Sirius Black


- Cavalier, en B16, commanda Sirius.

- Dame, en C17, réagit Regulus.

Sur l'échiquier, les pions se mouvèrent avec une lenteur délibérée, comme voulant faire durer le suspens de la partie. Sirius avait réussi à prendre les deux fous et une tour à Regulus, en revanche il y avait laissé sa dame. La partie était dangereusement équilibrée, les deux frères se disputant la victoire.

- Tu as peut être remporté l'autre partie, mais celle-ci est à moi, le défia Regulus avec un sourire provoquant.

Sirius lui sourit en retour, et déclara :

- Tour, en C17.

Sa tour, dissimulée derrière une muraille de pions, jaillit sur le plateau et réduit en pièce la Dame de Regulus, qui observa le carnage miniature, tout déconfit.

- Tu ne l'avais pas vu, celle là, n'est ce pas ? supposa Sirius avec malice.

- Sans blague, grommela son frère en lui adressant un regard noir derrière sa frange d'ébène.

Regulus se pencha par dessus le jeu. Son frère pouvait presque entendre des rouages fonctionner à plein régime dans son cerveau. Hélas, ceux-ci semblaient un peu rouillés face à ce problème, car la réflexion Regulus s'éternisait.

Pendant ce temps là, Sirius observait son frère. Même si Sirius avait dix ans, et que son frère venait d'atteindre sa neuvième année, il était presque aussi grand que lui. Mais la ressemblance ne s'arrêtait pas là : ils partageaient la même chevelure sombre, le même teint pâle, le même nez en lame de couteau dont se vantaient la plupart des membres de la famille Black. La seule réelle différence notable étaient leurs yeux : si ceux de Sirius étaient d'un gris orageux, les prunelles de Regulus étaient des abymes noirs et insondables.

Quelque chose qui cognait derrière la vitre du salon dans lequel ils se trouvaient extirpa Sirius de ses pensées. Il leva les yeux et découvrit une petite chouette lapone qui grattait, un air important dans ses yeux mordorés.

- Continue à jouer, Reg. Je lui ouvre. Ça doit encore être un courier du ministère pour père.

Sirius déverouilla la fenêtre. À sa grande surprise, ce n'était pas le nom d'Orion Black qui était inscrit sur l'enveloppe, mais le sien. Il remarqua alors les armoiries de Poudlard ornant le papier.

- Oh... Oh !... OH ! fit-il en un crescendo retentissant.

- Quoi, qu'est ce qu'il se passe ? questionna Regulus, soudainement désintéressé de la partie d'échec.

Sirius ne répondit pas. Il préféra ouvrir son courrier.

Cher M. Black,
Nous avons le plaisir de vous annoncer que vous êtes admis à l'école de sorcellerie de Poudlard, et que...

- Reg... Reg...

- C'est quoi Sirius? Ta lettre pour Poudlard ?

- Oui ! Oui, je l'ai reçue !

Regulus sauta au cou de son frère, l'embrassa sur les deux joues puis tenta d'apercevoir quelque chose par-dessus son épaule. Il bavait littéralement d'admiration sur la chemise de Sirius.

- Alors ça c'est drôlement chouette ! commenta-t-il. Alors c'est vrai ? Tu vas vraiment aller à Poudlard ?

- On dirait, oui, murmura Sirius, ému.

Sirius s'attendait bien évidemment depuis des jours à recevoir cette fameuse lettre. Issu d'une telle famille, il ne pouvait qu'être accepté à Poudlard pour y étudier, et également sans doute en tant que Serpentard. Il n'y avait jamais eu de cracmol dans la famille Black, et il n'y avait que d'infimes chances qu'il en soit un, mais le fait de tenir ce précieux parchemin de formalité entre ses doigts, de pouvoir caresser les mots et de les relire autant de fois qu'il le souhaitait, confirmait ses ambitions, et son avenir. C'était un étrange mélange de soulagement, de fierté et de gratitude qu'il ressentait.

- Tu devrais la montrer à Papa et Maman, ça devrait leur faire plaisir !

Sirius hocha la tête. L'idée d'enfin rendre ses parents fiers de leur fils le remplissait d'une hâte irrépressible, et fila à toute allure hors de la pièce. gravit les escaliers en empreintant une marche sur deux. Ses parents se trouvaient dans le bureau d'Orion. Celui-ci signait diverses dépêches, sa femme penchée au-dessus de son épaules. Sirius marqua une pause, hésitant.

- On ne peut pas laisser les Malfoy s'entretenir seuls avec le Lord, cela pourrait être désavantageux... disait son père à mi-voix.

- Mais l'on ne peut pas venir sans être invité non plus, enfin ! répliqua Walburga d'un ton catégorique. As-tu seulement pensé à ce qu'en penserait Lord Vol...

- Papa, maman ? demanda Sirius en frappant doucement à la porte entrouverte.

Les voix cessèrent aussitôt.

- Entre, Sirius, ordonna froidement son père.

Il s'exécuta. Quand il apparu, ils le dévisagèrent avec circonspection, comme s'ils se doutaient qu'il avait saisi une partie de la conversation. Sirius feignit l'innocence en se râclant courageusement la gorge, avant de brandir devant lui la lettre. Il plaqua sur son visage un sourire timide.

- J'ai reçu ma lettre ! Je suis accepté à Poudlard !

Une lueur de soulagement éclair brièvement les yeux d'Orion, avant de redevenir insondable. Du côté de sa mère, seul un sourcil circonspect s'arqua au dessus de son regard impénétrable. Mais il n'y eut rien de l'étincelle de fierté qu'espérerait tant Sirius.

- Eh bien, ce n'est pas trop tôt ! grommela Walbruga. Nous commencions à penser que tu étais un cracmol.

Sirius baissa le bras, déconfit.

- Bien. Merci de cette heureuse information, Sirius, conclut son père. Nous irons faire les achats nécessaires la semaine prochaine au chemin de traverse. Tu peux disposer.

Mais Sirius ne bougea pas, contemplant ses parents avec une déception paralysante. La fureur dériva dangereusement sur le bord de ses pensées, avant de nouveaux être emportée par le flots d'émotions contradictoires. Il aurait tellement, tellement aimé un sourire ! Juste un, ou seulement une petite félicitation. Ce n'était pas rien, tout de même, Poudlard ?

- Mais... Vous n'êtes pas contents ? balbutia-t-il.

En remarquant enfin son désarroi, Orion esquissa un petit sourire attendri. Celui-ci, si rare sur ces lèvres asséchées qu'il s'agissait presque d'un miracle, réchauffa aussitôt le cœur de Sirius. Il ouvrit et ferma la bouche, oscillant entre le soulagement et la stupéfaction.

- Assis-toi, Sirius, demanda-t-il avec une douceur inattendue, désignant une chaise vide face au bureau.

Sirius s'exécuta aussitôt. De toute façon, ses jambes avaient semble disparaître dès les réactions contradictoires de ses parents. De son côté, Walbruga se positionna debout derrière son mari, les bras croisés avec sévérité. Sirius aurait mit sa main à couper qu'elle se retenait de soupirer.

- Sirius, déclara Orion avec importance. Bien sûr que nous sommes heureux. Ton acceptation à Poudlard n'est qu'une étape du cheminement qui t'amènera un jour à être un grand et influent sorcier.

Son fils en resta bouche-bée. Il ne savait plus quoi, ni comment penser. Il laissa donc les événements de dérouler devant ses yeux, s'enregistrer dans sa rétine jusqu'au moment où il retraiterait ces informations, l'esprit reposé.

- Nous sommes même fiers de toi, intervint inopinément sa mère, prononçant la chose la plus desirable à ses yeux. C'est seulement que nous nous inquiétons sur ton sort : ta lettre tardait à venir. Ta cousine Bellatrix l'avait eu dès la mi-juillet. Et nous sommes à la mi-août.

- Comprenais tu notre inquiétude, Sirius ? Avoir un cracmol dans la faille aurait été une aberration inimaginable, un déshonneur effroyable qui nous aurait valu une chute sociale insurmontable, voire mortelle.

Il hocha la tête avec application. Oui, oui il comprenait. Si jamais la famille Black avait engendré une personne non-magique, cela n'aurait pas été pire que s'ils étaient condamnés à vivre tel des modus jusqu'à la fin de leurs jours.

- Heureusement, ce jour n'est pas encore arrivé, conclut Orion avec une petite tape des mains concluante. Grâce à toi, tu rendras notre famille fière. Tu entameras de brillantes études à Serpentard, et tu deviendras un sorcier noble et respecté de tous. Tu défendras tout comme nous les valeurs qui nous sommes chères : la gloire, l'honneur, et bien sûr, la pureté.

-Toujours purs, murmura Sirius.

- Exactement, mon fils. Toujours purs.

Sirius tenta un petit sourire à son père, qui, comme par miracle, le lui rendit.

- Et, Sirius, nous sommes déjà très fier de toi. Quoique tu fasses, quoique tu deviennes, nous serons éternellement fiers de toi. Tu es un Black.

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