Remus Lupin

L'été de sa onzième année fut celui où la vie de Remus prit un tournant radical.

À ce moment là, les Lupin habitaient une maison minuscule en bordure du Lancashire. Elle était certes confortable, mais mal proportionnée : les escaliers menant à un étage souffrant de problème d'isolation aboutissaient au beau milieu de la cuisine, si bien que l'on devait le contourner pour marcher de la gaziniere à l'évier. Il y avait également d'autre détail : la température du robinet réglée à l'envers, où des portes grinçantes ayant besoin d'un peu de rabotage...

Mais outre les folies de l'architecte ayant conçu cet habitacle peu pratique, c'était les voisins qui étaient particulièrement embarrassants : il s'agissait de Mr et Mrs Dursley, un vieux couple affublé d'un adolescent grassouillet nommé Vernon, qui tardait à trouver son propre logement et quitter la tutelle financière de ses parents. Vernon passait la plupart de son temps à roder dans les rues, Mr Dursley à comparer sa voiture, sa maison et son jardin avec ceux des Lupin, et Mrs Dursley avait pour activité favorite de les épier, armée d'une paire de jumelle derrière les rideaux de sa cuisine donnant sur leur salon, en se croyant aussi invisible qu'un fantôme.

Espérance et Lyall ne prenaient pas au sérieux le défi « avoir la pelouse plus verte que celle des voisins » mais les Dursley y participaient comme si une somme astronomique d'argent les attendaient si jamais il gagnait la compétition qu'ils avaient eux-même inventée.

Bref, les Dursley se mêlaient sans cesse de ce qui ne les regardait pas, et cela posait souvent problème aux Lupin. Par exemple, Lyall ne pouvait plus sortir sa baguette magique pour laver les couverts après un repas (Mrs Dursley les observaient peut-être), et Espérance n'était pas toujours là pour lui expliquer le fonctionnement du lave-vaisselle. De même, Remus devait faire particulièrement attention à ne pas faire de magie accidentellement. Il ne contrôlait pas encore tout à fait ses pouvoirs, et il lui arrivait que des objets se déplacent d'eux-même quand il était distrait, angoissé, ou bien encore en colère.

Mais le pire avec les Dursley étaient les moments de pleine lune. Même si Remus était enfermé à double tour dans la cave durant ses métamorphoses, et sous la coupe de nombreux sortilège, ses absences régulières, ses marques de griffures qu'il peinait à cacher en plein été, ou encore quelques hurlements inévitables, intriguaient au plus au point Mrs Dursley. La moldue s'imaginait quelconques révélations croustillantes, et éprouvait une fascination malsaine pour la vie privée de ses voisins. Ses jumelles ne la quittaient jamais, et restaient en permanence braquées vers les fenêtres des Lupin.

C'est d'ailleurs pour cela que les allées et venues d'hiboux, ainsi que la visite régulière d'un homme déguisé en père Noël intrigua tout particulièrement Mrs Dursley.

Tout avait commencé au début du mois d'août. Elle était tranquillement en train de tondre sa pelouse, surveillant de quelques coups d'œil ce qui se passait du côté des Lupin quand elle entendait un bruit.

Et, qu'elle ne fut pas sa surprise quand une énorme fiente d'oiseau s'écroula sur son épaule. Elle glapit de dégoût et observa avec écœurement le liquide jaunâtre glisser sur son gilet. Elle se pencha, huma la substance et recula instantanément en détectant un fumet nauséabond qu'elle allait peiner à faire partir de son vêtement.

Mrs Dursley leva les yeux vers le ciel, un torrent d'insultes prêtes à franchir ses lèvres soigneusement recouvertes de rouge à lèvre. Elle s'attendait à voir un pigeon, peut-être une tourterelle, mais certainement pas ça.

Un énorme hibou volait droit vers la maison des voisins. Tenant sans aucun doute un scoop, Mrs Dursley oublia momentanément les déjections qui imprégnaient sa robe, abandonna la tondeuse encore en marche sur de pauvres pousses de tulipes et se précipita vers la haie séparant les deux demeures. Là, dans un trou soigneusement entretenu à travers la futaie, Mrs Dursley observa ce qu'il se passait chez ses voisins.

***

Remus lisait paisiblement un livre, couché à plat ventre sur son lit. Il portait un simple bermuda bleu foncé et un t-shirt beige. Ces vêtements saisonniers ne cachaient rien de ses multiples cicatrices, plus ou moins récentes, qui parsèment ses chevilles, ses mollets, ses bras. Si certains étaient bénignes et dispraîtraient dans quelques mois, voire quelques années, il était évident que la plupart d'entre elles seraient indélébiles.

Une mouche éperdue perturba le silence ambiant, seulement entrecoupé auparavant par le froissement des pages que l'on tournait et une douce respiration. La mouche voleta quelques instants dans la pièce avant de se poser avec soulagement sur la main de Remus.

Les yeux de celui-ci quittèrent la page pour se poser sur la mouche. Il observa calmement ses ailes fines comme du papier, ses yeux globuleux et sa petite trompe chatouillant sa peau. De temps en temps, l'insecte interrompait l'exploration de son épiderme pour entreprendre de se toileter, frottant ses pattes avant avec minutie et lissant consciencieusement ses ailes.

Soudain, quelque chose toqua à la fenêtre de la chambre. Remus sursauta, et la mouche, effarouchée, s'envola aussitôt vers un endroit plus calme ( à savoir une paire de chaussettes sales que Remus avait oublié de mettre dans le panier de lessive ). Ce dernier leva les yeux vers l'origine du bruit, et sentit son coeur partir dans un rythme effréné.

Un hibou.

Là, à la fenêtre, un hibou !

Il lui était déjà arrivé d'en voir plusieurs, et il avait même récupéré plusieurs fois le courrier que son père recevait régulièrement du ministère. Il ne devrait donc pas ressentir autant de hâte, hautant d'espoir et de fébrilité à la vue de ce simple rapace, et pourtant, c'était le cas. Remus, tout au fond de lui, était en effet animé d'un désir impossible à refouler : qu'il soit accepté à Poudlard.

Durant toute son enfance, il avait appris à vivre avec sa deception. Ses conditions de santé ne le laisserait jamais étudier dans la prestigieuse école de magie britannique. Lyall le lui avait répété de maintes fois, presque tous les jours depuis que son fils avait appris l'existence de Poudlard. Et tous les jours, Remus acquiesçait, Remus opinait, Remus n'osait contredir et ne laissait rien paraitre de son amertume. Il étudierait la magie seul, sans amis, sans professeurs, avec pour seuls tuteurs son propre père ainsi que de lourds manuels. Espérance avat déjà tenté de lui proposer d'aller dans un collège moldu, juste pour essayer, mais Remus avait aussitôt refusé : il préférait toutes ses maigres chances de son côté pour ses études de sorcellerie. Il avait des pouvoirs magiques : il appartenait donc au monde de son père, et non à celui de sa mère, bien qu'il l'appréciat tout autant.

Néanmoins, durant toutes son enfance, Remus nourrissait un rêve inateignable, un espoir trompeur : qu'il reçoive tout de même sa lettre de Poudlard malgré sa condition, ou bien qu'un remède miracle fasse son entrée dans le domaine de la lycanthropie. Si cette dernière solution inespérée n'avait pas eu lieu, il croyait toujours en la première.

Alors, oui, quand Remus vit le hibou e face de lui, il était incapable de nommer la foule de sentiments qui se déchaînaient en lui. Il abandonna son livre, oubliant momentanément d'y glisser son marque-page. Il se leva et s'avança, d'un pas léger, comme dans un rêve, les yeux fixés sur l'oiseau nocturne.

Il ouvrit la fenêtre. Une lettre était accrochée à la serre reptilienne du hibou. Remus l'enleva, abasourdi de voir que tout était réel. On ne pouvait pas toucher un mirage. Visiblement agaçé de la stupéfaction de son destinataire, le rapace battit des ailes avec impatience, avant de s'envoler rapidement dès le, courrier enfin détacher de lui.

N'ayant même pas remarqué le comportement préssé de son livreur, Remus resta longuement immobile, les yeux fixés sur les mots s'étendant sous ses yeux, juste au-dessus de l'écusson de Poudlard.

Remus Lupin

29 Neilbolt Street, Preston ( Lancashire)

Première chambre donnant sur la rue.

Un lettre de Poudlard, pour lui ! Remus Lupin !

Le garçon tenta de se raisonner : cela était juste une formalité. L'établissement lui confirmait juste son incapacité d'accueillir quelqu'un comme lui. Rien d'autre : il ne pouvait pas être accepté...

Et pourtant, ses doigts ouvrirent la lettre avec une joyeuse fébrilité. Le message qui lui était adressé s'étendait sur un parchemin entier, d'une écriture fine et joliement parée de boucles calligraphiques.

Cher Mr Lupin,

Nous sommes ravis de vous informer que vous avez été accepté dans la prestigieuse école de sorcellerie de Poudlard...

Remus ne put en lire davantage. Il éclata en sanglots, des sanglots de joie, de soulagement, de peine également à l'idée que toute cette mise en scène était l'unique fruit d'une lamentable erreur admisitrative. Il tourna les talons, sans prendre la peine de fermer la fenêtre.

Il n'avait même pas remarqué les coups d'œil estomaqués de Mrs Dursley à travers la haie du jardin.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top