Chapitre 35

10 mars 2018

           Les rayons de soleil entrent dans la pièce et m'éblouissent. Poussant un grognement, je rampe sur le lit de manière à ne plus l'avoir en pleine face.
 
          Pour au moins la centième fois en seulement 24 heures, je jette un coup d'œil à mon téléphone. Comme les autres fois, je le repose en soupirant.

— T'inquiète pas. Si t'as pas de nouvelles, c'est qu'elle va bien.

           Paresseusement, je tourne la tête et mes yeux se posent sur Alex. Il est avachi dans son fauteuil, les pieds posés sur le bureau. Pendant quelques instants, je le détaille. Il semble si insouciant.

— Et c'est aussi qu'elle a rien dit. Pas encore. Elle m'aurait appelée, sinon.

          Il hausse les épaules.

— Elle a encore presque toute la semaine, tu sais. Elle cherche sûrement le bon moment. Ou elle a peut-être changé d'avis, poursuit-il.

           Je secoue la tête du mieux que je peux.

— Je pense pas. Elle avait l'air tellement déterminée. Ca en ferait presque peur.

— Alors laisse-lui du temps.

          Je me retourne, m'allonge sur le dos, et croise mes bras derrière ma tête.

— Mouais. Je vais essayer.

           Il a un petit rire narquois avant de déclarer :

— T'as pas trop le choix de toute façon.

           Sa moquerie m'irrite légèrement, et avant qu'il n'ait pu exercer le moindre mouvement, un coussin atterrit sur sa tête. Il l'enlève doucement, et, sentant les représailles arriver, je saute du lit, attrape quelques munitions, et court me poster à l'autre bout de la pièce. Quand enfin l'oreiller ne cache plus son visage, son expression mesquine me fait éclater de rire. Quelques secondes plus tard, le projectile s'écrase sur mon nez. Sans attendre, je m'en saisis et le balance sur lui. Il fait le plein, et en quelques minutes, la chambre se transforme en champ de bataille. Les coussins volent dans tous les sens, et nos rires s'élèvent. Je cours dans chaque recoin de la pièce, protège ma tête de mes bras, et je cache derrière les chaises. Alex a beau avoir un an de moins que moi, je suis clairement en position d'infériorité. Les coussins semblent trouver ma tête aussi facilement que la pluie trouve le sol. Sans défense, je me laisse glisser contre le mur.

— Bah alors ?

          Alex se rapproche de moi, un air supérieur sur le visage.

— T'as gagné.

          Il lève les bras en signe de victoire et souffle un mot qui ressemble vaguement à « yes ! ». Je fronce les sourcils. Je n'aime pas perdre.

— Pour cette fois.

           Il se retourne vers moi et hausse les épaules, pas le moins du monde inquiété par ma promesse de vengeance.

— Tu dis toujours ça.

          Ses yeux dont un rapide détour vers le plafond avant de se poser sur moi. Pendant quelques secondes, il ne dit rien, puis un sourire naît sur ses lèvres et il se dirige vers la porte qu'il ouvre avec énergie.

— Goûter ?

— Volontiers !

           Sans attendre, je saute sur mes pieds et le suis dans la cuisine. Mais aussitôt assise, je remarque un détail.

— Merde ! J'avais pas vu l'heure , faut que j'y aille !

           En courant, je récupère mes affaires éparpillées dans tous les coins de l'appartement, et en laçant mes chaussures, j'explique à Alex :

— Mes parents veulent faire une sortie tous les trois ce soir. Et comme c'est mon père, c'est grand restaurant. Donc il faut que je me prépare.

          Je relève la tête vers lui et mes lèvres se gonflent.

— Désolée.

          Il rit et passe la main dans ses cheveux.

— T'inquiète pas. De toute façon, au bout de sept heures passées avec toi, je commence à en avoir marre.

           Secouant la tête, j'accuse le coup, et réplique :

— Pareil. De toute façon, le restaurant, c'était juste une excuse, je voulais juste partir.

          Il sourit, et comme je m'approche de la porte, il l'ouvre et me laisse sortir. Il ouvre la bouche pour parler, puis semble se raviser. Puis, il la réouvre, hésite, et dit finalement :

— Tu me dis dès que t'as des nouvelles ?

          Je hoche la tête et déglutis. Il s'approche de moi, et ouvre ses bras. Je m'y blottis avec délice. 

— J't'aime fort. Si ça va pas, tu m'appelles. Ou tu reviens. Même si tu sonnes à trois heures du matin, je t'en voudrai pas.

           Je pouffe et m'éloigne de lui.

— T'inquiète pas pour moi. Je t'aime aussi. À demain ! je crie en dévalant les escaliers.

          Le bus arrive à l'arrêt en même temps que moi et je m'y engouffre avec hâte. La route longe les falaises et je laisse mon regard s'échouer sur les vagues en contre-bas. La mer est calme. Elle m'apaise. Pendant les minutes que dure le trajet, je m'efforce de ne pas sortir mon téléphone de ma poche. Ne pas le regarder, ne pas vérifier. Je me convaincs qu'elle m'appellera une fois qu'elle aura parlé. Il faut être patiente. Il faut lui laisser le temps. Je me répète ces phrases en boucle dans ma tête jusqu'à ce que le bus s'arrête à mon arrêt. Oui, il faut lui laisser du temps. Le soleil tape sur mon crâne alors que je descends le chemin jusqu'à ma maison. L'espace de quelques instants, je me force à trouver ça agréable. Puis de nouveau, mes pensées s'envolent vers Charlotte et son visage d'ange. Je me persuade de ne pas m'inquiéter puis pousse la porte de la petite maison de pierre.

— Maman ? j'appelle en rentrant.

           Sa voix me répond depuis sa chambre et je me précipite à sa rencontre. Adossée au chambranle de la porte, je la regarde se maquiller devant sa coiffeuse pendant quelques minutes. Elle est resplendissante. L'idée de passer – enfin – une soirée avec mon père a l'air de la réjouir. Je me réfugie dans la salle de bain, le sourire aux lèvres.

          Plusieurs dizaines de minutes plus tard, des éclats de voix retentissent et me tirent de la torpeur qui s'était installée sous la douche. Surprise, je coupe le jet d'eau et tends l'oreille. Je reconnaîtrais la voix de ma mère entre mille. Pourtant, je suis bien incapable d'identifier son interlocutrice. Les voix me parviennent mal. Impossible de savoir quel est le sujet de la dispute.

           En vitesse, je sors de la douche, me sèche et enfile des vêtements propres. Le battant de la porte claque presque sur le mur de la salle de bain quand je débouche dans le salon. Les voix se taisent en me voyant.

          Une femme se tient devant moi, me dévisageant. Aussitôt, ma mère vient se glisser devant moi et me fait signe de retourner dans la salle de bain. Je n'en fais rien. Derrière elle, je détaille la personne qui m'observe avec un regard furibond. De taille assez petite, ses cheveux châtains sont retenus dans un chignon sur sa nuque ; elle n'a pas pris le temps de se déshabiller – pourquoi l'aurait-elle fait, après tout ? – et porte une veste marron qui a l'air de coûter une fortune ; elle a un charisme indéniable, une classe repérable – peut-être est-ce dû à sa posture plus que droite ? – et semble déborder de confiance.

           La femme continue de me toiser avec méchanceté. Puis ses yeux se tournent vers ma mère et elle crache :

— C'est elle ? C'est elle, n'est-ce pas ?

           Ma mère recule d'un pas, me plaquant presque contre le mur. Elle ne dit rien, se contentant de fixer la femme méchamment. Cette dernière a un rictus avant de s'avancer vers nous et de pointer un doigt accusateur dans ma direction.

— Oui, c'est ça ! C'est bien elle ! Juliette, non ?

           D'un regard, ma mère m'intime de ne rien dire, de ne rien faire, mais déjà, ma tête s'incline vers le bas, confirmant ses dires.

           Il n'en fallait pas plus. La femme s'élance dans ma direction et sa voix retentit dans la maison :

— Qu'as-tu fait à ma fille ?

          Pendant un moment, je réfléchis sans comprendre. Puis tout s'explique. Charlotte.

          Charlotte l'a fait. Elle l'a dit. Et ça c'est mal passé.

          Soudain, les larmes me montent aux yeux et ma gorge se serre.

          D'un coup, je me sens coupable d'avoir tant insisté, de l'avoir tant pressée.

          Ma mère pince les lèvres. Elle sait que j'ai compris. La femme pointe à nouveau son index vers moi.

— Jamais tu ne la reverras. Tu m'entends ? C'est fini, vous deux. Je ne veux pas en entendre parler.

           Ses talons tapent sur le parquet. La porte claque.

           Elle est partie.


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publié le 10.04.19 

pfiou ! c'est la fin de cette première partie ! que dire ? pour être honnête, pas grand chose. encore désolée de ne pas avoir posté en si longtemps... j'essaierai d'aller plus vite pour la deuxième partie, promis. d'ailleurs, à ce propos, j'ai besoin de vous ! je pense faire la deuxième partie d'un seul coup (elle sera bien sur mon longue que la première partie), et tout publier dans une seule et même partie d'histoire, alors, qu'en pensez-vous ? ou est-ce que vous préféreriez que je la découpe en plusieurs petite parties ? j'attend vos réponses avec impatience ! 

avec plein d'amour, Am !

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