Remus Lupin

Dumbledore ne réapparu pas au cours de la journée. Sa visite semblait même avoir été totalement oubliée. Une fois redescendu de sa chambre, Remus n'avait pas prononcé un mot, et ses parents n'avaient pas fait davantage d'efforts. Lyall lui avait simplement jeté un coup d'œil chargé de peine et de regrets, et sa mère avait tenté de le prendre dans ses bras, avant que son fils n'esquive son étreinte par crainte de fondre une nouvelle fois en sanglots.

Le dîner se déroula dans un silence religieux, seulement perturbé par le bruit des couverts s'entrechoquant contre l'assiette, et l'eau versée dans les verres. Le repas, du poulet et des haricots verts, fut rapidement avalé, et la table prestement débarrassée.

Remus ne savait plus très bien quoi penser. D'un côté, il se sentait extrêmement peiné par ce que lui avait dit son père quelques heures plus tôt, tout en éprouvant un soupçon de fureur quand Lyall avait chassé aussi peu dignement le directeur sur le pas même de leur porte. De l'autre, il ressentait une profonde culpabilité mêlée à une honte brûlante : tout cela, c'était de sa faute. S'il ne succombait pas aux morsures lunaires, rien de tous ces soucis existeraient à présent.

Enfin, il ne pouvait taire un secret espoir. Dumbledore prétendait avoir trouvé une solution pour qu'il aille à Poudlard malgré sa condition. Et Dumbledore étant réputé pour son intelligence aiguisée, il serait tout à fait probable que ses moyens soient efficaces.

Mais si l'on partageait le point de vue de Lyall, Dumbledore était aussi un homme exentrique sur les bords, dont les idées farfelues, bien que pleines de bonté, étaient en réalité vouées à l'échec.

Ainsi, divaguant entre ces différentes pensées, Remus avait l'impression que les événements, qui s'étaient rapidement enchaînés en très peu de temps, peinaient à être raccordés dans son esprit. Il avait presque l'impression que tout ceci ne résultait que d'un rêve décousu, et qu'il se réveillerait très bientôt dans son lit, assailli de brides imaginaires.

Conscient que se confronter de nouveau à ses parents n'apporterait qu'un lot supplémentaire de mauvaises émotions, Remus se coucha ce soir là, pensif, sans même avoir souhaité une bonne nuit à ses parents.

Il resta longuement allongé de profil dans son lit, la joue profondément enfoncée dans son oreiller, un bras étendu devant lui, et son autre main caressant la boursouflure de l'énorme cicatrice qu'il portait à l'épaule.

Demain... Demain, peut-être que Dumbledore reviendrait, avec de nouveaux arguments suffisemment élaborés pour persuader ses parents de le laisser partir. Demain, peut-être que Remus serait libre de prendre en main une vie qu'il avait jusque là menée dans le secret de sa maladie. Demain, demain, peut-être que tout sera nouveau.

Demain.

Ou pas.

Soudain, il entendit des pas dans le couloir, et sa porte s'ouvrit doucement, dessinant un carré de lumière dans la chambre plongée dans la pénombre.

- Remus ? Tu dors, mon grand ? Je viens te souhaiter une bonne nuit, chuchota Espérance.

Redoutant toute conversation, Remus resta immobile, les yeux clos avec détermination. Il régularisa du mieux qu'il pouvait sa respiration afin qu'elle s'apparente à celle d'un sommeil naturel.

N'entendant aucune réponse, Espérance s'avança avec l'aisance qu'ont les mères pour se déplacer en silence sans réveiller l'enfant au sommeil le plus léger qu'il soit. Elle s'approcha du lit, et, tendrement, remplaça la couette afin qu'elle couvre correctement l'épaule de son fils. Le tissu retomba délicatement sur Remus, qui ne sourcilla point.

- Bonne nuit, Remus, je t'aime très fort, murmura-t-elle. Oui, n'oublie jamais ça : je t'aime très fort.

Puis elle déposa délicatement un baiser sur le front de son fils. Ce dernier sentit les boucles blondes de sa mère lui chatouiller la joue, et le parfum de sa crème de nuit embauma son oreiller d'une senteur florale et familière.

Enfin, Espérance se retira de la pièce. Et quand la porte se referma doucement, Remus se mit à pleurer, étouffant ses larmes contre l'oreiller.

***

Effectivement, Dumbledore ne lâcha pas l'affaire.

Le lendemain, dès 10 heures, il frappait à la porte. S'ensuivit une conversation fortement déplaisante à propos de la sénilité de certains vieillard, qui ne parut nullement vexer ni décourager Dumbledore, puisqu'il revint à la charge le lendemain encore, cette fois-ci à huit heures pétantes.

Remus, consigné dans sa chambre, assistait aux discussions houleuses entre ses parents et le directeur depuis sa fenêtre. Ce dernier faisait preuve d'une patience admirable. Lyall, tout à fait buté, refusait catégoriquement de parler à Dumbledore. Il le chassa une troisième fois.

Le lendemain, encore, Dumbledore était toujours présent, patientant innocemment sur le péron, sonnant de temps en temps alors qu'il n'était que sept heures du matin, brusquant toute la maisonnée en plein réveil. Lyall déclara tout à fait dignement à Dumbledore qu'il ne se laisserait pas faire, le visage encore plein de mousse à raser. Dumbledore avait sagement opiné avant de faire valoir son droit de revenir encore une fois, le lendemain, cette fois-ci à six heures pour être sûr de ne pas être en retard. Lyall lui avait rétorqué poliment qu'il pouvait aller se faire voir, et avait claqué la porte avec dignité. Dumbledore était reparti en sifflotant.

Et cela ne manqua pas, le lendemain, à six heures, la sonnette d'entrée chantait au même rythme que les pinsons dans les arbres. Espérance empêcha Lyall d'ouvrir la porte, sinon Dumbledore risquait de se retrouver victime d'un odieux meurtre.

Au bout d'une demi heure environ, la sonnette cessa de tinter. Remus, étendu dans son lit, les yeux fixant le plafond, écouta les pas de Dumbledore s'éloigner dans l'allée.

Il souriait.

***

Ce fut enfin au bout d'une semaine que Lyall céda. Il venait de réaliser que Dumbledore s'était montré bien plus tenace et entêté que prévu. Pour Lyall, Dumbledore était tel un moustique vous tournant autour : rien ne l'arrêterait avant que l'insecte n'ait obtenu ce qu'il voulait, sinon le lever de jour ou bien la mort, tout simplement.

Remus, de son côté, était persuadé que Dumbledore finirait par remporter cette bataille implicite. Tout dans cet homme, de sa barbe argentée à ses yeux délavés, laissait percevoir sa détermination sans faille. À côté du directeur, son père n'avait pas davantage de dignité qu'une mite à côté d'un papillon.

Ainsi, au plein cœur d'un après-midi ensoleillé, Dumbledore fit son entrée triomphante dans la maison des Lupin. Il s'essuya soigneusement les pieds sur le paillasson, comme si ce geste poli pouvait excuser le dérangement.

Espérance, bien que moldue, ressentait la puissance magique présente dans l'aura de Dumbledore. Intimidée, elle laissa Lyall accueillir le directeur avec des sourires forcés, et gravit les marches jusqu'à l'étage, afin de prévenir Remus. Ce dernier, ayant sans doute perçu lui aussi cette présence ensorcelante, attendait sagement, assis en tailleur sur le lit.

- Dumbledore souhaite s'entretenir avec toi, déclara-t-elle à mi-voix.

Remus se leva, une lueur étrange dans le regard. Il marcha lentement vers la sortie, mais Espérance l'interrompit en posant délicatement son bras sur son épaule.

- Remus...

Sa voix était chargée d'amour, un amour inconditionnel de maman dévouée.

- On ne veut que ton bonheur, moi et papa, tu le sais, n'est ce pas ?

Il hocha lentement lentement la tête, sans sourire. Espérance écarta l'une de ses mèches qui tombait de son front d'un geste infiniment doux. Elle poursuivit dans un murmure :

- Et si ton bonheur est d'aller à Poudlard, et que Dumbledore peut te permettre d'y aller... Eh bien, vas-y, fonce, mon grand. Peut importe ce que te dis ton père, dont l'inquiétude le rend parfois aveugle. Trace ton propre chemin, même s'il est semé d'embûches, et sache que quoiqu'il arrive, nous serons là pour te relever si jamais tu trébuchais.

L'étonnement de Remus fut tel que sa bouche s'ouvrit légèrement, comme si son cerveau, accaparé par l'analyse de ces paroles, avait inopinément oublié de tendre les muscles faciaux. Puis, enfin, un torrent de reconnaissance déferla dans son regard, faisant déborder de fin ruisseaux de larmes du lit de ses paupières.

Il n'y avait pas de mots capables d'évoquer ce qu'il ressentait. Alors, il se contenta de serrer des forts sa mère dans ses bras, et elle l'accueillit contre son sein. En son fort intérieur, Espérance se demandait pourquoi le temps passait si rapidement.

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