Sirius Black


Sirius s'étendit sur les marches du péron, savourant le soleil estival caressant sa peau blafarde. Il s'étira même langoureusement, faisant gagner quelques centimètres supplémentaires à sa colonne vertébrale, comme ratatinée suite à plusieurs heures d'études courbée au-dessus d'un bureau encombré de parchemin.

Depuis son acceptation à Poudlard, Orion poussait plus ou moins explicitement son fils à se préparer intellectuellement à la rentrée. Sirius avait avalé deux énormes ouvrages de botanique dont il n'avait retenu qu'un quart, avait passé deux bonnes matinées à mémoriser sortilèges, maléfices et tours plus ou moins utiles, dont certains étaient imprononçables. Enfin, il veillait le soir en compagnie d'anciens manuels de potions, vestiges des propres études de Walburga.

Il avait également une hâte maladive que l'été se termine et qu'il puisse enfin monter dans le Poudlard express dont il rêvait tant. À certains moment, il croyait entendre le sifflement de ce train légendaire à la place du grognement désobligeant de Kreatur, ou entendre des chuchotements dans la bibliothèque de ses parents, comme si quelconque camarade se cachait derrière une étagère.

Sa hâte de partir n'était pas seulement motivée par la perspective de nouveaux amis, de banquets dans la Grande Salle où d'apprendre la magie. Avant tout, Sirius n'aspirait qu'à quitter le 12, Square Grimmaud.

Ce n'était pas qu'il s'y ennuyait ferme, mais un peu quand même. Orion voulait probablement bien faire en lui entassant autant d'informations préparatoires dans la tête, mais il avait l'impression que ses neurones agonisaient sous la surcharge de travail. À Poudlard, il prévoyait des soirées interminables à ne rien faire, à profiter des infrastructures et d'éventuelles nouvelles rencontres. Il ferait davantage que le minimum, se promettait-il, mais un peu moins que le maximum pour le bien-être de sa santé mentale.

Enfin, à Poudlard, il n'y aurait pas de parents trop sévères, pas d'elfe de maison insupportable, pas de longues heures à s'ennuyer en regardant à travers la fenêtre les rues londoniennes... Il serait libre de faire ce qui lui chantait, sans aucune tutelle parentale. Libre !

Derrière lui, la porte de la maison s'ouvrit dans un grincement sonore. Comme pour compenser le dérangement, Regulus referma le battant le plus doucement possible. Il s'assit ensuite aux côtés de son frère, savourant tout autant les températures saisonnières.

Mais à Poudlard, tu n'auras pas de petit frère, souffla une petite voix dans sa tête.

Sirius passa son bras derrière l'épaule de Reg et se rapprocha de lui.

- Ça va ?

- Oui, répondit le jeune Black. Je m'ennuie. Tu as de la chance d'aller à Poudlard, toi, tu auras plein de trucs chouette à faire !

Sirius haussa les épaules, bien qu'il approuvait ces paroles. Il ne voulait pas faire de peine à son petit frère en confirmant le fait qu'il ne souhaitait que s'en aller au plus vite.

- Sirius....

- Oui?

Regulus posa son menton sur des genoux repliés, l'air pensif. L'ombre de ses cheveux empêchait le soleil d'éclairer la peau de son front, lui donnant un petit air triste.

- Tu m'écriras, hein ? Tu ne m'oublieras pas ?

Sirius esquissa un sourire attendri, et balaya d'une main les mèches de son frère lui tombant devant les yeux. Le soleil illumina de nouveau sa peau translucide.

- Bien sûr que non, répondit-il. Je penserais bien à toi quand je serais là bas, et je t'écrirais très régulièrement.

- Tous les jours ?

- Tous les jours, et même pour te raconter combien de fois je vais aux toilettes entre les cours ! s'esclaffa Sirius.

Un sourire fleurit les lèvres de Regulus, qui se blottit contre son frère.

- Tant mieux. Je sais que parfois tu t'embête aussi, ici. J'avais peur que tu ne prennes pas la peine de nous envoyer des lettres.

Sirius sentit son cœur de fendre en deux en écoutant les inquiétudes de son frère. Il imaginait combien la vie de Regulus durant l'année suivante serait pénible : seul dans un appartement londonien avec de stricts parents, un elfe de maison rachitique, son frère évanoui dans le rêve merveilleux de Poudlard, qu'il ne pourrait lui-même atteindre qu' un an plus tard.

- Oh, Reg... Jamais je ne t'oublierai ainsi, murmura-t-il.

C'est alors que son petit frère éclata en sanglot. Pris au dépourvu, Sirius le contempla quelques instants sans réagir, avant de le prendre dans ses bras. Entre de hoquets, il lui caressait tendrement les cheveux, passant les doigts dans ses mèches impeccablement coiffées.

- Ne t'en fais pas, Reg.... On se retrouvera très bientôt... Toi aussi tu viendras à Poudlard l'année prochaine, hein ? Tu seras un grand sorcier, même plus que moi ! Hein ? Reg ?

Le jeune Black hocha la tête, et passa le revers de sa manche pour balayer les larmes coulant sur ses joues.

- Mais... Et si on est pas dans la même maison ?

Sirius ouvrit la bouche, allant dire quelque chose mais se retrouvant momentanément incapable de parler. L'idée ne lui avait jamais effleuré l'esprit. Sa famille avait été à Serpentard durant des dizaines de générations, et que lui et Regulus se retrouvent dans la maison des serpents paraissait la suite logique d'une descendance exemplaire. Mais... Étaient-ils vraiment conçus pour suivre la même voie que leurs ancêtres ? Après tout, il pouvait très bien avoir des exceptions ! Cela arrivait rarement, mais le phénomène s'était déjà produit. Un Serpentard dans une famille de Poufsouffle, où un Serdaigle chez des Gryffondors... Et si le Choixpeau envoyait Sirius dans la mauvaise maison ? Ou bien Regulus ? Ce dernier, particulièrement vif d'esprit, partageait de nombreux points communs avec Serdaigle. Il ne serait pas impossible qu'il y soit envoyé lui ainsi que d'autres érudits.

Et leurs parents... Si jamais leurs fils rejoignaient des maisons différentes, Sirius n'osait imaginer les conséquences que cela aurait sur leur famille. Serpentard était un honneur, et toute autre alternative était une atteinte à la dignité de la lignée, en plus d'une source inépuisable de déception.

Mais le pire... Si jamais les deux frères étaient séparés...

Sirius chassa ses pensées en secouant la tête énergiquement. Non. Ils iraient tous les deux à Serpentard comme prévu, et pas autre part.

- Mais non, affirma Sirius avec une conviction de fer. Nous avons tous les deux le profils parfaits pour aller à Serpentard. Pourquoi est ce que cela changerait ? Hein ?

Son petit frère haussa les épaules, l'esprit ailleurs. Sirius lui donna une petite tape amicale sur l'épaule, tout en ignorant superbement une curieuse appréhension naissant sournoisement dans son estomac.

- Ouais, bah, au moins, je t'entendais plus ronfler, lâcha enfin Regulus avec un petit sourire malicieux.

Sirius éclata de rire, faisant fuir une volée de pigeon posée sur les toits.

***

Cette nuit là, Sirius passa une nuit particulièrement agitée. Premièrement, il eut trop chaud. Il avait donc ouvert la fenêtre de sa chambre pour laisser passer l'air frais de la nuit, avant d'être assaillis par un essaim monstrueux de moustiques affamés.

Après une bonne heure passée à écraser ces insectes vampyriques un par un, armé d'un manuel particulièrement volumineux de métamorphose qui étalait avec application le sang sur les murs, Sirius dépensa ensuite une demi-heure supplémentaire à tenter de soulager ses démangeaisons. Il avait exactement dix-sept piqûres répandue sur l'entièreté de son corps, dont l'une d'elle sous le talon, qui l'agaçait tout particulièrement.

Il finit par fermer la fenêtre, et se recoucha en arrachant l'une de ses croûtes d'un geste lassé.

Quand, enfin, il sentait le sommeil alourdir ses paupières, ce fut sa vecie qui l'importuna. Il alla soulager cette dernière en marmonnant d'effroyables menaces à son appareil digestif si celui-ci le dérangeait ne serait-ce qu'une seule fois encore.

Enfin, après ces longues heures d'insomnie, il s'enfonça dans un sommeil agité, entrecoupé de rêves tous plus incohérents les uns que les autres.

Dans l'un d'eux, Sirius poursuivait un chien noir qui avait emporté dans sa gueule un lot lettre de Poudlard. Parmi l'une d'elle se trouvait celle de Regulus, recouverte d'une bave collante et mousseuse.

Ensuite, il songea que sa mère envisageait de retomber enceinte. Pour ce faire, elle préparait une troisième chambre d'enfant dans Square Grimmaud, et tapissait le sol avec des chemises à Sirius, qui se retrouvait donc sans vêtements pour partir à Poudlard.

Enfin, il rêva qu'un immense serpent rampait lentement vers lui, une leur de gourmandise dans le regard. Sirius tentait de reculer, mais à chaque pas, il trébuchait et tombait lamentablement au sol, et prenait une lenteur surnaturelle à se relever. Quand enfin, le cauchemar atteignait son paroxysme ( le serpent se dressait au-dessus de lui, ses crochets luisants d'un venin mortel) et que son organisme parcouru de sueur froide allait se réveiller, une apparition imaginaire le sauva in extremist de cette situation imaginaire. Un lion, dont la crinière était faire de langues de feu, se jeta sauvagement contre le reptile, broyant son cou avec une efficacité morbide sous ses crocs. Durant ce temps là, Sirius observait la scène.

Le lendemain, à son réveil, le jeune Black ne se souvenait plus de rien.

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