Remus Lupin
Iza avait tellement aimé la soirée pyjama avec Remus ( et ce dernier également ) qu'elle lui proposa presque aussitôt de reproduire l'expérience le samedi de la semaine suivante. Son ami, bien qu'il eût été ravi de la revoir, se vit obligé de refuser.
- Notre grand‐mère vient chez nous, mentit-il, alors qu'ils discutaient à travers la haie qui séparait leurs jardins. Mon papa préfère que l'on reste en famille.
- Oh, pas grave... Une autre fois, alors ?
- Oui, sans problème.
Remus déglutit avec difficulté, ravalant l'effroyable vérité qui lui éritait la gorge. En réalité, Remus était indisponible tout simplement parce que cette nuit là, il ne serait pas Remus. La pleine lune le changerait, et il ne pouvait rien y faire.
***
Le pire dans tout cela, c'est que Remus n'aurait plus jamais l'occasion de refaire une soirée pyjama avec Iza.
En effet, peu après la pleine lune, ses parents lui annoncèrent avec gravité qu'ils allaient de nouveau déménager, cette fois au cœur du Lancashire.
En entendant la nouvelle, qu'il savait inévitable pour leur sécurité ( cela faisait à présent près d'un an qu'ils logeaient en Ecosse) Remus n'avait pu retenir ses larmes. Espérance, redoutant tout autant que son fils la rupture de cette amitié avec Iza, avait tenté de le consoler, mais il demeurait furieux envers ses parents, les circonstances et tout particulièrement envers lui-même.
- On ne part que dans deux semaines, tu as le temps de lui faire tes adieux...
C'est ainsi que, le lendemain, Remus et Iza se retrouvèrent dans le jardin de cette dernière, assis côte à côte sous un arbre, un jeu de carte entre eux. C'était la cinquième partie consécutive que la jeune fille remportait avec une facilité déconcertante, tandis que son adversaire élaboration ses vaines stratégies sans beaucoup d'enthousiasme.
- Waouh, tu n'es vraiment pas dans ton assiette, aujourd'hui ! finit par commenter Iza en remportant d'un seul coup la moitié du paquet de Remus.
- Désolé. Je suis un peu fatigué.
Ce qui était par ailleurs tout à fait visible : il n'avait pas encore réussi à chasser les dernières cernes soulignant ses yeux.
- Au fait, j'ai une super bonne nouvelle ! déclara soudainement Iza en frétillant d'exitation. Mes parents m'ont fait une surprise pour les vacances : nous partons dès demain à la mer, au sud du Pays de galle !
- De... Demain ? répéta Remus, incrédule. Et pour combien de temps ?
- Deux semaines entière ! Je suis trop contente ! Même si tu vas me manquer, bien sûr, ajouta-t-elle avec une pichenette complice sur son épaule.
Remus crut que son cœur allait être réduit en morceau. Il s'était promis d'annoncer dans quelques jours son d'emménagement imminent à son amie, mais celle-ci serait donc partie en vacances. C'était donc la dernière fois qu'il voyait Iza.
Il tenta de parler, de lui avouer ce qui était à ses yeux la pire nouvelle de tous les temps, mais Iza l'interrompit au moment même où il prenait une grande inspiration :
- Au fait, j'ai un cadeau pour toi !
Elle fouilla dans une poche de son pantalon : un joli jean qui moulait ses cuisses dont la courbure était à peine féminine. Elle en sortit un emballage de kinder qu'elle dissimula dans son autre poche, ainsi un petit bracelet de tissu. Elle le brandit sous les yeux de Remus avec un large sourire, et il eut tout le loisir d'admirer ses joyeuses couleurs rouges et jaunes.
- C'est moi que j'l'ai fait ! indiqua Iza avec fierté.
Il y avait effectivement ces quelques imperfections faites maisons qui rendait le présent d'autant plus charmant : des mailles maladroites, un fil retourné ou pelucheux, un nœud de la mauvaise couleur...
Remus avait l'impression que c'était la plus belle chose qu'il n'avait jamais vu. Il en avait la gorge nouée.
- Alors, ça te plaît ? insista Iza.
Il hocha la tête.
- C'est...c'est super gentil ! C'est un bracelet brésilien, c'est ça ? Il est magnifique ! Et j'adore les coloris.
- J'espérais que ça te plairait, tu aimes bien les couleurs chaleureuses.
- C'est vrai, oui !
- Tu me tends ton bras ?
Remus s'exécuta, sentant un sourire ému fleurir sur ses lèvres. Ce n'était vraiment pas grand chose, mais c'était le tout premier cadeau qu'il reçevait d'une amie.
Iza se pencha sur son poignet, ignorant une petite griffure à peine refermée sur le revers de sa main. Elle avait compris depuis longtemps qu'il ne valait mieux pas l'interroger là-dessus : à chaque fois, Remus se refroidissait et quelque chose de très sombre remuait dans son regard. Malgré sa curiosité, elle ne voulait pas connaître ce Remus-là. Elle espérait juste qu'il ne s'agissait pas de problèmes familiaux.
Après tout, elle s'en fichait bien de savoir ce qu'il y avait ou pas. Elle avait l'intuition qu'un jour, Remus lui en parlerait lui-même.
- Il faut que tu fasses un vœux, dit-elle. Quand le bracelet se détachera, il se réalisera !
- Oh.
Remus sentit ses doigts lui effleurer la peau alors qu'elle nouait le bracelet autour de son poignet. Une dizaine de souhaits flottaient dans son esprit, mais l'un d'eux sortait nettement du lot de pensées, comme une évidence :
Que je soit accepté à Poudlard.
Le bracelet retomba sur son bras avec douceur, noué.
***
Ils se séparent en fin d'après-midi, Iza lumineuse, et Remus très sombre derrière son sourire.
Il n'avait pas pu se résoudre à annoncer son déménagement. La bonne humeur d'Iza était trop belle pour être brisée.
Quand ils se préparèrent à se quitter,
Remus la regarda quelques instants, comme voulant graver ces derniers moments dans sa mémoire afin de pouvoir les revivre à tout loisir plus tard, quand il penserait à elle. L'ombre des feuilles des arbres dansaient sur son visage entre deux constellations d'éphélides, alors que ses yeux marrons saississaient les éclats du soleil.
- Bon, bah, bonne vacances, fit-il en se retenant de pleurer. Tu... tu vas me manquer.
Iza esquissa un franc sourire.
- Moi aussi ! Mais t'inquiète pas, je penserais à toi quand je serais à la plage, dit-elle avec un coup de coude destiné à le rassurer.
- Moi aussi je penserais à toi, Iza. Moi aussi, murmura-t-il.
***
Deux semaines plus tard.
***
Iza avait toujours été très rousse. Des cheveux de feu, une peau claire qui en faisait ressortir davantage des centaines de petites taches brunes, dispersées sur son corps comme si un artiste fou l'avait aspergée de peinture à sa naissance. Au soleil, ces dernières brunissaient davantage, à un tel point que certaines fusionnaient entre elle, formant les joyeuses éclaboussures de l'été sur son épiderme.
Ainsi, à son retour de deux fabuleuses semaines à la mer, la jeune fille était presque méconnaissable derrière ce masque estival. Outre le baiser du soleil, elle avait remporté avec elle d'autres souvenirs tel que des piqûres de moustiques, des coquillages, des chaussettes pleines de salles et, spécialement pour Remus, une carte postale afin qu'il puisse lui aussi décorer sa chambre, qu'elle avait toujours trouvé trop sobre et de personnalisée.
Le lendemain de son retour, une fois les valises défaites, la maison dépoussiérée et ses résidents passés méticuleusement sous la douche pour faire disparaître toute trace de grains de sable entre les doigts de pieds, Iza réussit enfin à s'extirper de sa maison, où sa mère attaquait la tonte de la pelouse avec un acharnement tel que l'on se demandait si ce n'était pas elle qui avait taillé les buissons à la française du jardin de Versailles.
Iza fila à toute allure chez les Lupin, ébouriffant ses cheveux tout juste coiffés ( ils avaient légèrement poussés et n'étaient plus aussi disciplinés que sa mère le voulait). Elle avait glissé la carte postale dans une poche de son pantacourt, bien à l'abri des mains chapardeuses du vent écossais.
Une fois arrivée, elle ne prit même pas la peine de patienter au portail et enjamba celui-ci avec une facilité déconcertante. Elle atteignit directement la porte et martyrisa la sonnette d'entrée, s'imaginant avec délice que Remus sursautait alors qu'il était plongé dans un de ses abominables pavés.
Elle attendit sur le péron, trépignante, sollicitant de nouveau sur le bouton à l' intervalle régulière de 5 secondes. Elle entendait l'agréable carillon résonner à l'intérieur.
Mais personne ne vint lui ouvrir.
Un peu agacée, elle délaissa la sonnette pour frapper à la porte énergiquement. Si jamais c'était Espérance, ou bien le père de Remus qui lui ouvrait, elle s'excuserait poliement du dérangement avant d'aller liquéfier leur fils sur place afin de le punir d'avoir torturée sa fragile patience.
- C'est moi, je suis rentréeeee ! clama-t-elle joyeusement, une touche de dépit dans la voix.
Puis, comme elle réalisa que seule le vent capricieux lui répondait, elle se retourna et constata l'absence de la voiture d'Espérance garée devant le portail.
- Remus ? appela-t-elle d'une voix un peu plus incertaine.
Elle supposa que les Lupin étaient partis eux aussi en vacances. Comme ils étaient voisins, Remus et Iza n'avaient jamais pris la peine d'échanger les numéros de téléphone de leur domicile. Ainsi, il n'avait pas pu la prévenir de leur départ... Ils seraient probablement de retour très bientôt.
Un peu déçue mais rassurée, Iza refit le chemin inverse tout en se promettant de revenir dès demain vérifier son ami était de retour. Cependant, en repassant devant la boîte aux lettres débordante de pubs et de courriers abandonnés, elle remarqua que quelqu'un avait retiré l' étiquette au nom de habitants de la petite maison.
Soudainement prise d'un terrible doute, Iza pivota sur elle-même et détala vers leur maison. Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine, et ce n'était pas seulement à cause de cette course effrénée.
Elle fit le tour de la maison, et, à la hauteur de l'une des fenêtres du salon, elle se hissa sur la pointe des pieds regarda à l'intérieur. Dérangée par la luminosité extérieure, elle mit ses mains en visière afin de distinguer quelque chose. Mais malgré cette précaution, elle ne vit rien du tout.
Elle réalisa alors qu'il n'y avait plus rien à voir. S'il elle ne voyait aucun meuble, aucun tapis, aucune lumière et aucun membre de la famille Lupin, c'était tout simplement parce n'y en avait pas.
La maison était entièrement vide. Comme si elle n'avait jamais été habitée.
Désespérée, Iza refit le tour de la maison. Mais il n'y avait rien, plus aucune trace d'eux, de leur passage, de Remus.
- Ils ont déménagés... murmura-t-elle, atterrée.
Ainsi mise devant le fait accompli, elle ne put se résoudre à tenter de comprendre ce qu'il se passait. Elle se questionna même un bref instant sur leur existence, si elle n'avait tout bonnement pas imaginé Remus.
Elle se laissa glisser contre un mur, incapable de nommer le vide qui s'installait en elle. Elle aurait presque préféré éprouver une tempête de sentiments, au moins pour se sentir un peu vivante en cet instant, et non détachée d'une réalité qu'elle ne pouvait pas accepter dès maintenant.
C'est pas possible. Remus n'aurait pas fait ça. Si ?
Puis, au final, et laissa sa tête tomber lourdement entre ses genoux, comme emportée par le poids de bons souvenirs devenus douloureux.
On ne lui avait jamais fait un coup pareil. C'était trop énorme !
Pour la première fois depuis longtemps, elle sentit des larmes inonder ses paupières. Elle qui avait toujours pensé que pleurer était pour les faibles, les petites filles innocentes qui n'avaient que ça à donner, les dépressifs et les cuisiniers avec leurs oignons, elle se rendit compte que s'était le meilleur moyen qu'elle avait pour évacuer le choc qu'elle éprouvait.
C'est pas possible... pas possible...
Elle resta immobile quinze, trente, puis quarante minutes.
Elle finit enfin par sécher ses larmes, un peu honteuse, et abandonna par terre la carte postale, incapable de la reprendre. Elle retourna chez elle d'un pas mécanique, sans même envisager de marcher sur les bords du trottoir comme elle en avait l'habitude.
Quand elle pénétra dans la maison, sa mère ouvrait le courrier qui s'était accumulé durant leurs absence. Iza ne lui accorda pas le moindre regard, et s'apprêtait à monter s'isoler dans sa chambre. Mais sa mère l'interpella :
- Tu n'es pas allée chez les Lupin, finalement ?
- Non, grommela-t-elle.
Elle gravit quelques marches avec lenteur. Soudain, sa mère sortit de la pile de publicités et de factures une minuscule enveloppe soigneusement refermée par un petit sceau de cire.
- Tiens, Elizabeth, dit-t-elle. Je crois que Remus t'a envoyé une lettre... Quelle drôle de cachet de cire, très original, tiens...
Soudainement prise de colère, Iza s'approcha et lui arracha la missive des mains, avant de la déchirer avec fureur.
Elle en sortit un bracelet brésilien, bleu pervenche et vert pomme, aussi imparfait que les siens. Avec, un petit mot, sybillin mais rédigé avec application :
Je suis désolé.
Remus.
Et elle éclata de nouveau en sanglots.
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