Chapitre 31
02 mars 2018
— Bonne chance.
La main de ma mère se pose sur ma cuisse et la presse gentiment.
— Tu m'appelles si il y a quelconque problème.
Je hoche la tête et plante mon regard dans le sien. Une lueur bienveillante danse dans ses pupilles et je pose ma main sur la sienne avant de lui souffler :
— Merci.
Au moment où je sors de l'habitacle, elle me lance :
— Amuse-toi bien.
Un sourire taquin étire ses lèvres et sa bonne humeur se propage jusqu'à moi.
— T'inquiète pas pour moi.
Elle acquiesce encore une fois et je sens son regard qui ne me quitte pas quand je claque la portière et m'avance vers le restaurant. Puis elle remet le contact et au bout de quelques secondes, elle a disparu. Alors il ne reste plus que moi. Le froid m'enveloppe et je commence à regretter de ne pas avoir pris une veste de plus. Qu'importe. Être seule devant l'entrée fait remonter au galop toutes mes angoisses de la journée. Et si Charlotte annulait ? Ou pire, si elle ne venait pas, sans rien me dire ? Si elle me posait un lapin ? Et si elle venait, et que ça se passait mal ? Si l'une de nous était malade ? Ou finissait un peu trop alcoolisée ? Si elle n'aimait pas ma tenue ? Si on avait rien à se dire ? Si elle s'était rendu compte que c'est une erreur ? Si on ne pouvait pas payer ?
Et soudain, elle est là. Elle adresse un signe de la main à son frère qui repart et s'avance vers moi. Elle est magnifique. Elle porte une longue robe bleu roi, et ses cheveux voltigent autour de sa tête. Les néons de l'enseigne du restaurant font apparaître une auréole au-dessus de son crâne et c'est un ange qui s'approche.
Aussitôt, sa main se glisse dans la mienne. Automatiquement, je souris. Elle se penche vers moi, ses talons lui assurant une hauteur suffisante, et dépose un chaste baiser sur mes lèvres. Son odeur m'enveloppe et je pourrais jurer que mes yeux brillent. Son visage s'égare sur le côté du mien et sa bouche souffle contre mon oreille :
— Tu es magnifique.
Elle se recule et sa main qui lâche la mienne laisse un froid sur mes doigts.
— On est deux alors.
Elle sourit, puis me dépasse pour ouvrir la porte à doubles battants. L'air chaud s'empare de moi quand je m'engouffre à sa suite dans l'espèce d'anti-chambre du restaurant. Et quel restaurant. Quelques décorations minimalistes habillent les murs, des tables et des chaises en métal sont disposées sur des sols de différentes hauteurs et une immense verrière offre une vue sur la cuisine.
— Mon père est un ami du chef, m'informe-t-elle.
Rapidement, une serveuse nous emmène vers une table à l'écart.
— Je suis tellement nerveuse.
Elle attrape sa paille et la laisse rouler entre ses doigts, le regard fixé sur sa boisson. Doucement, je tends la main par-dessus la table et attrape son menton. Elle relève la tête et plante enfin ses yeux dans les miens.
— Moi aussi. Mais c'est un bon signe, non ?
Elle hoche la tête.
— Au fait, je m'excuse d'être venue chez toi comme ça dimanche. J'aurais dû prévenir avant.
— Non, il y a pas de mal, tu m'as sauvée de l'ennui.
Je vois l'étonnement se peindre sur son visage et quelques secondes après, elle demande :
— Même avec ta sœur ?
— Elle lisait.
Elle hoche la tête, puis fronce les sourcils de nouveau.
— T'aimes pas lire ?
Je hausse les épaules.
— Pas tellement, non. Et toi ?
Elle a un petit sourire triste.
— J'adore. Je peux passer des journées à lire, surtout des classiques. J'aime bien analyser rapidement aussi. Chaque phrase a des sens cachés, je pense. 'Faut être un sacré génie pour être écrivain. En fait, je voulais faire un bac L. Mais en plus d'être hyper catho', ma famille tient à son petit business, et sa petite richesse de bourges modernes. Alors ils m'ont dit de faire ES, et j'avais pas intérêt à protester. Alors me voilà. Je sais pas où je vais, ni pourquoi. Mais j'y vais parce que ma famille l'a décidé.
Mon cœur se sert à ses mots, et je tends une deuxième fois la main au-dessus de nos assiettes pour la poser sur la sienne. Elle me lance un regard embué avant de retirer sa main et de la glisser sous sa cuisse, jetant un regard furtif vers le reste de la salle. Mes yeux suivent la direction des siens, et quand je comprends, une boule se loge dans ma gorge. C'est trop. D'une voix étranglée, je lui dis :
— 'Faut que j'aille aux toilettes.
Sans attendre de réponse, je me lève brusquement et me dirige vers le fond du restaurant. La porte de la pièce claque derrière moi et un coup d'œil me suffit pour me rendre compte que je suis seule. Mon cœur tambourine dans ma poitrine comme une horloge déréglée. Je m'appuie contre les lavabos minimalistes, et fixe mon reflets quelques instants. J'ai les joues rouges et les yeux brillants. Détournant le regard, j'essaie de calmer les battements de mon organe vital et de réduire la boule qui obstrue ma gorge. Respire, Juliette. Respire.
Peu à peu, les larmes disparaissent de mes yeux. Mon cœur n'a toujours pas repris un rythme normal, et l'appréhension broie toujours ma poitrine sous son poids. La porte claque de nouveau et, à travers le miroir, je lance un regard à la nouvelle venue. C'est une femme d'une cinquantaine d'années, aux cheveux noirs et au visage botoxé.
— Tout va bien ?
Je réponds à sa question d'un hochement de tête et regarde sa robe mauve disparaître dans une des cabines. De nouveau seule, je passe les mains sur mon visage et inspire un bon coup. Pour la forme, je me lave les mains rapidement et finis par sortir de la pièce en même temps que la riche dame au collier de perles. Quand je rejoins notre table, nos verres ont disparu. Je m'assois en face de Charlotte et celle-ci lève les yeux vers moi. D'un geste de la tête, je lui fais comprendre que tout va bien. Un malaise s'installe, et je comprends qu'elle a compris. Elle sait que je ne suis pas allée aux toilettes juste pour aller aux toilettes. Le serveur qui nous apporte nos plats et la conversation repart tant bien que mal. Elle aime bien le poisson. Oh ? Moi je préfère la viande. Elle avait hésité à devenir végétarienne. Je ris. Elle ressemble un peu à ma sœur. Sauf que dans ma famille, on va jusqu'au bout des choses. Clin d'œil. Dans la sienne aussi. Ah oui ?
— T'as pas encore tout vu, Juliette.
Je ris une nouvelle fois. J'espère bien ne pas avoir tout vu. Que se passerait-il, s'il n'y avait plus rien d'elle à découvrir ? Est-ce que je me lasserais ? Ou alors, rien ne changerait ? Mais je ne lui dis rien de tout ça. À la place, je me contente d'un nouveau clin d'œil.
— J'aime être surprise.
Elle dodeline de la tête, et un sourire mutin se dessine sur ses lèvres.
— Ah oui ?
Entendre mes mots sortir de sa bouche me fait sourire une nouvelle fois. Mon regard se dirige vers ses lèvres, inaccessibles.
— J'espère ne pas te décevoir alors.
Quand mes yeux remontent vers les siens et que ses pupilles percutent les miennes, tout lueur joueuse a disparu. À la place, j'y trouve une sincérité sans failles et elle tends sa main par dessus la table pour la poser sur la mienne.
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publié le 19.01.19
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Une NDA s'impose ! Pourquoi ? Parce que j'en ai envie. C'est suffisant, je pense.
Tout d'abord, je voulais parler rapidement de ce chapitre. J'ai pas mal hésité. Est-ce que je révèle la passion pour la lecture de Charlotte (ouais, je sais, c'est pas ouf comme révélation, mais ça me trottait dans la tête depuis un petit moment, alors...) ; est-que tout va bien à la fin du chapitre ? Et surtout, je dois avouer que j'ai été assez surprise de la tournure des événements. Ouais, mes personnages font clairement ce qu'il veulent, et les pensées pas très cathos de Charlotte m'ont surprise. Je la pensais pas comme ça, quoique, pourquoi pas ?Je voulais aussi souligner son regard de sincérité. Ça non plus, c'était pas prévu. Mais j'aime beaucoup. Donc merci Charlotte, t'as vraiment géré aujourd'hui !
Deuxième point, la vitesse de publication. Aha. Aha. Aha. Aaaaah ! *s'enfuit en courant* ou *se cache le visage dans son col roulé préféré*, au choix. J'aimerais clairement avoir plus de temps pour écrire. Surtout que j'aimerais en finir une bonne fois pour toutes avec cette histoire. Pas que je n'aime plus l'écrire, c'est juste que j'aimerais bien commencer un autre projet (bien qu'il y en ai quelques-un en cours *clin d'œil*). Et pour commencer un autre projet, il me faudra la satisfaction et l'aide psychologique d'avoir réussi à finir celui-là. Bref ! Le fait est que mes semaines sont archi-chargées, et j'ai assez peu de temps pour moi le soir, en tout cas pas assez pour écrire un chapitre. Mes week-ends, je les passe sur mon bureau ou dans une salle de danse, et à mon grand désespoir, le bureau ne me sert que très peu à écrire. C'est assez compliqué pour moi en ce moment. Manque de sommeil, groooooosse charge de travail et blablabla. C'est pas nouveau, mais là, ça s'intensifie a little bit. Donc voilà, je suis vraiment désolé de pas offrir plus de contenu rn, mais ça viendra ! Merci d'être toujours plus patients, et surtout merci d'être de plus en plus à suivre l'histoire de Juliette (et celle de Charlotte, accessoirement). Et surtout, merci aux trèèèèèès rares personnes qui auront lu cette note d'auteure jusqu'au bout. En un mot, merci.
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