Remus Lupin
Suite à un énième déménagement, la famille Lupin s'installa dans un confortable village écossais, Achnacarry, dans une ravissante petite maison de pierre locale, bordée d'autres habitations tout aussi typiques. L'air des highlands balayait le toit avec son engouement habituel, mais la bâtisse semblait accoutumée à ces conditions météorologiques agitées et résistait vaillamment, refusant de céder une tuile, même la plus moussue, au vent.
La saison préférée de Remus dans cette région était l'été. Quand le ciel écossais s'adoucicait un peu et laissait le soleil percer ses nuages, des rayons d'or tombaient sur lochs et forêts, illuminant les grandes étendues sauvages, Stonehenges et troupeaux de moutons blasés. L'air s'y réchauffait, mais souvent, le jeune garçon restait chez lui.
Il n'était plus scolarisé dans les écoles moldues. Lorsque ses dons magiques furent devenus évidents, son père insista pour qu'il suive un cursus d'études adapté à ses talents. Espérance, qui s'occupait depuis longtemps d'assurer les devoirs de mathématiques de son fils, avec des problemes affreux de baignoires trouées, laissa avec soulagement le père prendre le relais. Lui-même, un jour, laisserai les professeurs de Poudlard s'occuper de son apprentissage.
Du moins, c'était ainsi que Remus l'espérait. La question de Poudlard n'avait jamais étée abordée à la maison. C'était un sujet que la famille évitait soigneusement, malgré tous les livres que Remus avait lu traitant de l'école de sorcellerie. La raison pour laquelle ce sujet fondamental était évité était évidente : ses conditions de santé ne pourrait jamais le laisser partir à Poudlard, pour sa sécurité et celles des autres élèves.
Au fond de lui, le jeune sorcier imaginait diverses solutions pouvant pallier ce problème. Quelques unes, mûrement réfléchies, flottaient dans sa tête, mais disparaissaient aussitôt lors des pleines lunes, lorsqu'il réalisait avec horreur que ses métamorphoses en loup-garou devenaient de plus en plus violentes et douloureuses au fur et à mesure qu'il grandissait.
Autrefois, il suffisait à ses parents de l'enfermer à double tour dans une pièce de la maison. Sa forme lupine alors qu'il était en bas-âge n'était pas assez puissante pour réaliser de réels dégats, ni sur lui-même, ni sur ce qu'il l'entourait. Puis, petit à petit, son père avait ajouté de plus en plus de sortilèges destiné à garder Remus enfermé lors de ses transformations. Des enchantements renforçant portes, murs et fenêtres, ou encore en distribuant des maléfices silencieux à tour de bras pour étouffer tout le bruit que la bête provoquait. Et la trousse à pharmacie était sans cesse un peu plus complète.
Récémment, Remus avait presque réussi à enfoncer la porte du garage où il était enfermé lors de la dernière pleine lune. Le choc qu'il avait fait lui avait laissé des écchymoses sur l'épaules, si profondes que la zone était encore sensible. Quant à la porte du garage, elle était à présent parcourue de larges fissures, que son père n'avait pas encore eu le temps de combler à l'aide d'autres maléfices. La famille Lupin réfléchissait sérieusement à d'autres moyens de contrôler le loup, mais pour l'instant, aucune solution durable n'avait été encore envisagée.
En attendant, Remus se concentrait sur son travail. Apprendre et être un élève modèle, essayer d'être le fils le plus doux et serviable possible, sourire à la moindre remarque, était le seul moyen de compenser le fait qu'il se changeait en monstre une fois par mois. Mais malgré tous ses efforts, les lueurs de fierté qu'il parvenait à créer dans le regard de ses parents, en particulier de son père, disparaissait en un clin d'oeil au moment de s'éclipser pour les nuits où il devenait incontrôlable. Il avait l'impression d'entretenir un feu capricieux dévorant un bois mouillé, et que dès qu'il devait cesser quelques minutes sa surveillance, celui-ci s'évanouissait aussitôt.
Ainsi, l'atmosphère dans la maison, quand elle n'était pas studieuse, était le plus souvent lourde et chargée de non-dits, de pensées furtives à peine évoquées. Cela rendait les pièces suffocantes, les embrassades tendues, piquantes. Hors, le temps pluvieux de l'Ecosse lui permettait rarement de prendre l'air seul. Il se baladait alors avec sa mère, qui était bien plus douée que son père dans l'art de détendre l'atmosphère et d'innover dans des sujets de conversation légers et dénués de sous-entendus malaisants.
Alors, quand le temps le permettait, Remus sortait de la maison et s'allongeait sous l'arbre bordant son jardin. À 16 h 34 précise au printemps, le soleil éclairait l'endroit, illuminant les pages du livre que Remus se plaisait à lire. Il passait la plupart de ses après-midi ici, tranquille, ayant pour seul conversation celle des personnages affairés dans ses romans.
Cependant, un beau soir de juillet, durant le début des grandes vacances scolaires, l'amitié ne fut plus un simple concept imaginaire.
- Salut !
Il avait sursauté et relevé la tête, mais il n'y avait personne. Il fronça les sourcils, se demandant s'il n'avait pas rêvé, mais un visage apparu soudain devant lui, à l'envers, à quelques centimètres seulement de son propre nez.
- Bouh !
- Aaaah! s'écria Remus.
Il referma son livre précipitamment, oubliant momentanément d'y glisser son marque-page.
Le visage éclata soudain de rire, et il réalisa qu'il s'agissait en réalité d'un enfant suspendu par les jambes par les branches au-dessus de lui. L'intru se laissa tomber devant lui avec une agilité surprenante, et il put enfin l'observer plus attentivement.
Il avait tout d'abord pensé qu'il s'agissait d'un garçon en raison de ses cheveux roux coupé courts, mais les rondeurs de ses joues , son nez retroussé et sa bouche esquissant un sourire malicieux appartenaient à une jeune fille qui avait probablement son âge. Ses yeux bleus pétillaient d'une lueur particulière, qui calma aussitôt la crainte qu'avait éprouvé le jeune garçon.
- Bahaha ! Je t'ai fait peur, hein ? dit-elle.
- Co... Comment tu es entrée dans notre jardin ? balbutia-t-il, perplexe.
- J'habite dans la maison d'à côté, répondit-elle. J'ai grimpé dans l'arbre de mon jardin, avant de venir sur le vôtre.
Il leva les yeux vers les branches voisines. En effet, celles-ci s'entrelaçaient avec celle d'un tilleul par-dessus la haie séparant les deux maisons. Remus était impressioné : il fallait avoir une certaine agilité pour parvenir ici de cette manière.
- Mes parents travaillent, et j'ai rien à faire. Comme tu lisais tout seul, je suis venue voir si je pouvais parler, pour ne pas m'ennuyer, ajouta-t-elle.
- Euh... Eh bien...
- Merci !
Elle s'assit juste devant lui, et par inadvertance sur le marque page qu'il avait laissé par terre. Il resta bouche-bée, complètement pris au dépourvu.
- Comment tu t'appelles ? questionna-t-elle pour lancer la conversation.
- Remus, et toi ?
- Remus? C'est un drôle de prénom ! Ça rime avec "fœtus" "typhus" et "anus", mais pourquoi pas ?
Il rougit, gêné, et elle éclata de rire.
- Désolée ! dit-elle presque aussitôt. Personnellement je déteste mon prénom, même si c'est celui de la reine.
- Élizabeth ?
- Ouais. C'est moche, n'est-ce pas ?
- Ça rime avec "trompette", "raclette" et "cuvette", mais pourquoi pas ?
Elle s'esclaffa et il l'imita, appréciant de plus en plus cette conversation inopinée.
- Appelle-moi plutôt Iza. C'est plus court, résuma-t-elle.
Ils se sourirent avec amicalité. Puis, Iza plissa des yeux et désigna le visage de Remus.
- Tiens, t'as quoi, là ?
Il effleura du bout des doigts ses cicatrices, vieilles blessures encore douloureuses. Il savait qu'elles s'estomperaient davantage au fur et à mesure du temps, mais elles resteraient toujours trop visibles à son goût.
- Je... Je suis tombé et... mentit-il.
Iza, pourtant visiblement impulsive et énergique, saisit aussitôt un malaise dans l'atmosphère et n'insista pas. Elle changea habilement de sujet :
- T'inquiète, ça fait classe ! Moi aussi j'ai une cicatrice, regarde !
Elle souleva son t-shirt, révélant un ventre tout aussi couvert de taches de rousseurs que ses joues. Tout en bas, Une impressionnante cicatrice traversait les constellations d'éphélides comme la trajectoire d'une étoile filante.
- Je me suis fait opérée d'un truc au nom super bizarre. On m'a enlevé un bout de l'intestin parce que sinon je n'aurais plus pu manger.
- Oooh.
Remus se pencha. Il avait toujours trouvé impressionnant que l'on puisse éventrer des gens, tripoter leurs entrailles et les recoller sans les tuer.
- Est ce que tu as eu mal ? demanda-t-il avec un note d'inquiétude mêlée de curiosité.
- Non. J'étais toute petite. Et puis on m'a endormie, tu sais.
- Oh.
Iza se pencha sur lui, tentant de lire quelque chose du livre que tenait Remus. Elle fronça comiquement les sourcils en aperçevant les interminables paragraphes.
- Tu lis quoi ? On dirait l'un des affreux bouquins que mon papa garde dans son bureau.
Les joues de Remus rosirent. Il glissa un peu trop brutalement son ouvrage derrière lui, dissimulant le titre Animaux fantastiques, Vie et Habitat, de Norbert Dragonneau. Iza lui semblait fort sympathique, en revanche, il supposait qu'elle était une moldue. Et lui, un sorcier. Ils appartenaient à deux mondes différents.
- Ma grand-mère me l'a offert pour mon anniversaire, bafouilla-t-il.
Il ne mentait même pas : Remus avait eu huit ans la semaine dernière et Mamie Eve lui avait généreusement offert toutes la collections de livres du célèbres magizoologiste.
- Tu aimes lire ? dit-elle rhétoriquement. Moi j'aime bien aussi, mais seulement les bandes dessinées. Sinon, je trouve cela ennuyeux et les interminables phrases me donnent mal à la tête.
- Tu devrais peut être porter des lunettes ? Pour éviter les migraines.
- J'en ai déjà, mais je ne les portes pas. Elle me donne un air d'intello absolument affreux !
- Alors tu n'es pas prête d'attaquer de gros bouquins, toi !
Ils se sourirent.
Une brise fraîche caressa leur peau, les faisant frissonner. Le soleil disparu soudainement derrière un vicieux nuage, dont la taille importante indiquait qu'il éclipserait la lumière plusieurs dizaines de minutes. Iza leva les yeux vers le ciel avec critique, et avisa le simple t-shirt qu'elle portait.
- Eh, ça te dirait, un goûter chez moi ? Ma maman a fait du brownie au chocolat.
L'estomac de Remus gronda aussitôt à la mention du mot " chocolat". Le bruit, aussi fort que celui de l' orage en approche, les fit rire tous les deux.
- On dirait que ton ventre est plutôt d'accord ! Alors, tu viens ?
Il acquiesça, avait de préciser qu'il fallait tout d'abord qu'il previenne sa mère qu'il quittait le périmètre familier de la maison. Iza le laissa faire, l'attendant dans le jardin en arrachant des brins d'herbes distraitement. Espérance donna aussitôt son accord, heureuse que son fils lève le nez de ses livres pour faire connaissance avec les enfants du voisinage.
Quelques minutes plus tard, il ressortit, souriant, et suivit Iza qui avait hurlé un joyeux " Bonjour Madame la maman de Remus !" depuis le jardin. Aveuglé de bonheur à la perspective d'une nouvelle amitié, il ne remarqua pas le regard soucieux que lui jettait son père depuis une fenêtre, à l'étage.
***
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