Remus Lupin
Remus s'attendait à tout, sauf... Sauf à ça.
Quand il avait appris qu'il pouvait enfin avoir un entretien avec Dumbledore, il s'attendait à une conversation sobre, concise, lui expliquant rapidement ce qu'il était censé savoir, et qui se terminerait sans doute par un refus définitif de sa venue à Poudlard, comme l'aurait très certainement fait de nombreux directeurs d'écoles.
Mais Dumbledore n'était pas n'importe quel chef d'établissement. C'était un homme d'une intelligence hors du commun, à l'imagination sans limite et au sens de l'observation redoutable, et dont la formidable extravagance ne laisserait jamais un entretien pareil se dérouler dans une parfaite normalité.
Donc, forcément, il y allait avoir un peu d'originalité.
Ainsi, Remus se retrouva dans le salon, seul avec le directeur, son père ayant été exclu poliement de l'entretien par Dumbledore. Le vieil homme se tenait aussi confortablement assis dans un fauteuil que s'il s'agissait du sien, tenant dans sa main baguée une tasse fumante de thé. Remus remarqua au passage qu'il s'agissait de son mug, dans lequel il avait prit du lait ce matin même, ce qui ne fit qu'augmenter son appréhension. Mais le plus saisissant était le fait que Dumbledore se tenait devant une partie de bavboules. Les pièces avaient été placées sur la petite table du salon de manière à pouvoir démarrer une partie, et Dumbledore n'attendait que son adversaire.
Remus s'approcha timidement. En le voyant, le directeur lui sourit gentiment tout en le regardant d'un œil perçant au-dessus de ses lunettes en demi-lune.
- Bonjour, Remus, fit-il d'une voix profonde.
- Bonjour, répondit-il d'un ton inaudible.
- Souhaiterais-tu faire une partie de bavboules avec moi ? Même si j'aime beaucoup cette distraction, je suis un très mauvais joueur.
Remus hocha la tête, mal à l'aise.
Et c'est ainsi qu'il se retrouva au plein cœur d'une après midi d'été à jouer aux bavboules avec Dumbledore, qui buvait dans son propre mug. Si la situation le rendait nerveux, Dumbledore avait un don pour détendre l'atmosphère. Il jouait avec bonne humeur, manipulait les pièges avec enthousiasme, riait de bon cœur quand il se faisait avoir. Remus prenait un réel plaisir, et avait presque oublié la raison initiale de cette confrontation.
Entre deux coups, il observait discrètement le directeur. S'il était un bel homme dans sa vieillesse, il le fut probablement dans sa jeunesse. Il avait des yeux d'un bleu très clair, qui le transcendait du regard à travers un rideau de longs cils noirs. Sa barbe argentée n'était pas parfaitement blanche, et Remus avait l'impression que ces nuances de couleurs témoignaient des rebondissements ayant trahi l'uniformité de la vie d'un sorcier ordinaire. Ses lèvres étaient fines et sans cesse incurvées dans une esquisse malicieuse, sous un délicat nez aquilin, à la peau blanche comme l'albatre. Il portait une tunique de couleur prune élégamment coupée, que l'on pouvait éventuellement trouver un peu décalée, mais qui restait tout de même seyante. Des manches dépassaient deux mains dotée de doigts fins, à peine vieillies par l'âge, qui se déplacait sur le jeu avec habileté.
Enfin, au bout d'un quart d'heure, Remus finit par remporter la partie de bavboules. Il soupçonnait Dumbledore de l'avoir laissé gagner pour le mettre en confiance, car certains de ces coups étaient bien trop maladroits pour un homme aussi réputé de ses brillantes qualités intellectuelles.
Le directeur éclata de rire, manifestement égayé par les bavboules. Remus lui-même souriait ( peu de personnes pouvaient se vanter d'avoir battu Dumbledore dans un jeu de société).
Enfin, le vieil homme s'enfonça profondément dans son fauteuil, les mains jointes devant lui, regardant le jeune garçon avec bienveillance.
- Je tenais te féliciter, Remus, pour ton admission à Poudlard, déclara Dumbledore avec quiétude. Poudlard ne se retrouvera qu'enrichit d'accueillir en son sein un joueur de bavboules aussi compétent !
Ignorant les éloges, Remus s'exclama, gonflé d'espoir :
- C'est... C'est vrai ? Je peux vraiment aller à Poudlard ? C'est possible ?
Dumbledore ria comme s'il avait dit quelques chose de drôle. Mais son rire n'était pas moqueur, non, mais plutôt rassurant.
- Bien sûr que tu peux y aller ! Qu'est ce qui t'en empêcherai ?
Le sourire de Remus se fâna sur son visage tout aussi vite qu'il était apparu.
- Ce qui m'en empêcherait... Ce qui m'en empêcherait...
Sa voix s'évanouit, et il détourna les yeux, évitant le regard de Dumbledore. Il se perdit dans la contemplation du ciel, bleu et limpide, qui faisait entrer les rayons du jour par la fenêtre. Mais en réalité, il ne voyait que l'ombre du second astre nocturne, noyé dans une lumière éphémère et trompeuse.
- Je... Non, pardon, je ne peux pas aller à Poudlard, c'est une mauvaise idée, je...
- Mais pourquoi donc ? insista Dumbledore.
Remus releva les yeux vers lui, confus. Il se noya dans l'océan limpide des yeux e Dumbledore. L'éclair de compassion qu'il y décela lui révélait qu'il était parfaitement au courant de la condition de Remus, mais qu'il souhaitait que le garçon en parle de lui-même. Il se mordit la lèvre, se sentant près d'éclater en sanglots.
- J'ai... je suis malade. Dangereux. Je suis...
Un monstre, retentit la voix de son père dans son esprit.
- Un... un monstre, laissa-t-il échapper. Un loup-garou.
Puis il fixa ses pieds comme s'il s'agissait de la plus belle des sept merveilles du monde. Un court silence s'installa, dans lequel il refusa obstinément de regarder de nouveau Dumbledore. Il avait trop peur de découvrir sur son visage avenant une expression de dégoût, ou même de frayeur. Mais, à sa grande surprise, Dumbledore éclata joyeusement de rire, un rire retentissant qui fit vibrer les os de Remus. Le garçon, médusé, ne comprenait pas ce qu'il y avait de si drôle, d'autant plus qu'il avait davantage envie de pleurer.
- Un monstre ? répéta Dumbledore avec un sourire pétillant. Mais tu n'es pas un monstre, Remus. Loin de là ! Si je peux me permettre, tu me sembles plutôt être un jeune homme fort sympathique, très intelligent et rempli de ressources qui ne demandent qu'à être exploitées.
Le directeur redevint soudain sérieux.
- Cependant, je peux comprendre que... ton petit problème puisse te mettre des bâtons dans les roues quand à ta scolarité. Ton père t'avait sans doute parlé de leçons extrascolaires suivant le programme du Ministère, que tu aurais suivit seul à la maison ?
Remus hocha la tête, et Dumbledore se pencha impercetiblement vers lui.
- Écoute-moi, Remus. Sache que ce que je m'apprête à te dire n'est pas ce que dirai de nombreux sorciers, et encore moins des directeurs d'écoles de sorcellerie tel que moi.
Il marqua une pause, suspendant littéralement le garçon à ses lèvres.
- Pour moi, n'importe quel enfant possédant les aptitudes magiques nécéssaires bénéficie du droit d'aller à Poudlard s'il le souhaite. Je ne vois donc pas pourquoi ce serait différent pour toi. Tu as le droit d'aller à Poudlard. Et le veux-tu, Remus ?
- Oui...oui, mais je ne peux...
- J'ai bien évidemment mûrement réfléchi aux nuits de pleines lunes. Ta condition pourraient poser problème si tu te trouvais dans les dortoirs au moment de tes métamorphoses, mais ce ne sera pas le cas. Il se trouve non loin de Pré-au-lard, à la lisière de l'enceinte de Poudlard, une vieille maison abandonnée. Elle appartenait à un homme malheureux, qui est parti saisir de nouvelles chances ailleurs malgré son grand âge. Il m'a volontier cédé sa proporité, qui commençait à tomber en ruine par manque d'entretien.
Remus commençait à ouvrir la bouche pour parler, mais Dumbledore l'interrompit d'un geste, lui signifiant qu'il allait lui dire où il voulait en venir.
- J'ai constuit un tunnel souterrain reliant cette vieille maison au parc de Poudlard. L'entrée du parc est protégée par un saule cogneur, récemment planté. Tu sais ce qu'est un saule cogneur, Remus ?
Le garçon opina : il avait déjà entendu parler de cet arbre agressif en lisant un livre de botanique. Dumbledore esquissa un mince sourire.
- Tu te doutes donc que peu de gens s'aventureront dans le tunnel grâce à ce vaillant gardien. Et je te propose la solution suivante, Remus : tu entreras à Poudlard pour ta première année, comme n'importe quel sorcier de ton âge, le tout dans le secret de ta condition. Seul moi-même et une poignée de professeurs seront au courant de ton état de santé. Et lorsque viendra la pleine lune, il te suffira de traverser ce fameux tunnel. Tu te métamorphoseras dans la cabane, seul, en attendant que le soleil se lève de nouveau. Nous avons une infirmerie et une guérisseuse fort compétente qui pourra soigner d'éventuelles blessures ensuite.
Remus l'écoutait, bouche-bée. La perspective de pouvoir aller à Poudlard se matérialisait sous ses yeux. Il craignait que tout ceci ne soit un rêve, qu'il ne se réveille dans son lit le matin, et qu'il réalise que tout ceci n'était que le fruit de son imagination.
- Cependant, Remus, je comprendrais également que tu refuses cette proposition, ajouta Dumbledore. Tu peux tout aussi bien rester chez toi pour étudier, si tu crains trop pour ta sécurité, ou bien celle des autres. Et je respecterais totalement ton choix. Mais pense que ta sécurité est davantage menacée par la trop grande curisotié de vos voisins juste ici !
Remus jeta un coup d'oeil par la fenêtre, et aperçu les jumelles de Mrs Dursley qui les scrutaient depuis sa cuisine. Il lâcha un rire fébrile.
- Oui, papa cherche une nouvelle maison loin de ces curieux, dit-il à mi-voix.
Amusé, Dumbledore reporta son attention sur lui.
- Alors, Remus, que choisis-tu ? Rester à la maison, ou venir assister à des cours affreusement ennuyeux à Poudlard ?
Remus prit une grande inspiration mais ne put pronnoncer un mot. À présent, c'était une joie immense, une reconnaissance enivrante, qui s'emparait de lui. Sa raison, la voix de son père et la chose sombre tapie au fond de son être lui dictait de refuser et d'oublier toute cette conversation, mais son espoir, ses rêves, le poussait à accepter.
- C'est... c'est pas une blague ? Je peux vraiment y aller ?
Le sourire de Dumbledore s'élargit.
- Non, ce n'est pas une blague. En revanche, c'est la seule opportunité que je te donnes, à toi de la saisir dès maintenant ou pas.
Remus sentit les dernières hésitations s'envoler. Il s'essuya les yeux, soudainement humide, du revers de la main.
- Oui... oui je veux bien ! Je veux bien !
Dumbledore hocha la tête, visiblement satisfait de cette réponse.
- Professeur, merci infinimment, vraiment, je ne sais pas quoi dire, ni comment vous remercier et...
- Tu me remercieras en ne faisant pas trop de misère à tes professeurs en cours, ils ont déjà tant à gérer avec des adolescents turbulents, plaisanta Dumbledore.
Le directeur se leva avec un discret craquement de genoux. Il fit un clin d'oeil à Remus.
- C'était un plaisir de te rencontrer, Remus. Cependant, je vais maintenant tâcher de convaincre tes parents. Ton père, tout particulièrement !
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