrai."

Le barman était en train de passer le balai, et s'absenta dans la réserve quelques instants, ce qui laissa le temps à Lucas de réfléchir à sa réponse. Aussi cliché que cela soit, ce n'était pas forcément une question facile. Il ne savait pas s'il était positif ou négatif qu'il n'arrive pas à trouver un moment où il avait été spécialement heureux. Seul dans le bar, il rougit lorsque la soirée du nouvel an avec Baptiste apparu dans sa tête, mais il fit comme si de rien n'était, et chercha encore. Son ami fit son retour, et il raconta :

"- Je pense que c'est le jour des résultats du bac. Pas parce que c'était spécialement important pour moi hein, j'en avais rien à faire, mais Laurène était revenu de Paris pour l'occasion, et on a passé l'aprèm autour d'un lac avec Maxence, c'était juste le mois de juillet, il faisait beau. On y voyait comme le début de notre indépendance, et de notre vie d'adulte. Au final j'ai vécu chez mon père pendant encore 3 ans, et je dépends encore pas mal de lui, mais c'était symbolique.
- C'est mignon."

Attendri, Baptiste s'arrêta quelques instants à dévisager le blond, perdu dans ses souvenirs, puis il reprit son balai et se mit à la recherche de la serpillière. 

"- C'est Locklear. Mon pseudo.
- Ça vient d'où ? 
- T'es sûr que tu veux gâcher ta question sur une info qu'on pourra trouver sur mon Wikipédia quand je serais riche et célèbre ?
- Mais frerot, tu as pris la grosse tête alors que tu fais 4 viewers ? 
- J'aimerais bien t'y voir toi, avec ta chaine astronomie là.
- Nan, je ferais une chaîne gaming évidemment, je suis pas un poète fragile à ce point. Bon."

Une multitude de questions défilaient dans la tête de Lucas, sans réussir à sélectionner celle qui mériterait réellement qu'il la pose à voix haute. 

"- Pourquoi tu m'as invité ici ?
- Tu veux que je te chasse ?"

Baptiste commençait déjà à passer sur la défensive, mais le petit était engagé dans sa question, tant pis.

"- Non je veux dire, tu te rappelles le premier soir chez Barbara ? Quand t'avais mal pris le gage de laisser venir tout le monde dans ton bar. Qu'est-ce qui a changé ?
- Toi c'est pas tout le monde."

Il avait lâché ça rapidement, si bien qu'il n'était même pas sûr d'avoir bien entendu, mais ça ne s'inventait pas. Sur un petit nuage, la question du brun le ramena vite à la réalité :

"- Qu'est ce qui va pas en ce moment ? 
- A part la partie où ma copine m'a largué par téléphone comme une merde ?
- Oui. A part ça."

Lucas souffla, se demandant s'il avait réellement envie de raconter cela. Mais Baptiste avait été là pour lui, réellement, ne cessant de prendre des nouvelles, à sa manière certes, en envoyant des piques par SMS de manière quotidienne, mais tout de même. Ces derniers temps, il avait montré être digne de confiance, et il se sentait confortable à être honnête.

"- C'est ma mère. La semaine dernière c'était les quinze ans de son départ. 
- Oh. Je suis désolé.
- Elle est pas morte, elle est juste... partie. Elle en avait marre de notre petite vie normale et ennuyeuse, alors elle a fait le coup de celle qui sort acheter des clopes tu vois."

Il tenta un petit rire, mais Baptiste s'était approché, et le regardait si sérieusement qu'il s'arrêta immédiatement. 

"- T'as jamais eu de nouvelles d'elle depuis ?
- Non, jamais. Elle s'est évaporée, même mes grands-parents, ses parents, ont jamais plus entendu parler d'elle. C'est bizarre hein ?"

Lucas savait qu'il n'allait pas pleurer cette fois - il l'avait bien trop fait ces derniers jours -, mais il ne refusa pas l'étreinte du grand. Envahi par son odeur, il se dit qu'il devrait parler de trucs tristes plus souvent si ça pouvait lui permettre des contacts si faciles. Imbécile, pensa-t-il. 

Ils n'ajoutèrent rien de plus, et quittèrent enfin le bar. Dans la voiture, le blond était angoissé : allait-il le ramener chez lui ? Mais bien vite ils se rendit compte qu'ils retournaient chez Baptiste. Ainsi, ils dormirent encore ensemble dans le lit du plus grand, et en sombrant dans le sommeil, ils pensaient tous deux au fait que si cela devenait une habitude, cela ne leur déplairait pas.

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